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Maïline Beïmbete «Aïranbaï»

23.11.2013 1232

Maïline Beïmbete «Aïranbaï»

Язык оригинала: «Aïranbaï»

Автор оригинала: Maïline Beïmbete

Автор перевода: not specified

Дата: 23.11.2013

Ceux qui franchissent le seuil de la maison d’Aïrabaï, tout de suite comprendront ce que son maître fait. Il y a une planchette noire sale sur les genoux d’Aïrabaï: de petits morceaux de cuir, les débris des fils filoniens se traînent autour de lui, il y a une alêne, un couteau, un affiloir, des bois, une aiguille.

Aïrabaï, dans un gilet en peau de mouton, coud une nouvelle empeigne à la vieille tige. Chez lui, en pinçant les morceaux de forme bizzare, une fille ébouriffée joue.

Aïrabaï n’est pas joli en ce qui concerne le visage, et il est à peine vu de derrière la barbe hirsute de goudron. En rencontrant Aïrabaï, on peut penser involontairement: «Il a une cinquantaine d’années, ce chaïtan». Les sourcils sont lugubrement froncés et il semble qu’une telle colère écume en ce chaïtan qu’il est prêt à mettre en pièces tout ennemi inconnu. Voilà il a tendu le ligneul avec force et a frôlé avec un coude la fille, survenue sous la main. En se retenant à peine, il l’a repoussée:

-Et qu’est-ce qu’il y a, la pauvre! Combien de fois j’ai dit: ne t’approche pas de moi quand je travaille.

La fille a regardé son père d’un air coupable, les larmes ont brillé dans ses yeux.

            -Ils...ne jouent pas avec moi...Ils m’offensent, - a-t-elle balbutié comme si elle s’excusait qu’elle était obligée de rester à la maison.

            Une femme immense furieuse a fait irruption dans la hutte comme une trombe de steppe.

            -Voilà sont tes parents! Tu vas creuver et on ne te regarde pas!..

 

La femme portait une vieille robe rapiécée à la va-vite, un foulard crotté, entièrement en pièces, elle avait les bottes non tannées, usées jusqu’à la blancheur. A juger sur la mine féroce, elle s’est bien querellée avec Aïrabaï et était prête à le saisir à la première occasion. C’était sa femme Raouchan.

Tout à fait inattendu  on a frappé Aïrabaï de l’impôt de dix pouds de blé et il a décidé d’aller dans la ville avec une plainte. Il a décidé mais il n’avait rien à mettre, les bottes s’étaient complètement tombées en ruines. Ce n’était pas possible de faire une nouvelle empeigne des bouts et des morceaux, et il a envoyé Raouchan chez Kemelbaï pour prendre du cuir. Kemelbaï et Aïrabaï étaient les parents. Si Aïrabaï manquait quelque chose, il s’adressait à Kamalbaï tout de suite. Cette fois-là il a envoyé la femme. Et elle était dans une querelle aigue avec la femme de Kemelbaï. Il s’est trouvé que les femmes étaient assises près d’un seul tabac au dernier toï et elles se sont querellées à cause d’un morceau de viande. Ce n’était pas du tout Raouchan qui a provoqué le scandale. La femme de Kemelbaï, offensée par le fait qu’on l’avait mise près de la pauvre, a commencé, encore avant le commencement du repas, à donner la viande aux enfants qui se pressaient près de la porte. En sentant que la viande  disparaissait jsute à vue d’œil, Raouchan a saisi la vertèbre cervicale du plateau et était en train de la fourrer à sa fille, quand la femme de Kemelbaï a crié: «Mets! D’où toi, une telle gloutonne errante, es venue? A cause de toi personne n’aura même un petit morceau!» - et a arraché l’os de ses mains. Les vieilles femmes, céremonieusement asssises près du tabac principal, ont fixement regardé Raouchan. «La pauvre! Est-ce que tu es venue de la contrée stérile? Et pourquoi tu t’es jetée à la viande?!» Il s’est trouvé comme si Raouchan était coupable de tout. Depuis ce moment-là elle passait la maison de Kemelbaï de loin. Tout l’aul y allait pour boire du koumis et Raouchan ne le faisait jamais. La femme de Taïbagar, la vieille amie de Raouchan, la fournissait rarement des cancans de la maison de baï.   

 

«Evidemment, cette birbe perdra la boule bientôt. Elle m’a rebattu les oreilles tandis que j’ai filtré un tostagan de koumis. Elle ne parlait que de toi. Elle se disait: «Qu’elle enrage, la canaille...Qu’est-ce qu’elle peut me faire encore...» Raouchan s’enflammait encore plus à cause de telles nouvelles.

-Dieu sait! Que mes yeux ne voient pas cette canaille! Je vais mourir de faim mais je ne franchirai pas le seuil de sa maison!

            Et voilà que son mari a eu une idée de l’envoyer chez Kemelbaï. «Pour rien au monde!» - Raouchan s’est obstinée. C’était alors qu’Aïrabaï a jeté la forme en elle. En comprenant, que cela ne finirait pas par ça, Raouchan est partie dans la maison haïssable. Et voilà maintenant, complètement enragée, elle est revenue.

            Elle  s’est installée près du poêle et elle a tout de suie jeté un regard sur la forme noire, celle avec laquelle Aïrabaï a atteint son genou.  Raouchan l’a saisie avec colère comme si c’était elle qui était la raison de tous les malheurs et l’a lancée contre le mur, où se trouvait un seul coffre – comme un dent corrodé dans la bouche d’un vieillard cacochyme - sur l’accotoir bancal. La forme s’est heurtée avec fracas contre lui.  

Aïrabaï a tressailli et a levé la tête:

-Uuu, la chienne! Sus, casse!..

 

***

Pourquoi Kemelbaï n’a pas donné un morceau de cuir et qu’est-ce que sa femme a répondu, Aïrabaï n’a pas demandé Raouchan en détail. Pour quelle raison? La femme de Kemelbaï était une rare méchante. Une telle femme pouvait donner un coup de genou au lieu de cuir, et en plus Raouchan est allée chez elle en se dominant, ayant peur des coups. Alors maintenant en se mettant en colère, elle pouvait dire n’importe quoi. Elle pouvait tourner chaque mot de façon qu’on ne comprenne pas où est la vérité ou le mensonge.

Et c’était une affaire indigne de se quereller avec un parent à cause des cancans de femme. Et Aïrabaï a bien appris cette vérité du défunt Jaquet. Celui-là disait: la femme était Azrail qui semait la discorde entre les hommes.

 

Et comme Aïrabaï n’attachait pas de l’importance lui-même aux cancans des femmes, il préférerait que les autres agissent de la même manière. Kemelbaï aurait pu lui rendre service. Chaque fois, en y pensant,  Aïrabaï éprouvait un dépis étrange. Dernièrement ce sentiment le visitait plus souvent. Ce n’était pas une fois, s’étant offensée, Aïrabaï décidait en pensée de ne plus fréquenter Kemelbaï, mais puis après avoir bien dormi, il oubliait tout de suite l’offense et sa décision et partait chez lui au koumis. En plus Kemelbaï avait une telle particularité: dès qu’il remarquait qu’Aïrabaï boudait, il commençait tout de suite à faire des courbettes, rechercher les bonnes grâces, et disait à son fils – petit bêta: «As-tu dit bonjour à l’oncle?», «Alors, donne du koumis à ton oncle!» Après cela toute l’offense disparassait de l’âme d’ Aïrabaï, et il se croyait même heureux ayant Kemelbaï comme parent, un homme tellement riche et respectable.  

Et cette fois-là Aïrabaï essayait de se consoler, en croyant que tout ça était un simple malentendu, pourtant au lieu de la consolation il n’y avait qu’une irritation sourde qui émergeait obstinément. Et Raouchan n’était pas la raison de cet état, comme il le voudrait, mais Kemelbaï lui-même. Et tout de suite il s’est rappelé que Kemelbaï entrait dans la commission qui l’avait frappé de l’impôt sur la récolte qui n’existait pas.  Et celui-là savait très bien que rien n’a levé chez Aïrabaï maintenant, qu’il n’avait pas cultivé même une poignée de millet. Il parlait de cela pendant six mois – chaque fois quand il venait chez Kemelbaï pour boire du koumis, il entreprenait cette conversation. Ceux qui semaient dix ou vingt parcelles de terre, ont facilement payé l’impôt, et Aïrabaï est brusquement tombé dans le malheur, et avant tout il en accusait Kemelbaï. Quand l’aulnaï est venu pour prendre l’impôt,  Aïrabaï s’est jeté chez son parent et lui a dit plusieurs mots amers en face. Et maintenant Kemelbaï lui a même ménagé un bout de  cuir. Cela a tout à fait mis Aïrabaï hors de soi. Il a enlevé un nassybaï de dessous de la lèvre, l’a rejeté en chiquenaude et a demandé: 

 

-           Il n’a pas été à la maison, non?

-           Si, il était.

-           Et il n’a pas ordonné de donner?

-           Attends! Est-ce qu’il ordonne... Celui-là, ton parent, a dit: «Ces quémandeurs vont nous dévaster bientôt...Est-ce que tu vas me croire? Tu peux seulement te disputer. Et toi-même, tu ne vois rien, ne comprends rien. Kemelbaï t’a frappé de l’impôt. Oui, oui! Hier de nouveau Margan a bu du koumis chez eux et lui, ton parent, disait: «Qu’est-ce que c’est pour lui dix pouds de blé?! Il nous a écorché plus pour le travail».  As-tu entendu?..Et qu’est-ce qu’il a donné? Tu lui coud toute la vie et on n’a pas obtenu un fil pourri de lui...

 Aïrabaï a soupiré:

-Est-ce que les chiens se rappellent de bonnes choses?

            Ayant dénoué les fils filoniens, il s’est mis de nouveau à coudre. Ses pensées étaient loin. Il a commencé à se rappeler tout le bien et le mal qu’il avait eu à cause de Kemelbaï et de différents autres baïs.

            Tout son passé était l’obscurité. Il se peut qu’il n’y ait aucun clair rayon dans cette obscurité. Autant qu’il se rappelait, il tirait les tendons en travaillant à Kemelbaï et ses semblables ; et il n’a rien gagné pour son travail. Il était  même inconnu pour lui ce qu’il avait fait, ce qu’il avait obtenu, à quoi il avait dépensé ses forces, sa santé, ses efforts...En pensant ainsi, Aïrabaï s’est souvenu soudain de l’instructeur, qui était venu dans l’aul il y a une semaine. Il était encore tout jeune, mais quand il commençait à parler, il ne pouvait pas s’arrêter. Chaque deuxième mot concernait les pauvres, que les baïs obtenaient le fruit de ses travaux. Qui faisait paître le bétail de baï? Le pauvre! Qui fauchait le foin aux richards? Le pauvre! Et qui utilisait ce foin? Le baï! Le pauvre travaillait et le richard jouissait d’un bonheur parfait. Voilà que tu as à quoi penser, le pauvre, comment et quoi!»  Réfléchis bien!.. 

            Et il est bien dit. Aïrabaï avait maintenant quarante ans. Qu’on ne compte pas la première partie de ma vie, mais vingt ans de suite il travaillait d’arrache-pied sans repos. Et qu’est-ce qu’il a gagné?

 

Il se surmenait jour et nuit, mais il n’était pas encore rassasié, habillée, chaussé. Et Kemelbaï n’a pas cueilli un seul faisceau d’herbe dans toute sa vie. Et il vivait dans l’aisance et il avait assez de tout...

Aïrabaï pensait pendant longtemps et en est venu à la conclusion: «Le baï s’attribue le travail des pauvres. L’instructeur des droits». Et il a voulu exprimer verbalement ces pensées pour consoler sa femme.    

-           La femme! – a dit Aïrabaï solennellement. – J’ai complètemet rompu avec Kemelbaï. Dès ce moment-là nous ne nous approcherons pas de sa porte. ...on ne va pas périr. On va devenir les kamenesses¹. A présent le pauvre est en honneur. Maintenant on n’entend que: «Kedeï!», «Kedeï!». Kamenesses ne vont pas nous nourrir pire que Kemelbaï. Les autorités ne les laisseront pas tomber.  

Raouchan est devenue plus gaie. Elle a dit à sa fille:

-Apporte le fumier séché, ma pupille. Le père a probablement faim. Au moins je vais lui préparer du thé.

Aïrabaï s’est animé, comme si c’était un soucis de moins, et il est revenu à soi. En souriant à sa femme, il a entonné une chanson polissonne «Un coucou»:  

...les tombes abandonnées, tout ce paysage d’abandon peu attrayant, il aura la curiosité: «Peut être, le maître du lieu d’hivernage se trouve maintenant parmi ceux qui ont maudi le passé odieux et construit maintenant avec les autres la nouvelle vie quotidienne? Ou il est un des anciens seigneurs tout-puissants et arrogants qui, en jouant, gérait les destins des milliers d’esclaves et de domestiques inconnus et anonymes – cette populace en guenilles et en haillons, en croûtes et en durillons, qui, s’étant révoltée, a secoué, a renversé le vieux monde et l’a chassé dehors, comme des ordures, des vieilleries inutiles?» Qui sait... La seule chose est claire: le lieu d’hivernage est abandonné. Le maître a disparu. C’est un lieu sinistre, négligé et sauvage – le royaume des moustiques, des œstres et des taons. Tu ne fais que t’approcher du ravin quand ils se jettent en nuée sur toi, en bourdonnant frénétiquement: «Ne dérange pas...Disparais...Loin de mes yeux...» Les corbeaux noirs sont lugubrement assis sur les branches; ils croassent abominablement et traînent leur voix: «Va-t-en...V-a-a-t-en!..», et en répétant après eux, les pies criardes, trémoussées,  s‘agitent  hébétées d’un buisson à l’autre: «Va-t-en!  Va-t-en! Va-t-en!..»

            ...Le jour était chaud. Le soleil, en montant plus haut, commençait à brûler; le vent, comme un fait exprès, a retenu son souffle, et les voyageurs étaient en nage, se léchaient les lèvres sèches, et leurs chevaux allaient au petit trot, en souffrant de la chaleur et de la soif. Juste en ce temps inconfortable une calèche attelée d’un couple de chevaux s’est arrêtée devant les ravins «où le chien noir a été perdu».  Les chevaux étaient assez gras. Le limonier, le cheval de baï, était évidemment un cheval bien dressé: en descendant sur la pente escarpée dans le ravin, il s’appuyait contre la terre avec les sabots, freinait, s’assoyait aux gigots. Mais le cheval de renfort, roux foncé, jeune et chaud, louchait craintivement les buissons le long du chemin, les broussailles de joncs, il chauvait des oreilles et arrachait le trait. Le cocher au visage noir, aux yeux profondément mis, a fortement tiré les rênes, la persuadait: 

Un coucou a commencé à coucouer sous la fenêtre.

   Mon cheval s’est mis à piaffer...

 

1924