(Traduction autorisée du Kazakh par G. Sadovnikov)
Maison d'édition "Nomades"
Almaty, 2002
BBK 84 (5 KAZ)
E 82
E 82 Essenberline I.
L'Oiseau d'or: roman - Almaty.
MÉ "Nomades", 2002.- 176 p.
ISBN 9965-01-917-7
BBK 84 (5 KAZ)
© Maison d'édition "Nomades", 2002
E 4702250201
00 (05-1)
ISBN 9965-01-917-7
N° 00008521
AVANT-PROPOS
Le roman-trilogie "Nomades" a gagné une grande notoriété dans notre pays et à l'étranger. Ce roman occupe une place majeure dans la littérature kazakhe. Son auteur, un écrivain kazakh éminent, le lauréat du Prix d'État Ilias Essenberline a aussi écrit de nombreux ouvrages sur le sujet de notre vie.
Tournons notre attention sur le travail de l'écrivain. Toutes ses œuvres diffèrent beaucoup les unes des autres. Elles montrent un grand talent et un style unique et inimitable, qui n’ont été propres qu'à Ilias Essenberline. C’est pourquoi on peut dire que ses œuvres occupent l'une des places les plus importantes dans la littérature kazakhe. Activité créative d’Essenberline, l’opportunité et l'actualité de ses œuvres manifestent l'amour et le dévouement de l'écrivain à son travail. Nous pouvons dire qu’Ilias Essenberline marchait au pas avec son époque. Cela est confirmé par les dernières années de son travail. Ses nombreuses œuvres se distinguent par leur originalité, nous y voyons le fruit d'un travail acharné, d’une recherche constante de nouvelles idées pour répondre aux besoins de l'époque. Ainsi, dans une ouvrage l’auteur décrit la vie des travailleurs scientifiques, leurs activités, leur lutte intestine. Un autre travail représente une élite intellectuelle de la nation Kazakhe lors de la Révolution d'Octobre. Dans la troisième œuvre l’écrivain parle sur le temps de la Campagne des terres vierges. Fait intéressant, Essenberline a été l'un des premiers écrivains soviétiques qui ont commencé à décrire la vie des défricheurs des terres vierges. Beaucoup de ses œuvres Essenberline a dédié également à la vie des mineurs.
Dans ses écrits, Ilias Essenberline décrit la vie intellectuelle, personnelle et familiale de ses contemporains, ainsi que leur caractère et leur mentalité. Voilà pourquoi les lecteurs connaissent Essenberline comme l'un des écrivains les plus remarquables de son époque.
Courage créatif et le sens complexe sont inhérents à tous les travaux d’Ilias Essenberline. Les caractères contradictoires des héros de ces œuvres, leurs actes, leur vie privée montrent un conflit entre les opinions, les intérêts personnels et les mœurs de l’époque.
Dans ses romans et nouvelles l’écrivain montre habilement les caractères des individus, leur vie sociale et personnelle, leurs désirs, leurs pensées et leurs rêves.
Dans ses livres Ilias Essenberline a pu montrer assez réalistement l’esprit du temps, l’imperfection et les excès de la société-là, et l'impact de tout cela sur les individus. Décrivant sans fard ces jours-là, Essenberline, cependant, parallèlement aux défauts, faisait remarquer aussi les aspects positifs de l’époque.
Nous vous proposons le roman d’Ilias Essenberline "L’Oiseau d’or". Ici, l'auteur raconte l'histoire de la vie d'un mineur. Le personnage principal du roman (Sabyr) a commencé son chemin comme un simple ouvrier, il a vu beaucoup de choses dans sa vie, et plus tard il a reçu le titre de Héros du Travail.
L'auteur montre la vie des années 40 vue par les yeux d’une personne pensant. Cette image reflète la vie et le travail de l'écrivain lui-même. Le contenu du roman encourage les lecteurs à réfléchir sur le sens de la vie. L'idée qui se trouve au cœur du roman est un vieux proverbe: ce n'est pas tout or ce qui reluit. Ce que Sabyr pense à propos d’Akbaïan est très illustratif pour la jeunesse d'aujourd'hui. Il a été très bien montré à quoi mène la poursuite des plaisirs momentanés et la vie dépourvue de sens. Nous espérons que nos lecteurs apprécient les exemples de la vie des personnages de ce livre.
Depuis quand étais-je allongé sur le dos sans mouvement? Mois? Année? Éternité? Je le savais: seulement douze jours. Mais il me semblait souvent que le temps arrêta sa course. Médecins me strictement recommandèrent de ne pas bouger, et moi, en observant fidèlement leur prescription, je fus couché à plat sur le dos. Seulement les yeux ne pouvaient pas rester immobiles. Ils fouillaient partout, en essayant de trouver la connexion avec tout ce qui resta hors des murs de la salle d'hôpital. Mais mon regard errait sur les murs peints en blanc, sur le plafond blanc à la chaux et en tâchant de se cramponner aux rideaux blancs il tombait sur mon lit. Là aussi, tout était blanc... Comme si soulignant la blancheur de la salle, le vert d’un jeune bouleau regardait par la fenêtre ouverte. Ses feuilles tremblaient un peu sous le vent léger. Et c'était tous les jours comme ça, tous les jours...
Tout aurait été le même ce jour-là aussi, mais tout à coup derrière la fenêtre, dans le parc de l'hôpital, un rossignol se mit à chanter. Ce fut comme un cadeau: le chant du rossignol en pleine journée. Cela arrivait rarement, on aurait dit qu’il chantait spécialement pour moi. Comme s’il savait que j’étais un peu sentimental...
Je souris. Bon, on dirait ce qu'on voudrait, mais la vie est belle. Même ce temps-là. "Merci, la vie, merci pour tout - je dis mentalement. - Après tout, ce jour-ci aurait passé sans moi. Sans moi le rossignol aurait chanté et les jeunes feuilles de bouleau auraient scintillé. Qui aurait pu penser que le bonheur aussi est mortellement dangereux? Il arrive un âge où vous êtes comme une personne marchant au bord d'un précipice. Un faux mouvement et vous volez vers le bas..."
Oui, la mort mit un autre piège sur mon sentier. Mais malgré les dents fortes et solides du piège, je parvins à leur échapper.
Je fermai les yeux, et en face de moi, minute par minute, ce jour-là passa de nouveau...
... Je vins chez Akbaïan. Nous nous nous eûmes été séparés il y a de nombreuses années, mais son image fut toujours gardée dans mon cœur. Qui sait peut être elle me gardait comme un talisman toutes ces années...
Ému comme un jeune homme, qui vint pour le premier rendez-vous, je pressai sur un bouton de sonnette. Akbaïan ouvrit la porte immédiatement. Comme si elle m'attendait, comme si elle entendait mes pas.
- C’est toi?.. Viens, - dit Akbaïan et hâtivement ferma la porte derrière moi.
Ses yeux grands, comme ceux d’un chamelon, brillaient fiévreusement. Je compris: jusqu'au dernier moment elle avait peur que je ne viendrais pas.
Confus, maladroits nous nous trouvions l’un en face de l'autre. Akbaïan se réveilla la première.
- Allons-y, - chuchota-t-elle.
Et m’ayant pris par la main, elle me conduisit à l'intérieur de l'appartement. Il sembla que sa démarche resta si légère et souple comme pendant les jours quand nous nous fûmes promenés dans la steppe, et sa taille fut encore svelte et mince. Sa main chaude et sèche saisit mes doigts.
Nous entrâmes dans le salon, nous nous assîmes sur le divan, recouvert d'une couverture colorée. Je mis le bras autour ses epaules et l’attira contre moi. Elle posa sa petite main sur ma poitrine, en me résistant, comme si elle rendait un dernier hommage à tout ce qui se dressait encore entre nous.
Les yeux noirs d’Akbaïan assombrirent, ses lèvres me rendirent passionnement mon baiser. Je serrai Akbaïan dans mes bras... Et à ce moment-là une vive douleur transperça mon cœur. Comme si quelqu'un le soudain frappa avec une baïonnette. La salle se balança, et les murs et le plafond se mirent à tournoyer devant mes yeux.
Je me réveillai à l'hôpital en voyant un blond barbu avec des lunettes, penché sur moi. Il me regardait amicalement. Le visage du médecin n’était pas clairement visible, comme s’il était légèrement flou. Il était entouré d’une lueur blanche fragile et mouvante de la salle d’hôpital.
Le médecin fit une pause me donnant l'occasion de retrouver la réalité et dit:
- Oui, oui, vous êtes à l'hôpital. Vous vous êtes probablement inquiété plus que cela a été possible, parce que votre cœur, vous le savez, n'est plus tout jeune. Et voilà, un infarctus. Vous pouvez vous considérer comme revenu d'entre les morts... Mais tout cela est déjà passé. Profite de la vie! Mais n’oubliez pas qu’un temps vous devez rester absolument calme. Alors, cher camarade, ayez de la patience.
Le médecin toucha ma main d'une manière encourageante. Il savait sans doute de mon histoire de la maladie que j’eus travaillé dans la mine presque trente ans, et que j’eus enduré beaucoup de choses à la guerre. Mais il fut douteux qu'il pût imaginer que mon cœur, après avoir résisté à de tellement nombreuses épreuves, ne résista pas à un moment heureux... Et moi, je passai sous silence ce sujet-là.
Les personnes en bonne santé habituellement commencent à paniquer quand elles tombent soudain malades. Probablement la même chose aurait dû arriver avec moi aussi. Mais je ne pensais pas à l'issue fatale. Je fus heureux, quoi que les médecins aient dit, et j’attendais un nouveau rendez-vous avec Akbaïan. La maladie ne fut pour moi qu’un délai malplaisant. Quant à mon cœur, j’espérais que maintenant il serait capable de supporter l'excès de bonheur...
Mon dos s'engourdit à cause de l'immobilité. Comme si cela n’est plus mon dos, mais une planche de bois. Je mets doucement la main sur ma poitrine. Si, auparavant, il fallait longtemps passer la main sur la poitrine pour sentir où le cœur battait – et lui, il frappait lentement comme un travailleur connaissant bien son métier - maintenant je le trouvai tout de suite. Cet endroit fut marqué par la douleur. Elle se déjà émoussa. Ou je m’y habituai. Mais les attaques, quand la douleur perçait le cœur comme une douzaine d'aiguilles - telles attaques furent parties, je le considérai comme un signe de rétablissement.
Je tâtais le pouls encore et encore, je comptais les battements du cœur. Toc - toc – toc. Un, deux, trois. Mon cœur ressemblait à une montre capricieuse. Mais tout de même je comptais chaque battement. À "dix-sept" je perdis le compte. Dans le couloir, juste devant la porte de ma salle, les pas rapides de quelqu'un s’arrêtèrent. Cependant, je sais qui c’était: on vint pour me faire une piqûre. Je détachai, non sans dépit, mon doigt du pouls - il me sembla que mon cœur travaillait ce jour-là beaucoup plus uniment que le jour précédent.
L'infirmière Batima vint avec un plateau nickelé sur lequel il y eut une rangée de flacons et un stérilisateur brillait, étant encore chaud, avec des seringues et des aiguilles. Batima eut un joli visage rond et une silhouette un peu mince et maigre. Bien qu’elle allât déjà sur ses 30 ans, elle ne fut pas mariée. Selon nos concepts kazakhs, Batima était une vieille fille.
- Puis-je entrer? - plaisanta Batima.
- Est-ce que le malheureux prisonnier a d'autre choix? – grognai-je.
- Est-ce vous qui est malheureux?... - sourit Batima.
Nous nous connaissions depuis longtemps, et avant ma maladie, nous eûmes eu, en général, de bons rapports. Mais en ce temps-là, je me sentis gêné à côté d’elle, parce qu'elle était, bien sûr, au courant des circonstances dans lesquelles j’eus eu l’infarctus. Et elle, pour une raison quelconque, fut en colère contre moi. Je me trompai peut-être. Mais si elle fit la piqûre plus fortement que d’habitude, il me sembla que cela fut fait exprès. Et voilà elle eut un sourire moqueur sur ses lèvres.
Batima remarqua aussi son erreur et demanda d’un ton officiel: - Comment vous sentez-vous, le patient?
- Bien, - lui dis-je. - Assez bien. - Et involontairement je souris: tellement amusant fut sa transition.
Comme si elle n’eut pas remarqué mon sourire, Batima mit le plateau avec les instruments médicaux sur la petite table, alla vers la fenêtre et ouvrant plus largement les rideaux elle dit comme en passant:
- Aujourd'hui aussi, la belle d’Algékène est venue.
Sa voix à peine masqua son mépris pour Akbaïan. Batima la connassait bien, mais je ne l’entendis pas ces jours-là prononcer son nom, pas une seule fois. Seulement: "la belle d’Algékène" ou "celle qui est séparée de son mari, le directeur". Apparemment, elle voulait me taquiner.
- Et pourquoi donc on ne l’a pas laissée passer? - lui demandai-je en retenant à peine ma colère.
- Mikhaïl Kouzmitch n’a pas permis. Pas de visites jusqu'au rétablissement complet. – rapporta Batima presque triomphant.
- N’est-il pas trop stricte?.. Je peux remuer ma langue tout de même.
- C’est le médecin qui sait mieux si vous pouvez remuer votre langue ou non. - dit Batima d’un ton moralisateur, presque syllabant chaque mot.
- Mais il y a des cas exceptionnels quand aucun docteur, même le plus expérimenté, ne sait ce qui est mieux. Peut-être que ma maladie est un tel cas? - dis-je diplomatiquement.
On dit que le loup reconnait le tchaban par son chapeau. La même chose avec Batima: elle ne se laissa pas tromper par ma diplomatie rustique.
- Non, le patient, il n’y a rien de mystérieux dans votre maladie pour le médecin. Seulement une chose n’est pas encore claire: comment on peut vous remettre sur pied - souligna d'un air significatif Batima et, ne pouvant pas résister, elle ajouta: - Et pour l'instant ayez de la patience. Celle qui a divorcé le directeur, elle ne vous échappera pas. Bon, nous perdons notre temps à parler. Venez, donnez-moi votre main gauche.
Elle assembla habilement une seringue et la remplit d’un liquide clair d’une ampoule. Puis elle retroussa la manche de mon pyjama. À cause de nombreuses piqûres ma veine dans le creux de la main gauche fut durcie comme un durillon. J’attendais Batima me donner une bonne leçon pour ma petite révolte, et je me préparai pour la douleur. Mais l’infirmière plongea l'aiguille avec tant de soin, comme si sa propre vie dépendait de cette injection.
En lui attendant pousser lentement le piston de la seringue, je regardais son visage, ses yeux, elle craignait de me causer une nouvelle souffrance. Maintenant, je vis que Batima n’était pas mal disposée envers moi. Donc, en répandant du venin contre ma bien-aimée elle ne visait pas à moi mais à Akbaïan. Mais qu’est-ce qu’Akbaïan lui eut fait de mal?
Je voulus le demander à Batima, mais pendant que je pensais comment le faire le plus délicatement possible, Batima termina la procédure et quitta la salle. Je n’eus rien d'autre à faire que de retenir ma curiosité.
Et en général, cela ne me dérangeait pas. Ce ne fut pas étrange, si une femme détesta une autre, plus belle et réussie dans la vie... Parfois, les femmes sont jalouses des autres femmes pour des riens. Une robe à la mode ou des bottes importées peuvent causer leur jalousie. Parfum, coiffure, et charmant grain de beauté sur la joue - ah, est-ce que c’est possible de dénombrer tout?
Je ne fus pas fâché contre Batima. Je lui fus même reconnaissant. En effet, grâce à Batima je fus plus heureux ce jour-là que jamais. Elle dit qu’Akbaïan fut venue encore une fois.
Si quelqu'un entrait maintenant dans la salle, il me probablement aurait pris pour un dérangé. On pouvait dire que le patient venait de rentrer de l'autre monde, et son visage montra le plaisir totalement irresponsable. On dit proverbialement que si la mort est venue, on ne peut pas s’en cacher, même dans un coffre d'or. Ou fut-il faux, ce proverbe? Pour moi, ce ne fut pas la maladie qui était inattendue, mais le bonheur... "Elle est venue de nouveau". Qui savait combien ces mots furent-ils importants pour moi?.. Elle vint déjà pour la troisième fois. Alors, son cœur lui faisait mal aussi. À cause de l’inquétude pour moi...
- Je te remercie, l’oiseau d'or, - murmurai-je avec reconnaissance.
L’oiseau d’or? D’où est-elle vint soudain, cette image fabuleuse? Comme le vent soulève des feuilles, elle souleva et tournoya dans ma mémoire les événements d’autrefois. Je me rappelai de ce soir d'été d’autrefois, lorsque les mots "l'oiseau d’or" eurent été prononcés pour la première fois.
La mine de Myskazgan pendant ces années-là fut petite: cinq ou six puits, construits jadis par les Anglais, et quatre nouveaux puits, apparus déjà lors des années du Pouvoir Soviétique. La profondeur de ces puits, selon mes souvenirs, ne dépassa pas cent cinquante mètres. Il y eut aussi peu de cage d'extraction. Et les travailleurs n’y furent pas tellement nombreux à l'époque. Un millier de personnes, pas plus. Avant la guerre notre Myskazgan fut considéré comme un coin reculé industriel. Les batailles gigantesques du Plan quinquennal semblaient passer à côté de lui. Et les accumulations innombrables de minerai patientaient. Entre-temps, une steppe grise recouverte d'armoise et de stipa mort s'étendit au-dessus d’elles. Cette image n’aurait pas suscité une grande admiration chez un amant flâneur des beautés de la nature. Seulement personnes dévouées à leur travail de mineur purent s'habituer à y vivre. Et, comme s’ils cherchaient à diversifier quelque peu leur triste paysage environnant, les travailleurs mirent le long des collines les baraques de logement recouvertes d'argile grisâtre, dans la vallée ils construisirent le bâtiment d’une centrale électrique et un dépôt de minerais. Puis ils ouvrirent dans le désert un chemin de fer à voie étroite de 60 km qui connectait la mine et la fonderie de Kaskyrsaï. Et voilà, les "Poppels" et "Coucous" retentissants se mirent à courir à travers la steppe, traînant laborieusement des rames aux produits minéraux...
...Nous arrivâmes en Myskazgan en 1930. "Nous" ce sont mon père, ma mère et moi. Avant cela, notre famille eut vécu à Atbassar, et, si je me souviens, mes parents n’avaient pas d’intention de quitter leur maison. Mais peu à peu les événements excitant tout le pays accaparèrent mon père. En soirée, après m’avoir mis au lit, lui et ma mère, ils disaient des messes basses. Un jour avant de m'endormir, j’entendis le mot "Myskazgan".
Quand nous déménageâmes à la mine, le père alla travailler dans la mine, et moi, j’allai à l'école locale. Dans un premier temps, nous menions la vie assez protégée, et lors d'un conseil de famille, il fut décidé qu’après l'école, j’irais faire mes études à l'institut. Mais en l’année de terminaison de mes études scolaires, nous connûmes une série de mésaventures: l'une après l'autre. Au début, ma mère tomba malade, puis lors de l'accident mon père perdit une jambe, et moi, le fils aîné, je dus aller travailler. Je trouvai un emploi dans la même mine où mon père eut travaillé auparavant.
Pendant tout ce temps-là, Akbaïan vivait non loin de moi. Elle vint à Myskazgan avec ses parents et son frère Sadyk deux ans avant nous. Mais peu après le père d’Akbaïan mourut. Dans le village les gens disaient qu’il était un koulak dépossédé à Baïanaoul et qu’il ne put pas supporter la perte de sa richesse. Sa mère Bibigaïcha, une grosse femme avec un visage sévère et impérieux, fut conductrice de locomotive électrique et elle était considérée comme l'un des meilleurs conducteurs de la mine. Avec Sadyk, le frère d’Akbaïan, nous fûmes les meilleurs amis. D'abord nous fîmes nos études dans la même classe, puis on travailla comme chargeurs dans le même puits. Je visitais souvent la famille d’Akbaïan, mais je ne lui prêtais presque aucune attention, elle était plus jeune que moi de quatre ans. Et si elle attirait mon attention parfois c’était uniquement parce qu'elle était une fille capricieuse, mais Bibigaïcha et Sadyk, au lieu de lui donner une bonne fessée, la gâtaient. "Akbaïan a besoin de ceci, de cela. Un nœud de ruban, un bonbon pour Akbaïan. Ne t'ennuyies-tu pas, notre petite Akbaïan?" Ces deux adultes semblaient travailler seulement pour satisfaire un nouveau caprice de la fille. Et son nom encore, on lui appela Baïan quand elle fut née. C’était Bibigaïcha qui l’appelait Akbaïan pour le teint clair de son visage. Mais quand la jeune fille grandit, tout le monde réalisa comment sa mère était clairvoyante.
Moi, je le compris au début du printemps 1941, quand je vins une fois chez Sadyk et je vis soudain une belle dix-sept ans dans sa maison. Son visage était plus blanc que la neige. Et les yeux noirs étaient si profonds comme un lac entouré de roseaux veloutés. Son sourire y jouait comme la lumière du soleil. Et elle était toute mince et flexible comme un roseau. Sa taille était si fine qu’on put penser que le vent léger pouvait la casser. En bref, c’était la plus belle femme au monde. Je savais bien sûr que c’était Akbaïan, pourtant je me sentais comme si la voyais pour la première fois.
Sadyk me disait quelque chose, mais je regardais de tous mes yeux Akbaïan penchée sur un livre à la table, et je n'entendais rien.
- Qu'est-ce qu'il y a? – s’étonna Sadyk. – C’est Akbaïan.
- Sadyk, est-il arrivé quelque chose à ton ami? - dit Akbaïan avec un sourire malicieux.
Il m’arriva vraiment quelque chose: l'amour tomba sur moi soudainement, comme une douche solaire.
Lorsque nous quittions la maison de Sadyk, Akbaïan nous emmena à la porte et dit:
- Sabyr, viens nous voir plus souvent.
Depuis ce temps-là, je venais chez Sadyk chaque jour. Et chaque fois Akbaïan était à la maison. Nous parlions avec son frère de nos affaires ou tout simplement bavardions sur ceci et cela, et elle était assise là avec un livre ou une broderie, et je croisais son regard tantôt pensif, tantôt réjouissant. Un matin, lorsque nous nous rencontrâmes sur la route à la mine, Sadyk dit en souriant:
- Tu as vraiment tourné la tête de ma petite soeur. Je n’entends que: "Sabyr, Sabyr. Sabyr est inscrit au tableau d'honneur. Sabyr est un meilleur joueur de volley-ball. En fait, Sabyr n'a pas son pareil".
Le sang me monta au visage.
- Tu plaisantes? - demandai-je avec difficulté, parce que ma langue ne voulait pas m’obéir.
- Non, c’est vrai. Qu'est-ce que t’est arrivé que tu es devenu tout à coup si excité?
- Sadyk, j'aime Akbaïan, - dis-je, après avoir rappelé tout mon courage. Nous nous arrêtâmes en plein milieu de la route.
- Ah voilà..? - prononça Sadyk d'une voix traînante. - Alors je suis heureux pour ma sœur. Je pense qu'elle t’aime aussi.
Donc, notre amour prit naissance. Et je compris plus tard que ce sentiment ne fut pas basé sur l’affinité entre nos âmes - nous ne connaissions pas l’un l’autre assez bien pour cela - non plus que sur des épreuves difficiles que nous passâmes coude à coude, non, la cause fut tout à fait simple: elle était belle, et moi aussi, j’étais un beau djiguite . Il nous semblait que nous fûmes faits l'un pour l'autre. Un tel amour est comme un jour d'été qui passe en fête, sans nuages ni orages. Akbaïan était toujours une jeune fille qui agissait à sa guise, et j’aimais satisfaire tous ses désirs. On ne se querellait jamais. Nous nous rencontrions tous les soirs, nous allions dans la steppe et marchions ensemble jusqu'à minuit. Cela dura presque jusqu'au milieu de l'été, et je croyais que ce serait pour toute la vie.
Ce soir-là était si merveilleux, comme les autres...
...Je fermai les yeux et j’imaginai un énorme soleil rouge, à moitié caché derrière le sommet plat de la colline, une petite boulaie à la périphérie de la mine et nous assis côte à côte...
Ce soir, elle me sembla particulièrement belle. Son visage, clair à la lumière au début du crépuscule, ne pourrait être comparé qu'avec la lune levant. La boulaie autour de nous était remplie de bruits étranges. Ou plutôt – c’était mon âme qui était rempli d'une douce mélodie de kuï - de la musique des mots. Et c’était seulement moi qui l’entendais. C’était la musique de mon amour. Je m’exprime peut-être trop pompeusement. Mais c’était le sentiment exact que j’eus ce soir-là, quand nous étions assis sur un banc dans la boulaie.
Je mis les bras autour des epaules d’Akbaïan, et elle mit sa tête sur mon épaule, comme une fleur s'inclinant sous un coup de vent.
- Calme-toi, Sabyr, calme-toi - dit Akbaïan, mais sa voix tremblait. - Tu sais, je pense parfois, à quoi on peut comparer mon amour...
Ce fut à ce moment-là que je dis, juste pour faire mon crâneur:
- À un oiseau d'or.
- Un oiseau d'or? – demanda-t-elle. - Pourquoi l'oiseau d'or...
Akbaïan leva la tête et recula un peu, en essayant de bien voir mon visage dans la pénombre.
- Ton amour est aussi difficile à attraper – plaisantai-je, ne sachant pas comment c’était proche de la vérité.
Akbaïan rit.
- Mais tu ne dois pas l'attraper! L’oiseau d'or est déjà dans tes mains.
- Mais il peut s'échapper et voler – dis-je, en continuant à jouer.
- Ne le perds pas. Retiens-le bien.
- Ce n'est pas suffisant. Il faut avoir un filet spécial. Et il doit probablement être aussi d’or.
- Est-ce que ton amour n’est pas plus fort?... Tiens-moi proprement, Sabyr!
Cela dit, Akbaïan rit. Et je pense maintenant: est-ce que c’était seulement une blague dans ses paroles?..
... J’ouvre les yeux. Souvenirs sont inquiétants, et je n’en ai pas besoin maintenant. "Du calme, ne t'excite pas, tout est terminé. Mieux vaut prendre soin de ton cœur, c’est une période difficile pour lui maintenant, même sans tes souvenirs"- me dis-je. Mais apparemment cela n’est pas assez convaincant. Mes souvenirs m’ont déjà enchaîné au passé avec leurs chaînes.
"L'oiseau d'or, ça alors! – réfléchis-je ironiquement. - Qui m'a donné cette idée-là?.. Et bien, qu'importe?.. L’amour d’Akbaïan n’est-il pas devenu pour moi bientôt inaccessible comme un oiseau d'or? Et est-ce que je n’ai pas déployé en ce temps-là mon filet d'or pour le garder? J’ai y mis toute ma passion, tout mon âme, mais Akbaïan s’est envolée. Est-ce qu’elle s’est envolé volontairement? Ou ce a été une force aveugle que l’a emportée?.. La force aveugle, impitoyable, comme un cataclysme..."
Mais qu’est-ce qu’il est arrivé plus tard le soir-là?..
...Nous nous embrassions si éperdument, comme si on sentait que c’était notre dernier rendez-vous. On se chuchotait à l'oreille des mots tendres, ne sachant pas que les destins des gens qui nous approchaient à ce moment-là allaient devenir inextricablement liés avec les nôtres. Nous ne les entendions même pas venir.
- Et les sceptiques disent, qu’à notre époque on ne sait plus aimer – dit une voix moqueuse d'homme.
On dirait que cette phrase sonna du ciel et elle instantanément refroidit notre ardeur. Nous reculâmes l’un de l'autre. L’homme coupable de notre effarouchement se tenait à quelques pas de là et nous examinait de façon éhontée. Je l’eus déjà vu une fois avant cela, et, franchement parlant, son apparence m'avait impressionnée.
Il était grand, large d'épaules. Son visage basané tranché avec un petit nez aquilin était marqué, comme on écrit parfois dans les livres, du sceau de masculinité. Les cheveux épais sur sa tête ressemblaient à un chapeau noir d'agneau.
Le djiguite n’était pas seul. A côté de lui, je vis une fille maigre aux cheveux d'or. Contrairement à son compagnon, qui continuait à nous regarder impudemment, elle se sentait mal à l'aise.
- Aljan, allons-y. Nous sommes inutiles ici – murmura-t-elle au djiguite, touchant sa manche.
- Quelle jolie fille! Regardez, Tania, on ne peut trouver ces Peri que dans nos contes de fées – dit-il et resta sans mouvement.
Je savais mieux que d’autres comment belle Akbaïan était, mais ce moment-là je ne pus résister et la regardai. C’était l’influence soit d’une admiration sincère de sa beauté, soit de quelque chose d'autre, mais le regard d’Akbaïan devint curieux. D'ailleurs, la curiosité s'éteignit tout de suite. Et je sentais ses longs doigts minces me serrèrent la main.
- Allons-y, Aljan, - répéta la fille aux cheveux d'or. – N’allons pas déranger les jeunes gens. Ils sont peut-être à la fleur de tout. Le jour vient de commencer pour eux - dit-elle, essayant maladroitement de donner à discours de la couleur orientale. Le djiguite plaisanta:
- À mon avis, au contraire, il est presque la nuit pour eux...
...Il semblait tout savoir à l'avance quand il prononçait ces mots. Ce soir-là l'aurore de notre amour fut remplacée - pardonne-moi, Tania – par une nuit noire...
- Je ne parle pas de l'heure de la journée, mais des sentiments... c’est l'aube de l'amour - Tania murmura d'une voix timide.
- Bon, si c'est comme ça, nous sommes vraiment inutiles ici - dit le djiguite, et nous parla pour la première fois comme s’il venait de remarquer que nous étions des êtres vivants. - Je suis désolé d’être si impoli, mais votre copine est tellement belle, que nous, les âmes artistiques, n’avons pas pu tout seulement passer à côté de vous.
Il me parlait en couvrant Akbaïan des yeux. Et quand, enfin, la jeune fille aux cheveux d'or prit sa main et l'entraîna, il se retourna et regarda Akbaïan de nouveau, s’il la voulait se souvenir pour toujours.
- Qui est cette fille? – dit-Il à sa compagne, ne faisant pas l’attention sur le fait que nous l'entendions encore.
La fille aux cheveux d'or dit quelque chose à voix basse.
- Je l'ai vu quelque part, cet homme chanceux. Qui est-il? - demanda le djiguite. Cette fois-ci je n'entendis non plus ce qu'elle dit, mais une exclamation moqueuse atteignit mes oreilles:
- Ce n'est que ça? Je pensais que le petit ami d’une telle belle fille doit être au moins un batyr fabuleux...
Je connaissais son compagnon. Elle travaillait comme médecin à l'hôpital du village. Mais d’où me savait-elle? À d'autres moments, peut-être cela m’aurait étonné et j’aurais même pu être flatté. Mais ce moment-là je n’en fis pas l’attention. Les sentiments mitigés de l'anxiété et de vexation entrèrent dans mon âme comme une tornade.
- Qui est ce djiguite? – Akbaïan demanda, en suivant du regard la couple qui s'éloignait.
"Que peut-on dire, ce Aljhan est un homme remarquable: il a déjà réalisé beaucoup de choses dans sa vie. Mais quant à moi, je n'ai jamais rien fait dont je devrais avoir honte"- pensais-je, me calmant, et je dis:
- C’est notre nouvel ingénieur en chef Bekenov. On dit qu’il vient de terminer ses études à 'Institut de Moscou.
- Il est si jeune, et travaille déjà comme ingénieur en chef? – s’étonna Akbaïan.
Je comprenais sa stupéfaction. Dans ces années-là même l’ingénieur ordinaire n’était pas très commun parmi nous, les Kazakhs. Et lui, il était en chef, et outre cela, un djiguite jeune et beau.
Et j’entendis dire quelques d’autres mots élogieux à l’égard d’Aljan. On dit qu'il avait déjà travaillé pour l'une des mines du Nord et s’était montré comme un homme énergique et de résolution. Et hier, je vis qu'il était vraiment comme ça lorsque Aljan vint (ou plutôt, éclata comme un tourbillon) au dépôt d'explosifs. Comment il engueulait des gestionnaires lambins!
- Le rythme, le rythme! Le pays vit maintenant à un rythme accéléré...
Akbaïan renifla et dit:
- Il est différent. Pas comme les autres.
Nouvel ingénieur en chef appartenait au gens qui attirait inévitablement l’intérêt des autres. Mais l'intérêt d’Akbaïan suscita mon anxiété. Il était ridicule, bien sûr, d’être jaloux de l’homme qu'elle ne vit que quelques minutes. Mais je connaissais son caractère. Pourquoi tomba-t-elle amoureuse de moi? Moi aussi, je lui semblai un homme différent de tous les autres...
En bref, je ne savais pas encore que l’aigle royal avait visé sa proie, mais, néanmoins, j’étais comme un lièvre, qui se jetait de tous côtés dans le désert, sentant une ombre au-dessus de lui.
- Tu es un peu ennuyeux aujourd'hui, - remarqua Akbaïan en riant. Elle se tourna vers moi et toucha mon cou avec ses doigts. Mais j’entendis une sorte d’indifférence dans sa voix, et son attouchement me sembla froid. Comme si elle était quelque part d’autre ce moment-là, mais pas avec moi.
"Il te déjà semble Dieu sait quoi - me dis-je. – Ne te bourre pas le crâne avec cette absurdité. Après tout, tu l'aimes et elle t’aime. Et cela est le plus important". Je mis les bras autour de sa taille et je l’attirai vers moi de nouveau. Akbaïan était flexible, comme un jouet de chiffon. Je lui embrassai les lèvres, mais elle ne me pas répondit.
- Rentrons-nous à la maison? - demandai-je en m’irritant et en essayant d'évoquer un sentiment de remords chez elle.
J’espérais qu’elle eût compris qu’elle n’était pas assez tendre avec moi ce jour-là. Et qu’elle eût dit qu'il était trop tôt et qu’elle eût voulu rester encore avec moi, mais elle accepta volontiers:
- Allons-y.
Jamais encore nous ne rentrâmes à la maison si tôt, quand il était encore claire dans les rues. Je me calmais, me disant qu'Akbaïan était fatiguée ce jour-là. Et j’essayais de trouver des traces de la fatigue sur son visage. Mais Akbaïan d’abord parlait avec excitation, disant toutes sortes de bêtises. Comme si elle avait de la fièvre. Puis elle se tut tout à coup, et un sourire errant, comme chez une personne qui rêve, apparut sur ses lèvres.
À quoi est-ce qu'elle rêvait dans le crépuscule d'été calme, pendant que nous rentrions au village? À quoi souriait-elle pensivement? Même maintenant je veux penser qu’elle pensât à moi, rêvant de notre avenir...
Mais quand nous arrivâmes près de la maison de la veuve Bibigaïcha, je décidai de terminer mes doutes à la fois et ayant pris la main d’Akbaïan, je dis sans ambages:
- Akbaïan, dis-moi, m’aimes-tu encore?
- Bien sûr, - dit Akbaïan distraitement. - Eh bien, je pars. Maman probablement m’attend – et, ayant libéré sa main, elle entra dans la maison.
Je commençai à errer à travers le village, comme si cela aurait pu m’aider. J’étais déjà miné par la jalousie. Je me convainquais que c’était un sentiment indigne, honteux qui vexait notre amour. Dès que la méfiance aurait apparu, tout aurait été démoli entre nous. Il n’y aurait plus été de la même pureté, de la sincérité. Mais une appréhension rongeait la foi à l’aide de laquelle je voulais me tromper...
L'obscurité du soir couvrait lentement la rue, les toits des maisons, puis la lune apparut et divisa brusquement le monde en noir et blanc. Dans les rues, il sembla, il n'y eut personne outre moi et des chiens errants, mais je m’encore jetais de tous côtés du village déserté.
Mon vagabondage m'amena à l'hôpital. J’étais occupé dans mes propres pensées, et je ne me pas remarquai entendre depuis quelque temps déjà des voix quelconques. Sur les marches du porche de l'hôpital se tenaient un homme et une femme. Ils furent couverts de la lumière de la lune, et je les reconnus sans aucune difficulté. C’étaient Aljan et Tania. Je me tenais dans la partie sombre de la rue, et ils ne me voyaient pas.
- Non, non, je dois aller. Je veux voir comment un nouveau patient se porte - dit Tania.
- Rien ne va arriver à votre patient. Vous avez dit vous-même que la crise a déjà passé, - dit Aljan et essaya de prendre la main de Tania. - Attendez encore au moins dix minutes - sa voix sonna autoritaire.
- Même une heure ne changera rien. Et puis, vous aimez quelqu’une d’autre – dit la jeune fille malicieusement, en reculant vers la rampe du porche.
- Vous avez raison - rit Aljan en consentant. – Je ne peux guère comprendre seulement une chose. Que pouvait-elle trouver dans un chargeur si ordinaire? Je ne crois pas en cette sorte d'amour.
- Aljan, Aljan, pensez à ce que vous dites – le refoula Tania. – Est-ce qu’on aime pour le poste... On aime pour une autre chose, qui reste souvent pas comprise par les tiers?.. Elle est peut-être une seule personne dans le monde qui le vraiment connait. Vous auriez pu tout comprendre si vous le regardait par ses yeux. Mais c’est impossible. Eh moi, bien, peut-être...
Je ne sais pas quoi d'autre elle voulait dire sur moi, sur notre amour. Je partis, brûlant de honte. Après tout, bon gré mal gré, il se fit que j’entendis leur conversation intentionnellement. Pour cette raison-ci, je n’osai pas demander à Tania plus tard quoi d'autre elle dit à Aljan.
Je marchais rapidement, presque en courant dans la rue, en disputant mentalement à Aljan, "Pourquoi la belle Akbaïan ne peut pas aimer un travailleur ordinaire? Et si ce n’est pas moi qui lui faut, alors est-ce que je ne peux pas l’aimer? C’est ça que tu penses? Mais qu'est-ce que je dois faire avec mon cœur? Lui, il croit en l'amour..."
Aujourd’hui, d'une distance de vingt-cinq ans, je regarde les événements de ce jour-là avec du calme retenu. On m'a donné beaucoup d'amertume. Et pourtant, c’était le temps superbe, lorsque l'âme brûlait, se précipitait vers le beau, vers l'amour. Et si l'amour était vrai, il n’aurait pas été détruit par l'un des tiers du "triangle" légendaire. Et s’il n'était pas? Le proverbe dit que même un millier de voleurs ne peut pas déshabiller le nu. Peut-être, Aljan avait raison: Akbaïan ne m'aimait pas d'amour vrai? Et peut-être que je n’avais pas de confiance aux sentiments de ma bien-aimée? En effet, rien ne s’est pas encore passé, au moins cette soirée-là...
...Le lendemain matin, je vins à la mine, je rencontrai immédiatement l'ingénieur en chef. On se vit sur une plateforme souterraine. Il portait un costume en tissu imperméable et un casque. Nous étions à une distance de l'ampoule électrique, nos visages se trouvaient dans l’ombre dense, c’éest pourquoi nous ne nous reconnûmes pas tout de suite. Puis Aljan leva sa lampe à carbure et éclaircit mon visage.
- C’était vous hier qui était assis avec une belle jeune fille? – demanda-t-il me disant bonjour.
J’ajustai mon sac aux explosifs accroché à mon dos et répondis, en le regardant droit dans les yeux:
- Si la jeune fille était belle, c’était moi. Vous y êtes!
- Oui, elle était très belle. Quel est son nom? - Il ne demanda pas, il exigea.
- Akbaïan.
- Et son nom lui va bien, - nota Aljan avec satisfaction.
Je compris qu'il la déjà considérait comme sienne. Il était sûr: le monde appartenait aux gens énergiques et audacieux comme lui-même. Quant à moi, je n’avais droit à rien. À Akbaïan non plus. En effet, je n’eus pas assez de volonté pour m’augmenter dans cette vie rapide plus haut que la position d’un ouvrier sans prétention. Cependant, il était peu probable qu'il réfléchît si longtemps. Il tout simplement décida sur-le-champ, en s’approchant, que je n’étais pas concurrent pour lui.
Pour mieux dire, je le comprends maintenant, mais dans ce moment-là je me hérissai et à peine comprimai ma colère:
- Donc, vous croyez, vous êtes tout simplement convaincu que je ne suis pas digne d’elle?
Il me regarda et dit calmement:
- C’est bien que vous le comprenez vous-même.
- Mais je ne le comprends pas! – criai-je.
Quelque chose pareille à la pitié brilla dans ses yeux. On regarde ainsi le ver écrasé.
- C'est dommage – dit-il. - En Russie il y a un dicton: il vaut mieux prévenir que guérir.
- Ce ne sont pas de moi - parai-je.
En ce moment, une locomotive électrique au minerai nous sépara. Je vis la figure concentrée de Bibigaïcha passer brusquement devant mes yeux. Lorsque la locomotive passa, je vis Aljan s’éloigner. Il croyait que nous n’avions plus rien à parler.
Ce jour-là je ne doutai plus qu’Aljan ne me plaisait pas. Et ce n’était pas parce qu'il avait évoqué ma stupide jalousie à la veille. Je croyais qu’un bon homme ne pouvait pas traiter un autre homme avec hauteur et dédain seulement pour le fait qu'il était un simple ouvrier. Quant à la jalousie, j’étais déjà calme. Ce mec-là ne conquerrait pas le cœur d’Akbaïan. S’il essayait de courir sa chance, Akbaïan lui montrerait immédiatement la porte.
Je décidai que je pensais déjà trop à cet homme-là, et j’allai rechercher l'organisateur du Parti Akchalov. Akchalov travaillait comme mineur ordinaire dès la fondation de la mine, il avait été décoré pendant le temps de son travail de deux ordres du Drapeau Rouge du Travail. Mais son principal avantage était la chaleur avec laquelle il traitait les gens, c’est pourquoi les gens des autres puits venaient chez lui pour lui demander des conseils. Moi aussi, après avoir inventé un nouveau sac à dos pour les explosifs, je voulais, tout d'abord, le montrer à Akchalov.
Mais l'organisateur du Parti partit pour une réunion à la commission de district, et trois jours plus tard, la guerre commença, et je fus appelé à l'armée.
Selon la loi, je fus exempté à la mobilisation comme le seul soutien des parents âgés et malades, c’est pourquoi je fus un peu surpris de recevoir une lettre d'avis, envoyée par le commissariat militaire. Ce même soir, notre amie, une femme à propos de laquelle on disait qu’"elle savait tout de tout le monde", et elle déclara que l'ingénieur en chef m'avait inscrit dans une liste des travailleurs qui n’étaient pas soumis à la réservation. La femme appela le Ciel et le Pouvoir soviétique à punir Aljan et elle me dit d’aller prendre un certificat dans le conseil du village et de le montrer aux employés du commissariat militaire. Quand elle arrêta, mon père dit:
- Merci pour ton conseil. Mais Sabyr iras au front. Il n'est pas pire que les autres. - Puis il se tourna vers moi et me dit: - Tu dois accomplir ton devoir. Et ne t’inquiète pas pour nous, les vieillards. Il y a plein de bons gens dans le monde. Es-tu d'accord avec moi, la mère?
Et ma mère dit doucement les yeux fixés sur moi:
- Mon fils, ton père raisonne juste.
Les paroles de mes parents m’allégèrent le cœur. Je sentais que ma place était en ce temps-là seulement au front. Et je me sentais gêné par le fait que ce lieu était occupé par quelqu'un d'autre.
Tout le reste de la journée je bouclais mes valises. Moi, comme beaucoup d'autres, je croyais à l'époque que nous allions détruire le fascisme et terminer la guerre à Berlin dans un court laps de temps, c’est pourquoi je sentais une exaltation extraordinaire. Une seule chose assombrissait mon humeur qui était assez bonne: le défi ouvert me lancé par Aljan. Il voulait se débarrasser de moi, se frayant un passage vers Akbaïan. D'autre part, ça me donnait aussi de la joie. Cela signifia qu'il mentait en m’essayant de convaincre que j’étais un zéro en chiffre, il savait donc que j’étais un homme de valeur quelconque. Je n’avais nul doute à propos de la fidélité d’Akbaïan.
Le matin, je profitai du moment et je vins à la maison de la veuve Bibigaïcha, mais je ne trouvai pas Akbaïan. Sadyk ne savait pas où sa sœur était. Lui aussi, il se préparait pour aller au front, et nos sentiments ne l’intéressaient pas. Et Bibigaïcha me regarda d’un air un peu étrange et dit quelque chose d'inintelligible, que sa fille était allée pour une affaire urgente ou quoi. Je n’allai pas chercher Akbaïan et je retournai chez moi, pas inquiété, en pensant qu'elle viendrait me voir une fois qu’elle serait libre.
Mais Akbaïan ne vint pas. Elle n’arriva même pas à la station de chemin de fer, d’où nous partions pour le commissariat militaire. Sadyk, qui était accompagné seulement par sa mère, dit qu’Akbaïan était malade, et il lui avait dit adieu à la maison. Mon ami était tellement excité (en effet, comme tous les autres djiguites mobilisés) qu'il était impossible clarifier quelle maladie sa sœur avait. Il n'était guère utile de parler avec sa mère: elle pleurait, et embrassait Sadyk sans cesse.
Ensuite, nous dîmes au revoir à nos amis et nos proches, prîmes le wagon rouge, le petit locomotive à vapeur "Poppel" donna un coup de sifflet de la tonalité aiguё, presque comme un policien, et se mit à nous emmener au point de rassemblement à Kaskyrsaï. Pendant qu’il accélérait, soufflant, les gens raccompagnant qui étaient plus jeunes, couraient à côté du train, et nous agitions les mains, nous penchant hors du wagon. J’espérais encore un miracle, je cherchais Akbaïan, en espérant qu’au dernier moment elle eût apparu et eût aussi couru à côté des wagons. Ou au moins qu’elle eût agité sa main de loin.
Le train passait devant les bâtiments périphériques de Myskazgan, et nous disions au revoir à notre village. Le village a été laid à regarder, mais la séparation proche le fit exceptionnellement magnifique pour nous. Notre steppe kazakhe modeste, brûlée, qui était rude en hiver et implacable dans la chaleur de l'été nous semblait ce moment-là bonne et accueillante, comme la maison paternelle. Et nous, nous entassant près des portes des wagons, disions adieu à notre patelin.
La route! La route infinie, sans limite comme l'espoir!
La locomotive se précipitait le long de la steppe, soufflant la vapeur de ses narines, juste comme un petit bœuf têtu. Les poteaux télégraphiques couraient se succédant et disparaissaient dans le côté où Myskazgan resta. Et autour de nous s'étendait la steppe infinie. La steppe kazakhe. La steppe mes fils et de mes pères. Ma steppe natale!
Quand vous allez dans la steppe, vous entendez dans les vents, chassant le long de son terrain plan, des sons de dombra , cette musique sans paroles vous fait sentir quelque chose de spécial, presque solennel, vos pensées sont s'enlèvent loin et haut. Ceux qui croient que la steppe est ennuyante et monotone, ils ont tort. Je la considère comme un livre sage et plein de vie, qui donne naissance à des images étonnantes. Voici la pente d'une colline, couverte de fleurs colorées, elle est comme la coiffure d'une fille. Et ce grès-ci, fissuré au soleil, couvert d'herbe triste, ressemble à un visage ridé d’une vieille grand-mère. Pas de ma grand-mère?..
Ma grand-mère mourut l'année dernière dans notre aoul natal, d’où nous déménageâmes à Myskazgan. Tout l’aoul l’aimait pour son esprit et son honnêteté. Pendant les années de la lutte totalitaire contre l’illettrisme, elle apprit à lire et à écrire. Bientôt, elle commença à utiliser la plume et le livre si habilement, comme si elle était familière à l’alphabétisme toute sa vie. Ma grand-mère n'amait pas avoir les mains dans les poches et elle était toujours affairée. Quand le féminisme commença, elle s'y impliqua, et les habitants de notre aoul firent tout pour que grand-mère fût élu au Conseil d'aoul. Ce fut seulement lorsque ses enfants eurent les petits-enfants, elle se calma un peu, s’étant installée près de la cheminée de sa maison. Mais y aussi, ma grand-mère trouva du travail communautaire. Elle ordonna une pile de journaux et de magazines et racontait de nouvelles à ses proches et aux voisins. Ses filles et ses belles-filles l’appelaient respectueusement "journal-apa " et moi, me souvenant de ma grand-mère je l’imagine toujours assise sur un banc bas près de la maison, une pile de journaux sur ses genoux.
Selon la coutume kazakhe, je vivais avec ma grand-mère pendant ce temps-là, elle m'apprenait l'abécédaire, et ce fut elle qui j’entendis pour la première fois prononcer le mot "Lénine".
Ma grand-mère aimait être fière de nouveaux mots, entrant au langage parlé, et en plus elle inventait certains d’eux elle-même. Si faisant ménage ses belles-filles négligeaient l'économie, elle disait quelque chose comme: "Chérie, quand tu vas à l'épicerie, garde Irjimek à l'esprit". Nous, ses petits-enfants, conjecturions sur ce qui cet Irjimek était, et on décida que peut-être c’était quelqu'un des gens séjournant: il n’y avait aucun ancien habitant de notre aoul portant ce nom-là. Seulement quelques années plus tard, j’appris qu’Irjimek c’était le terme "mode d'économie", modifié par ma grand-mère à sa manière.
Quand elle prononça le mot "Lénine", il me sembla mystérieux et rayonnant, parce que ce faisant ma grand-mère fut comme illuminée par la lumière bonne et douce. Voyant son visage souriait, je pensais qu'il s’agissait d’un homme très cher pour elle. "Cela doit être son parent préféré" – pensais-je, et quand ma grand-mère fut seule, je lui demandai:
- Grand-mère, et Lénine c’est qui?
- Lénine est le leader des pauvres, la lumière de toute l'humanité, - dit la grand-mère et caressa doucement mon visage avec sa main chaude rugueuse.
Qui ils étaient, les pauvres, cela je ne savais pas à cette époque-là, mais je savais ce que la lumière était et ce qu’elle signifiait pour les gens.
- Est-ce qu’elle est grande? La lumière? Comme notre lampe?
Ma grand-mère se mit à rire.
- Comme une étoile. Est-ce que la lampe peut donner de la lumière à toute l'humanité?.. Mais la mort a éteint l’étoile quand tu seulement commençais à marcher. Tu vois comment ça se passe: l'étoile est déjà éteinte, mais sa lumière éclaire toujours le chemin à des gens. Et elle va l’éclairer encore longtemps. Toujours!
- Grand-maman, comment l’étoile peut-elle briller, si elle est éteinte? - Il me semblait que ma grand-mère se confondait.
- Ne dis pas qu’un homme est mort quand il a quitté l'œuvre immortelle, - répondit ma grand-mère en vers. – C’était Abaï qui a dit cela. Je t’ai dit à propos de lui.
Au lieu de répondre à ma question, elle me demanda encore une énigme. Comment l'œuvre peut-elle rester immortelle, si l’homme est décédé? Et est-ce que l'œuvre peut exister sans l’homme?
Voyant ma profonde stupéfaction, ma grand-mère rit de nouveau et dit:
- Rentre chez toi, chéri, vas jouer. Tu es encore très petit. Quand tu iras à l'école, tu comprendras tout. Ce qui Lénine est, et ce qui l'œuvre immortelle veut dire.
Mais un jour, à la veille de notre départ pour Myskazgan, je ne pus pas résister et j’allai à l'école avant terme. Je m’approchai vers un bâtiment tout frais, construit en briques et ardoisé, j’enjambai courageusement le seuil et je vis directement en face de l'entrée l'image d'un homme à la barbe et avec les yeux plissés souriants dessiné en pied. Il portait un manteau noir avec un col de velours, jeté sur les épaules, et un nœud de ruban rouge sur la poitrine. La casquette serrée dans la main, l’homme était penché en avant et avec son autre main il montrait la voie aux gens. Au-dessus de l'image il y avait une toile rouge sur laquelle quelque chose était d'écrit en lettres blanches.
Une vieille dame était assise pas loin et buvait du thé.
- Qui est-ce? – demandai-je et pointai mon index vers l'image. La vieille femme mit son bol au thé sur la table et expliqua avec l'air digne:
- C’est Lénine. Il a dit qu’il était nécessaire d'apprendre. Il l’a répété trois fois.
Comme je le compris plus tard c’était un appel de Lénine célèbre, adressée à notre jeunesse: "Apprendre, apprendre et encore apprendre".
L'homme à la barbe semblait dire, se tournant vers moi: "Mon fils, je suis ton soutien. Vis ta vie courageusement et noblement!" Depuis ce temps-là, je vis beaucoup d'autres portraits de Lénine, mais celui-là devint pour moi le plus cher...
D'ailleurs, une autre image du leader entra dans ma mémoire pour la vie. C’était était une statue de Lénine, coulée en bronze, et je la vis l'un des jours les plus ardents de la guerre.
C’était dans la ville, que nos troupes quittèrent après une contre-attaque inattendue de l'ennemi. Le lendemain, moi et deux autres djiguites de notre escadron, nous fûmes appelés par l’officier de renseignement du régiment qui nous donna l’ordre de pénétrer dans la ville. Il nomma mon ami, l’originaire de cette ville, pour être notre chef. Lorsque nous traversions la ligne de front dans la nuit, il était tellement sombre autour de nous que je n'y voyais goutte. Mais dès que nous arrivâmes à la lisière de la ville, la lune sortit, lumineuse comme une lanterne et éclaira les rues et les maisons. Cela compliqua notre chemin et au même temps grâce à elle, nous vîmes ce que je ne peux pas oublier même aujourd’hui.
C’était ma première sortie en reconnaissance, et, je dois l'avoue, je me sentais mal à l'aise à cause de l'idée que nous étions dans l’arrière profond de l'ennemi, entourés de soldats ennemis.
Mais notre chef nous conduisait sûrement le long des ruelles. Nous traversions des cours de passage, courions dans les rues et nous cachions dans l'ombre des maisons et des clôtures. Actions prudentes et calmes de notre chef nous bientôt retournèrent confiance en nous-mêmes. Et je l'ai répété ses mouvement sans trépidation.
Selon la vue extérieure des maisons, selon le fait que les ruelles courbées disparurent et les rues devinrent plus larges, je compris que nous approchions du centre de la ville. En effet, notre leader arrêta et murmura:
- Il nous reste de contourner la place de la ville. Soyez encore plus prudents. Ici, ils doivent avoir leur quartier général, et donc les patrouilles seront partout. Essayons de passer à travers le parc.
Il trouva un trou dans la clôture de fer et nous pénétrâmes dans le parc. On marchait à pas de loup tout près des arbres, des buissons. Soudain, le chef s’arrêta, je presque tomba sur lui.
- L’entendes-tu? – demanda-t-il.
En avant de nous un moteur ronronna. Puis son ronronnement tomba et nous entendîmes les mots des équipes allemandes.
- Que font-ils? – notre chef s’étonna. - Il y a une statue de Lénine là-bas... Est-il possible que ces canailles...
Il ne finit pas, nous fit un signe de tête, comme disant de le suivre, et silencieusement, comme un léopard, visant son proie, il se mit à s’avancer. Après une série de courtes progressions nous regardâmes de derrière des buissons et vîmes un terrain, baigné de la lumière des projecteurs.
Au milieu du terrain se dressait une statue en bronze de Lénine. Ilitch se tenait debout d'un air pensif, son pouce sur le bord de sa veste, et à ses pieds des soldats s'agitaient dirigés par un grand, mince feldwebel . Le feldwebel criait quelque chose d’une voix forte mécontente, et les soldats fixaient la corde autour du soubassement qui était attachée à deux tankettes. Puis les soldats coururent de côté et d'autre, le feldwebel donna un signe de la main comme s’il attendait notre apparition.
Les moteurs des tankettes hurlèrent et elles se précipitèrent vers une large allée.
Mes mains saisirent involontairement le fusil d'assaut.
- Revener! - murmura le chef, ayant deviné dans l'obscurité à propos de mon mouvement. – Tu ferras échouer notre mission de combat.
- Laisse-moi, je t’en prie, - je le suppliai. - Je ne peux pas regarder...
- Non, regarde. Mémorise. Si on met un monument, ça doit être pour toujours.
Et en effet, les tankettes déplacèrent seulement à la longueur du câble. Les moteurs hurler d’une voix rauque. Les tankettes étaient comme des chiens attachés fermement à un poteau et hurlant de rage impuissante. Et le monument resta inébranlablement sur sa place. Ilich semblait dire à l'ennemi "Vous pouvez faire n’importe quoi, mais vous ne gagnerez jamais".
- Allons-y, - murmura notre chef.
Le lendemain, les envahisseurs furent chassés de la ville. Dès que les combats de rue se calmèrent, je courus au parc de la ville.
Le monument se tenait au même endroit. Seulement des ébréchures sur le soubassement rappelaient ce qui y était arrivé la nuit passée. Depuis ce temps-là, la statue en bronze de Lénine devint pour moi un symbole de notre invincibilité pour toutes les années de guerre.
...De l'école, je courus directement à la maison et me jetai au cou de ma grand-mère.
- Grand-maman, je viens de voir Lénine!
- Où l’as-tu vu? - sourit ma grand-mère.
- À l'école. Sur sa poitrine il y avait un grand nœud de ruban rouge. Il a dit que j’apprenne. Il l’a dit trois fois.
Grand-mère devina que je disais du portrait, qui était à l'école. Elle me donna un bisou sur le front.
- C’est bien ce qu’il a dit. Lui vas-tu obéir?
- Bien sûr, j'obéirai. Veux-tu que je fasse serment? - Et je dis: - Ol-Lahi-bellahi !
Ma grand-mère se mit à rire aux larmes.
- Non, mon cher, si tu veux vraiment donner un serment, tu dois le faire pas à l'ancienne, mais d'une nouvelle manière.
- Et comment ça, d’une nouvelle manière?
Elle m'embrassa de nouveau sur le front.
- Maintenant on dit: "Je jure sur le nom de Lénine," - elle me serra contre sa poitrine. - Le temps viendra, et tu donneras ce serment. Tu vas devenir un pionnier, puis un komsomol... Et maintenant, je veux juste une chose que tu fasses.
- Quoi?
- Nous, les Kazakhs disons: apprends l’enfant dès son enfance. Écoute-moi. Je veux mon cher que tu restes toujours fidèle à ta parole, justement comme le grand-père Lénine, et que tu combattes pour le bonheur du peuple, comme il l'a fait. Si son œuvre devient le sens de ta vie, ta vieille grand-mère n’aura besoin de rien d'autre.
Je me souvenais souvent de ses mots dans les moments difficiles de ma vie. Ils me soutenaient et m’aidaient à préserver la pureté de mon honneur et conscience.
On pouvait dire que ma bonne grand-mère savait que son petit-fils devrait passer par de rudes épreuves, et elle l’y préparait par avance.
Mais parlerons puis de cela, mes épreuves attendaient pour moi à l’avenir. Et entre-temps le train nous emmenait à la guerre...
Notre train allait vite, à la hâte à l'ouest. Les poteaux télégraphiques disparaissaient quelque part derrière le wagon, comme s’ils tombaient l'un après de l'autre. À une des stations, lorsqu’on changeait de la locomotive, un vieux cheminot dit que nous eûmes déjà couvert une moitié de notre chemin. La moitié, si on mesurait jusqu'à la frontière nationale. Nous regardions par les fenêtres et voyions des forêts russes, rivières serpentines et villages, qui furent si différents de nos aouls de steppe. La chaleur torride de la guerre ne fut pas encore venue ici. Nous voyions en passant des images de la vie en paix. Là, au bord d'une rivière étroite un pêcheur sembla assoupi avec sa canne à pêche, voilà à son tournant souple il y eut une femme qui lavait des vêtements, et à côté d’elle grenouillaient des gamins turbulents qui eurent déjà eu le temps de bronzer. Et ici, tout près de nous une foule s'étendit le long de la voie ferrée, à la tête d’elle il y eut un gars avec un accordéon. Il tirait le soufflet si vigoureusement, comme s’il allait le mettre en morceaux. Une femme avec un mouchoir sortit de la foule en criant quelque chose, dansait devant un gars. Je remarquai un sac sur le dos de l’accordéoniste, et tout devint clair: lui aussi, il allait à la guerre.
Et parfois, en ayant aperçu notre train du champ, jetant des houes ou des fourches des jeunes filles couraient vers la voie ferrée. Elles arrachaient les foulards des têtes, agitaient à nous, en criant quelque chose. Peut-être qu'elles pensaient que dans nos wagons il y eut leurs fiancés, et elles couraient pour leur envoyer encore une fois leurs adieux.
Dans ces moments, je sentais de l’amertume, parce que ma bien-aimée ne fut pas venue me voir. Mes compagnons d'armes chantaient des chansons martiales militaires, apprises encore pendant le premier jour de la route, et moi, grimpé au lit de planches supérieure, je pensais comment il était important d’entendre pendant que tu te prépares pour une route dangereuse la personne la plus chère pour toi dire "reviens vite". Je pensais que je savais qui m’eut volé même ce jour-là. Je serrai les poings et jettai mentalement des menaces à Aljan comme un garçon: "Patience! Je reviendrai de la guerre et je te montrerai de quel bois je me chauffe, comme notre starshyna dit". Et pourtant, je ferais quoi?..
Non, je n’allais pas toucher un cheveu à la tête d’Aljan, je ne lui dirais même aucun mauvais mot. Le maître connait bien l’humeur de son cheval, et moi, je connaissais bien mon caractère pas capable d’éprouver de la rancune pendant longtemps. Il était déjà plusieurs fois quand m’on vexait et je me persuadais facilement que ce n’était que par accident, que mon agresseur n’avait aucune intention malveillante envers moi. Et je chassai les pensées sur Akbaïan, me disant que les sentiments personnels devraient céder à un événement tel que la guerre. Mais comment peut-on oubliez la chanson qui saute du gorge? Hélas, un homme est tel que quand il s'interdit de penser à un sujet quelconque, il commence immédiatement à penser seulement à ce sujet-là. Akbaïan toujours papillotait dans mon esprit...
- Après quoi soupires-tu, mon frère? - demanda une fois le starshyna, l'homme principal dans le wagon.
Notre starshyna fut un homme qui s'est frotté à tous les vents, il nous élève à sa guise. Il racontait des batailles de Khalkhin Gol dans lesquelles il eut participé.
Et voilà, en voyant mon état, il interrompit son nouveau récit.
- Sa chérie, le camarade starshyna, lui a dit: si tu reviens sans médailles, je ne te laisserai pas sur le seuil de ma porte – répondit pour moi un blond chétif, l’amuseur principal du wagon.
Notre wagon vibra de rire. Je cherchai Sadyk par mes yeux, il riait avec tous.
- Moi, je connais bien la petite amie de Sabyr, elle a du caractère, - prononça-t-il en hurlant de rire.
- La connais-tu? – demanda le blond avec méfiance.
- Mais bien sûr, elle est ma sœur, jetta négligemment Sadyk.
Cette nouvelle suscita un nouvel éclat de rire. Il sembla que notre wagon soit à deux doigts de quitter les quitter les rails.
Je ris aussi. Tous vinrent de se séparer avec leurs proches et ce n’était pas facile, donc on s’amusait pour adoucir son mal.
Seulement le starshyna resta toujours sérieux.
- Ecoute-moi, mon gars, si as de l’amertume dans le cœur, jete-la, laisse ça sur la terre de la paix - dit-il, après avoir attendu l’éclat de rire se terminer. – Le malheur est un mauvais assistant à la guerre -. Il empêche le soldat à se battre. L'ennemi n'a pas peur de ton chagrin mais de ta colère. Donc finis à te coucher sur le lit de planches, descends chez nous et écoute ce que je vais vous dire. Peut-être que mon expérience sera utile pour vous.
Je descendis en bas et j’assis à côté de Sadyk sur une caisse vide à ration sèche. Après tout, ne suis-je pas un djiguite? – me fis-je honte mentalement. Ça suffit de m'attrister à cause de cette capricieuse!
- Et quoi donc, le camarade starshyna? – demanda le blond avec un vif intérêt.
- Ne te précipite pas: une bonne histoire n’aime pas des gens hâtifs - lui dit didactiquement le starshyna.
Après la guerre, je rencontrais les diseurs comme lui, qui mangèrenr de plus d'un pain. Ils furent à la moustache, aux visages rouges, tannés par le soleil et les vents. Je les vis dans les films ou sur les tableaux d'artistes. Et comme ces diseurs-là, notre starshyna sortit du tabac de jardin de son sac brodé en fleurs, fit lentement une cigarette roulée par lui-même d’un morceau de journal, et la tenant entre ses dents inégales mais fortes, regarda le blond en attendant. Ce dernier tira rapidement une boîte d'allumettes de sa poche et cassant les allumettes en ferveur, il approcha un petit feu vers le bout de la cigarette roulée. Le starshyna avala savoureusement une bouffée de tabac, souffla de la fumée vers la porte ouverte et dit pensivement, comme si en commençant une nouvelle histoire:
A cette époque-là, nous ne savions même pas ce qui c’'était une mitraillette. Un fusil, une baïonnette et quelques techniques de sambo, adaptées pour le combat corps à corps.
- Ça ne suffit pas? Qui gagne le combat corps à corps? Celui qui est plus fort. Et nos gens sont invincibles, - l’interrompit quelqu'un.
- Non, à la guerre il est impossible de vaincre à main forte mais nue, - dit le starshyna presque souriant. - Les poings sont secondaires à la guerre. L'intelligence et la ruse sont beaucoup plus importantes. Et encore ce qu'on appelle une maîtrise de soi-même. On a eu un soldat du renseignement. À propos, il était compatriote, Sabyr, le Kazakh. Il s’appelait Hassène. Son nom de famille était Bekejanov. Il était un gars haut et basané. Quel il était rusé et débrouillard! Je me souviens que nous avons été envoyés en reconnaissance. Après avoir passé trois ou quatre kilomètres nous nous sommes approchés d’une ville. On s’est demandé s’il y avait des Japonais? Non? Il ne nous a resté que deviner: il n'y a pas un chat dans les rues. Et on ne pouvait non plus attendre: nous devait faire la recherche dans le plus bref delai. Donc, Hassène a demandé au commandant la permission de regarder le village au près.
Le lieu devant eux était complètement ouvert: le champ, et seulement devant la maison du bout il y eut des petits sous-arbisseaux. Eh bien, notre Hassène s’est mis à marcher à découvert. Dès qu’il s’est approché des buissons, trois Japonais lui sauter dessus. Cela voulait dire qu’il est tombé sur un avant-poste. On a fait son fusil sauter des ses mains et on s’est mis autour de lui pour le conduire à son quartier général japonais. Nous pensons qu’Hassène a été pris au piège, qu’il était cuit. Et notre ami a levé les yeux vers le ciel, y a pointé du doigt et a dit quelque chose dans le même temps, comme disant: "Regardez là". Les Japonais, eux aussi, ont soulevé les mentons vers le ciel, leur vigilance s’est affaiblie, comme s’ils pensaient qu’ils sont trois, et le prisonnier était seulement un, désarmé, donc il ne pouvait pas être dangereux pour eux... Et pendant qu'ils restaient debout bouche bée, Hassène a donné un coup de pied dans le ventre de l’un des Japonais, à un autre il a donné un coup de poing dans l'estomac, et le troisième a reçu son coup dans la pommette. Après cela il a saisi son fusil et a commencé à agir comme pendant l’exercice de troupe. Il a terrassé un soldat avec la crosse de fusil, l'autre a été tué avec une baïonnette. Et le troisième écrasé au sol lui-même. Quant à Hassène, il se mit à courir à tire-d'aile vers notre ravineau.
En interrompant l’un l'autre, nous discutâmes sur l’histoire récitée. Après il me sembla que le starshyna eut menti un peu et eut imaginé quelque chose à des fins éducatives. Mais à cette époque-là, nous prenions tout pour argent comptant.
- Sabyr, vas-y, lève-toi - dit Sadyk.
Je me levai et Sadyk essaya de montrer comment il aurait agi à la place d’Hassène, mais il tomba sur le lit inférieure.
Si je le savais à ce moment-là que deux mois après j’aurai été dans la même situation dans laquelle se trouvait Hassène!
Notre excitation se durait encore longtemps. Un de gars, qui eut l'air d'un intellectuel, sortit de la valise un violon et se mit à jouer un marcher vigoureusement. Quant à nous, nous pétions les gueules de toutes nos forces:
- Non, nous n’avons pas peur
- De nous nous jeter sous les balles ensemble!
- De marcher au combat.
- C’est nous, qui gardons dans nos cœurs
- Le sens de la vengeance juste!
J’entendis le starshyna murmurer:
- Pourquoi "nous n’avons pas peur"? On a toujours peur d'aller au combat. Mais il est nécessaire de le faire. Et pourquoi se jeter sous les balles? Seulement un homme décérébré se jette sous les balles. Ou bien les gamins comme ça. Un homme d'expérience, il contournera, marchera à plat ventre, où il sera possible. Il se sauvera et vaincra l'ennemi. Ils sont encore des garçons, des garçons. Et comment est-ce qu’ils se porteront là? La guerre, après tout, ce n’est pas un jouet.
Et comme s’il soutenait le starshyna, une locomotive courant à la tête du train siffla impatiemment.
Mais notre crânerie nous eut déjà rendus ivre. Je regardais les visages des gars, et je pensais: "Si on nous laisse ce moment-ci nous battre avec l’ennemie, notre petit groupe d’appelés le détruira immédiatement, et en repoussant tout sur son passage il viendra à Berlin". Donc je commençai à ressentir pour la première fois le pouvoir de la communauté militaire. Et je fus honteux d’avoir pensé tout le temps à ma douleur personnelle.
Le soleil fut au zénith. Derrière la porte du wagon des bâtiments de la station passaient vite. Les roues faisaient du bruit aux joints des rails...
- Bonjour – me salua Batima, en entrant dans la salle. - Comment avez-vous dormi?
- Je dormais comme un sonneur. Franchement dit, je suis fatigué d’être couché. Je ne pensais jamais que cela peut être si fastidieux. Auparavant, il m’arrivait de penser à la fin de la faction: Ce serait si agréable de me mettre dans les plumes. Et maintenant - non, il vaut mieux de travailler en deux postes.
Batima rit.
- C’est parce que vous êtes un homme de travail. Auparavant, vous n’avez jamais resté au lit si longtemps de. Mais aussi, vous n’en avez pas eu le temps.
- Je ‘ai pas eu le temps, mais cela m’a déjà arrivé de me coucher si longtemps. À l'hôpital.
- Eh bien, il était une autre période. C’était la guerre. Et en plus votre blessure vous faisait du mal. Et maintenant il vous semble que vous soyez un homme en parfaite santé.
- Mais ce n’est pas mon illusion. Le docteur a dit qu’une fois que je serais en bonne santé, il ne me retiendrait pas à l'hôpital même un jour de plus.
Batima me posa un thermomètre, puis me regarda avec un sourire méfiant. Apparemment, elle s’habitua déjà à ma discipline, et cette petite rébellion l’étonna.
- Alors, le médecin pense que vous êtes encore loin d'être en bonne santé - dit Batima d’un ton didactique. - Par ailleurs, il a interdit de nouveau de laisser Akbaïan vous voir.
- Est-elle venue?
- Hier, après le dîner. Pendant ce mois que vous êtes ici, c’est son sixième tentative - dit Batima avec indignation.
Je ne pus m'empêcher de sourire de l'oreille à l'oreille. Elle brûlait d'envie de. Elle avait besoin de moi. Ce n’est pas pour rien qu’on dit: "Les vieux amis et les vieux écus sont les meilleurs". Et quoi que c’ait été au cours de toutes ces années passées, j’étais son ami le plus vieux. Disons tout net que autre moi elle n’avait personne à sa côté à ce moment-là.
Mais comment Batima détestait Akbaïan! Quand elle me regarda, elle fronça les sourcils. Et moi, j’étais prêt à l'embrasser. Si elle savait ce que cela signifiait pour moi d’avoir une telle nouvelles! Il était évident qu'elle voulait dire encore quelque chose de mauvais à propos Akbaïan. Non, Batima, je ne t’aurait cru, quoi que cela ait été. Ah, les femmes, pourquoi vous aimez-vous pas si rarement?..
Batima, peut-être remarqua l’expression têtue sur mon visage, et se retendit. Justement en haussant les épaules, elle dit vaguement:
- Eh bien, chacun a son propre rêve.
Peut-être qu'elle voulait dire que chacun marchait son propre chemin. Ainsi, par exemple, je ne trouvai rien de mieux que de tomber amourex d’Akbaïan...
Je voulai taquiner Batima, et je dis:
- Et que pensez-vous à propos de mon rêve?
- Comment le dois-je savoir? - haussa les épaules Batima de nouveau.
- Mais dites quand même.
- Probablement, chaque personne rêve de quelque chose inaccessible pour elle, dit Batima pensivement. – Par exemple, un bossu rêve de se coucher sur le dos au moins une fois.
Je réalisais que Batima parlait d’elle-même. De quelque chose qu'elle n'avait pas réussi dans sa vie comme elle le souhaitait.
- Et pourquoi donc le médecin ne laisse pas Akbaïan me voir?
- Peut-être qu'il y a une raison – dit Batima sèchement.
- Quelle pourrait être la raison?
- Le médecin sait ce qu'il faut faire, il est quand même le médecin. - rit Batima soudain.
- Avez-vous souvenu quelque chose de drôle? – demandai-je.
- Non, plutôt triste.
- Pourquoi riez-vous donc?
- Parfois il arrive. Quand on pleure et rit en même temps.
- Rire à travers ses larmes. Certes, il arrive, – acceptai-je.
- Oui bien sûr. Et est-ce que ce n’est pas drôle quand un homme intelligent, qui a vu beaucoup de choses, cet homme ne peut pas distinguer le vrai amour de celui faux?
- Parlez-vous de moi? Est-ce une allusion?
- Ouais, comme un proverbe russe dit: pêcheur a toujours peur? Alors, êtes-vous tombé amoureux?
- Je ne le dis pas – dis-je rapidement et évasivement.
- Mais vous avez rougi - remarqua Batima strictement.
Je m’en sentais moi-même.
Ne vous inquiétez pas, je ne parle pas de vous. Je me suis souvenu d'un cas qu’un djiguite de la salle quatre a raconté.
- Et vous me le racontez. Peut-être qu'il y a quelque chose pour moi à enseigner, dis-je en bêtisant.
Ce jour-là j’étais de très bonne humeur, et je ne pouvais rien y faire.
- J’en doute, - dit Batima. – Cette histoire est vieille que le monde. Mais, malheureusement, elle a ouvert l’ésprit de très peu de gens. Mais vous n’avez rien à avoir avec ça. Vous passez votre chemin.
Il y avait de l'ironie dans sa voix. Comme si elle savait quelque chose. Mais comment? D’accord, je rougis, mais cela ne voulait dire à rien. Je ne disais à personne de mes sentiments pour Akbaïan.
- Pourtant, je vous écoute – dis-je, en essayant de ne pas montrer ma perplexité.
- Alors, un vénérable vieillard est tombé amoureux de sa secrétaire. Elle était plus jeune que lui probablement de trente ans. En bref, très jeune. Mais elle semblait l’aimer aussi. Et cette situation dure depuis de nombreuses années. Il a une famille, une femme malade, c’est pourquoi il ne peut pas divorcer sa femme et épouser sa secrétaire. Elle se sent offensée... Je ne crois pas en ce conte.
- Mais qu’est-ce qu’il y a d’incroyable ici? Avec l'âge, les hommes devient plus stables.
- Je ne parle pas de cela. Je ne crois pas en l'amour d’une jeune femme envers un homme âgé. À mon avis, elle le mène tout simplement par le bout du nez. Il est profitable pour elle. Elle agit par un calcul quelconque.
- Mais ne pensez-vous pas que c’est peut être un vrai amour?
Elle renifla avec mépris.
- Batima, alors vous ne tomberiez jamais amoureuse d’un homme beaucoup plus âgé que vous?
- Je n’en ai besoin ni d’un vieux, ni d’un jeune, je n’ai besoin de personne. Oh, je me suis oublié à causer avec vous, - se reprit-elle et prit mon thermomètre. – Chaque fois que j’entre dans votre salle, on discute. Aujourd'hui, votre température est normale. Trente-six et six, c’est parfait.
- Dites le au médecin! – écriai-je triomphalement. Mais Batima quitta déjà la salle.
Elle semble ne croyer pas vraiment en amour. Peut-être qu’une fois elle a déjà pris martre pour renard, et maintenant soupçonne chacun avoir de la malveillance. Et surtout, elle est sûre qu'elle ne pourra jamais tomber amoureuse... Mais si Batima ne peut pas aimer, cele ne doit pas signifier qu’Akbaïan ne peut non plus être amoureuse.
"Non, non, - dis-je mentalement à Batima, les gens pouvaient et doivent aimer. C’est l’amour qui a fait l'homme bon et noble. Sans l’amour le caractère de l’homme serait pareil à celui des bêtes féroces. Et c’est douteux qu’il pût vivre jusqu'à nos jours sans l'amour d'une femme, de sa mère, de la tribu qui l'a élevé? Il arrive aussi, Batima, que l'amour n’est pas si facile, et le chemin vers lui est parfois mesuré en années d’épreuves. Comment c’était avec moi et Akbaïan"...
"Et Tatiana, qui a-t-elle donc été pour toi?" - me demandai-je soudain. - Pourquoi vous êtes-vous mariés, et vous avez vécu ensemble pendant une période considérable, comme on dit, en parfaite harmonie? Que diras-tu, Sabyr? Après tout, le cœur n'est pas un dastarkhan : il ne peut pas être déployé devant chaque femme. Et tu l’as donné brûlé d'amour pour Akbaïan à Tatiana pour qu'elle le guérît de la maladie. Il était le temps quand tu considérais le sentiment d’amour perpétuel envers Akbaïan comme une maladie grave, c’est ça, Sabyr? Et Tatiana te semblait une personne convenable, un ami proche qui t’aiderait à récupérer. Toi et Tatiana vous vous chérissiez, et puis tu as décidé que ta maladie s’est terminée complètement, et entre toi et ta femme, le seul amour, l’amour véritable est né. C’est comme cela que tu pensais pendant de nombreuses années, jusqu'à le moment quand tu a rencontré Akbaïan de nouveau. En tête à tête".
C’était une journée douce et belle, ce qui arrivait rarement en été. Le vent frais soufflait de l'est, en refroidissant et en apaissant la ville ardente. Oui, notre village Myskazgan se changea en une grande ville industrielle avec de grands bâtiments de quatre étages et des rues droites asphaltées au lieu de baraques et ruelles courbées.
Habituellement, à ce temps-là, les vents soufflaient. Ils semblaient être chassés du soufflet invisible d'un four géant placé quelque part au sein de la steppe. L'asphalte et les murs des bâtiments furent chauffés, les collines aussi qui entourent la ville de tous les côtés. Ne povant pas capable de supporter une telle chaleur, les citadins se sauvaient au bord d'un lac artificiel, qui se forma après le blocage de la rivière Ondir. L'eau du lac est transparente comme l’larme et claire bleue comme le ciel d’Arka. Les constructeurs couvrirent les berges adoucies de sable jaune. Les dimanches, le lac attirait tous les habitants de la ville, et la plage, et la surface de l'eau se transformaient en un immense jardin de fleurs de maillots de bain multicolores.
Du vivant de Tatiana, nous aussi passions nos jours de repos au bord du lac. Nous nous levions tôt le matin et ayant mis de la nourriture et des maillots de bain dans le sac, nous déménageâmes à la plage pour toute la journée. Après m’avoir baigné, je m’installais sur le sable, sommeillais ou lisais un livre, et Tatiana, on ne pouvait pas la faire sortir de l'eau. Sa peau blanche était réfractaire au bronzage et elle seulement rosissait au soleil. Je me prélassais sur ma serviette-éponge, large comme un tapis, en ecoutant son rire sonore, si je levais la tête je pouvais la trouver immédiatement, rose parmi les baigneurs bronzés. Après la mort de ma femme, je ne fus jamais au bord du lac. Tout y fut associé à la mémoire de Tatiana. Une simple mention du lac causait la douleur dans mon âme.
Mais un dimanche matin, je pensai que Tania elle-même n’aurait approuvé ma claustration, donc je pris le bus qui allait à la campagne, et une demi-heure après je flânais le long de la côte mes pieds dans le sable. La plage était toujours grouillante de monde, et bien que je le trouvais étrange, mais après la mort de Tania la vie n’arrêtait jamais sa fête éternelle. De la même façon, des enfants couraient dans mes jambes les corps nus, des garçons et des filles sportives jouaient au volley-ball, on appelait quelqu’un, on poussait à l'eau quelqu'un qui criait de la frayeur affectée. Autour de moi toutes les mêmes couleurs gaies étincelaient, des gouttelettes d'eau luisaient.
Je cherchais longtemps une place tranquille. Mais partout étaient de jeunes corps bronzés, flashaient les sourires, dévoilant des dents d'une blancheur éclatante, je me sentais gêné en quelque sorte de mon âge. Il me semblait que ma présence aurait brisé l'harmonie de la plage.
Ayant remarqué mon incertitude, une jeune femme aux cheveux rougeâtres couchée sur le ventre, leva la tête et cria malicieusement:
- N’hésitez pas, bon homme! Il y aura assez de place pour tous. Et il en même restera beaucoup!
Ses amies étendues sur le sable me dévisageaient, les jeunes filles mignonnes et confiantes. Mais quelqu’un envieux et prêt à critiquer tout le monde aurait pu décider certainement que j’étais un vieux coureur de jupons, fourré dans la compagnie des jeunes filles innocentes. Il existe même un proverbe sur cela: si un vieux bœuf entre dans un troupeau de jeunes animaux, cela ne présage rien de bon.
Je me tournai dans l'allée et me dirigeai vers le pavillon où on vendait de la glace et de l'eau.
Devant moi marchait une jeune femme habillée d’une robe colorée. Ses épaules et ses bras bronzés ouverts gardaient encore de la fraîcheur de l'eau. Sur son dos se posaient librement deux tresses épaisses noires, longues, atteinant les hanches. Je fus déjà habitué à des coiffures modernes, ressemblant aux bonnets en peau de mouton ou aux queues de cheval, c’est pourquoi ces belles tresses simples naturelles me semblaient un miracle. Les Kazakhs disent: "Les plumes décorent le paon, les cheveux la femme". Je voulai tout d'un coup regarder le visage de cette femme. C’est une loi naturelle: le plus profond lac a son lit et la plus haute montagne a sa limite. Et la douleur aussi, la plus grande douleure, cependant, a sa limite.
La femme marchait lentement, et sa petite valise noire cahotait en rythme avec ses pas. Dans la même valise ma Tatiana avait gardé ses médicaments et instruments médicaux, quand elle était allée visiter des malades. Bien que la femme est sortie de la plage, et elle avait, le plus probable un maillot de bain et serviette, je pensais qu’elle aussi avait rapport à la médecine. J’accélérai le pas.
"Mais ces tresses, n’ont-elles pas été achetées dans un magasin? Maintenant il est difficile de comprendre si la femme a ses propres cheveux ou une perruque. Et moi, je me porte vers elle comme Touleguen vers une caravane de Kyz Jibek "- je me dis avec un sourire.
Je m’approchai de la femme, et elle, comme ayant senti ma curiosité, me regarda aussi. Non, elle n’était pas belle, mais dans le visage basané de cette Kazakhe il y avait quelque chose de si attirant que je ne pouvais pas lui quitter des yeux. Elle se tenait tranquillement sous mon regard:
- Salut, ma sœur, - dis-je selon notre coutume.
- Je vous salue aussi, Sabyr-agay – répondit la femme sympathiquement.
"D’où connait-elle mon nom? " Moi, je la vis pour la première fois...
- Je ne vous ai reconnu pas peut-être? – demandai-je diplomatiquement.
- Ce n’est pas étonnant. Vous ne m'avez jamais vu. Mais moi, je vous ai vu. Et plus qu'une fois. - l'étrangère se mit à rire.
- Où? - lui demandai-je ne comprenant rien.
- Pour l'instant nous n’avons qu’un seul Héros du travail socialiste dans la ville. Et son nom est Sabyr Chakirov, n’est-ce pas? - dit la femme avec un sourire. - À Myskazgan il n’y a aucun tableau d'honneur sans votre portrait y accroché.
- Ah, ça y est! – ris-je aussi, mais franchement parlant, ses mots me firent sentir des sentiments différents. J’aurais menti en disant qu'ils ne furent pas flatteurs pour moi. Mais d'autre part, j’y sentis de l’ironie legère (et juste). Pour mes mérites je fus déjà récompensé avec une meilleure récompense dont l'homme de travail ne pouvait même rêver. Est-ce qu’il était nécessaire de me separer des autres gens aussi dévoués et me donner une place particulière? Il est mauvais d’être seul quand on est exécuté, mais il est aussi peut-être mieux d'être avec ses amis quand on est récompensé.
- Mais je vous connais outre cela, - dit l'étranger, légèrement amusée par mon embarras.
- Par quoi d'autre suis-je connu pour vous? - demandai-je, ne sachant pas ce qu'on pouvait encore attendre d'elle.
- Je travaille à l’hôpital de secours. Nous étions amies avec votre femme. Peut-être qu'elle vous a parlé de moi. Je m’apelle Batima. N’avez-vous pas entendu ce nom?
- No. En tout cas, je ne me souviens pas Tania perler de vous.
Pendant quelques instants, nous marchions en silence, et j’allais déjà la quitter, mais elle dit pensivement:
- Il était une fois quand j’ai eu des moments très difficiles, et elle a pris soin de moi comme ma mère.
- Tania me parlait rarement des affaires des autres gens.
- Habituellement les femmes prendent conseil auprès de leurs aimés. Et je lui ai bien donné de la peine, probablement... elle vous aimait beaucoup.
- C’était elle-même qui vous a dit cela? – étant très sociable Tatiana quand même avait honte de parler de ses propres sentiments, même avec moi.
- Non, pas du tout! Elle s’en taisait toujours. Mais si vous voulez apprendre quelque chose à propos d’une femme, demande-le à une autre femme.
Cependant, je savais moi-même que Tatiana m'aimait pendant toute notre vie ensemble.
- Votre femme était une personne particulière, - continua Batima. - Elle pourrait aimer tellement profondément comme très peu de gens le pouvait. Les gens prennent pour l'amour, quoi que ce soit, parfois la passion la plus insignifiante.
Une telle conclusion aurait pu être contestée. Mais j’étais reconnaissant à Batima pour les paroles gentils à propos de Tatiana et je posai une question sur quelque chose complètement d'autre:
- Donc, vous êtes médecin aussi?
- Vous vous êtes trompé. Je suis infirmière. Ici, nous avons une poste de secours. Je vais être en service.
On vit un couvert coloré du restaurant d'été. Je proposai:
- Voulez-vous y aller pour manger? Vous n’aurez pas le temps après.
Batima regarda sa montre.
- Probablement. Mais pas pour longtemps, d'accord?
Ce n’était pas encore l’heure du repas, il était encore suffisant pour les baigneurs de jouir du soleil, de l'air et de l'eau, c’ést pourquoi il n’y avait que quelques couples dans le restaurant.
L'un d'eux était familier pour moi. Il travaillait dans mon trust et elle était sa femme. Du coin de l'œil, je voyais comment ils se regardèrent comme pour dire: «L’as-tu vu? Il ne s’est pas lamenté longtemps. Il semble qu’une année soit à peine écoulée. Et elle est peut-être d'âge à être sa fille".
Nous choisîmes une table dans le coin, et Batima s’assit face à la salle et moi, je m’y assis le dos.
Une serveuse âgée s’approcha de nous. Elle étouffa un bâillement à force et regardant Batima d’un mauvais œil elle demanda:
- Que voulez-vous prendre?
Je donnai le menu à Batima.
- En plat principal il n’y a que la languette – nous avertit la serveuse non sans malignité. Elle n'approuvait guère notre alliance.
Nous commandâmes humblement des languettes, de la salade et du thé.
- Voulez-vous boire? - la serveuse demanda presque catégoriquement, nous laissant la dernière chance de nous justifier à ses yeux.
Cela m'amusa.
- Une bouteille de vin blanc sec. Êtes-vous d’accord, Batima?
- Je ne peux pas. Je vais aller au travail. Et vous ne devez non plus boire meintenant quant il fait si chaud. - dit-elle d'un ton spécifique du personnel soignant.
- Pas de problèmes, je vais boire. Franchement parlant, aujourd'hui je suis de bonne humeur. Deux cents grammes du vin sec, s’il vous plaît – dis-je à la serveuse.
Elle jeta à Batima un regard flétri et alla à la cuisine.
- Comprenez-vous ce qui se passe? Elle a décidé si nous sommes amoureux, - dis-je à Batima.
- Vous exagérez - ne croya pas mon interlocutrice - nous avons une telle différence d'âge.
Bien que je ne pensasse même pas au flirt, un rappel de mon âge me toucha au vif. En m'en voulant de cela, je plaisantai:
- Eh bien, si elle est tellement évidente, cela signifie que votre mari ne sera pas jaloux, même si toute la ville parle de notre rencontre.
Batima haussa légèrement les épaules (comme je remarquai plus tard, elle toujours exprimait son opposition à quelque chose comme ça) et dit:
- Je n’en ai pas peur. Et il n’y a personne à être jaloux de moi.
- C’est pas possible! Il n’y a personne qui puisse être jaloux de vous, une femme si jolie? – m’étonnai-je, et réalisant immédiatement que ce fut impoli, j’ajoutai: - Je suis désolé, je dois avoir touché quelque chose de douloureux pour vous. – Il y eut encore une fois ce mouvement léger de ses épaules. Et un petit rire débonnaire.
- Le mari indifférent qui ne m’aime plus? Ou le divorce avec son mari bien-aimé? Oh non! Ni ceci ni cela. Dieu merci, je n'ai jamais été mariée. Et maintenant, je n’en cherche pas.
- C’est pas possible! - répétai-je.
- Seulement les morts ne se raniment pas, tout le reste est possible dans notre vie - dit calmement Batima. - Il est vrai qu'il y était une fois que je voulais me marier. Mais, heureusement, mon bon destin m’a empêché. Je ne le comprenais pas et je pleurais comme une imbécile. Si ce n'était pas votre épouse, je ne sais pas ce que j’aurais fait avec moi-même, peut-être des choses stupides...
Ce moment-là, je me souvins de tout. Tatiana m’avait dit une fois à propos de l’une des ses amies.
"Pauvre femme, - disait Tatiana soucieusement. - Elle doit avoir déjà près de trente ans, et elle n’est toujours pas mariée. Et pourtant, elle est sympathique et bonne. N’importe quel célibataire serait heureux d'avoir une telle épouse. Mais elle ne veut regarder personne. Elle vit comme une nonne".
"Donc, elle est peut-être folle, voilà tout" – me rappelai-je dire négligemment, j’étais préoccupé pensant à la future réunion dans mon trust.
"Elle est aussi normale que toi et moi. Seulement grièvement offensée. Et son cas est pareil à celui avec toi et Akbaïan. Beaucoup de jeuns gens le souffre. Et ensuite beaucoup d’eux commencent à oublier leur désappointement, comme toi. Mais Batima a perdu la foi en la pureté des sentiments humains", - déclara Tatiana, en pensant que mon amour pour Akbaïan s’était déjà complètement anéanti. Elle pensait naïvement à cette histoire juste comme à un cas clinique. Et moi aussi, je n’étais pas loin de cela.
En bref, Tatiana me dit que Batima, faisant ses études à l'école médicale, était tombée amoureuse de sa camarade de classe. Lui aussi semblait ne pouvoir pas vivre sans Batima. Le djiguite et la jeune femme étaient inséparables. Une fois les étudiants de leurs années apprirent qu'ils avaient décidé de se marier après l'obtention du diplôme. Avant le mariage, le fiancé alla à son village natal pour obtenir la bénédiction de ses parents. Une semaine passa, un mois passa, l'été se termina, Batima obtint un emploi à l'hôpital, mais son fiancé ne revint jamais. Il fut disparu. Comme s’il n’existait jamais. En hiver, quelqu’un dit qu’Abdrahman avait épousé une autre fille dans son village. Longtemps Batima n’en guère croyait. Mais un jour on amena à l'hôpital un patient du village, et il confirma qu’Abdrahman était vraiment marié. Batima voula se tuer, et c’était à ce temps-là que ma femme la prit sous son aile. La jeune fille se soumit. Mais son coeur devint aussi dur que la pierre. Pendant trois années de son travail à l’hôpital, beaucoup de djiguites éssayaient de la courtiser, mais Batima ne regardait à personne.
"Je dis: est-ce que tu vas vivre toute ta vie comme une vieille fille?" - disait Tatiana. – "Et elle me répond: "Pourquoi dois-je me marier? Pour me maudire déjà le lendemain? Tous les hommes sont des menteurs. Même Abdrahman, lui aussi... L'amour n’existe pas. Ce n’est qu’une imagination".
Et voilà, cette jeune fille était assise avec moi à la table. Et elle me sembla si sûre d’elle-même. Je fus sur qu’elle est une personne que a tout ce dont elle avait besoin. N’était-ce pas d’elle qu’on disait: "Une jeune fille est comme un coffret, dont on a perdu la clé". Et personne ne savait ce qui se trouvait au-dedans. Qui allait trouver la clé pour le coffre? Qui réchaufferait le coeur de Batima? Et si quelqu'un trouvait la clé, quel trésor trouverait ce djiguite?.. S’il y a un cœur aimant, l'espoir existe. Mais est-ce qu’il y aurait été un tel cœur persistant, qui aurait ramené Batima à la vie retourné?
Nous étions réunis pas la solitude. J’allais adresser à Batima des consolations - les mots vides habituels que tout allait être bien. Mais quelle signifiance auraient ces mots pour elle?..
- Qu'est-ce qu’Aïda écrit? En quelle année est-elle? Probablement déjà en deuxième? - demanda Batima.
Aïda c’est notre seule fille avec Tatiana. Après l’école, ayant passé le concours d'entrée les mêmes candidats comme elle, elle réussit à rivaliser entrer à l’Institut des langues étrangères d’Alma-Ata, et à ce moment-là elle était vraiment en deuxième année. Je fus touché par ce que Batima se rappela de ma fille.
- En deuxième année! – confirmai-je – je viens de recevoir sa lettre. Elle écrit qu'il fait bien ses études, est en bonne santé et a le temps de jouer dans le cercle d'art dramatique.
- Elle est faite du même bois que sa mère. Tatiana aussi, il est pouvait être tellement chargée de treveil social qu’on penserait qu’elle ne fairait pas le poids. Mais non, tu voyais que peu à peu elle faisait tout ce qu’il êtait nécessaire. Et voilà elle allait du magasin ses sacs pleins de produits. Et elle demandait encore: "N’as-tu pas, Batima, besoin de mon aide?"
Oui, Tatiana était bricoleuse. Et ce que Batima en parlait me fit aussi du plaisir.
- Tatiana me racontait comme votre famille est heureuse, - continua Batima.
- Nous aurions vécu encore cent ans sans nous ennuyer, confirmai-je.
Chose étrange: les souvenirs me rendirent pas triste mais un peu réjoui.
- Vous avez eu de la chance. Mais le plus souvent c’est le contraire.
Mon âge et le fait que j’avais été le mari de Tatiana, lui inspirèrent presque la confiance d'enfant pour moi. Et je die tout à fait paternellement:
- Mais non, il est très tôt pour vous de généraliser. Vous êtes encore trop jeune pour cela.
- La jeunesse est longue, lorsque tout va bien. Et si un malheur est venu tôt chez quelqu’un, il devient vieux très vite.
- C’est clair que vous avez eu des ennuis. Mais tout de même il est encore trop tôt pour rayer toute la vie. Ne jugez pas de tout le monde par un homme.
Batima comprit que j’étais au courant de sa situation.
- Il arrive qu'un homme sage, qui a vu beaucoup de choses dans sa vie, ne puisse pas bien comprendre le moindre mal d'une autre personne...
- Donc vous voulez dire qu’afin de vous comprendre il faut être dans votre peau? - demandai-je, et presque dis que je la compris mieux que personne.
Batima sourit:
- Savez-vous ce qu’un mauvais tailleur a dit? "Si j'avais vendu mes calottes, les gens auraient probablement préféré être nés sans têtes". Donc, si j’avais été juge, beaucoup de gens ne serait pas très heureux.
- Et moi? – plaisantai-je.
- Avez-vous quelque chose à craindre? - Tout à coup, se raidit Batima. "Toujours la même chose! Si elle tient toujours sur ses gardes ça veut dire que le destin lui a vraiment fait beacoup de mal".
- Nous sommes tous un peu coupables. Envers les autres, mais plustôt envers nous-mêmes. – lui répondis-je avec la plus grande insouciance possible.
Et je me sentis tout à coup anxieux, comme si j’étais vraiment coupable de quelque chose de mal. Mais, heureusement, vint la serveuse longtemps perdue dans les entrailles de la cuisine et avec du bruit démonstratif mit sur la table nos ordres: salades et carafon au vin.
Je mis du vin dans un verre et ramasséle levai voulant boire à la santé de Batima. Et ce fut à ce moment-là qu'elle dit, en regardant dans la salle par-dessus mon épaule:
- Pourquoi Akbaïan vous regarde-t-elle tout le temps?
Je me retournai et regardai la salle d’un regard circulaire. Akbaïan était assise près de l'entrée avec une djiguite basané. Elle était assise face à moi et me regardait. Je ne la vis pas depuis les funérailles de Tatiana, mais elle ne changea pas depuis six derniers mois.
Ayant rencontré mon regard, elle sourit d'un air aimable. Je hochai la tête, comme si nous nous connaissions à peine, et me détournai. Mais tout à coup mon cœur se mit à battre la chamade dans ma poitrine.
- Probablement elle regarde comme ça, juste à cause de l'ennui. Et qui est avec elle? – demandai-je.
Mais tout était fini depuis déjà longtemps. Je me disais centaines de fois que mes sentiments envers Akbaïan se sont refroidis. Et soudain, cette excitation. Est-ce qu’il suffisat pour elle d’apparaître en face de moi pour que toute de ma défense bien échelonnée et soigneusement construite au cours de toutes ces années ait fissuré?..
- Qui est avec elle? Je ne sais pas. La fleur comme cela attire toujours des papillons - sourit Batima.
C'était vrai. Akbaïan était une fleur merveilleuse. Bien qu’elle déjà eût beaucoup d'années, sa peau était meilleure que celle au visage d’une jeune fille. Sa taille était toujours svelte. Et elle se mouvait d'une manière souple comme un poisson d'or naviguant dans les algues. Oui, quel papillon aurait pu résister à une telle fleur?
- Vous avez raison, Akbaïan est une belle femme, – accepai-je avec l’impassibilité fausse.
- Les femmes comme ça ne pensent qu'à elle-mêmes. Et celle-là surtout", - déclara Batima avec l’antipathie sincère.
- Est-ce que vous la connaissez si bien?
- Franchement parlant, pas très bien. On s’est vues quelques fois. Mais parfois, il suffit de savoir simplement une action d’une personne, et il est clair qu'elle est une personne égoïste et mercenaire.
- Mais qu’est-ce qu’Akbaïan fait de tellement mauvais?
- Elle a quitté son mari en difficulté. Pendant qu’il occupait des postes supérieurs, l’amour était fort. Mais quand il a fait un faux pas – voilà, elle n’avait plus besoin de lui. Maintenant, elle est à la recherche d'une cible plus grande.
Je savais ce qui était arrivé à Aljan. Il a vite gravi les échelons de la hiérarchie, et, jusqu'à récemment, il était gérant dans le trust. Mais avec le temps Aljan se rigidifia, mettant obstacle à l'introduction de la technologie moderne, et récemment il fut relevé de ses fonctions, et il alla à une autre mine pour y travailler comme un ingénieur ordinaire. En bref, cela aurait pu arriver à chacun d'entre qui n’aurait pas suivi des les impératis de notre temps.
- Akbaïan a-t-elle quitté Aljan? - demandai-je stupéfait.
- C’est déjà depuis une semaine que toute la ville en parlote.
Le ressentiment contre Akbaïan vivait toujours dans mon cœur. Je l’aurais pu même haïr pour ce qu'elle avait été si sans-cœur envers moi. Mais est-ce que c’était sa faute si elle était tombée amoureuse d’un autre homme? L'amour ne se commande pas. Mais je ne pouvais pas du tout croire en ce qu’Akbaïan ait pu quitter son mari à cause des ses intérêts mercantiles.
- Vous vous trompez, Batima. Akbaïan pas une personne comme ça. Il n'y a pas d’intérêts mercantiles ici, mais quelque chose d'autre.
- Et savez-vous, avec qui elle est venue ici? - sourit Batima ironiquement. - C'est...
Elle ne termina pas. Un djiguite solidement bâti portant une marinière fanée entra d'un saut dans le restaurant et courut vers notre table. Une heure avant cela, je l’avait vu dans un bateau de sauveteur le mégaphone à la main.
- Apaï , on m'a dit que vous êtes ici - il se mit à bafouiller à bout de souffle. Un mec a nagé loin, et puis une crampe...
- Vous le raconterez chemin faisant - interrompit Batima, se levant de table en sursaut.
Elle prit sa malletteet, sans me dire au revoir, courut du restaurant suivant le sauveteur. Je ne l'ai jamais vue depuis ce moment-là. Jusqu'au jour où elle m’emmena à l'hôpital de la maison d’Akbaïan...
Aujourd'hui Batima est de service. Après le dîner, elle m’apporte des médicaments que je dois prendre au coucher. Sur son visage au lieu de la confiance habituelle en elle-même, je vois la tristesse. Elle met sa main fraîche sur mon front et dit:
- Une légère fièvre. Et vos yeux brillent. Probablement vous pensez toujours en vous énervant. Il est complètement inutile pour vous maintenant. Et votre cœur, ne vous fait-il du mal?
- Eh bien, cette chose me fait du mal pendant toute ma vie, – m'en tire-je pas une plaisanterie.
Mais aujourd'hui Batima remarque pas mon humour, elle soupire et dit:
- Et il n’est pas étonnant: votre vie n’était pas facile. Travail à la mine. La guerre. Et j’ai entendu dire qu’à la guerre vous avez eu votre coupe d'amertume, qui était plus grande que celle des autres...
Comme un personnel soignant, elle est encore inexpérimentée. En général, elle encore fille. Elle dispute, oubliant qu'elle est infirmière et moi je suis un patient qui ne doit pas du tout s'émouvoir. Et maintenant, ayant oublié ses propres instructions elle demande:
- Sabyr Chakirovitch, recontez-moi, s’il vous plaît, comment vous avez faisiez la guerre.
"Il est vrai que même une personne en bonne santé ne devrait pas l’évoquer dans la mémoire, sans parler déjà d’un homme qui vient d’avoir une attaque cardiaque. Et pourtant, est-ce que c’est la mémoire? Je me souviens de tout ce qui s’est passé. Et dans ce cas il ya encore un lourd fardeau sur mon coeur. Quand je raconte ces histoires de guèrre, c’est comme je me débarrasse d'une partie de mon fardeau - il est dommage seulement qu'il ne se termine jamais".
- Asseyez-vous, - dis-je.
- Je vais seulement dire à l’aide-soignant que je suis ici, d'accord? - demanda Batima réjouie. Elle revint vite. - Je veux tout savoir de vous! – lui échappa.
Le premier jour après notre arrivée au régiment on nous sépara avec Sadyk, en nous envoyant dans les différents bataillons, et nous nous perdîmes de vue.
Notre bataillon fut attaché à un régiment de chars de combat, qui avait perdu dans la bataille avec les forces supérieures de l'ennemi tous ses chars et en ce temps-là il garda seulement son nom. Ses soldats, rompant l'encerclement, acquièrent des armes portatives et se distinguaient de l’infanterie seulement par leurs casques et combinaisons brûlées. Tous ceux qui avaient survécu furent envoyés pour le regroupement à l'arrière. C’était là que nous arrivâmes au régiment comme des forces de complément. Cela ne fut pas loin de la station Lychkovo entre Novgorod et de Staraïa Russa.
Les sergents et lieutenants, les jeunes inexpérimentés comme nous faisons, qui avaient rapidement terminé des écoles de formation et des cours, nous apprenaient à nous terrer, tirer aux fusils, lancer des grenades et bouteilles inflammables. Ce que les soldats apprenaient en temps de paix pendant des mois, nous passâmes en quelques jours. Mais il nous semblait que notre formation durait trop longtemps et nous pensions que les gens qui s’étaient battu avec des nazis avant nous étaient trop timides, et dès que nous aurions été à l'avant-garde, l'ennemi se soit immédiatement battu en retraite. Comme ça un bébé chien, en regardant son ombre immense imagine qu’il est un lion. Anciens combattants secouaient les têtes en écoutant nos discours. Ils savaient que la guerre nous ferait redescendre sur terre. Ceux qui survivraient à la première bataille.
L'heure est enfin venue. Notre premier combat fut près de la gare de Lychkovo. C’était le deuxième septembre 1941 au sein du Front du Nord-Ouest. À ma honte ma honte, je ne fis rien d’héroïque, mais bêtement tirais au fusil dans la direction de l'ennemi. Je tirai toutes mes cartouches reçues du starshyna. À côté de moi, mes nouveaux camarades tiraient. Nous étions sûrs que notre feu causa de grands dommages à l’ennemi. Et nous fûmes extrêmement étonnés quand on nous dit que l'ennemi nous contourna de flanc, et que nous devions quitter l’endroit pour ne pas être encerclés de nouveau.
Un proverbe kazakh dit que pendant trois jours une personne peut s’habituer même à sa tombe. Très bientôt j’appris vite à m'enterrer et attendre la fin du bombardement d’ennemi. Pendant l'attaque des nazis je ne me pressais plus de dépenser toute ma munition, mais je cherchais un but et essayais de tirer à coup sûr.
Mais deux semaines plus tard, la guerre a pris une tournure inattendue pour moi.
Pendant un temps, nous pouvions résister à la poussée des Allemands à notre front. Puis l’ennemi jeta des nouvels corps de bataille près du village de Sukhoi Log, à côté de lequel notre bataillon faisait front. Sa nouvelle attaque fut commencée par un tir massif de mortier et tir au canon. Le chef de section me mit en avant pour être observateur, je fus assis au fond de ma tranchée unique, en essayant d'imaginer ce qui se passait ce moment-là dans les tranchées et les abris de notre escadron. Des mottes luordes d'argile tombaient sur moi. La terre trépidait comme si les Allemands y emmenèrent toutes les armes de leurs l'armée. Ils tirerènt dessus notre position environ deux heures. Je fus tellement abasourdi par le bruit, que je n’entendis pas le grondement des moteurs approchant. Et quand je me levai en pied, en secouant la tête et en essayant de se débarrasser du bourdonnement d'oreille, les chars blindés allemands glissaient à côté de moi vers nos tranchées, suivant par les chaînes d’hommes armés. Je sortis hors de ma tranchée. Je voulus crier: "Pour la Patrie!.." Mais je ne graillai que quelque chose d’inintelligible. Seulement plus tard, je me rendis compte que j’avais été contusionné par un souffle d'explosion. A ce moment-là, je ne le savais pas du tout comme ce que mon escadron avait reculé. Voyant qu’en face de lui n’était plus un combattant, le soldat auquel je pointai ma baïonnette, ne voulut même pas dépenser une balle pour me tuer, il seulement ma poussa dans la poitrine avec le canon de sa mitraillette. Je tombai en arrière et perdis conscience. Il me semblait: un troupeau de chevaux passait au-dessus de moi. Les sabots en acier me battaient dans la poitrine et les flancs.
Quand je repris conscience, j’entendis des gens parler en allemand et je me vis couché sur une civière portée pas des vieils hommes en uniforme vert, c’étaient les soldats de l’équipe funéraille.
Dans mon aoul natal d’Atbasar il y avait plusieurs familles allemandes. C’était les gens gentils et bons. Ils me caressaient souvent la tête et me donnaient des douceurs, je jouais avec leurs enfants, c’est pourquoi j’avais appris assez bien la langue allemande. Donc j’essayais de comprendre à quoi parlaient les soldats qui m’emportaient.
- Pourquoi avons-nous besoin de ce mannequin? - dit l'un d’eux en colère. – Est-ce qu’on n’a pas d’autres soucis? Que Dieu nous donne la possibilité d’enterrer nos propres gars avant la nuit. Et celui-ci aurait pu mourir dans sa terre damnée.
- Tu es un mauvais exploitant, Karl, - lui dit son compagnon. – Tu ne veux que turer et tuer. Et qui va travailler sur les champs et aux usines russes, quand ils deviennent notre?
- Tout de même ton Asiate ne sera guère utile - grommela celui qui s’appelait Karl. - Il va faire le voyage de l'autre monde, voilà ce que je veux te dire. Il ne fera pas de vieux os.
- Pas de problèmes, un bon fouet guérira n’importe quelle maladie. Le fouet est le meilleur médecin...
Je passai deux mois dans un camp de détention. Bien que la faim, l'humiliation, l’injure sur le cœur envers le destin et la honte à ceux qui à cette époque-la se battaient les armes dans les mains, n’aient pu que nuire les restes de la santé, un jeune corps tout de même obvia à toutes les difficultés. Il semblait comprendre que tout n’était pas encore perdu, que les forces étaient encore nécessaires pour lutter. Et après un peu plus d'un mois, je commençai à marcher. Et ensuite tous ceux qui, selon les autorités du camp, étaient physiquement bons pour travailler pour le bien du Reich, ils furent placés aux wagons et emmenés à la petite ville Kupperman, située à l'est de l'Allemagne. Quand nous fîmes poussés hors du wagon, je vis des sommets des terrils qui se montraient de derrière des toits de la gare, et je compris qu'on extrayait là du charbon de terre. C’était aussi une moquerie du destin pour moi. J’aimais ma profession de mineur. Autrefois nous eûmes exulté de chaque tonne de minerai extrait en sus du plan. Et voilà, je devais fournir du charbon à notre ennemi juré!..
On nous ammena sur le territoire de mines et chassa 50 à 60 personnes aux longues baraques basses. Ils étaient humides, sombres, même sans aménagements primitifs comme les lits de planches. Le long du mur il y avait de la paille moisie sur laquelle nous allions dormir quand it ferait le plus froid. Je pris un siège près de la porte: il y avait des courants d'air là, mais cela était comme la ventilation. Je regardai mes codétenus avec qui je devais partager toutes les peines de la prison fasciste et, peut-être, combattre l'ennemi. La première impression ne fit pas très rassurante. La plupart d’eux c’était les adolescents ou les personnes âgées, pris par les nazis dans les régions occupées. Et seulement une douzaine de prisonniers fit comme moi. Mais nous aussi, nous présentions un spectacle pitoyable. Nos uniformes firent en lambeaux. Certains portaient encore des bandages sales.
Peu après notre installation dans les baraques, vinrent un gros oberleutnant à moustache rousse et un interprète, un homme chétif d'âge indéterminé, avec un regard effrayé et les yeux fuyants. Ils annoncèrent que nous ne pourrions quitter la baraque que pour faire nos besoins ou pour prendre de l'eau. Il fit interdit pour nous d’aller sur le reste du territoire de la mine. "Celui qui viole cet ordre sera tué sans sommation! Juste sur place! "- dit l'officier.
Sa menace fit confirmée par l’air menaçant des postes d'alarme et des hommes de garde, qui se montraient de derrière de leurs mitrailleuses comme idoles de pierre.
Il ne neigeait pas au début de l'hiver de l’année 1942. Le vent cinglant soufflait et il pleuvait presque constamment. Le froid ne pardonnait pas des personnes affamées. Nous étions comme des moutons après l’épizootie.
Quelques jours plus tard, les nazis emmenèrent un nouveau parti. Le même soir, je vis Sadyk près du réservoir d'eau. Rencontrer une personne connue pendant le temps sinistre c’était comme rencontrer son frère germain. Et Sadyk était en plus mon ami! Nous nous embrassâmes. À deux pas de nous il y avait un soldat qui répétait mécaniquement: "Schnell, schnell," ce qui signifiait "vite, vite". Donc, nous ne pûmes nous échanger que de quelques mots: où et quand tu as été capturé? Quelle sont les dernières nouvelles de Myskazgan?"..
Sadyk avait fait guerre seulement un mois plus que moi, et il s’était trouvé en encerclement. Les cartouches avaient été finies, et voilà... Sadyk détourna les yeux.
- Sabyr, ma mère m'a écrit à propos d’Akbaïan. Comme si Aljan veut l'épouser... Mais n’y pense pas. Maintenant on doit détruire les nazis, après cela tout ira bien. Vous vous allez rencontrer... Et tout ira bien – répéta-t-il, me tapotant l'épaule.
La nouvelles apportée par Sadyk me stupéfa. Mais la vie de camp ne donnait pas la possibilité de se ramollir. On ne pouvait pas penser à sa propre souffrance, quand il y avait tant de douleur des autres personnes.
Le jour suivant après notre rencontre avec Sadyk, tout à fait au début du jour, on nous fit nous lever des nos notre litières, versa dans nos bols du liquide brouillée, nous donna cinquante grammes de pain noir ressemblant à l’argile et nous jeta dehors dans la cours. Je ne vis jamais dans le camp une telle quantité de soldats et de gardes avec des chiens de berger. Soldats tenaient leurs mitraillettes prêtes. Chiens aboyaient furieusement, prêts à mettre en morceaux chacun de nous tous. Je ne renctontrai jamais de chiens si féroces. Même les poils n’étaient pas gris, comme chez nos bergers, mais rougeâtres.
On nous mis en deux rangs le long de tout le périmètre de la cour. Un millier de personnes humbles, maigres, vêtues des guenilles, chaussées des bottes éculés ou des bottines trouées... Je presque pleurai quand je pensai qu’ils tous venaient d’être les hommes forts et dignes. Devant les rangs le gros oberleutnant à moustache rousse se promenait. Il consultait souvent sa montre-bracelet et tapotait impatiemment sa tige des bottes avec un fouet mince. Derrière lui, comme un petit chien de salon pres de la jambe de son maître, courait l’interprète. Selon son air préoccupé, je compriss qu’on attendait une personne importante.
Et voilà, quand il faisait grand jour, au travers du portail largement ouvert un étrange cortège entra dans un couloir étroit, limité par des barbelés, a conduit. En tête de lui un "Mercedes" alla lentement, suivi par un équipage à cheval: un beau cheval blanc attelé à une voiture à cheval élégante.
L’oberleutnant se tint droit et crailla des ordres en sa langue.
- À vos rangs! Alignement sur droit! - grinça l’interprète avec frayeur.
Le cortège arriva au milieu de la cour et s’arrêta. Un jeune officier en uniforme noir SS sauta de la voiture et ouvrit la porte serviablement. De la voiture sortit un autre officier de plus haut grade de SS haut et maigre. L’oberleutnant de camp rapporta aux personnes arrivées, et les officiers se dirigèrent vers la voiture à cheval. En ce moment, le conducteur tourné la voiture, et j’y vis une jeune femme. Officier supérieur de SS lui tendit la main, et elle descendit sur la terre. Elle portait un fichu duveteux blanc, ouvrant les boucles d'or, un manteau d'écureuil court et un pantalon étroit bleu. Un prisonnier étant debout à côté de moi me donna un coup de coude:
- Regardez, une femme en pantalon d’homme.
Naguère encore, on percevait le pantalon de femme comme une nouveauté, surtout avant le début de la guerre... Mais ce n'était pas la question. Il était tout simplement étrange de voir une femme (encore si belle) au milieu des baraques nous entourant, y compris les fils de fer barbelés, des miradors, des mitraillettes...
Officiers à leur tour baisèrent la main de la belle blonde, et seulement après cela ils portèrent attention à nous. Au milieu de la cour il y avait une plate-forme, quelque chose entre une tribune et un échafaud. Les quatre gens montèrent à laplate-forme, et l’oberleutnant dit:
- Aujourd’hui c’est un grand jour pour vous! Aujourd'hui vous commencez à travailler à la mine du fils fidèle du Reich, du comte Vanter. Monsieur Vanter a daigné venir ici en personne, donc il a fait l'honneur à vous. Et vous, à votre tour, devez le remercier par votre travail honnête et dévoué!
Il prit du recul cédant respectueusement la place à l’officier supérieur de SS. Cet homme avait autour de soixante ans. Les rides, la peau flasque pâle ... Il parlait d'une voix calme et douce, il ne grondait pas comme notre oberlieutnant. Et il semblait même avoir pitié de nous – cependant comme des sous-hommes. La conclusion était ce que contrairement aux autres nous fûmes chanceux d’avoir l'opportunité de travailler pour le Reich millénaire... Pour conclure Vanter dit que la lutte contre les ennemis de l'Allemagne exigeait leur retour à l’armée active, donc la mine serait gérée par son épouse, la comtesse Huassi Vanter, et nous étions obligés de nous conformer à ses ordres. La punition pour la moindre désobéissance serait l’exécution par fusillade.
Notre hôtesse immédiatement décida de nous montrer qu'elle était une femme d'action.
Elle descendit de la plate-forme et marchait le long de nos rangs, en disant:
- Je parle russe, je n’ai pas besoin d'un interprète. Je vais moi-même faire face à ceux qui ne travailleront pas correctement, sans ardeur. Je vivais en Russie, et je connais le caractère de votre peuple. Vous êtes têtus, mais nous avons assez de force pour briser n’importe quel entêtement. Vous travaillerez en deux équipes. Douze heures chacune. Malheur à celui qui travaille d'une manière négligente et sabote l'ordre de l'administration. Personne ne pourra leur aider. Donc, disons que vous êtes prêts à coopérer. Maintenant, j’ai besoin d’un soigneur de chevaux expérimenté. Que celui qui sait soigner les chevaux quitte les rangs.
Personne ne bougea dans des longs rangs de prisonniers.
- Quelle chance - dit la comtesse d'un air moqueur. – Est-ce que parmis les hommes si nombreux du pays de paysan, il n'y a personne qui puisse soigner les chevaux?
Elle se déplaçait lentement le long de la ligne, regardant les gens comme des marchandises. L’oberleutnant descendit de la plate-forme en courant et commença à marcher à côté d’elle, en agitant sa canne d’une manière menaçante.
Le silence lourd fut en l’air au-dessus de la cour. Même les chiens cessèrent de rugir et de gronder avec les chaînes.
- Qui es-tu? – entendis-je la question de la comtesse.
- Sadyk Achimov.
- Ça ne m’intéresse pas. Je vois que tu es un Asiate, et je te demande: Qui es-tu?
- Je suis Kazakh - répondit calmement Sadyk.
- Et toi, le berger sauvage, veux-tu me tromper? Est-ce que tu penses que je ne sais pas ce que toute la vie vous vous occupez des chevaux? Ou le travail comme soigneur de chevaux est-il trop sale pour toi?
Elle dit en allemand à l’oberleutnant d’envoyer "cet Asiate" à l’écurie. Un fouet fit un druit léger. Sadyk quitta le rang en frottant son épaule.
Mais la comtesse continua à choisir les travailleurs pour sa maison.
- Aimes-tu les chiens? – demanda-t-elle à l'un des voisins de Sadyk.
Ça dépend. Les chiens sont différents – une vieille voix semblait perplexe.
- Je le sais. Toi, par exemple, tu es de la pire race.
Elle traduit sa blague aux officiers, ils rirent.
- Quitte le rang, tu seras mon valet de chiens. J'espère que tu ne fasses pas du mal à tes frères.
Un homme aux cheveux gris quitta le rang et rejoint Sadyk.
- Et qui es-tu? Du Caucase? - continua la comtesse. Apparemment, elle aimait ce jeu, dans lequel elle jouait le rôle d’une connaisseuse de l'ethnographie et de la psychologie.
- Je suis juif! - une voix gutturale répondit d’une manière provocante. Je ne vis pas l’homme répondant, mais selon son accent distinctif je réalisai que la comtesse ne perdait du temps en vain, quand elle vivait dans notre pays. Elle parlait russe si bien, que sa prononciation était meilleur que celle de moi, de Sadyk, et de ce montagnard, qui se présenta comme un Juif.
- Tu mens! - triomphant répondit la comtesse. – Si tu étais un Juif, tu dirais que tu es Géorgien ou quelqu'un d'autre. Pour sauver ta vie.
- Seulement chacals lâches sauvent leur vie à ce prix...
- Je vois que tu te presses de mourir? - ria comtesse sinistrement. - Nous t’aiderons volontiers. Mais tu dois d'abord travailler à la mine. Comme vous dites: sans discussion!
Cela mit fin à notre rencontre. Nous fûmes divisés en deux équipes. Et ce jour-là nous découvrîmes directement ce qui était une galère fasciste.
Si cet endroit périlleux, situé à une profondeur de six cents mètres s’appellait un puits de mine, à quoi donc ressemblait l'enfer? Le travail du mineur est dangereux lui-même. C’était un duel avec la nature, et il était impossible de tenir compte de tout, même avec de très haut niveau de sécurité. À la mine de Vanter même le mot "sécurité" sonnait comme l’ironie amère. Le plafond dans les fonds pourrait tomber à tout moment. Les vieilles colonnes en bois craquaient sous la pression des couches de terre, dans les fonds ici et là il y avait des traces de glissements de terrain. Nous nous déplacions dans les passages bas, à moitié remplis de terre, presqu’à quatre pattes, comme un chien entrant dans sa niche. Et le charbon brunâtre n’était pas la meilleure qualité, il produisait plus de cendres que de la chaleur.
Nous travaillions là, penchés et même assis. Des eaux souterraines coulaient du plafond et sur les murs. Sous nos pieds il y avait des flaques faisant flocs, le charbon humide, que nous jetions aux chariots, ne se distinguait pas de la boue.
Après un tourment de douze heures on nous donnait à manger du liquide puant, où on pouvait voir parfois un morceau de navet ou une nageoire de poisson pourri.
Je me demande jusqu'à ce jour comment nous survécûmes dans les conditions comme cela. Il semblait que même le corps humain en bonne santé ait dû périr. Mais nous nous tenions ferme. Parce qu’on espérait revenir à nos terres natales. Si quelqu'un commençait à se sentir mal, chacun de nous partageait sa ration misérable avec lui. Il ya un dicton: un garçon demanda à son père, un pauvre homme: "Papa, combien de temps encore devrons-nous souffrir?" Et il dit à son fils: "Quarante jours." - Et qu'est-ce qui va se passer ensuite?" – demanda le garçon. "Puis nous nous habituerons ..." Non, nous ne nous habituâmes pas à l'humiliation, la faim et le travail dur. Nous apprîmes à le supporter. À garder nos forces. À espérer. Et à attendre.
Même la serrure la plus ingénieuse a sa clé. Mais nous n’avions pas le droit de rester les bras croisés et attendre quelqu'un pour nous apporter cette clé salvateuse. Et en plus il n'y avait personne au moment-là de venir à notre aide. Nous étions loin à l'arrière de l'ennemi, et ne pouvions compter qu’à nous-mêmes avant tout. Mais pour faire une avalanche de pierre, quelqu'un doit monter au sommet de la colline et pousser la première pierre.
Je pensais tout le temps comment le faire. Qu'est-ce qu’on devait faire pour impulser une avalanche? Et il se trouva que d'autres détenus du camp y pensaient aussi. Soudain je commençai à voir dans leurs yeux des petites lumières vives. Les petiteslumières sans lesquelles l'homme est comme un malade, désespéré de conquérir le destin. On peut voir dans ses yeux une angoisse profonde, ou, pire encore, l'indifférence terne. Mes compagnons d'infortune avaient aussi les yeux enfoncés encerclés par les cernes. Mais il y avait en eux la lumière de l'espoir.
Cependant, tous étaient silencieux, et lorsque je commençais à à parler moi-même sur ce sujet-là, mes interlocuteurs évitaient la discussion. Et pourtant, parfois, il me semblait qu’il existât déjà à la mine un mystère qui unissait les gens. J’étais tourmenté par des suppositions, mais les interrogations n’auraient causé que suspicions.
Il devint apparent puis que l'intuition ne m’avait pas trompé. Mais je l'appris d'un homme qui, à mon avis, n'avait rien à voir avec le mouvement clandestin.
Il vivait dans notre baraque, il s’appelait André. Il était encore un jeune homme, aux cheveux d'un rouge flamboyant. On disait qu’il avait été capturé en Lettonie, pendant la bataille pour le port de Libaou: après l’explosion de la bombe, il avait été couvert des décombres de la maison. Et depuis ce temps-là il n'avait pas la lumière à tous les étages. Personne ne savait exactement si c’était vrai ou non, mais sur ses lèvres minces bleuâtres il y avait presque toujours un sourire innocent, même quand il était bousculé par la crosse du convoyeur et battu pas son confrère, un détenu fou. On le connaissait comme un imbécile et l’appellait "toqué". Bientôt une telle opinion fut partagée par nos geôliers et ils cessèrent de payer attention à André. Et lui en le profitant, flânait sur tout le territoire du camp, n'importe ou. Flâner dans les casernes caserne.
Il était difficile de comprendre quand il dormait. Apres étant revenus du travail, nous tombions sur nos litières maigres et le "toqué" partait quelque part, puis venait et partait de nouveau, et si quelqu'un tombait malade, il était le premier près du patient. Son corps mince aux jambes de coq, semblait ne savoir pas de la fatigue et sa bonté était illimitée. Si seulement dans le même temps, ça allait bien sa tête...
Donc, une fois cet imbécile s’approcha de moi après le travail et demanda:
- Alors, moi frère, es-tu fatigué?
Il était vraiment stupide de poser une telle question à la personne qui pouvait à peine se tenir debout. Mais je ne voulais pas lui faire de mal, parce qu'il venait de rentrer du fond de la mine... Et je lui dis:
- Je suis plus que fatigué - et, oubliant que je parle avec un fou, j’ajoutai amèrement: - Il vaudrait mieux mourir bientôt.
- Ne te précipite pas, tu auras toujours le temps de mourir. C’est comme ça que notre belle comtesse a dit? - rappela André avec son sourire stupide rayonnant. - Dieu t’a donné la vie, et il la prendra quand il faudra, - il me fit un clin d'oeil, comme si Dieu était notre ami commun. - Il est seulement nécessaire de vivre notre temps avec efficacité. Et si l’efficacité c’est une chose pour la belle comtesse et pour nous c’est une autre chose, hein? Et s’il faut faire du mal à son efficacité et à toute la vermine fasciste damnée?
Puis je remarquai qu'il contait des fagots habituels, mais ses yeux semblaient être normaux, et dans la connerie-là il y avait quelque chose de raisonnable.
- Qu’est-ce qu’on peut faire si on a les mains et les pieds enchaînés? - J'ai dit.
- Mais la chaîne peut êtrecoupée par une lime.
- Où est-ce qu’on peut le trouver?
- Tu le sauras à terme. Et entre-temps, viens à la troisième voie demain, une heure après le début du travail.
C’était déjà plus tard que je me rendis compte qu’André avait longtemps épié avant de commencer cette conversation-là. Mais il n'avait pas eu de possible de m’éprouver et il se hasarda.
La troisième voie fut presque inondée et fut considéré comme impropre à travailler. Des montures furent malandreuses, les gardes avaient peur y mettre le nez.
Quand j’arrivai à la voie à l'heure dite, il y avait déjà une vingtaine de personnes là-bas. Ils réagirent calmement calmement quand je vins, donc ils connaissaient déjà mon visage. André leva la lampe à carbure, comme si pour vérifier la présence de tout le monde, et dit:
- Camarades, aujourd'hui un autre ami est venu chez nous. Il est Kazah, et je pense qu’avec son aide, il sera plus facile pour nous de travailler parmi les prisonniers turcophones. En outre, il est un ancien mineur. Et pour mener le sabotage raisonnablement, il faut savoir art minier... Maintenant, parlons du sujet principal. La mine de Vanter a été une fois abandonné, il est clair pour tout le monde. Pourquoi l’a-t-on overte de nouveau? Est-ce parce qu’Il y a des esclaves qui peuvent travailler presque gratuitement? Non, la raison est beaucoup plus sérieuse. Cette mine fournit du combustible à l’usine thermoélectrique, qui alimente les usines militaires importantes. Maintenant, vous comprenez, mes camarades, ce qu’il signifie dans ces conditions de saboter la production de charbon planifiée?
Alors c’est celui que est "toqué"... – m’étonnai-je. Nous et nos camarades le considérions comme un fou, et il se trouva qu’André était un leader fort et un conspirateur qualifié.
- Et est-ce que parmi vous il n'y avait aucun traître? - questionna Batima, comme si elle venait de se réveiller.
Elle était assise sur une chaise à mes pieds, et écoutait mon histoire avec fascination.
Pourquoi lui parlais-je de la guerre et de la captivité? Après tout, elle ne fut dirigée que par la curiosité. Est-ce j'aurais remué mon passé juste pour le plaisir? Bien sûr que non. Je lui racontais cela comme à moi-même...
- Traître? - répétai-je. – On peut reconnaître un serpent venimeux immédiatement, mais l'homme, qui s’est caché...
On entendit quelqu’un crier dans le couloir:
- Infirmière, infirmière!
- Cela doit être Nourjan - se leva d'un saut Batima. - Le pauvre homme ne peut pas dormir de nouveau. - Elle courut dans le couloir.
Nurjan se touver dans la chambre à côté. Je le jamais vis, j’entendis seulement qu'il était jeune et un bon chauffeur, qui une fois compta trop sur sa jeunesse, son grande expérience et qui conduisit en état d'ivresse. Il n’y eut d'autres victimes, Dieu merci, seulement lui fut touché, et en ce temps-là il était derrière le mur, se tordant de douleur et soigné par Batima...
Pourquoi les gens commencent souvent à apprecier la vie, quand elle allait déjà prendre fin?..
Je m’endormis imperceptiblement pendant que j’attendais Batima.
J’ai la possibilité de lui parler seulement un jour apres. Une infirmière de département tomba malade et Batima dut soigner ses patients. Donc, elle n'avait pas même une seule minute libre. M’ayant donné le médicament ou mis le thermomètre, elle quittait immédiatement la salle.
Mais le troisième jour Batima resta pour dire:
- Félicitations, votre dernier électrocardiogramme paraît beaucoup meilleur. Un jour ou deux, et le médecin vous permettra de marcher.
- Et vous êtes probablement très fatiguée? – dis-je. Son visage avait l’air flétri après ces derniers jours.
Batima me regarda avec suspicion, comme si elle ne pouvait pas croire que je fusse capable de sympathie.
- Ouais, il a fallu courir. Je suis on peut dire seulement une infirmière dans tout l’hopital.
- Batima, venait-elle ces jours-là? - demandai-je, comme par hasard.
- Akbaïan? - Batima sourit. Peut-être, elle pensa: "Quel diplomate".
- Non, elle ne venait pas - dit-elle presque triomphalement.
Probablement, mon visage exprima un tel désappointement, que l'infirmière jura nécessaire de réconforter son patient.
- Ne vous inquiétez pas, le patient. Elle ne disparaîtra pas, votre Akbaïan. Elle viendra bientôt. Et si elle n’est pas venue ces jours, elle était probablement occupée.
Elle ne pouva pas se retenir et ajouta: - Akbaïan maintenant est libre comme l’air.
C’était vrai. Akbaïan était ce temps-là libre comme un oiseau. Et, comme un oiseau, elle était libre d'aller n’importe où et chez n’importe quel homme.
Je sentis une légère jalousie.
Il semblait qu’à notre époque, chacun comprît: on ne pouvait pas blâmer une personne si elle tombait amoureuse de quelqu’un d’autre. Et en fait, je n’eus pas tué Akbaïan une fois infidèle, et je n'eus pas suicidé, comme Roméo après avoir perdu Juliette, ou Kozykorpech après la séparation avec Baïan. Tout s'était bien passé... Quel droit avais-je de soupçonner Akbaïan ce moment-là? Je ne la vis pas depuis notre dernière rencontre. "À quoi pense-t-elle, qu’est-ce qu’elle fait?.. Mais de toute façon, quel sorte d'amour est-il, Sabyr Chakirov, si tu ne crois pas ta bien-aimée? Et elle t’aime. Bien sûr, elle t’aime. Est-ce qu’elle ne te l’a pas dit elle-même?"..
- Sabyr-aga , - intervint dans mes pensées Batima. - Qu'est-il est arrivé à votre ami Sadyk?
Elle mentionna le nom de Sadyk, et une vieille question apparut devant moi de nouveau: qui il était, qui il devint pour moi? Mon reproche éternel?..
Je vis Sadyk jours après une rencontre avec les clandestins.
En ce moment, je savais déjà que notre groupe était juste l'une des cellules d'une vaste organisation clandestine. À la tête de celle-ci était un état-major, mais les simples clandestins ne connaissaient que ses compagnons de cellule, même le commandant, qui assurait la communication entre la cellule et l’état-major connaissait seulement l’un des officiers de l’état-major. Une telle structure protégéait l'organisation de la destruction en cas d’anéantissement d'une cellule.
Dans un premier temps, le but principal des clandestins fut limité par l’organisation des fuites des prisonniers de guerre et de sabotage à la mine. Mais plus tard, il fut décidé de faire sauter la centrale et ainsi mettre hors de service l’usine produisant des Panzerfausts.
En outre, l’explosion de la centrale électrique allait provoquer une panique parmi nos geôliers, et dans ces conditions il serait plus facile de réaliser une évasion de masse.
Le but était très séduisant. Mais comme un chargeur professionnel, je comprenais toute la difficulté de la tâche. Il n’était pas suffisant d’avoir seulement une soif de vengeance. Il était nécessaire de trouver de l’ammonite ou de la dynamite, et en grandes quantités. Mais d’où on pouvait les prendre, si tous les travaux de dynamitage dans les fonds furent effectués par les Allemands eux-mêmes? Même si par miracle les explosifs étaient dans nos mains. Alors, il y avait un autre obstacle: comment les apporter sur le territoire de la centrale, entourée de barbelés, chaque mètre carré de laquelle était éclairé pendant la nuit par les rayons des projecteurs?
Je pensais ainsi jusqu’au moment où André informa notre cellule sur la décision de l’état-major. Nous nous réunîmes, comme toujours, dans la troisième voie abandonnée.
- Aujourd'hui, c’est tout, mes camarades. Et faites attention pour ne pas être capturé par la garde, - dit André, mettant fin à la réunion -Et toi, Sabyr, reste. Il y a des choses dont on doit parler.
Nous fûmes face à face. Nos visages furent couverts pas l’ombre. Mais je sentais André me réévaluait.
Il sera impossible de pénétrer sur le territoire de la centrale – dit-il, confirmant mes pensées. – Il nous faudra faire un tunnel. On va venir à la station de dessous terre. Comment les diables de l'enfer - il ne pouva pas résister à un éclat de petit rire. - Commencerons à partir d'ici. C’est un travail dur, il devra être fait par toi et tes compatriotes. Pour les gardiens vous êtes tous pareils, il vous sera plus facile de quitter la place de travail. Nous allons assigner chaque fois trois personnes. Et les autres, bien sûr, devront observer les volumes de production. Pour éviter les soupçons, as-tu compris?
- Pas très bien – admis-je. – La distance jusqu’à la centrale est de six cents mètres. Une personne coupera la roche, deux autres l’emporteront dans la voie. Donc, il nous faudra faire le tunnel pendant cinq mois. N’est-ce pas trop longtemps, André?
- Si - accepta André calmement. - Mais le jeu en vaut la chandelle.
- Qu'en est-il des explosifs? Où peut-on les trouver?
- C’est une chose principale dont je voulais te parler, - il posa sa main sur mon épaule. - Sabyr, il te faut travailler comme un chargeur chez les Allemands. C’est notre seule possibilité d’obtenir des explosifs. Pense à ce comment tu puisses gagner leur confiance. Tu n’es pas un bébé et tu comprends toi-même: il est dangereux. Il est encore plus difficile que de creuser un tunnel!..
Il serra mon épaule et partit dans l'obscurité. J’entendis l’eau faire floc sous ses pieds. Et alors je pensai à Sadyk.
Après le travail, je passais lo long de l’édifice où se trouvait l'administration de la mine, je vis un équipage à cheval de la comtesse Vanter. Près de l’étalon blanc il y avait un grand et bel homme en livrée qui se trouvait dos à moi. C’était Sadyk.
Je ne pouvais pas dire que je n’entendu pas parler de son destin. Il y avait des rumeurs que Sadyk pour son travail fervent fut promu jusqu’au cocher, et il habitait déjà pas dans les écuries, mais dans la chambre d’employé de maison dans la maison de compte. Mais je ne croyais pas que mon ami pût se transformer en un lèche-bottes d’ennemi. Mais les rumeurs se répétaient, puis il y avait des témoins qui voyaient Sadyk assis sur le siège du cocher... J’essayais d'expliquer à moi-même ce qui était arrivé à Sadyk. Et il fut entré dans ma tête que c’était lui-même qui s’était engagé à travailler pour l'ennemi. Il était le fils d'un homme riche dépossédé? Et voilà, il eut enfin la chance de venger son père. Je réagissais contre ces pensées, mais je ne pouvais rien trouver pour expliquer le comportement de Sadyk.
Et ce jour-là, en passant près de l'équipage de la comtesse, je savais que l'homme en livrée c’était mon ancien ami, qui devint le laquais du maître.
- Sabyr, arrête – entendis-je un murmure derrière moi.
Il me semblait de ne pas l’entendre.
- Sabyr!
Dans sa voix il y avait quelque chose qui me fit répondre à son appel. Je devais faire semblant de faire quelque chose pour pas attirer l'attention des gardes (eh bien, disons, arranger mes chaussures). Mais je me trouvais debout comme une collone, regardant Sadyk et en essayant en vain de trouver quelque chose qui pût m’aider à briser les rumeurs honteuses.
Mais il portait une veste bordée, le chapeau d’une bonne fourrure étrange pour moi, des bottes en box-calf. Son visage arrondi était une preuve de la vie dans l'abondance. Seulement un éclat d’inquiétude dans ses yeux montra que sa conscience fut légèrement alarmée par sa rencontre avec un vieil ami...
- Sabyr, - dit-il à la hâte, debout demi-tourné vers moi et en ajustant avec une ferveur fausse l’harnais de cheval. - Je vais tout t’expliquer... plus tard... Entre-temps tu dois me croire. L’entends-tu, Sabyr?..
Je frémis. Je voulais partir immédiatement, mais je me rappelai de l'ordre d’André.
- Ecoute, Sadyk. Au lieu de t’excuser il vaut mieux d’aider ton ami, - dis-je avec un sourire.
- Sabyr, oui je suis prêt à faire tout pour faire...
- Donc, touche un mot pour moi – dis-je,
- À quoi dis-tu? - ne comprena pas Sadyk. Ou il fit semblant de ne pas comprendre.
- Dis à celui qui a la possibilité à le faire, que Sabyr Chakirov est un bon chargeur. Après tout, ils ont besoin de bons chargeurs ici, hein? Donc dis-le. - Et je lui fis de l'œil.
- Sabyr, qu’est-ce que tu dis? - s'effraya Sadyk. "Artiste -, souris-je mentalement. - Mais s’il est nécessaire je vais être aussi artiste. Et jouerai pas plus mal".
- Qu'est-ce qu’il est étrange? Je suis fatigué de courber le dos à la mine et boire de la merde de navets! Je veux vivre bien au chaud et boulotter normallement. Pourqoi tu me regardes? Ne t’inquiéte pas, je ne vais pas prendre ton morceau de pain. Ils en ont assez pour les gens comme toi et moi!
- Vas-t-en - siffla Sadyk et tourna le dos à moi.
Le même soir, je trouvai André. Après avoir entendu mon histoire, il frotté pensivement son nez et dit:
- Sabyr, tu sais, il me semble qu’il ne soit pas un benêt, ton ami. Dans son comportement il y a quelque chose d’étrange. Pourquoi il est toujours important pour Sadyk que tu le croies? Parce que vous avez été des amis pendant tant d'années? Ceci, bien sûr, est aussi une cause. Mais maintenant, quand il travail pour eux, peut-être tu es pour lui pas un simple ami? Pour tous, il est un serviteur des nazis, et Sadyk comprend que nous ne le croirons pas. Et vous, dans ce cas... – ayant interromu sa réflexion, il dit fermement: - Je vais lui parler moi-même.
- Est-ce que ça vaut le coup? – dis-je, en même temps ayant honte que je dusse mettre en garde contre mon ancien ami.
Toutefois, ni le deuxième ni le troisième jour, il ne réussit pas à parler à Sadyk. Pendant les visites de la comtesse à la mine, son chocher se trouvait au chaud, dans une maisonnette de l’administration de la mine, ou il démenait près des soldats de garde ramassant des cigarettes tombées et donnait obséquieusement du feu.
Bien de fois, en passant à côté de cette compagnie, je tâchais de croiser le regard de Sadyk, mais il détournait les yeux. En plus des informations transpirèrent de la maison comtale que Sadyk se faisait particulièrement bien venir auprès de Mme Vanter, bref qu’il devint parmi les nazis l’un de leurs.
Nous comprîmes que nous ne pouvions pas compter sur son aide. Une fois, lors du travail, j’approchai un arpenteur des mines allemand et ayant mobilisé toutes mes connaissances linguistiques en allemand, je lui dis que dans une certaine place il aurait été bon de faire une fouille et faire sauter la roche avec une explosion dirigée. L’arpenteur des mines me regarda avec étonnement et me demanda si je m’étais occupé d'explosifs autrefois, après cela il écrit mon nom. Le lendemain un garde vint me chercher et il me conduisit à la direction de la mine. Ainsi, je recommençai à travailler comme chargeur.
Mais on espérait en vain d'obtenir comme ça de l'ammonite, et encore en quantité voulue. J’étais tout le temps accompagné par deux gardes avec des fusils d'assaut. Ils me suivaient toujours très attentivement. Et quand je recevais les explosifs à l'entrepôt, et quand je les mettais dans les fouilles... Il était impossible même de mettre la main dans ma poche, sans parler déjà de cacher de l'ammonite qui était toujours mesuré juste selon la norme.
En plus sur le territoire de l'entrepôt d'explosifs commença à apparaître Sadyk. Il évitait toujours mon regard, mais en passant près de lui avec mon escorte, je sentais comme si le regard de Sadyk mesurait mon sac à dos avec l'ammonite reçu, examinait mon pardessus déchiré afin de vérifier si j’avais quelque chose caché dans mes poches ou sur ma poitrine.
Pendant ce temps-là, mes camarades creusaient un tunnel, en s’avançant mètre par mètre plus près du but. Et moi, je ne pouvais pas encore obtenir même un gramme d'explosifs.
Je décidai qu’il était impossible d’éviter le risque direct, et en recevant les nouveaux explosifs, je déclarai à un sous-officier âgé, qui délivrait l'ammonite, que les charges habituelles n’étaient pas suffisantes.
- Qu'est-ce que tu racontes? C’était toujours suffisant, pourqoi donc elle sont devenues insuffisantes maintenant? - se renfrogna le sous-officier.
- La roche dure, monsieur sous-officier – rapportai-je, le regardant fidèlement dans ses yeux.
- Comment ces roches maudites ont-elles apparu? - poussa un juron le sous-officier perplexe, parce que selon l’instruction concernant les normes d'explosifs, aucunes autres roches ne devaient pas exister dans cette zone-là.
Il tendit la main vers le combiné, apparemment ayant l'intention d’appeler à l’administration de de la mine, et je compris que j’allais être capturé.
- Monsieur le sous-officier, combien d’ammonite recevait cet homme? – entendis-je une voix familière derrière moi.
Et en effet, sur le seuil se trouvaient Sadyk et l’interprète du commandant du camp.
- Et combien demande-t-il maintenant? - continua Sadyk, en regardant le sous-officier.
À d'autres moments, l'ancien militant n’aurait pas discuté les affaires officielles avec des prisonniers de guerre, même avec ceux qui avait gagné la confiance de l'administration de la mine. Mais à ce moment-là, il était un peu déboussolé, donc il répondit aux questions de Sadyk.
- Bon, - dit Sadyk. – Cet homme probablement ne ment pas, il doit vraiment avoir besoin d’une telle quantité d'explosifs. Il est un mauvais chargeur. Pour un bon chargeur ça suffirait.
L’interprète se mit à parler vite allemand et Sadyk pour la première fois depuis notre conversation, me regarda. Droit dans les yeux. Avec un sourire moqueur.
- D’où le sais-tu, parbleu!? – demanda le sous-officier désobligeamment.
- Moi aussi, je suis chargeur. Nous avons travaillé ensemble à la même mine à Myskazgan. Plutôt moi, je travaillais, et lui, il est venu chez nous, comme un commençant, avant la guerre. Bien sûr, il tâche de travailler, mais il ne sait vraiment rien. Envoyez-le à la mine, monsieur le sous-officier. Sa seul culpabilité est ce qu'il était trop fervent. Au surplus, il en a marre d’avaler du brouet, et il pensait qu’ici il mangerait au mess des officiers.
Un sourire moqueur de nouveau.
- Nous avons un grand besoin des chargeurs - se renfrogna le sous-officier. - Et en plus, je viens d’apprendre que l'administration a besoin des chargeurs des prisonniers.
Il y avait des zones souterraines dangereuses où les chargeurs dllemands refusaient de travailler. J’espérais beaucoup d’obtenir une telle section. On m’y aurait envoyé bon gré mal gré à travailler seul. Sans mes gardes vetilleux.
Mais Sadyk se mêla à mes plans. Il les détruit, comme s’il connaissait mes pensées.
- Et sa place sera occupée par moi - dit Sadyk. - Bien que ma maîtresse soit une grande femme, mais ce n’est pas un travail d’homme - à m’asseoir sur le siège de cocher. Vous êtes, monsieur le sous-officier, un vrai homme, vous me comprenez.
Le sous-officier souria contentement et dit à l’interprète: - Quant à moi, je suis d'accord, dis aux messieurs civils de l'administration. S’il le veut, qu’il travaille. Et qu’ils envoient celui-ci à la mine - et l'Allemand hocha la tête dans ma direction.
- Monsieur le sous-officier! – criai-je désespérément, - je sais mieux que lui! C’était moi qui lui ai appris le travail de chargeur.
- Emmenez-le. Qu’il coupe le charbon – ordonna le sous-officier aux convoyeurs comme m’en rayant de la vie pour toujours.
Ce moment-là, j’essayai de répondre à Sadyk avec mon regard direct, mais il détourna les yeux, en regardant quelque part par-dessus mon épaule.
- Traître – lui dis-je en kazakh et marchai devant les soldats.
Et cette fois-là, je ne pus pas raconter mon histoire jusqu’à la fin. Batima toucha doucement mon bras:
- Tout cela est très intéressant, Sabyr-aga. Mais vous avez commencé à vous inquiéter. Si je savais qu’il y eu de telles atrocités dans votre vie...
- Ça va, Batima. Je me sens mieux quand j’en parle. Sinon, il est comme une pierre ici - et je pointai mon index vers ma poitrine, où, comme on déjà convit, se trouvait la substance éphémère, que nous appelions l'âme.
- Et pourtant, vous avez besoin de dormir. Vous terminerez une fois après... un peu plus tard.
Elle se dirigea vers la porte, mais ne pouvait pas résister, se retourna:
- Yapyrmaï ! Est-ce que Sadyk a deviné à propos vos objectifs?..
Je fus déjà habitué à Batima et quand elle avait le jour de congé, je sentais que sa voix grincheuse me manquait. Elle grommela à tout le monde et à propos de tout, mais derrière cela il y avait un bon cœur. Pour en être sûr, il ne suffisait que de regarder son visage quand elle se précipitait à l'appel du patient. Et peut-être qu'elle était une telle gribiche seulement parce que le destin ne lui avait pas donné une personne à qui le cœur de Batima aurait pu donner tous ses énormes réserves de bonté.
Batima s’attacha aussi à moi. Je me souviens, après deux jours d'absence, elle entra dans la chambre en disant:
- Eh bien, allez-vous bien sans moi? Quant à moi, vous m’avez manqué.
Et comme elle était contente quand le médecin me permit de m'asseoir! En redressant mon oreiller, elle ne put par résister et dit qu'à la place du médecin elle n’aurait pas été trop pressée de me donner une telle permission. Mais son visage brillait de la joie véritable.
Ce jour-là on me permit d’avoir visiteurs. Les premiers vinrent mes vieux amis avec qui j’avais extrait du minerai pendant vingt-cinq ans à la mine déjà natale pour moi et pour eux, à Myskazgan. Le plus jeune d'entre eux, Kaïssar, était de mon âge. Les autres avaient déjà été des vieux travailleurs lorsque nous avec Kaïssar et Sadyk ne vînmes pas encore à la mine. Et le plus ancien d'entre eux était Akchalov. Jadis il courbait des fers à cheval, le marteau-piqueur dans ses énormes mains se plongeait dans la roche, comme un couteau dans le beurre. Mais c’était déjà quinze ans, que l’ancien mineur et l’organisateur du parti était à la retraite. Et semblait-il, il vieillit: sa peau fut desséchée, sa vision ne fut plus aigue, sa colonne vertébrale fut courbée comme un arc. Mais la vieillesse resta impuissante envers son âme. Et quand je commence parfois à réfléchir sur ma vieillesse triste approchant, j’essaie de penser à son ami plus âgé.
Ce n’est pas un secret, que bien que la retraite soit honorable - ce qui est même chanté dans les chansons - mais tout de même c’est le temps de la faiblesse humaine. Les restes de l'incendie, où un dernier charbon brûle à peine sans flamme. Aucun respect ne retourna à un vieil homme l'agilité et la flexibilité d'un cabri sautant de rocher en rocher au-dessus de l’abîme. Il est triste de savoir que tu n'es plus capable de faire quelque chose d’utile pour les gens préfèren. Mais Akchalov... Je me console par l'idée que peut-être lors de ma vieillesse je serai pareil à Akchalov.
Je me réjouis quand il apparut dans l'embrasure de la porte de la salle et demanda sur un ton de plaisanterie:
- Alors, où est ce jeune homme qui fait semblant d’être malade?
Après lui, vint mon ami Kaïssar, un poupard basané avec des cheveux durs, ressemblant aux aiguilles d’un hérisson. Ou plutôt, il ne vint pas, mais entra d'un saut comme un tourbillon. Il avait quelque chose de Nasr Eddin Hodja. S’il rencontrait un bureaucrate, un marchand, ou un paresseux, Kaïssar ne gâchait jamais une occasion de leur donner une bonne leçon. À propos de lui-même, il disait: «Un chef de la mine a peur de me débaucher, et un autre a peur de m’embaucher". Mais avec ceux qui étaient honnêtes et bons, mon ami Kaïssar était plus sincère que d’autres. Quand il apparut à Myskazgan et trouva un emploi dans le bureau des transports, toute la ville le sut immédiatement. Cela veut dire que les gens apprirent qu'à Myskazgan vint un excentrique têtu ou têtu excentrique.
Je me souviens d’un cas.
On chargea Kaïssar de délivrer une charretée de foin à une adresse. Kaïssar cria à sa jument et sortit de la cour. Les rues furent couvertes de neige, et le jeune cocher dirigea son traîneau sur les voies de tramway nettoyées pas une machine spéciale. Kaïssar ne couvrit pas encore d’une centaine de mètres, comme il vit devant lui un tramway vide qui venait de sortir du dépôt. Le conducteur de tramway signala, demandant de libérer la route. Mais Kaïssar continua à alller vers lui. Le conducteur de tramway arrêta le tramway et déversa une tempête d'injures sur la tête de Kaïssar. En entendant le bruit des passants s'attroupèrent et entourèrent la scène. Kaïssar entendit le conducteur tranquillement et dit: "N'as-tu pas honte de faire du chambard? Regarde combien de personnes tu as arraché des leurs affaires. Moi, je transporte une charge importante, et ton araba est complètement vide. Donc, qui doit céder le passage, hein?"
Kaïssar était laborieux comme un éléphant, et il avait des doigts d'or. Et mieux que personne, il pouvait égayer les gens fatigués après le travail. Il connaissait beaucoup d’histoires drôles, il était lui-même prêt à tricoter parfois quelque chose d’absolument incroyable.
Et à ce moment-là, après être entré dans la salle, il la remplit avec un rire. Il fut suivi par quatre autres des mes amis, et une chambre étroite, prévue pour un patient, sembla écarter ses murs.
- Mon cher, - dit Kaïssar, en riant bonassement. – Autrefois tu as été vigoureux comme l'acier avec lequel on pourrait couper n’importe quelle roche. Mais dès que tu raccrochas près du cœur l’Étoile d’Or, il devient malade. N’a-t-il pas supporté le poids de la gloire, hein? Mais que feras-tu si l'on te décore avec la deuxième Étoile? Bon, comme votre ami, je la prendrai moi-même. Il vaut mieux que je sois malade, pas toi!
Nous rîmes, puis la conversation alla dans une direction différente. Ainsi va la vie, quand les chasseurs se rencontrent, ils parlent de la chasse, les pêcheurs parlent de la pêche. Et la première chose dont les mineurs parlent c’est leur puits. Ce jour-là tout fut le même. Et c’était le même Kaïssar qui en devint le prometeur.
- L’âge de soixante ans, et alors?... Seulement maintenant j’e comprends que je suis enfin capable de décrocher la lune. J’ai inventé une nouvelle méthode pour creuser le fond. Il me reste quelques détails à préciser, et vous resterez bouche bée quand vous voyez comment tout est facile et simple...
- Fais attention de ne pas répéter la situation comme à l’année passée, quand tu avais attrapé un sac de lièvres et un loup gris, - lui rappela Akсhalov avec un sourire.
Sa remarque nous causa un nouveau éclat de rire.
L'hiver dernier Kaïssar alla à la chasse. Deux jours, il erra à travers la steppe enneigée et retourna les mains vides. Mais lorsqu'on le demandait à propos de ses trophées, Kaïssar répondait sans sourciller:
- Rien de spécial. J’ai attrapé un sac de lièvres et un loup gris.
- Comment es-tu arrivé à le faire? – s’étonnaient des naïfs. – Est-ce que tu les capturais avec un simple piège?
- Le piège, c’est déjà daté! J’ai ma propre méthode - disait Kaïssar mystérieusement.
- Vas-y, Kaïssar raconte. – demandaient les naïfs. Après avoir fait un peu des manières pour attiser encore plus la curiosité des auditeurs, Kaïssar commençait:
- Ce pouvait être seulement moi, bien sûr, qui l’inventerait. J’ai mis dans le champ six briques rouges brûlées. Je les placées sur la neige, de sorte qu'elles étaient mieux visibles, et je les ai poudrées avec du poivre rouge. Bien sûr, les lièvres, ont pris de loin les briques pour les carottes et ils ont couru vers mon appât. Quand ils sont venus, ils ont essayé de le manger, mais quoi ça: il était trop dur à mordre. Et ils se sont mis à flairer les briques. Et le poivre, bien sûr, il a pénétré dans leurs narines. Et les lièvres ont commencé à éternuer. Et pendant qu'ils éternuaient, je les ai saisis par les oreilles et jetté dans le sac.
- Et comment as-tu capturé un loup? Avec les briques aussi?
- Non, le loup n’est pas un tel bonard - dit Kaïssar, faisant allusion à la naïveté des auditeurs. - Le loup exige une approche artificieuse. Pour lui, j’ai coupé du contreplaqué une silhouette d'un veau et l’ai peint en brun. Je l'ai mis dans la neige, et moi, je me suis mis derrière le mannequin. J’étais couché, en attendant. Enfin un loup affamé est venu et il a mordu le contreplaqué si fortement que je devais le traîner à la maison avec le mannequin.
Après cela, les naïfs, réalisant que Kaïssar les menait par le bout du nez, riaient, ou le juraient vexés...
- Non, - dit Kaïssar à Akchalov - je ne plaisante pas cette fois. J’airai honte, quitter le puits après y avoir travaillé un quart de siècle, et ne rien laisser derrière.
- Mais est-ce que le minerai, que tu as extrait pour la période de plus de vingt ans, n’est pas suffisant pour que les gens se rappellentde toi? – dis-je à Kaïssar.
- C'est ça. Mais tout de même, Sabyr, je veux faire quelque chose de spécial. Je veux que les gens disent encore longtemps: "Ah, c’était Kaïssar, qui a inventé cela pour faciliter notre travail. Il était une vrai grosse tête, cet homme-là!"
- Eh bien, vas-y, mon fils. Peut-être que tu réussiras. Seulement assure-toi que tu ne finiras pas par "l’arba de Jakipov" - rit de nouveau Akchalov.
Nous nous souvenions bien de cette histoire. Une fois à la mine vint un scientifique dont le nom était Jakipov. Il apporta l'idée d’un "jumbo" de foration. Lors du premier essai il devint clair que le "jumbo" seulement complique le travail. On appela le "jumbo" l’"arba" et on se priva des services de Jakipov. Et bientôt rumeurs venrent à Myskazgan que cet aventurier avait déjà visité plusieurs mines, en essayant d'implémenter son "idée" au sein de l’art minier, mais chaque fois son "arba" ne puvait pas passer même le premier test. En bref, Jakipov nous rappela une anecdote à propos d’une femme urbaine, qui vint pour la première fois au village et vit un petit chameau, et elle dit: "Le pauvre mignon, probablement il voulait devenir un chameau, mais il ne pouvait pas grandir". Jakipov voulait bien être un inventeur, mais il justement faisait les gens à dépenser leur temps de l'argent pour sa fantaisie inutile. Depuis lors, cela devint une tradition: si quelqu'un lançait une idée aventureuse, nous l’appelions l’"arba de Jakipov".
- Non, Noureké, je travaillais sur mon idée depuis longtemps, - dit Kaïssar sans ressentiment. - Cependant, ça suffit de suer sur elle seul. Peut-être, vous pouvez m’aider. Parce que, je dois l'avouer, je déjà piétine un peu.
Son idée nous parut intéressante et nous nous plongeâmes dans la discussion. Le charactère de notre conférence improvisée fut tout à fait technique, donc il est inutile de raconter ici tout ce qui fut dit dans les débats. Il suffit de dire que Batima entrée dans la salle ne pouvait pas comprendre sur quoi nous polémiquions en interrompant l’un l'autre. Elle resta un long moment près la porte, inaperçue par nous, et puis elle dit avec un sourire:
- Mes camarades, les visiteurs, n’est-il pas le temps pour Sabyr-aga de se reposer?
- Traduit de la langue médicale cela signifie: Allez-y, débarrassez le plancher, - dit Kaïssar gaiement.
- Je ne disais pas comme ça – dit Batima confuse.
- Chérie, tu dois savoir que Kaïssar aime blaguer, - dit doucement Akchalov. - Mais tu as raison. Nous apprécions aussi la santé de Sabyr-aga.
Mes amis commencèrent à dire au revoir:
- Bon rétablissement, Sabyr! Et en général ne garde pas le lit, remue-toi.
- Si tu es couché, tu seras jamais en bonne santé.
- Et ne pense pas à ta maladie. C’est les médecins qui ont inventé les maladies.
Mes bons camarades me le dirent sincèrement. Ils étaient encore les personnes en bonne santé, comment pouvaient-ils savoir que ma maladie exigeait exactement le repos. Même Akchalov n’allait pas encore à l'hôpital.
Kaïssar quitta la salle le dernier. Avant de partir, il dit à Batima:
- Batèche, chérie, prenne un bon soin de Sabyr. S’il guérit rapidement, on te le donnera en mariage. Il est encore forte djiguite. Et en plus beau. N’importe quelle belle fille le marierait.
Le visage de Batima rougit soudain. Et moi, je ne savais pas pourquoi je me sentis mal à l'aise. Peut-être parce que je savais comment malheureuse la vie personnelle de Batima était.
Pas pour rien que l'on dit que la femme kazakhe s'y connaît dans la plaisanterie. Elle est capable de distinguer où est l'allusion malicieuse, et où est l'humour débonnaire. Et si la plaisanterie est appropriée, donc, selon la coutume, elle peut répondre du tac au tac, même à un homme qui est beaucoup plus âgé qu'elle.
Donc Batima aussi, réalisant que la plaisanterie de Kaïssar n’avait rien de malicieux, rapidement dit:
- Kaïssar-aga, vous ne pouvez pas me donner votre ami en mariage, peu importe comment je le soigne. Son cœur est déjà occupé par la belle Akbaïan.
- Ah voilà! - exclama Kaïssar avec étonnement. - Quelle Akbaïan? Est-ce que c’est l'ex-épouse d’Aljan que tu parles?
Kaïssar ne faisait pas semblant. Il se trouva qu'il n'entendait rien à propos de mes relations avec Akbaïan. Et je pensais que toute la ville le savait. Je ne dis pas à Kaïssar ce que nous avont eu autrefois avec Akbaïan. Il aimait les gens au caractère fort, qui, si nécessaire, déchiraient vigoureusement tous les rapports. Bien sûr, il aurait tourné mon amour persistant en dérision le considérant comme un signe de faiblesse.
- Eh bien, si c’est cette fameuse Akbaïan, toi Batèche, tu n’as rien à craindre. Est-ce que la femme divorcée peut concurrencer avec une telle belle jeune fille, comme toi? Alors, ne perde pas l’espoir. Guéris-le aussi rapidement que possible. Et je m’occuperai du reste moi-même!
Kaïssar dit au revoir et sortit.
- Donc, on vous avez marié sans vous même demander - dit Batima.
Elle voulait faire une blague, mais sa voix était un peu tremblante. Je voulais corriger en quelque sorte cette confusion apparue, mais je ne répondis pas de la meilleure façon:
- Pas de problèmes, Batesh, je n’ai pas peur.
Batima eut besoin soudain de s’occuper de quelque chose.
- Ils ont déplacé les chaises dans la salle – murmura-t-elle. Elle mit une chaise à côté du mur, et l'autre elle mit près de mon lit. Elle ouvrit la fenêtre plus large et ayant imaginé un autre besoin pour elle-même, elle quitta la salle l’air préoccupé.
"Non, Kaïssar n’est pas un conseiller, il ne me comprendra pas" – pensai-je. Est-ce que celui que n’est pas malade, peut comprendre la douleur d'une autre personne?
Et soudain je sentis pour la nième fois, cette jalousie méchante, glissant comme un serpent. "Pourquoi Akbaïan n’est pas venue ces derniers jours? Pourquoi elle est absente aujourd’hui, quand on m'a permis de recevoir les visiteurs?" J’appris la raison plus tard, quand je sortis de l'hôpital... Mais à ce moment-là, cela me déchirait: "Pourquoi? Qu'est-il arrivé? Peut-être qu'elle est venue, mais après avoir appris que mes camarades sont venus me voir, elle s’est sentie gênée et elle est partie? Je pourrais le demander à Batima, mais quand viendra-t-elle maintenant chez moi? Mal a pris Kaïssar de plaisanter avec elle... Il est impossible d’inventer une plaisanterie plus mauvaise que celle-là".
Mon humeur, étant bon avec l'arrivée de mes amis, commenç à devenir gâté.
Batima vint seulement avant le dîner. Elle apporta des médicaments comme d’habitude.
- Eh bien, comment allez-vous? Je l'espère, vous vous êtes reposé après l'invasion de vos amis? Il peut être fatigant pour une personne encore inhabituée - dit-elle, en mettant sur la table la dose de soir de médicaments.
- Tout est bien. Je me sens bien, Batèchejan - lui dis-je, surpris de moi-même.
D'habitude je l'appelais "ma sœur" ou "Batèche", et maintenant j’ajoutai flatteusement la terminaison respectueuse "jan".
- Bateshjan - je recommençai. - Et personne ne... Vous savez, venez me voir après le dîner. Eh bien, quand vous serez libre. Je vous raconterai encore quelque chose.
- S’il n’est pas difficile, cette histoire de Sadyk.
- Est-ce que Sadyk a deviné de vos objectifs? – suggéra Batima.
- Nous en avons aussi pensé lorsque j’ai rapporté à André à propos de tentatives d'obtenir de l'ammonite. Trop suspects furent des réunions avec Sadyk près de l'entrepôt d'explosifs. Et si on pouvait les considérer comme des coïncidences, l'intervention de Sadyk dans ma conversation avec le sous-officier détruit les derniers doutes. Il me fliquait pour me rendre inoffensif. Et il réussit.
- Mais Sadyk – dis-je à André - pouvait facilement deviner que j’agissais au sein d’une organisation clandestine. Qui sait qu’est-ce qu’il va faire ensuite. Peut-être qu'il attend, espérant obtenir une preuve plus substantielle de l'existence de la clandestinité?.. En bref, Sadyk est dangereux, - dis-je à André comme cela. Et j’ajoutai que nous devions liquid... détrui... en général éliminer le traître, il cela devait être fait par moi. Et qu’André l’ait dit au management clandestin.
- Pourquoi toi? Et pourquoi tu dois le faire? – s’étonna André.
- Parce que j’ai éveillé ses soupçons! Je devais agir peu à peu. Tout d'abord, demander un emploi à la cuisine, aux écuries. Et seulement alors... Et moi, j’ai décidé de prendre le taureau par les cornes: «Aide-moi à travailler comme un chargeur". Qui recherche la facilitation de la vie aux travaux de dynamitage? Donc, il a réalisé qu'il y avait quelque chose d’étrange.
J’aurais pu ajouter que Sadyk foula aux pieds les lois de steppe, jeta le discrédit sur l'honneur de sa sœur. Donc, c’était moi qui devais lui venger, j’étais un Kazakh et un homme pour lequel l’honneur d’Akbaïan était le plus cher au monde...
- Et pourtant, il ne faut pas se précipiter, - dit André. - Il est dommage que je n’aie pas pu parler à ce gars. Il y a quelque chose d’intentionnel dans son comportement. Un défi ouvert, presque garçonnier. Un traître, qui va mettre une clandestinité en lumière, agisse de façon discrète. Ce n'est pas demain la veille, il y a encore du temps. En outre, l’execution de Sadyk excitera les gardiens, ils comprendront qu’il y a sûrement quelque chose de mauvais dans le camp. Mais toi, Sabyr, tu dois être doublement prudent. Et pour quelque temps ne nous contacte pas.
Et Sadyk? Dans un premier temps, lui aussi il portait les explosifs sous la surveillance d'un gardien. Mais bientôt la confiance des ses maîtres dont il jouissait jouèrent son rôle, et le commandant lui permis de travailler sans escorte. Après cela, je voyais Sadyk encore plus rarement, et seulement de loin. Le voyant je devenais ivre de colère. Mais l'interdiction du commandant et les gardiens, nous regardant sans cesse, le rendaient inaccessible pour ma vengeance.
Vers la moitié de l’été le tunnel fit fini. Mais nous ne disposions pas encore d’assez d'explosifs. Certains de notre cellule commencèrent à dire: "Est-il possible d'utiliser le tunnel pour nous échapper du camp, si on ne peut pas détruire la centrale électrothermique. Mais l’après avoir su, André nous rassembla et prouva que sans explosion de la centrale, nous n’aurions pas pu tout de même à nous échapper, comme le territoire était protégé par un grand nombre de soldats. En bref, tout cela toujours exigeait des explosifs.
Il est difficile de dire maintenant à quoi auraient mené nos tentatives d’obtenir de l'ammonite. Peu après mon retour aux fonds, il y eut un événement qui changea au cours d’une heure le destin de tous les prisonniers.
Ce jour-là, on nous soudain commanda de suspendre notre travail plusieurs heures avant la fin de la journée de travail et on nous chassa dans la cour du camp. Là il y avait déjà ceux qui devaient descendre dans le puits la nuit. Et encore une fois, comme l'un des premiers jours, je vis les soldats avec des chiens, les autorités de la mine du camp avec le colonel Vanter à la tête et je compris qu'il y avait quelque chose d'important.
Les gardiens nous criaient, nous menaçant avec des mitrailleuses, les chiens enragés aboyaient. Nos narines furent pleines de poussière ardente, soulevée par nos semelles et déjà invisible au crépuscule. Puis l'un des officiers subalternes s’approcha de Vanteru et lui rapporta quelque chose. Vanter fit un signe de sa main et tout se calma d’un coup. Les têtes des Allemands se tournèrent vers le coin gauche de la cour.
De là, un cortège sinistre venait: quatre soldats accompagnaient un homme pieds nus, en chemise déchirée et en culotte de cheval. C’était Sadyk. Il ne resta rien du beau djiguite d'hier. Son visage basané fut couvert de blessures. À travers la chemise en lambeaux on put voir des cicatrices rouges. Et contrairement à Sadyk d’hier, un homme timide avec le regard fuyant, celui-là se portait fièrement, regardant hardiment dans les yeux des amis et des ennemis.
On amena Sadyk chez Vanter, et le cortège s’arrêta. Je me tenais près d'eux, ce pourquoi je vis les regards de Vanter et de Sadyk se croiser. Les nerfs de l’officier de SS lâchèrent, il se tourna vers l'interprète et lui parla avec irritation.
C’était une tempête d'injures, l'explosion de rage impuissante. D'une manière plus ou moins ordonnée le discours de Vantera adressé à nous, était comme cela:
- Vous êtes des cochons ingrats! Je vous ai pris, les bâtards, à la mine et ainsi je vous ai sauvés de la mort de faim dans un camp de concentration. Mais vous avez répondu par l’ingratitude noire: par sabotage et diversions. Les deux tiers de chaque tonne de charbon se consistaient de pierre. C’est une preuve supplémentaire que vous êtes les représentants d'une race inférieure, et on doit vous tirer, tirer et tirer de nouveau. Vous ne méritez pas de vivre dans un monde civilisé. Parce que vous êtes sauvages! Cet Asiate (Vanter pointa du doigt à Sadyk) que nous avons investi de notre la plus grande confiance, a volé deux centaines de kilogrammes d’ammonite et a acheté une mine à retardement chez un badaud, qui n’est pas digne de porter le titre honorifique d’Allemand et sera sévèrement puni. Il ne dit pas, où la charge est cachée. Il a refusé de nommer ses complices. Donc, je vous préviens: si la mine explose, ce seront vos camarades qui y mouriront. Pour ce cas, nous avons laissé dans le puits une partie de l’équipe.
Vanter ne bluffait pas, il disait la vérité. Quand nous étions alignés dans la cour, je remarquai que certains de nos camarades étions absents.
- Écoutez, vous les bâtards! - continua Vanter. - Vous nous dites où se trouvent les explosifs et la mine, ou nous le tirerons à vos yeux. Vous avez cinq minutes pour réfléchir!
En ce temps les crépuscules devinrent déjà noirs, les projecteurs de camp s’allumèrent et inondèrent toute la cour avec la lumière blanche de mort.
Les minutes qu’on nous avait données pour réfléchir, passèrent dans notre silence mortel. On pouvait entendre seulement des officiers allemands parler.
Je regardais avidement le visage de Sadyk, essayant de comprendre ce qui était arrivé. Pourquoi je me tellement trompai et je n’eus pas de confiance en l’homme à qui je devais croire jusqu’à la fin? Et pourquoi il me cacha son véritable objectif? Mais le visage de Sadyk était impassible. Seuls les yeux brillaient plus que d'habitude.
- Cinq minutes sont écoulées, - dit Vanter et sous sa peau sèche grise les muscles masticateur se gonflèrent près les lèvres. - Eh bien, moi aussi, j'aime à jouer au jeu "Qui vaincra?" Maintenant, fera tous le contraire. Écoute, l'Asiate, voici les nouvelles règles du jeu. Je te donne aussi cinq minutes. Si tu ne dis pas où la charge est et tu ne donnes pas les noms de tes complices, on tuera dix de tes camarades. Ensuite, je vais tu donner une minute et demie, et après cela nous allons tirer encore dix. Cette idée est astucieuse, n’est-ce pas? Maintenant, choisis!
Il leva la main avec la montre. L’oberleutnant donna l’ordre et les soldats qui se tenaient à notre droite, soulevèrent les mitraillettes. Sadyk ne dit rien. Seulement, il loucha sur la montre du colonel. Comme s’il écoutait fasciné le tic-tac cosy du mécanisme caché dans dans la montre. Mais ensuite Sadyk passa lentement avec la main sur son visage, comme si enlevant le masque invisible. Je connaissais ce geste presque dès mon enfance.
La main de Sadyk glissa de son menton, et presque en même temps, comme s’il fit un signe, là, derrière les barbelés, où la centrale se trouva, une puissante explosion relentit. Le pavé sous nos pieds s'ébranla, quelque part près de nous on entendit un verre briser par l’onde de choc. Le camp se plongea dans l'obscurité.
Les gardiens qui étaient les gens de l'arrière-front se se démen`rent dans les ténèbres.
- Mes camarades! Désarmez les gardiens dans la mesure du possible! Partez en groupes selon notre plan! – entendis-je une voix autoritaire.
Oui, chaque notre cellule savait quand et comment partir après l'explosion. Seulement personne ne pensait que ce moment viendrait si vite et si inattendu.
André toucha mon coude:
- Allons-y!
Mais mon attention fut attirée au centre de la cour, caché dans les ténèbres. J’entendis parmi les cris, aboiement et tapement de pieds plusieurs coups de feu là où j’avais vu Sadyk dans les derniers pinceaux lumineux.
- Ne m’attends pas, pars, - jetai-je à André.
Je me précipitai dans les ténèbres et tombai sur Sadyk. Il était couché sur son côté, recroquevillé. Apparemment, la balle le frappa à l'estomac. Je me mis à genoux devant lui, et le tourna doucement sur son dos.
- Sadyk! Peux-tu m'entendre? – appelai-je.
- Sabyr, est-ce toi? – répondit-il les dents serrées de douleur.
- Je vais t’emporter. En liberté. Seulement aie de la patience - lui dis-je, levant ses épaules.
- Laisse tomber, Sabyr. C'est la mort du petit cheval. Évadetoir, ne perde pas le temps - murmura Sadyk. – Quand tu rentras à la maison, dis bonjour... Dis à ma mère, à ma sœur, que j’ai fait tout comme il a fallu.
Il faisait nuit, mais je le sentais il sourire faiblement.
- Pourquoi ne nous as-tu rien dit? - demandai-je, presque pleurant.
- Je craignais que vous ne m’eussiez pas cru. J’étais le fils de l'ancien bey , travaillant pour l'ennemi... Je devais dire tout à la fois, au début. Ensuite, il était déjà trop tard. Même toi, tu ne m’avais pas cru... Maintenant... tout est passé. Vas-y, Sabyr... Tu dois vivre. Akbaïan t’attend!.. Quant à moi...
Sadyk voulait dire encore quelque chose, mais il y eut des râles dans sa gorge, et se tut pour toujours.
...Nous courions dans le remue-ménage, autour de nous il y avait la fusillade irrégulière. On passa par-dessus les clôtures de fil, qui devinrent sans danger après la coupure de courant et partîmes dans la forêt, située à trois kilomètres de la ville.
Toute la nuit, nous faisions une percée à travers la forêt, suivant le serpentin des ruisseaux. Pour nous séparer de la poursuite et pour dérouter les chiens. Ce ne fut que pendant la journée quand nous nous cachions dans un ravin profond, recouvert par des buissons, je retournai dans mes pensées à Sadyk. À côté de moi mes camarades dormaient d'un sommeil lourd, à demi inconscient, et moi, je pensais que Sadyk agissait logiquement quand il s’était chargé de ma tâche. Il était plus facile pour lui de faire ce qui pour moi était encore impossible. Je l'imaginais dans quel désespoir il devait tomber parfois, parce qu'il a dû se battre seul...
Je ne vais pas vous dire comment notre petit groupe se faufilait dans la nuit vers la Pologne. Ce fut un long voyage dangereux qui nécessite un récit particulier. En fin de compte, après avoir perdu les deux tiers de nos camarades nous arrivâmes sur le sol polonais. Patriotes locaux nous aidèrent à atteindre la région où un détachement de partisans agissait. Ce que nous pûmes accomplir, on l’appela un miracle. Quand nous fûmes amenés au gourbi du chef de partisans barbu, nous ne nous pas sentions de joie. Pourtant, avec la joie j’eus un gros sur mon cœur: ma culpabilité envers Sadyk ...
- Sabyr-aga! - dit Batima. - Ne vous tourmentez pas. Chacun pourrait faire des fautes ce temps-là. C’était des contraintes. La faim, le désespoir, la menace constante de mort.
- Mais lui, il me croyé! – dis-je amèrement. Batima décida de me distraire de ces tristes pensées.
- Et qu’es-ce qui s'est passé ensuite?
- Je te remercie, Batèche. Dans la suite, je combattais au sein de de l'armée régulière, coude à coude avec André. Beaucoup de fois le commandement nous conférait des décorations de guerre. Et nous luttions vraiment, payant de nos personnes. On voulait assouvir sa vengeance pour Sadyk, de beaucoup de nos camarades. Nous vraiment rêvions de rencontrer Vanter pour le remettre personnellement à la justice. Mais la guerre, comme un océan sans fin, inonda les peuples et les pays. Il était impossible d’y trouver une personne... Et puis je fus grièvement blessé. On m'emmena à un hôpital à l'arrière. On dirait que j’équilibrais sur une chaîne entre la vie et la mort. Et mon médecin était Tatiana.
- Alors, c’est ça comment vous vous êtes rencontrés!
- Ce n'est pas assez dire que nous nous sommes rencontrés. Elle m'a sauvé, m’a offert la vie. Ce n'était pas servi sur le plateau, bien sûr. Elle a dû peiner beaucoup avec moi avant qu'elle m'a tiré de l’autre monde...
- Donc, vous avez été liés non seulement l'amour - dit Batima d'un air songeur.
- Non, pas seulement par l’amour – dis-je.
Batima pausa, apparemment pour essayer de comprendre ce qu’a lié Tania et moi. Et moi aussi, j’entrai en méditation. Quoi d’autre est-ce que peut faire une personne clouée au lit, outre qu’analyser ce qu'il faisait quand il pouvait se déplacer librement sur la terre?..
Oui, Tania me ramena à la vie. Et quelle est la vie? La forme de l’existence de la protéine? Quoi d'autre? Tania ne pensait pas à ce sujet-là. Elle était un médecin et se battait pour ma vie. Et elle gagna: je suis vif! Et combien plus vivrai-je? Personne ne le sait. Et cela n’a aucune importance. Il n’est pas important "combien" mais "comment". Peut-être, à notre époque, les scientifiques vendront avec un médicament miracle, et je viverai un millier d'années. Mais est-ce que ce millier d’années sera équivalent à la vie courte de vingt ans de Sadyk? Voilà la question, Sabyr Chakirov!
Nous rencontrons beaucoup de gens dans notre vie: bons et mauvais. Plusieurs d’eux nous oublions après. Et seulement peu de gens restent dans notre mémoire pour toujours. Les images de ces gens sont comme coulées en or. Et ce n’est pas parce que l'or est un métal précieux, mais parce qu'il ne s'obscurcit pas. Il est chaud, comme vif... Ce comme cela fut pour moi Sadyk. Et quand je dois prendre une décision difficile, je pense: "Qu'est-ce qu’il aurait fait à ma place?" Je ferme les yeux, et en face de moi l'image de Sadyk se dresse comme dans la jeunesse: grand, beau, très similaire à Akbaïan, mais avec le visage mâle. Et j’entends ses derniers mots: "Quand tu rentras à la maison, dis bonjour..."
Je savais à qui il voulut passer un bonjour. Parmi les personnes chères pour Sadyk il y avait une fille qui s’appelait Sakypjamal. Ou Sakiche, comment Sadyk l’appelait affectueusement, une fille au visage basanée, aux lèvres charnues et aux yeux souriants.
Je déjà dis que Sadyk se gaussait de mon amour ardent envers sa sœur. Et il faisait la cour à Sakiche sur le mode de plaisanterie. Mais il était clair pour tout le monde qu'elle était infiniment chère à lui. Une fois touché par ses blagues, je lui dis:
- Sadyk, avoue que toi aussi, tu es éperdument amoureux.
- De qui suis-je amoureux? - fit semblant d'être étonné Sadyk.
- De Sakiche.
- Mais qu’est-ce que tu dis, Sabyr? L'amour ne se manifeste que dans les essais. Est-ce que c’est l'amour, si tout est facile et simple dans la vie?
Mon ami fier qui avait de l'amour-propre, apparemment, pensait que le vrai djiguite ne devait pas montrer ses sentiments. Et Sakiche ne cachait jamais son amour pour Sadyk. Ses yeux et son sourire disaient à tous: "Oui, je l'aime. Regardez comment je suis heureuse". Avant notre départ pour le front, elle dit:
- Sabyr, si quelque chose arrive avec lui, je ne vais pas vivre une journée.
Et en me couchant à l'hôpital de Karaganda, je me demandais souvent comment Sakiche vivait? Était-elle digne de la mémoire de Sadyk?
Quand j’arrivai à Myskazgan après le traitement, Sakiche vint à moi, et je lui racontai comment son djiguite avait sacrifié sa vie pour aider ses camarades à se venger de l'ennemi. Sakishe se mit à sangloter, se couvrant le visage avec ses mains. Elle sortit titubant de ma maison. Je ne stoppai pas la jeune fille, les premières minutes de désolation doivent être souffertes en solitude. Mais je me rappelai tout à coup ce que Sakishe avait dit autrefois, qu'elle n'allait pas vivre sans Sadyk...
Heureusement, Sakiche ne fit rien avec elle-même. Elle seulement devint calme, silencieuse. Quelques jours plus tard, elle quitta Myskazgan. Où, je ne savais vraiment pas. Et au fil du temps, j’oublis Sakiche comme on oublie étoiles éteintes. Elle était une vraie étoile qui donnait sa lumière à Sadyk. Mais avec la mort de Sadyk, son étoile s'éteignit aussi.
Et ce fut seulement l'année dernière, que je revis Sakiсhe, tout à fait par hasard. Il était à Almaty, où je vins pour les affaires de mon trust. Je fus présent à une longue réunion et décidai de marcher à pied jusqu’à l'hôtel, de prendre l'air. Et puis, dans la rue, je fus appelé par Sarsen avec qui j’étais allé une fois à l'école et je ne l'avais pas vu Dieu savait combien d'années. Même du premier coup d'oeil, il était évident que mon ancien camarade de classe avait réussi dans la vie. Il portait un bon costume gris, chaussures de mode, lunettes à monture d'or. Sarsen avait dans la main un portefeuille épais de luxe en cuir de crocodile. Mais le principal témoin de son bien-être était une expression de calme, rayonnante, il semblait par chaque cellule de son visage.
Nous n’étions jamais liés, en général, maistout de même nous fûmes ravis de nous rencontrer. Sarsen m'invita chez lui. Chemin faisant, il raconta brièvement de lui-même, que, après l'école, il avait terminé l'Institut polytechnique, et il venait de soutenir sa thèse de doctorat. J’essayai de me souvenir si j’avais entendu son nom en relation avec les dernières réalisations scientifiques, mais je n’en arrivai pas et je regrettai de ne pas suivre le développement de la science.
Et Sarsen parlais déjà de sa famille.
- Ma femme, à propos, est originaire de notre petite patrie, de Myskazgan - dit-il, comprenant que pour moi ce serait suïounchi – une nouvelle agréable.
Et il se mit à vanter son épouse.
On s’arrêta près d’une maison à plusieurs étages entourée de gazon, de peupliers et de bouleaux.
- C’est ici que je vis - dit avec enthousiasme Sarsen. - Par ailleurs, cette maison est construite selon le plan spécial. Et le conseil municipal a alloué quatre appartements pour l'Académie des sciences. Et ton plus fidèle serviteur a obtenu l'un d'entre eux, comme tu le vois.
Après avoir nous entendu une jolie jeune femme vint à l’antichambre. Son visage me sembla familier.
- Et voilà, c’est ma Sakiche - dit Sarsen.
Et son nom aussi me rappela quelque chose d’ancien, demi-oublié. J’allais demander où nous nous étions rencontrés, mais Sarsen m'amenait déjà bras dessus à l'appartement où le plancher brillait de telle pureté, comme si les chats venaient de le nettoyer scrupuleusement avec leurs langues.
L'hôte me conduisait de pièce en pièce comme un guide, attirant mon attention sur le mobilier étranger et de tapis faits à la main. De la cuisine venait l'arôme de la jeune viande fraîche, cuite au four.
Quand nous arrivâmes à la salle à manger, la table couverte et la hôtesse souriante nous y attendaient.
"Sakiche, Sakiche" – révisais-je mentalement les noms dans les fichiers de ma mémoire. Qui est-ce que ce nom et ces yeux souriant me rappelent?
- Ah voilà!, Sabyr-aga, ne m’avez-vous pas reconnu?
À ce moment-là, je la reconnus. Mais elle était si différente de la fille lointaine qui, une fois pleura amèrement quand elle reçut la nouvelle de la mort de Sadyk... le temps et la fortune de la famille changèrent Sakiche. Et moi, je pensais que toutes ses années, elle aurait dû passer dans la douleur.
"Eh bien, - me dis-je philosophiquement, - la vie doit suivre son cours".
On m’invita à m’assoir à la table. J’essayai de nouveau de poser des questions sur les affaires scientifiques de Sarsen, mais il repoussait toujours la conversation sérieuse et bavardait avec enthousiasme de chiffons rares qu’on pouvait obtenir quelque part, de ses liens dans le monde commercial... Je compris que j’étais assis à côté d’un bourgeois typique pour qui les choses devinrent le sens de la vie. Peut-être que là, dans son institut de recherche, il faisait un travail utile et nécessaire, mais le monde de ces placards, de vaisselle et de chiffons rares était plus intéressant pour lui, plus proche.
J’observais Sakiche. Elle était heureuse. Le monde de son mari était aussi son monde. Quand il saisi d'admiration partageait ses plans misérables de vie habituelle avec moi, les yeux de Sakiche brillaient avec enthousiasme. Ce fut elle, Sakish qui m’informa qu’ils allaient achètent une voiture.
Je refusai de la deuxième tasse de thé - il me semblait déjà une poison – je dis au revoir aux hôtes et, faisant semblant d’être pressé, je m’en allai.
- Voilà comment il arrive dans la vie: la guerre, une blessure grave. Et en conséquence, vous avez fait connaissance avec une personne merveilleuse. Avec Tatiana, - dit Batima d'un air pensif.
- Vous vous trompez ici. Je l’avais connue auparavant. Même dès avant la guerre, - dis-je et souris quand je vis la surprise de Batima.
- Mon Dieu, comment il est facile d'intriguer une femme! Il suffit de mettre plus bas le rideau de la tente, et elle décidera immédiatement que derrière le rideau on a caché un secret.
Je me levai et courus à travers la rue. À gauche et à droite de moi les soldats de notre section de combat tapaient lourdement du pied. Je devais seulement courir vers les ruines de la maison et m’y coucher. Mais le mitrailleur allemand eut le temps de donner un coup de sa mitrailleuse MG dans la rue et me blessa les deux pieds. Mais tout de même je aurais pu me considère chanceux (comme les os restèret intacts), si la saleté n’avait pas pénétré dans les blessures et la gangrène n’avait pas commencé. Cela fut découvert dans le train sanitaire...
À cause de la forte fièvre j’étais inconscient et je ne gardai pas la mémoire de ce comment on me transportait de la gare à l'hôpital, portait sur une civière le long du couloir, me mettait au lit. Pendant longtemps je ne me souvenais rien et je ne comprenais rien. Et quand je revins à moi, et commençai à penser, je vis une jeune femme blonde penchée au-dessus de moi. Quel jour était-il - le deuxième, troisième, dixième – je ne savais pas.
- Bonjour, Sabyr. Eh bien, le pire est passé. Vous marcherez sur vos propres pieds, - dit la femme, riant joyeusement, comme s’il s’agissait d’elle-même. Je ne savais pas encore que les chirurgiens avaient voulu m’amputer les deux jambes, mais Tatiana avait insisté sur un traitement conservateur.
- Vous ne me reconnaissez pas bien sûr. D’ailleurs, ce n’est pas la chose que doit vous intéresser maintenant - dit-elle, en arrangeant mon oreiller.
Ma tête était lourde, comme si elle était en fonte.
- Pas du tout, je vous ai reconnue – dis-je, en remuant à peine ma langue - vous êtes Tatianajan, Tania, Tanioucha.
"Tatianajan, Tania, Tanioucha" – ainsi, de manières différentes, on appelait une jeune médecin pour sa nature douce chez nous, à Myskazgan. Mais outre cela, j’eus aussi des raisons personnelles qui me firent la rappeler. C’était elle, Tania, qui avait été avec Aljan, quand il s’était intéressé d’Akbaïan. Et tout ce qui avait passé ce soir sinistre pour moi, je me souvenais dans les moindres détails.
- Alors, les jambes sont intactes? Merci. Et où suis-je? Quelle ville est-ce? - demandai-je, essayant d'arracher la tête de l'oreiller et de regarder autour.
- Restez couché. Vous êtes à Karaganda, - répondit Tatiana, mettant sur mon front sa main fraîche.
Silencieux je fermai les yeux. Enfin, j’étais chez moi. Là, en Allemagne, je n’avais pas de rêve plus grand, que baiser une poignée de terre de steppe. Sur notre planète, toutes les terres sont bonnes, mais la meilleure terre pour un homme est sa belle terre natale, même si elle est rude et inhospitalière à regarder. Il n’y avait pas, peut-être, dans la salle à ce moment-là, un homme plus heureux que moi!
Et ma tête n’était plus en fonte, ni étrangère! C’était comme si je retrouvai ma vie.
- Quand on vous a apporté, j’ai écrivé à Myskazgan. Et aujourd'hui vos compatriotes sont déjà venus pour s'informer de votre santé.
Il me semblait que sa voix vînt de quelque part dans le ciel, où on plaçait d’habitude des bons anges, tant je devins fou de joie.
- Qui était-ce? - demandai-je, pas surpris déjà de la prochaine surprise.
- Votre vieille amie Akbaïan avec son mari.
Je fondais comme si j’étais fait du sucre. Tant de joie en une journée: mes jambes, Karaganda et maintenant Akbaïan. Il était facile à avoir sa tête déménagé.
- Vous dites, avec son mari? - me repris-je.
- Il s’appele Aljan Bekenov. Peut-être que vous vous le souvenez? Il était l'ingénieur en chef de la mine, lorsque vous partiez pour le front. Aljan m'a demandé de vous transmettre les salutations les plus cordiales.
Donc, ce que je craignais le plus arriva: elle fut mariée. Et parce qu j’en eus toujours attendu avec impatience, ce fait ne fit pas de grande impression sur moi. Toutes les années de la guerre, je vivais dans l'espérance que cela n’était qu’un malentendu, que mon oiseau d'or m’attendait. L'espoir vivait en moi, je m'en attachais comme à une bouée de sauvetage. Et il me sauvait. Mais ce temps-là, quand j’étais hors de danger et n’en avais aucun besoin, il disparut comme un mirage.
- Akbaïan a promis de vous écrire une lettre, - dit Tatiana.
"De quoi peut-elle écrire maintenant? De ce qu’elle s’est désenchantée à Aljan? Mais pourquoi ils sont venus ensemble, et pour quelle raison il m’envoie ses salutations cordiales?"
Tous les jours suivants, j’essais de me persuader qu’Akbaïan m’était déjà indifférente, et en même temps d'attendais secrètement sa lettre. Je la reçus deux semaines plus tard, quand je sortis du lit et allais à salle à manger moi-même, sans l'aide de personne.
"Sabyr, - écrit Akbaïan. – Il n'y a pas longtemps que je venais te voir avec mon mari, avec mon Yer..."
"Attendez! Que dit-elle? On appel la selle "yer". Si Aljan est une selle, donc elle, Akbaïan, se trouve sous la selle. Qu'est-ce que c’est, une plainte ou une humiliation d’elle-même?"
Mais tout d’un coup je ris amèrement à la pensée que le mot "yer" peut aussi signifier le courage, la bravoure. Et Akbaïan voulait dire que son mari était un homme brave.
"J’ai reçu les lettres que tu m’as écrit du front - continuait Akbaïan. - Mais je ne pouvais pas te répondre. Je ne voulais pas te faire du mal. Il était déjà très difficile au front. Mais maintenant, tu es probablement calmé, et j’ai décidé de t’écrire. Quelles sont mes nouvelles? Je me suis mariée avec Aljan Bekenov, tu te souviens peut-être de lui. Il était l'ingénieur en chef à votre mine. Nous vivons bien ensemble. Myskazgan a beaucoup changé deuis ces années-là. On vient d’établi trois trusts, Aljan est gérant de l'un d'eux. Je ne suis jamais allé à l'université. J’étais occupée des autres choses. Mon mari occupe un poste de responsabilité, et c’est mon devoir de faire tout pour qu’il puisse bien se reposer à la maison. Et je dois avouer, que je ne voulais pas apprendre. La vie est courte, donc pour quelle raison dois-je la passer devant les livres tandis qu’il est douteux que j’aie besoin du diplôme? Pendant qu’Aljan vit, je vais avoir tout ce dont j’aurai besoin. Je ne sais rien de tes amis partis au front. Tes autres amis travaillent toujours comme des travailleurs ordinaires à la mine. En général, ils ne sont pas des aigles. Tu viendras et tu le verras toi-même.
C'est tout. Moi et Aljan, nous te souhaitons un prompt rétablissement. Akbaïan".
Je lisais la lettre encore et encore, en essayant de trouver entre les lignes au moins une étincelle de chaleur. Mais la lettre était comme un avis officiel. Akbaïan savait qu'elle devait m’expliquer beaucoup de choses, et elle choisit la forme la plus facile (pour elle-même, bien sûr). Après cette lettre, je ne dormis pas toute la nuit. Je même versai, comme on dit, une petite larme d'homme. C’était bien, que personne ne vit un homme pleurer, un homme qui avait rencontré plusieur fois la mort au front. Et tout cela fut parce que seulement ce moment-là je me rendis compte que je perdis Akbaïan définitivement. Il n'y a probablement rien de pire que la connaissance que toutes ces années tu te mentais toi-même. J’aimais une personne inventée par moi. Mon oiseau d'or n’était qu’une simple corneille noire avide de la viande. J’avais beaucoup de mots dans mon âme tissés de perles et de diamants. Mais il n'y avait déjà personne à qui je pouvais les donner.
Le matin, faisant un tour pour vérifier l’état des combattants touchés, Tatiana remarqua que je n’allais pas bien. Elle regarda la feuille de température, me tâta le pouls.
- Aujourd'hui, vous ne me plaît pas. Quelque chose est arrivée, Sabyr? – demanda-t-elle, en examinant mon visage.
Je répondis à sa question par une question:
- Dites-moi, Tania, quel homme est Aljan?
- Je n'ai aucune idée. Je l'ai rencontré seulement pour nos affaires d’hôpital. Mais comme un travailleur il est énergique. Quoi d'autre?.. On dit qu’il est un bon ingénieur...
- Je pensais que, vous le connaissez mieux.
Et puis sur le visage de Tatiana il y eut l'expression: "Oh, c’est ça que vous avez en vue". Elle se souvena de la nuit quand elle et Aljan, ils nous avoins vu avec Akbaïan.
- Avez-vous decidé que j’avais eu un rendez-vous avec lui? Non, nous parlions de quelque chose lié au patronage. Votre mine nous avait patronnés cette époque-là.
- Mais il est impossible de croire qu’Aljan ne vous avait courtisée – dis-je presque triomphalement.
À mon avis, il fut une sorte de séducteur expérimenté.
- Non, il ne m’a jamais courtisée.
- C’est pas possible! - répétai-je.
- Nous nous seulement promenions à travers le village, parlions de nos affaires. Et le reste... Nous sommes tout simplement trop différents. Il ne m’avait pas plu encore pendant notre première rencontre. C’est comme le proverbe dit qu’on ne peut pas cacher un chameau sous le tapis, et il est possible de connaître un mauvais homme pendant une seule soirée. Ce n’est pas seulement l’amour qui naît à première vue, mais aussi l’antipathie. Il a semblé le sentir.
- Vous voyez. Vous avez compris tout de suite qu’il est une mauvaise personne.
- Je ne l'ai pas dit. Je parlais de l’antipathie - me corrigea Tatiana.
- Et Akbaïan ne le voit pas! – dis-je amèrement. Tatiana me regarda fixement de nouveau.
- Mais peut-être, Akbaïan tout simplement ne veut pas le voir? Ce n’est pas un hasard si on dit que nous, les femmes, sont des créatures pleines de mystères, - plaisanta-t-elle. - Certaines sont douces pour les dents, comme une pomme mûre. Les autres sont dures comme une noix. Et le plus souvent une femme semble être une pomme, mais en fait elle est une noix dure... Et puis, chacun considère l’amour à sa manière, y recherchant ce de quoi il a besoin...
- Oui, c’est ça. Chacun comprend l’amour à sa guise.
- Sabyr, probablement vous aimez Akbaïan? Si je le savais... – dit Tatiana embarrassée.
- Pas du tout. Pour moi, elle est tout simplement la sœur de mon ami mort.
Cela dit, je probablement ne la convainquis que du contraire.
- Alors, arrêtons de parler d’Aljan. C’est trop inquietant pour vous. - Mieux vaut être ravis que vous alliez bien.
Et ici, je perdis mon sang-froid. Tout versa, tous ce qui avait accumulé au fil des années: la captivité, la guerre et l'amour malheureux.
- Je ne veux pas aller bien! À quoi bon avoir mes pieds maintenant, parbleu! Vous avez battu le vent, docteur! Vous avez battu le vent!
Je ne me souviens pas combien de temps je portais encore cette absurdité. Ensuite, moi et Tatiana, nous ne parlions jamais cette flambée de colère, comme si elle n’eut jamais lieu. Mais alors je perdu le contrôle de moi-même, et Tania innocente en devint la cible.
- Calmez-vous, Sabyr, calmeez-vous - il doucement cajolé. - Quelque chose de mauvais vous est arrivée, et vous êtes inconscient de vos mots.
- Non, c’est vous... Qui est-ce que vous a donné le droit d'interférer dans ma vie!? - criai-je, mais au fond de mon âme je déjà savais que j’adressais les mots blessants et injuste à une personne que ne les méritait guère.
- D’accord, Sabyr, je pars. Seulement ne vous énervez pas tellement - prononça Tatiana, un peu pâle.
Elle se tourna brusquement et quitta la salle.
Et pour comble de malheur, tout cela arriva sous les yeux de mon voisin! Ce bonasse Ukrainien attendait sa sortie de l'hôpital et la plupart du temps il passait dans le couloir en société de gars guérissant. Et voilà, il vint à la fin de notre conversation, comme par un fait exprès.
- Tu dois avoir honte! Tu as invectivé une bonne femme, et elle a fait tant d’efforts pour toi. Quel miner serais-tu sans jambes? Et lui, elle te faisait elle-même des piqûres... voyons... de pénicilline.
Mais moi, j’eus déjà honte et sans ses reproches. Je gardai le silence, tourné vers le mur.
Soit que Tatiana fût offensée, soit qu’elle ne voulût pas m’irriter, ou peut-être qu'elle eut des raisons liées du service, mais elle n’apparaissait pas dans notre salle pendant une dizaine de jours, et au lieu d’elle un autre médecin venait chez nous. Je me traitais déjà de tous les noms d'oiseaux! Je disais mentalement: "Tu as des problèmes, mais qui t’as donné le droit d'insulter une autre personne? Maintenant, c’est guerre, et combien de gens comme nous, les pauvres garçons, se trouvent-ils seulement dans notre hôpital? Chacun a des problèmes quelconques, et si l'on commence à s’attaquer à le médecin à cause de ses douleurs...?"
Je demandai à l'infirmière pourquoi nous étions traités par un nouveau médecin, et elle répondit que Tatiana était très occupée dans la salle d'opération: il n’y avait pas assèz de chirurgiens, et les gens blessés arrivaient toujours. Et il était clair pour chaque personne qui suivait les développements au front, que nos armées menaient des grosses attaques. Et où les gens attaquent il y a beaucoup de victimes. C’est la loi de la guerre.
J’essayai de guetter Tatiana dans le couloir, non loin de la salle d'opération. Mais chaque fois elle passait tellement fatiguée que je n’osais pas l'arrêter. Je comprenais qu'il valait mieux pour elle d’aller au lit et s'endormir. Et plus je pensais à elle, plus j’éprouvais de la sympathie pour cette bonne fille.
Peut-être, c’est une chose pas rare: quand tu penses beaucoup d’une personne qui te plaît, la sympathie se développe en un sentiment plus profond. Alors cela arriva aussi entre moi et Tatiana. Je commençai à sentir que j’eusse besoin d’elle. Je pensais à elle, me rappelant son image, sourire, tour de la tête. Je l’avais vexée, et me faisait d’éprouver avec la culpabilité le sentiment de tendresse, de la tendresse envers une femme qui, comme il me semblait, n’avait personne pour la protéger.
Et puis vint le jour quand Tatiana vint dans notre salle. Elle allait d'un lit à l'autre, interrogeait les blessés, les auscultait avec son stéthoscope, mesurait la pression. Et moi, j’attendais mon tour. Et voilà Tatiana fut en face de moi.
- Bonjour, Sabyr. Comment allez-vous? - sa voix n’avait pas un signe de ressentiment.
- Tania, - demandai-je. - Pardonnez-moi, pour l'amour de Dieu. Je comprends quels énormes efforts vous avez dû faire pour me mettre sur pieds. Et moi, au lieu de vous dire merci je me suis comporté comme le dernier... dernier...
Pendant que je cherchais le mot juste, Tatiana m'interromput:
- Ne pensez pas à moi, Sabyr, - sourit-elle - il n'a pas été facile pour vous ce moment-là, n’est-ce pas? Mais vous devez lutter contre votre désespérance. Vous devriez vous guérir vous-même de votre souffrance. Ici la médecine est impuissante.
Elle devina que mon hystérie fut liée à l'arrivée d’Akbaïan, à mon amour pour cette femme.
- Vous pensez qu’on puisse guérir de tout cela? - demandai-je avec méfiance.
- Je ne sais pas - avoua franchement Tatiana. - Mais vous êtes jeune, plein d'énergie. Une jeune personne peut se débarrasser de beaucoup de maladies. Vous avez toute votre vie devant vous.
- Docteur, qu'est-ce qu'il a? - mêla son grain de sel mon voisin trop curieux.
- Que puis-je dire… Médecine n'en a pas encore trouvé une explication - plaisanta Tatiana.
- Ah.., - dit-il respectueusement d’une voix traînante.
Tatiana avait raison. Souffrance est un serpent gris qui se cache à l'intérieur d’une personne et ronge, ronge. On peut se débarrasser de lui seulement en éliminant la cause du chagrin. Et si on ne peut pas le faire? Donc, la personne s’habitue de sa souffrance. Elle ronge et ronge, mais tu fais semblant que tu ne le remarques pas. Et parfois, il semble vraiment que tout va bien. Jusqu’au moment où le serpent rappele soudain de lui-même...
Ma situation fut aussi comme cela. Je me forçai à oublier Akbaïan. À oublier même son nom. Et de plus en plus fréquentement, comme si pour l'auto-défense, je prononçais un autre nom: Tatiana, Tania, Tanioucha... "Qu’est-ce que te passe? - me demandais. – Est-ce que ce n’étais pas toi qui considérais que l'amour était éternel? As-tu cessé d'aimer Akbaïan? Et c’est si vite que tu est déjà tombé amoureux avec un autre?" - "Akbaïan est morte pour moi - me répondis-je. - Et je ne suis pas un veau, qu’on peut tromper, montrant un manteau plié au lieu d’une génisse. Ma vie recommence".
Et commencer une nouvelle vie cela signifiait tomber amoureux de nouveau, parce qu'il n'y a pas de vie sans amour. Je fus sûr ce temps-là, que ma gratitude envers Tatiana et mon désir de la voir c’était l'amour. Et je ne croyais même pas que j’eusse été si chanceux...
Bien sûr, un nouvel amour (comme je vais l'appeler) ne me brûlait tellement pas au feu, comme c’était avec Akbaïan. Il était lisse, calme. J’expliquais la différence par ce qu’auparavant j’avais été un jeune homme à tête chaude, et plus tard je devins un soldat expérimenté, subi le danger d'attaques, les tourments de captivité, et la perfidie de la femme. Autrement dit, un homme qui connaîssait le fond des choses.
Pour un djiguite qui fut plusieurs fois dans les bras de la mort et qui vint blessé après la guerre, il n'y avait pas une meilleure médecine que l'amour. Je me rétablissais vite. Je demandai de diminuer mes séjours à l'hôpital et m’envoyé au front, mais l'infirmière dit que, selon les médecins, je devais y passer encore une semaine pour recevoir un traitement. Les conséquences de gangrène, paraît-il, se manifestaient encore.
Je ne crus pas et j’allai me plaindre à Tatiana.
Elle était assise dans une salle de repos des médecins, remplissant un dossier clinique. Elle avait l’air tellement fatigué que mon cœur s'est serré.
Mais je vins à la persuader de m’aider à aller au front. Je devais encore régler mon compte aux nazis, je n’avais pas le droit de passer mon temps jouant aux échecs dans la salle ou marchant le long des allées dans le parc de l'hôpital.
Tatiana écouta mon discours, et, sans lever les yeux, elle dit:
- Sabyr, tu as dû quitter l'hôpital encore hier. Mais c’était moi qui ai insisté de prolonger ton séjour ici pour une autre semaine.
Je crus avoir mal entendu. Les médecins considèrent que j’étais en bonne santé, et Tatiana me retint encore pour sept jours! Et c’était en ce temps quand je brûlais d'envie d’aller au front, et les gens blessés se trouvaient à l'hôpital non seulement dans les salles, mais aussi leurs lits étaient mis même dans les couloirs du premier et deuxième étage!
- Pourquoi l’avez-vous fait? - lui demandai-je sans rien comprendre. Elle me regarda et dit simplement:
- Parce que je tiens beaucoup à votre santé.
Cela sonna comme une déclaration d'amour. Je fus confus, mais puis ma main involontairement, par lui-même, toucha ses cheveux, les caressant.
- Vos cheveux sont si doux!
Elle prit ma main et la serra contre sa joue chaude. Je me penchai au-dessus d’elle, tournai son visage vers moi-même et l'embrassa sur les lèvres. Elle me répondit faiblement. Ensuite, je pressai sa tête contre ma poitrine.
- Comment ton cœur bat, - dit-elle. - Si vite, comme si il n’y en a pas du tout.
- Docteur, est-ce mauvais? - demandai-je faisant semblant être alarmé.
- En fait, oui. Néanmoins, votre cas, le patient, n’est pas très alarmant - répondit-elle par une blague. - Mais ce serait mieux si vous vous asseyez sur la chaise vide.
Plus tard, elle me dirait que je lui eus plu encore avant la guerre, quand elle était venue à Myskazgan, et moi, au nom du comité du Komsomol j’étais venu pour lui demander de donner une conférence à nos jeunes gens. Mais ce cerait plus tard, et à ce moment-là que nous étions assis l’un en face de l'autre - le médecin et le patient - et gardions silence.
- Je dois sortir de l’hôpital le plus vite possible – lui dis-je, me levant.
- On peut te laisser partir même demain. Me tu ne seras pas autorisé à aller au front quand même. Tu devras rester un ou deux mois chez des parents. Donc, comme tu peux le voir, ma faute n’est pas si grave - dit-elle avec un sourire triste.
Et ce fut juste comme elle dit. Après l'hôpital, j’allai au bureau de service national. Je demandais, je tapais du poing sur la table. Mais on me disait qu’il y avait des gens qui étaient en même état de santé qui voulaient aussi aller au front, mais s’il était nésessaire d’attendre, il fallait attendre. Et avec documents je ne pouvais qu’aller en vacances chez mes parents. Après l’amélioration de ma santé ce serait une autre histoire.
Le même jour, Tatiana m'accompagna à la gare, je pris un train et arrivai à Myskazgan. Comment on peut décrire la joie des parents, dont le fils revint vivant du front?.. Ils furent les gens les plus heureux dans le monde, ils ont mis sur dastarkhan toute leur provision et ils reçurent des visites.
Probablement chacun peut imaginer comment notre fête de famille passa, quelles paroles furent dises au dastarkhan, combien nombreuses furent des larmes de joie qui coulèrent.
J’étais assis à la place d'honneur, et regardais la porte, attendant l’arrivée de la mère de Sadyk, Bibigaïcha, et Akbaïan. Tout le chemin de Karaganda à Myskazgan je fus tourmenté par la pensée: comment leur parler de la mort de leur fils et frère. Ce triste devoir me rongeait secrètement, assombrissant la joie de la rencontre avec ma famille et mes amis. Mais ils n’arrivaient toujours pas, bien que les nouvelles de mon retour aient été déjà répandue parmis tous nos amis. Et les visiteurs venaient l'un après l'autre... Il n’y avait pas seulement Bibigaïcha et Akbaïan.
Ma mère remarqua mon état et demanda tranquillement ce qui me dérangeait. Quand je le lui dis, elle soupira:
- Ne les attends pas, mon fils. La mère de Sadyk est morte l’année passée. Quant à sa sœur... Et il est peu probable qu’elle visite la maison d'un mineur ordinaire. Elle est maintenant une dame très importante. Je crois bien: son mari est gérant du trust.
Je ne crus pas que ce fût la raison. Il était plus probable qu’elle pensât que nous avions tout dans le passé et nos nouvelles relations ne nécessitaient pas de hâte. D'ailleurs, comment pouvait-elle savoir que j’étais un témoin de la mort de son frère? Quoi qu'il en soit, Akbaïan ne vint ni ce jour-là, ni le jour suivant. Et moi, on m’invitait beaucoup de gens de leur rendre visite. Et chaque fois, assis dans un cercle d'amis et des étrangers, je parlais de Sadyk. Il est difficile de cacher une mauvaise nouvelle, elle se glissera même dans une fente, et celle bonne a des ailes légères, il n'y a aucune nécessité d’en sonner partout dans le monde. Ainsi la nouvelle de l'exploit de Sadyk rapidement se propagea partout à Myskazgan. Elle vola apparemment jusqu'à Akbaïan, et elle avec Aljanom vinrent un jour chez moi.
Ce fut le soir. Le père partit à l'entrepôt de stockage où il travaillait comme gardien, et ma mère- nettoyeuse ne revint pas encore de l'école. Et moi aussi, j’allair partir pour visiter mes anciens amis. Mais comme mes propres visiteurs vinrent, donc ma visite fut remise à plus tard.
Je leur invitai à la table, et commençai à préparer le thé. Et le faisant j’examinai secrètement Akbaïan. Entre notre dernière rencontre et celle-là il y avait des années. Et quelles années! Les années de guerre. La guerre laissa sa marque sur les visages et les habitudes des gens. Mais ce couple-là semblait rester intact par la douleur populaire. Le visage basané d’Aljan, me semblait-il, devint plus arrogant. Et Akbaïan au visage clair, on pourrait penser, ne s’occupait de rien d’autre que de sa beauté. Elle devint encore plus féminine, dans ses grands yeux noirs comme les raisins de Corinthe, il y eut la confiance, particulière aux femmes qui avaient une haute opinion d’elles-mêmes. Et elle s’habilla comme si sa vie était une fête infinie. Elle portait un fichu duveteux, une robe de laine avec col en renard noir et des bottes élégantes blanches.
Maintenant, je comprends je fus motivé par l’antipathie envers cette paire, et je n’eus aucune raison de lui reprocher qu'elle ne vivait pas comme tous les gens soviétiques. Aljan, la tête d’un trust important, bien sûr, dut travailler à tour de bras. Le front exigeait de l'arrière des efforts maximaux. Quant à Akbaïan, elle devint encore plus jolie, car telle est la loi de la nature: elle atteignit l’âge où la beauté d'une femme est mature. Était-il honteux qu'elle était habillée d'une robe à la mode? Il aurait été étrange que la femme du directeur du trust portât une robe, qu’elle avait portée autrefois étant une gamine.
Je savais que bientôt ou tard je rencontrerais Akbaïan, et j’avais peur de perdre la tête à cause de l’émotion. Mais il se trouva que je pris son apparence calmement. Mon cœur battait régulièrement, et ma voix sonnait sèchement, comme si c’étaient les étrangers qui vinrent cez moi.
Et encore, pour la énième fois, je parlais de Sadyk. Akbaïan hocha la tête, essuyant les yeux avec un mouchoir et disait: "Bien sûr, Sadyk ne pouvait pas faire autrement". Quand je racontais du sautage de la centrale, Akbaïan donna à son mari un regard fier, comme pour dire: "Regarde, c’est mon frère".
Je attendu un flux de larmes d’Akbaïan, mais elle ne versa que quelques larmes. Apparemment, elle fut déjà habituée à la mort de Sadyk, et mes souvenirs seulement agitèrent une douleur longtemps assoupie.
Lorsqu’Akbaïan, ayant essuyé la dernière larme, cacha son mouchoir dans le sac, Aljan, en engageant la conversation, me demanda:
- Es-tu réformé définitivement?
- J'espère que non. On a dit que dans les trois mois, si tout va bien, je pourrai aller au front. Mais je vais attendre quelques semaines et j’irai à la commission moi-même.
- Pourquoi dois-tu te presser? – s’étonna Aljan. - La victoire arrive déjà à grand pas. Avant que tu atteints le front, les Allemands crameceront. On peut aider notre armée et ici. Si tu te portes assez bien, viens chez nous à la mine. Maintenant, l'arrière est comme le front. Et nous n’avons pas assez de travailleurs. Nous ne sommes pas dédaigneux, mais nous pouvons dire que neuf balles de sur dix que vous avez envoyés à l'ennemi, sont coulées en métal de Kazakhstan. Et on utilise notre cuivre, de Myskazgan.
- Vous extrayiez du cuivre sans moi. Mais place est au front. Je n'ai pas dit tout aux fascistes.
- Ne pense pas, Sabyr, que ce sont seulement les lâches qui sont restés à l’arrière - se mit en colère Aljan. – Chacun de nous a son compte à régler au fascisme. Est-ce que tu pense, que je refuserais d’aller au front? Si on me permettait, je porterais déjà aujourd'hui mon application au commissariat militaire. Et j’en portais déjà plusieurs fois, soit dit en passant. Mais sais-tu ce qu'on m'a dit? "Tu seras même plus utile à Myskazgan qu'au front. Au front, nous nous passerons sans toi, mais pas ici!" Et toi aussi, tu seras utile ici, à Myskazgan, Sabyr. Reste travailler pendant que tu as le temps, et après cela vas-y, rentre dans l'armée, si on t’accepte, nous ne te tiendrons pas. Bien qu’on nous ait donné le droit de garder les travailleurs réservés.
Je me souvins comment au début de la guerre il m’avait inscrit à la liste, ne pensant guère à la réservation, mais je ne lui en pas dis. Ce ne fut pas un bon moment pour telle conversations, quand il s’agissait de Sadyk. Et en plus, c’était une vieille histoire, probablement Aljan déjà tout oblia. Et cela m’était vraiment égal si c’était lui qui m’avait inscrit à la liste ou pas, cela n’avait aucune importance. J’eusse demandé moi-même de m’envoyer au front.
- Je penserai à propos de la mine. Bien sûr, je ne vais pas rester les bras croisés – lui dis-je.
- Bon, c'est bien. D’ailleurs, je n’attendais pas quelque chose de différent de toi, - Aljan me frappa sur l'épaule et dit: - Akbaïan me parlait beaucoup de bonnes choses de toi. C’est ça, Akbaïan?
Elle baissa les yeux, comme si trahis son secret. "Je suis encore heureux" – pensais-je morose.
Mais tout de même après cela que je n’eus de la sympathie particulière pour Aljan. Après tout, sa responsabilité directe de fournir la main-d'œuvre nécessaire à la mine. Et il pouvait trouver une autre paire de mains.
Bien sûr, je ne pouvais pas rester à la maison sans rien faire. En plus, mon père tomba gravement malade. À l’époque, la pneumonie n’était puis une maladie dangereuse, mais pas pour les personnes âgées et faibles comme lui. Je ne pouvais pas mettre tous les soucis de soins de sa santé sur les épaules de ma mère, car elle n’était non plus physiquement forte. C’est pourquoi il me fallut laisser pour quelque temps mon idée d’aller avant terme au conseil de révision et rester à Myskazgan jusqu’au temps prescrit.
Je ne voulais pas travailler sous les ordres d’Aljan et je décidai d’aller à une autre mine, qui était au sein d’un autre trust. Mais Akchalov dit que ce serait une erreur. "Il vaut mieux pour toi de revenir à tes anciens camarades, - dit-il. - Vous t’es déjà déshabitué du travail de mineur, et l'équipement est maintenant plus compliquée. Et tes amis t’aideront. Quant à Aljan, le trust est le sien tout autant qu’il est le tien. Tu agis comme un petit garçon vexé, Sabyr!
C’était comme cela que je retournai à ma mine. Et j’y passai pas un mois ou deux, comme j’avais voulu au début. Parce que peu après il y avait un ordre du Comité de Défense d’Ètat, qui interdit de laisser les mineurs de Myskazgan aller au front et la promesse d’Aljan de ne me pas retenir à la mine est tomba automatiquement.
Après ma sortie de l'hôpital, moi et Tatiana nous nous échangions des lettres. Avec chacune de ses lettres je devenais de plus en plus convaincu que je l'aimais Tatiana et je ne pouvais plus imaginer ma vie sans elle...
Un jour, je lui en écris. Mais ayant envoyé la lettre, je me rattrapai. Nous disons: qui est plus rapide, une pensée ou un argamak ? Cependant, parfois, plus rapide est le mot prononcé sans réfléchir. Donc, je décidai, qu’il arriva ainsi avec moi. Après tout, Tatiana était une médecin, une femme instruite. Et moi, j’étais un simple mineur, qui avait terminé seulement l'école secondaire, c’était tout. Pour une amitié ou un court roman cela aurait été peut-être suffisant. Mais si tu proposais à une personne de vivre avec toi côte à côte toute la vie? Bien sûr, j’avais une profession honorable, et je gagnais plus qu’un docteur en sciences quelconque. Mais tout cela ne comptait pas...
Pendant une longue période Tania gardait silence. Je pensais déjà que par son silence elle me donna à comprendre que nous ne pouvions pas avoir quelque chose de sérieux entre nous. Mais une fois je la vis près de notre entrée. Elle se tenait avec une valise légère à la main et son regard cherchait quelqu'un ardemment parmi les mineurs sortant de l'entrée. M’ayant vu elle se jeta sur mon cou.
Sur la route du retour, Tania expliqua qu’elle prit un congé de quelques jours, mais elle avait dû remettre son départ, parce qu’il y avait eu beaucoup de travail.
Je ne pouvais pas résister et lui parlai de mes craintes.
- Il est bon que tu en aies pensé. Seulement tu n’as pas considéré une chose: je vais te faire apprendre, - déclara Tatiana, en riant.
Une semaine plus tard, elle partit afin d’organiser son transfert à Myskazgan. Peu de temps après nous nous mariâmes, et au cours d'une certaine année de notre vie familiale Tatiana donna naissance à ma petite fille agréable. Donc, en plus de tout, je devins un père heureux.
La vie semble parfois si longue. Et en effet: un quart de siècle c’est un long terme. Mais quand je me rappelle mon passé, il s'envole en face de moi juste comme un oiseau rapide...
- Voulez-vous me demander quelque chose et n’en osez pas? C’est ça? – demandai-je à Batima.
Curiosité trahit toujours les femmes. Et sur le visage de Batima reflétait la lutte de la délicatesse avec l’impatience.
- Oui... à proprement parler... - elle murmura d’un air excusant, prise au dépourvu.
- Vas-y, Batèche, demande! – permis-je généreusement.
- Je ne sais pas c’est bon de le demander...
- Est-ce que nous ne sommes pas proches? Vous êtes l'une de ceux qui m'ont tiré sans ménageant aucun effort de ce trou sombre, qu’on appele la mort.
- Donc, vous ne serez pas offensé? Vraiment?.. Encore quand nous étions assis dans le restaurant, j’ai supposé que vous ayez eu quelque chose avec Akbaïan. Non, non - s'effara Batima, - je ne pense pas à quelque chose de mauvais. Je sais combien vous avez aimé Tatiana et vous n’auriez pas permis quelque chose comme ça... Vous voyez, je vous demande de quelque chose, peut-être mauvaise? Je suis désolée, Sabyr-aga!
- Non, ça va. Cette histoire est aussi vieille que le monde. Je suis tombé amoureux d’Akbaïan étant encore très jeune. Et elle est tombée amoureuse de moi. Il me semblait ainsi. Mais ensuite, elle a épousée un autre homme.
- Aljan?
- Exactement. Et puis il y avait beaucoup de différents "puis". J’ai rencontré Tatiana.
- Et comment Akbaïan? Vous l’avez sans doute souvent vue. Tout ce temps vous viviez dans la même ville... Est-ce que votre amour pour Akbaïan s’est terminé si vite?
- Eh bien, pas si vite. Et ce n’est pas encore clair si jamais mon amour envers elle était terminé? À parler franc, parfois je la méprisais. C’est parce qu'elle a épousée Aljan. Si seulement c’était quelqu'un d'autre!
"Qu'est-ce je fais? Pourquoi devrais-je ouvrir mon âme à Batima? Par rapport à moi, elle est encore une gosse"...
Akchalov avait les yeux bleus, c’était une chose rarement rencontrée parmi les Kazakhs. Il était solidement bâti, large d'épaules et ressemblait à un lutteur prêt à sortir sur le tapis. Et bien qu'il ait franchi le cap de la cinquantaine, il travaillait encore mieux que les autres djiguites. Il pressait le perforateur pesant 25 kg contre le côté droit de son sein, et en avant - vers les murs de roche bleus, solides comme le granite. Son perforateur les mordait dedans de sorte que tous les autres étaient en arrière. Et il ne se reposait pas plus que les autres. Il effaçait la poussière bleuâtre de son visage, faisait deux ou trois gorgées d'une bouteille de lait, l’ayant sortie de son sac, et il reprenait le perforateur.
Et si le foret des autres parfois était coincé dans les fissures entre les blocs de pierre ou émoussé, l’appareil d’Akchalov ronronnait sans cesse comme s’il était fait d'un métal spécial sur commande particulière.
Un jour, je ne pus pas résister, et quand mon perforateur cala, je demandai à Akshalov:
- Temeké, est-ce que votre foret et perforateur sont ensorcelés? Ou connaissez-vous des paroles magiques?
Akshalov sourit:
- Tu y es. Je vraiment connais les mots magiques.
- Pouvez-vous me les dire, Temeké?
- Pourquoi pas. Voilà les mots: le cheval aime l’avoine et la machine - l'entretien. Où as-tu regardé auparavant? N’as-tu jamais remarqué, qu’une fois par trois jours je dépoussiére mon perforateur et le graisse? Après tout, Sabyr, tu as été un soldat, et certainement prenais soin de ta carabine plus que de toi-même? Donc, l’ami le plus fidèle du soldat est son fusil, et celui de l'homme de travail est sa machine. Si tu ne la soigne, elle ne sera pas ton amie.
Akchalov avait le caractère candide et ouverte. Si quelqu’un avait des problèmes, il allait chez Akchalov, et celui-là se pliait en quatre pour l’aider. Mais si on faisait quelque chose de mal, cherchait des détours, il disait tout dans les yeux, sans équivoques. Voilà pourquoi tous avaient un peu peur de lui. Mais on le respectait, appréciait pour son expérience. Et probablement c’était pour cette raison qu’on élut Akchalov comme secrétaire du Comité du Parti de la mine.
Et le temps difficile commença pour les bureaucrates, les bluffeurs et les dirigeants qui ne faisaient grand état que de leurs propres opinions. Le nouveau secrétaire du Comité du Parti donnait le plus grand mal aux ronds-de-cuir qui étaient indifférents au sort des travailleurs ordinaires. J’entendis parler que lors de la première réunion du Parti Akchalov se mit à critiquer même Bekenov. Et celui-là remercia Temeké pour son aide, mais tout le monde put voir que la déclaration du Secrétaire ne lui plut pas.
Et voilà, Akchalov me prit comme son assistant au fond:
- Dans un mois, je ferai de toi un vrai foreur. Mais je suis strict: je n’aime pas les gens paresseux et indifférents à leur travail...
Dix jours avant notre conversation il avait pris et Kaïssar. Autrefois, mon futur compagnon, comme je déjà dis, il avait travaillé comme un charretier dans le bureau de transport et après un conflit avec un conducteur de tramway il était allé travailler à la mine. Ce gars du village était sûr qu’il n’y avait rien à faire à la mine et, en fait, ne rien faire et le seul devoir c’était de percevoir le salaire à temps, sans délais. Dix jours ce n’est pas une grande période de temps, mais Kaïssar me regardaient d'un air supérieur, presque de vétéran et il essayait de commander. Au début c’était amusant. "Je vais attends, je pense qu’il va tout comprendre lui-même. Le gars semble avoir le sens de l'humour". Mais mes concessions mirent Kaïssar en train, il décida de faire de moi un garçon de courses. "Patience! - me dis-je. - Le batelier, qui s’embarque pour un voyage sans rien connaître de la profondeur de la rivière s’échoue souvent".
Je ne dus pas attendre longtemps. Nous devions passer à un autre fond, et dit Kaïssar avec désinvolture:
- Écoute, le gars, tu porteras deux perforateurs. Le tien et le mien. Et moi, d'accord, je porterai deux forets et deux gommes. Même prêts à résister, je n’attendais pas une telle impertinence. Un seul perforateur était beaucoup plus lourd que des biens que Kaïssar voulait porter à titre d’une grande faveur.
- Tu n’es pas bon, camarade. Tu passes en vain le temps ici, à la mine. Tu n’es pas bon pour être un foreur, - lui dis-je en le regardant avec scepticisme de la tête aux pieds.
- Pourquoi ça? – dit Kaïssar effarouché.
- Demande à une souris: "Pourquoi es-tu si petite? Et qu'elle va dire: "Je n’ai pas grandis, parce ce que j’avais peur du chat".
- Et moi, de quoi ai-je peur? demanda Kaïssar, encore plus effaré.
- Du travail – dis-je, levant mon perforateur sur son épaule.
- Est-ce moi qui ai peur du travai?...
Akchalov, qui se déjà tourna vers la porte, se retourna et dit en riant:
- Hein, Kaïssar, en as-tu pris pour ton grade? Bien fait pour toi!
- Comment ça? Pensez-vous que moi, un homme de travail, j’ai peur du travail?..
Après cela Kaïssar arrêta à me charger d’une partie de son travail et se mit à travailler avec une telle énergie, comme si attendant juste pour avoir accès à son perforateur. Il était un gars fort comme un Turc, je n'avais que le temps d’aller de pair avec lui. Donc, nous sommes arrivés eûmes avec Kaïssar une sorte de compétition. Si l’un de nous distançait, l’autre fut fouetté par l’amour-propre, et il se précipitait après lui. Eh si on ajoute que notre instructeur était Akchalov, on peut dire, sans fausse modestie, que six mois après Kaïssar et moi, nous devînmes des foreurs impeccables.
Et à ce moment où l'histoire arriva à sa fin, le sort encore une fois me mit en rapport avec Aljan. Il est arrivé dans des circonstances dramatiques suivant...
Mais avant cela, on doit faire une petite excursion géologique. Oui, Myskazgan est riche en minerai de cuivre, et probablement beaucoup de gens pensent qu'il est en forme d’une plaque solide souterraine. Mais en fait, le minerai est dispersé comme les îles ici et là, formant une sorte de archipel souterrain invisible, et la couche de minerai atteint 50 à 60 mètres. Où le minerai est déjà complètement extrait, des immenses grottes restent béantes. Et où il n'est pas encore touché, dès qu’on atteint un filon de minerai la pierre grisâtre, riche en cuivre, apparaît. Mais il n’est pas facile d’atteindre le filon. Il est nécessaire de couper les fonds, de faire des voies, construire des chemins pour les locomotives électriques. Les roches qui doivent être coupées par les foreurs, sont extrêmement dures. Et il semble que si tu les passes, voilà, c'est fini. Et ce n’est pas la peine de renforcer les passages avec les étais en bois: leurs arcs sont prêts à supporter un solide ensemble de la masse de terre pendant de nombreuses années. Et ils le supportent pendant des décennies. Mais on dit non sans raison que derrière la simplicité la trahison se chache souvent. Quelque part derrière l’arc fort, l'eau est collectée lentement, il y a étonnamment beaucoup des eaux souterraines à Myskazgan de steppe. L’eau cave l’arc pendant des années, patiemment, micron par micron, et soudain de tonnes de roches tombent dans le fond, enterrant tous les êtres vivants. Bien qu'une telle catastrophe se produise une fois par dizaines d’années, à Myskazgan on étudie attentivement le mouvement des eaux souterraines.
Gîtes de minerai de notre mine s'étendaient à l'est par rapport à la ville juste dans la région riche en eau. C’est pourquoi les experts accordèrent un grand soin au développement de ces minerais. Mais un jour, le gestionnaire du trust Aljan Bekenov organisa une réunion où il évoqua une question de l'augmentation de l’extraction de minerai dans la région orientale.
En ce temps-là, peut-être, personne ne pensait qu'il ressemblait à une aventure. La guerre s’approchait à sa fin, mais l'industrie avait un besoin grandissant de cuivre. En plus, avant la réunion Aljan avec un groupe d'ingénieurs et de techniciens fit le tour de tous les fonds existants. L'inspection montra que, malgré un grand volume d'eau, des couches de plafond protégeaient de manière sûre les fonds contre les éboulements du terrain.
Aljan invita à la réunion pas seulement des représentants du personnel de l'ingénierie, mais aussi des foreurs prospectifs. À notre avec Kaïssar étonnement, nous aussi fûmes parmi eux. Sans parler déjà d’Akchalov: il était assis à main droite du gestionnaire.
Ayant ouvert la réunion, Aljan commença immédiatement à parler sur son sujet préféré: il fixa la tâche - atteindre les riches gisements par le chemin le plus court. Il parlait précisément et fermement, en consultant la carte géologique, juste comme un générale, planifiant une attaque de ses armées.
Quand il fini, les bruits diminuèrent dans la salle de réunion. Inutile de dire, la tâche semblait audacieuse. Puis l’ingénieur en chef prit la parole et dit que dans surtout les couches supérieures de l'itinéraire planifié il y avait beaucoup d'eau, il était dangereux de couper les fonds en raison des éboulements possibles... Quelqu'un parla de sa place et partagea ses craintes.
Aljan demarra au quart de tour:
- Je voudrais demander à ceux qui parlent ici du danger. Est-ce que ce n’est pas dangereux d'attaquer au front un bunker de l’ennemi? Sans risque, il n'y a pas de victoire! Et notre Patrie exige nos exploits non seulement là-bas, au front, - Aljan indiqua vigoureusement à la fenêtre - mais ici aussi, à l'arrière! - et il montra son bureau du doigt.
Cela dit, Aljan se mit à parler d’un ton d'affaires.
- Nous avons soigneusement étudié toutes les pour et les contre. En outre, nous avons développé et mis en place une méthode de pénétration de haute vitesse...
Et c’était vrai. Aljan eut déjà fait un fond dans la zone où les éboulements du terrain étaient possibles. Ce n’était pas sur notre site, mais sur un autre, au sud. Cette expérience promettait un record pan-soviétique de creusement et le succès eut inspiré Aljan.
- Oui, c’est ça. Nous sommes capables d’établir un record pan-soviétique. Et nous l'établirons! - continua Aljan. – Et pour information de ceux qui ont peur de la responsabilité: je vais prendre moi-même la responsabilité de la gestion du creusement. Et en passant, je tiens à ma vie pas moins que à celle des autres, - termina-t-il avec un sourire.
Eh bien, si on doit avoir un ennemi, qu’il soit intelligent. La rivalité avec une personne stupide est humiliante. Je ne savais pas si j’aie eu le droit de considérer l’homme qui a volé ma bien-aimée comme mon ennemi personnel, mais en tout cas, je ne l’aurais jamais appelé l’un de mes amis. Cependant, qui qu’il soit pour moi, franchement parlant, j’aimai le courage et l'énergie avec lesquels il se mit à diriger le travail où les ingénieurs expérimentés perdire cœur. Bon gré mal gré, je dus admettre qu’Akbaïan eut choisi un mari digne. Et je lui souhaitai sincèrement bonne chance. Parce que cette fois-là sa chance aurait aussi été notre succès commun.
- Et maintenant, parlons des des activités spécifiques. Commençons par les foreurs. C’est d'eux que notre succès dépend premièrement. Et nous devons envoyer dans ce secteur important nos meilleurs foreurs, dit Aljan.
Et il appela les trois premiers foreurs. C’était Akchalov, Kaïssar et moi. Au début, je pensai que je l'eus mal entendu. Mais lorsque le gestionnaire répéta mon nom, je me sentai involontairement reconnaissant de lui. Après tout, il était la confirmation de mon progrès quelconque. Et il était doublement agréable de l’entendre d’Aljan.
La réunion se termina, nous sortîmes de la salle à troi: Akchalov, Kaïssar moi. Moi et Kaïssar, nous rayonnions de fierté. Mais Temeké se comportait d'une façon étrange, en grommelant:
- Un record... Je ne l'aime pas, oh, je ne veux pas galoper vers le record. Ce n’est pas sérieux tout cela. Que veut-il? De la gloire? Il faut encore réfléchir et penser beaucoup...
Les nouvelles sur la préparation d’un nouveau record, sur ce que le chemin le plus court serait mis vers les gisements de minerai à l'est, elles agitèrent la ville. On disait qu’à la tête de ce bon coup fut le gérant du trust Aljan Bekenov. Il y avait des rumeurs sur la façon dont il trouva des erreurs dans le calcul des autres ingénieurs et prouva qu’il était possible de faire ce qui semblait impossible auparavant...
- Si un coq bat des ailes, cela signifie qu’il va voler. Pourquoi Bekenov a pris part personnellement à cette entreprise? Parce qu’il a senti qu’il n'y avait pas de question – parlotaient des amateurs de potins.
Pendant ce temps, on nous fournit le meilleur équipment. Au cours des premiers jours, neuf foreurs passèrent vingt mètres en trois équipes. C’était déjà un record. D’ailleurs, pour cet instant-là c’était un record de Myskazgan.
Et qu’est-ce qu’il commença apès! Le lendemain déjà, la radio et le journal local le "Foureur Rouge" répétaient nos noms sur tous les tons. Quelqu'un dit que dans un journal national on publia une interview avec Bekenov, qui raconta comment son trust aidait le front. Mais moi, je ne vis pas ce journal-là. Cela ne m’intéressait pas quand nous sortâmes du puits après le travail. Le futur record exigeait de tels efforts qu’on voulait rentrer à la maison le plus vite possible et est tomber sur le lit.
Aljan vanait chez nous, demandait si on nous donnait tout ce dont nous avions besoin. À notre fond on mit un chemin pour les wagonnets, après l'explosion le gaz fut immédiament pompé per les pompes puissantes et les déblais de roche ne furent pas laissé pour une longue période de temps. En bref, on fit tout pour nous, et nous devions faire seulement une chose - forer. Le nouveau record pan-soviétique semblait être juste autour du coin.
- Si vous battez le record, on vous proposera pour la décoration de l'Ordre - promit Aljan lors d'une de ses visites.
Le travail allait bien. Tous étaient de bonne humeur. Seulement Temeké, une fois en passant les fonds il dit avec anxiété:
- Trop d'eau est venu, c’est trop. Probablement là-bas - il hocha la tête, - une fissure est apparue. Il nous faudra, mes gars, mettre les boisages. Je n'aime pas l’arc dans ce fond.
- Mais pourqoui, Temeké? - demanda Kaïssar d’un air insoucieux et me chuchota: - Il devient vieux et grommelle toujours. Il n’aime pas ceci, il n’aime pas cela.
- L’égouttement s’est aggravé - murmura Akchalov.
- Vous parlez, ces vieux fonds existent pendant déjà tant d'années - et rien ne leur est arrivé! D'une façon ou d'une autre ils vont tenir bon quelques mois de plus. Pendant ce temps, nous extractons tout le minerai pour sûr. Et après cela qu’ils tombent en enfer! - dit Kaïssar avec la même insouciance.
- Faire fi du danger cela ne signifie pas encore faire quelque chose d'héroïque, répondit Akchalov avec colère.
Mais Kaïssar étourdi par le bruit de son perforateur n’entendit rien.
Il s’est trouva qu’Akchalov avait raison. Et la catastrophe, comme il est toujours non seulement dans les livres d'aventure, mais aussi dans la vie, se produisit de manière surprenante et juste au moment quand les gens étaient dans le fond.
Peu de temps avant cela, les chargeurs vinrent chez nous pour faire sauter la roche au fond. Nous nous éloignâmes plus loin dans la galerie, et en profitant d'une pause, nous nous assîmes sur des blocs de roche et nous nous occupâmes de notre dîner simple. Et à ce moment-là, comme en obéissant aux lois du drame, Aljan, le protagoniste des événements imminents, vint chez nous.
- Eh bien, même Batyr fabuleux a besoin de la nourriture réelle – plaisanta-t-il quand nous nous échangeâmes des salutations.
- Et l'eau vient toujours - dit sinistrement Akchalov, ignorant la blague d’Aljan.
-Aaïe-aïe, Temeké, vous recommencez, secoua la tête Aljan. - L'eau pénètre ici d'un fond voisin. Les arpenteurs des mines se sont trompés! Le fond voisin a été projeté incorrectement. Il est situé au dessus du vôtre. Comprenez-vous? À propos, j’ai commandé de mettre ici une autre pompe, donc il sera moins d’eau maintenant.
- La pompe c’est une bonne chose. Mais l'eau vient d'en haut - répéta Akchalov avec persistance.
Aljan nous Temeké montra d’un geste comme disant: "C'est une vraie tête de mule". Je voulais dire qu’Akchalov avait une grande expérience de travail comme mineur et que probablement il est vraiment mieux d’arrêter les travaux jusqu'à ce que les experts vérifieraient s’il y avait une fissure. Mais ce moment-là les chargeurs vinrent en courant, leur chef mit en garde:
- Personne ne sort de l'abri. Nous allons faire l’explosion maintenant!
Aljan était sur le point de partir avec les chargeurs, mais il changea d'avis. Peut-être il décida, qu’il devait dissiper nos doutes et convaincre le vieux mineur.
- Temeké, vous seulement vous livrez à des conjectures et vous fiez à vos intuitions aveugles. Et de notre côté est la science - déclara Aljan, assis à côté d’Akchalov.
- Et je pense que vous prenez en vain appui sur la science. Elle n’aime pas les aventuriers - dit Akchalov.
Aljan rit et dit:
- Est-moi que est un aventurier? Eh bien, le temps montrera ce que j’ai raison.
- J'aimerais bien en croire - soupira Akchalov. - Seulement, je crains que nous n’ayons pas beaucoup de temps pour le voir.
- Tout ira bien, Temeké, - dit Aljan et se leva, considérant qu’il sortit déjà gagnant du débat.
- Le camarade Bekenov, où allez-vous? Cela va sauter - s'alarma Kaïssar et s'agrippa à la main d’Aljan.
Et au même moment, la première charge explosa avec un bruit assourdissant, puis la deuxième, et la troisième relentit.
- La quatrième ... cinquième ... sixième ... onzième, calcula Kaïssar et avec chaque explosion suivante il pliait les doigts. - Où est la douzième? Elles doivent être douze.
Il s’inquiétait en vain. Après une courte pause la douzième charge détonna.
- Ça y est! La douzième! - annonça triomphalement Kaïssar.
Nous tous les deux fûrent depuis déjà longtemps habitués aux explosions. Quant à Kaïssar, chaque fois quant la roche sautait, il s’exaltait, comme un petit enfant.
Mais la joie de notre camarade fut courte. Le plafond dans la galerie frémit soudain une fois, deux fois, comme pendant un tremblement de terre. Notre abri s’ébranlait. Et des tremblements se succèdaient. Peu après l'électricité fut coupée, puis la vague d'air éteignit nos lampes à carbure. Il fit noir dans la galerie comme dans un four. Chacun de nous devait avoir senti que quelque chose de terrible fut arrivé, - au sous-sol rien ne se termine comme un jeu d'enfant. Et seulement après un long temps, comme il me sembla, une voix éraillée demanda:
- Camarades, qu’est ce qui est arrivé?
La voix d’Aljan changea si beaucoup que je ne la reconnus pas tout de suite.
- Eh bien, les jeunes hommes, qui ont des allumettes? - dit tranquillement Temeké, sans répondre à la question de Bekenov.
- Merde, je viens d’arrêté de fumer justement hier! - et cette voix-là ne changea pas. Je reconnus immédiatement Kaïssar. Il prenait tout toujours en riant comme si rien ne se passa. On l’entendit dans l'obscurité tapoter ses poches.
- Temeké, j’ai des allumettes.
Je sortis une boîte d'allumettes de ma poche et l’agitai dans l'air.
- Donne-me les, - dit Akchalov décidément.
Je tendis les boîtes dans l'obscurité, guidé par sa voix. Nos mains se rencontrèrent, et une seconde Akchalov retint mes doigts dans les siens. Il les légèrement pressa et relâcha. Cela signifia: tiens ferme, le djiguite, bon courage!
Il frotta une allumette et apporté la petite flamme à sa lampe à carbure. Notre coin fut éclairé par la lumière faible. Et il se trouva que la première personne que je vis était Aljan. Il se tenait à l'entrée de notre abri, échevelé, petit. Je souris involontairement, ressentissant de la colère et du triomphe sombre: tu vois, Temeké t’a dit, et tu n’as pas même voulu l’écouter. Mais la galerie coupée du monde ne fut pas la place pour s'abandonner pour un temps long à la malignité. Et en plus, Aljan se trouva avec nous, dans la même position peu enviable, s’était puni déjà par cela.
- Restez ici pour l’instant, et moi, je vais regarder - dit Akchalov et se mit à marcher dans les ténèbres, vers le fond.
Nous entendîmes l'eau faire floc-floc sous ses pieds. Selon ces sons on pouvait déterminer où Akchalov se trouvait. Voilà, tout se tut, cela signifia que Temeké s’arrêta et regardait ce qui fut arrivé. Nous ne pouvions que deviner ce que ses yeux voyaient. Bien que, en général, il n’ait pas été difficile de deviner... Surtout pour Aljan.
Il baissait la tête de peur de rencontrer nos yeux. L'eau fit floc-floc de nouveau. Le bruit s’approchait de nous... Temeké revenait chez nous. On vit la flame de lampe venant de l'obscurité suivit par Akchalov lui-même.
J’attendais Temeké commencer par les mots: "Eh bien, tout est juste comme je disais" ou "il a été prévu", mais il dit seulement:
- Toutes les couches se sont effondrés, quarante ou cinquante mètres du couloir sont bloqués. Nous somme isolés ici, dans la poche. Il faudra un couple de jours pour nous atteindre. Deux jours c'est la moindre des choses, on hivernera.
- Bien sûr, on va patienter – enleva la conversation à remporte-pièce Aljan. Il était, peut-être, extrêmement reconnaissant à Akchalov parce que Temeké se comportait comme si nous étions dans ce pétrin pas par la faute d’Aljan, mais à la suite d’une autre raison objective qui dépendait uniquement de l’élément.
- On va patienter - accepta Akchalov. – Le seul problème est l'eau, il vient toujours. Dans quelques dix heures l'eau remplira le fond.
Nous étions silencieux, réfléchissant au message désagréable de Temeké.
- C’est dommage que les pompes soient remblayées. Sinon on pourrait dénoyer, - dit Akchalov d’un air songeant.
Le cerveau du vieux mineur travaillant intensivement, appelant à l'aide toute sa vaste expérience.
Kaïssar sauta comme s'amusant:
- Oh, elle est déjà ici!
Je regardai sous mes pieds. Non, Kaïssar ne plaisanta pas. La bande de l'eau s’approchait de nos pieds.
- Peut-être il faut chercher un endroit pour haut? Est-ce qu’il ya un tel endroit dans le fond? Hein, Temeké? - demanda Kaïssar.
- Il est encore trop tôt d’aller au fond. Il vaut mieux d’attandre ici jusqu'à gaz après l'explosion s’en va - dit Akchalov.
Nous nous tûmes de nouveau. D’ailleurs on ne voulait pas parler pour ne rien dire.
- Temeké, - brisa le silence Kaïssar le plus impatient d'entre nous, - vous avez vécu une longue vie. Est-ce que vous avez jamais vu quelque chose comme ça?
- On peut voir beaucoup pendant trente ans de travail comme mineur, - répondit Akchalov avec un soupir.
- Donc, racobtez-nous un cas quelconque - demandaKaïssar, - le temps passera vite.
- Oh, Kaïssar, quand reprendras-tu ton sérieux? - demanda Temeké avec un sourire involontaire. - Est-ce c’est un bon temps pour les histoires?
- En fait, c’est pas le moment – le soutint Aljan obséquieusement.
Je comprenais que Kaïssar était mal à l'aise. Et bien sûr, l'anxiété lui serrait le cœur. Mais il voulait remonter notre courage avec ses blagues, et moi, je lui étais personnellement reconnaissant pour cela.
Et encore ce silence intense sépara tous. Quand nous étions silencieux, chacun de nous semblait être tout à coup seul. Il fallait parler, parler sans cesse. Mais à propos de quoi?
- Pourquoi n’est-ce pas le moment? - se révolta Kaïssar. - Sabyr, quelle est-il sur ta montre?
- Sept heures moins cinq – lui dis-je en regardant ma montre.
- Est-elle précise? Ou comme ci, comme ça? – s’inquiéta Kaïssar s'amusant.
- Je la régle chaque jour selon la radio.
- Sept heures moins cinq! Et pourquoi donc sommes-nous ici? Le travail est fini!
Kaïssar atteignit son but. Bien que sa plaisanterie et ne brillât d’un humour subtil, nous rîmes avec Temeké. Aljan perplexe nous regarda comme en demandant: "Vous n’êtes pas un peu fatigués?" - Il haussa les épaules et dit:
- Qu’est-ce que vous a fait rire? Il vaut mieux pleurer. Peut-être que vous ne l'avez pas encore compris ce que nous attend?
"Voilà! – m’étonnai-je. - Il devrait être heureux que nous tenions bien, ne nous énervions pas, ne cherchions pas quelqu'un à blâmer..."
Kaïssar répondit pour moi:
- Si Dieu bénissait ceux qui pleurent, je pleurerais du matin au soir et du soir au matin, comme un pauvre garçon disait. Allez-y, camarade Bekenov! Il n’y a pas assez d'eau dans le fond.
C’était le début d'une querelle. Mais la désunion et l'inimitié ne sont pas les meilleurs alliés des gens quand ils sont en peine. Et Aljan, l’homme intelligent, réalisa, bien sûr, ce qui se passait, et il ravala sa fierté:
- Je n’en ai pas perlé. Vous m’avez compris trop littéralement... Mais on doit faire quelque chose! Sinon, nous nous étoufferons dans cette oubliette.
Personne ne répondit à Aljan. Et que put-on dire? Il était clair pour tout le monde que si nos camarades ne faisaient pas un miracle là-bas, à la surface du sol, nous serions morts.
Une heure et demie passa. L'eau remplissait progressivement notre refuge. Il était déjà impossible de rester assis, nous nous tenions debout, nous trémoussant d’un pied sur l’autre et louchions interrogativement sur Temeké. Comme si c’était lui, et pas Aljan Bekenov, qui était notre chef principal.
Enfin Akchalov dit:
- Le gaz doit être déjà dissipé. On peut aller à l'extrémité du fond. Nous suivîmes en file indienne la lampe d’Akchalov. Corridor se levait. Donc, dans d'extrémité du fond il était encore sec. Gas presque disparut: une partie partit par les fissures, une autre fut absorbée par l'eau. Mais ses yeux et narines étaient encore mordillés par l’air caustique.
Nous nous assîmes sur un bloc de roche tombé après l’explosion et Akchalov éteignit la lampe.
- On doit économiser l'oxygène - dit Temeké.
Nous fûmes de nouveau entourés par un silence lourd. On entendait distinctement des murmures, marmottement de l'eau qui venait. Ces bruits généralement paisibles nous inquiétaient en ce temps-là, nous rappelant que notre dernière heure s'approchait. Ah, si au lieu d’eux nous entendions une voix humaine! La voix vive fait fuir dans la nuit des ennemis invisibles se cachant autour de chaque coin, derrière chaque arbre, - tout le monde le sait depuis l'enfance. Et à ce moment-là, il y avait le silence mortel, complice de la mort, et il semblait nous approcher comme un serpent gris glissant lentement. Il fallut dire quelque chose, n’importe quoi, seulement pour l’effrayer, pour le faire sentir que nous vivons encore!..
- À propos du mariage, Temeké, - dit-il, comme s’il n’avait rien d’autre à penser, et il était étrange qu’Akchalov ne le sût pas.
- À propos du mariage? Marige de qui? – commençai-je, simulant l'ignorance totale.
- Sabyr! – dit Kaïssar d’un ton de reproche. - Mon mariage. À qui d'autre? Alors, je vais faire un grand toï ! Myskazgan le retiendra pour longtemps. Tout le monde aura un régal selon son goût. Pour les Kazakhs – les têtes de mouton, pour les Russes – du jeune porc. Et le vin coulera à flots!..
- Donc tu vas te marier. C’est bon - voua Akchalov. - Et qui est ta fiancée, Kaïssar?
- Qui est ma fiancée? Si je vous le dis, vous tomberez - assura Kaïssar. - Elle travaille aussi à la mine. Elle conduit des chariots au minerai. Elle est si forte que n’importe quel djiguite en soit jaloux. Mais vous l'avez vue! Elle porte la salopette en bâche, pareille aux nôtres. Bottes de la taille 43...
- Est-ce que tu ne pouvais pas trouver une meilleure fiancée? - interrompit Aljan. Je connaissais la fiancée de Kaïssar, c’était une créature fragile et délicate avec de grands yeux caressants. Et elle travaillait en haut: délivrait des vêtements aux mineurs. Kaïssar voulait seulement nous divertir, pour dissiper la mélancolie.
Il rencontra mon genou de sa main dans l'obscurité et le serra doucement, comme en disant de me taire et de ne l’interrompre.
- Pas tous, le camarade Bekenov, ont des telles femmes comme vous, dit Kaïssar et soupira. – De telles belles femmes comme votre Akbaïan ne sont pas suffisantes pour tous. Nous devons prendre ce qu’il nous reste. Après tous, les laiderons veulent aussi se marrier. C’est une question de chance. L’un obtient une beauté, et l’autre prendra une femme dont personne n'a besoin.
Quel artiste! Il jouait son rôle tellement bien qu’on croirait que Kaïssar était sur le point de pleurer en maudissant son sort. Même Temeké goba l'hameçon.
- Kaïssar, as-tu vraiment un telle fiancée? – s’inquéta Akchalov confus.
- Et je ne me plains pas. Chacun a son propre goût, répondit avec insouciance Kaïssar.
- Tu parles! - rit Temeké.
- Il s’amuse toujours - se plaignit Aljan.
Et soudain j’eus l’impression comme si je l'ai vis autrement. Hier encore, il me semblait un vrai faucon, audacieux, impétueux. Vraiment digne d’Akbaïan. Et à ce moment-là, il était misérable, comme une poule mouillée.
"En voilà bien d'une autre! – pensais-je. - Et comment a-t-il réussi à convaincre tout le monde qu'il était un tempérament?"
Et Bekenov continuait:
- Est-ce qu’on va vraiment mourir comme ça, pour des prunes? Si je savais ... C’est dommage, Temeké, que vous n’ayez pas pu me convaincre.
Akchalov resta silencieux. Kaïssar répondit pour lui:
- Temeké a essayé plusieurs fois... Mais, le camarade Bekenov, il n’est pas facile de vous faire changer d'avis...
- Oui, je me suis précipité. Mais Akchalov a dû insister, atteindre son but, - dit Aljan. - Il est un mineur expérimenté. L’organisateur du Parti, enfin...
L'obscurité autour de nous semblait devenir encore plus dense. Je ne pouvais même pas voir mes propres doigts, sans parler déjà d’Aljan. Mais je regardais toujours dans la direction d'où sa voix venait. Je savais qu'il ne se rendait pas compte de ce qu'il disait. À cause de la peur il perdit le contrôle de lui-même, et donc tâchait de rejeter la responsabilité sur Akchalov. Je le comprenais, mais mon cœur ne pouvait pas le justifier.
Et Temeké gardait silence. Peut être il avait pitié de l'homme écrasé par la crainte, ou il le croyait humiliant de répondre à ses accusations ridicules...
D’ailleurs, à vrai dire, moi, je fus glacé jusqu’aux os. Mourir ce n’est pas facile – il est inutile de prouver cette vérité. Tous tiennent à la vie: et celui qui plusieurs fois regardait la mort dans les yeux à la guerre, et celui qui vivait toutes les années facilement et sans soucis. Mais quand les gens sont en train de mourir, ils se de distinguent beaucoup. Les uns tombent du ciel comme un faucon blessé mortellement, après s’être jeté courageusement à l'ennemi. Il vaut mieux pour eux de mourir dans le ciel que traîner l'existence misérable sur la terre. Ainsi mourut mon ami inoubliable Sadyk. Les autres ressemblent à une poule qui même pendant l'agonie continue à regarder avidement le grain.
Oui, on dira ce qu'on voudra, mais mourir ce n’est pas facile. Surtout quand tu es impuissant, n’ayant pas de possibilité de te battre pour ta vie. Mourir publiquement, au combat c’est beaucoup plus facile. Pas étonnant que les Russes disent que "chagrin partagé, chagrin diminué". Peut-être, dans une lutte ouverte, et Aljan se serait montré comme un guerrier courageux? Et là il devait rester assir et attendre docilement la mort le prendre à la gorge...
Mais qu'est-ce qui arriva vraiment à Aljan? Est-ce que la peur de la mort changea tellement un homme toujours sûr de lui? Ou il était toujours comme ça, et la crainte seulement déchira-t-elle les vêtements d’Aljan dont il se drapait si scrupuleusement?
Et Akbaïan? Est-ce qu’elle ne connut pas encore le vrai Aljan? Ou peut-être elle ne l’aimait pas et se fut mariée de lui dans le but secret?..
- Temeké, avez-vous peur de la mort? - demanda Kaïssar.
- Tous en ont peur. - répondi pensivement Akchalov. -Tout le monde veut vivre.
- Et par quoi donc un lâche se diffère-il d’un homme courageux?
- Demande quelque chose de plus simple - soupira Akchalov. – Peut-être l’un pense à la mort plus que l'autre. Et un homme ne se raccrocher pas à la vie par tous les moyens possibles.
"Par tous les moyens possibles..." il est facile de dire - murmura Aljan.
- Pourquoi est-il facile? Ne suis-je pas un être humain comme vous? - demanda bonassement Temeké.
- Si, mais vous avez déjà vécu votre vie. Vous avez tout pris de la vie. Et nous?..
- Prenez vous aussi ce que vous voulez de la vie. Cela ne me dérange pas. Je voudrais dire seulement que je n'ai pas encore pris tout de ma vie - dit Akchalov.
"Et Aljan a osé dire qu’il n’a rien vu dans sa vie! – pensais-je. – C’est lui, l'homme à qui Akbaïan chuchotait des mots d'amour! L’homme qu’elle embrassait avec sa main douce blanche! Et tout cela ne lui suffit pas..."
- Et moi, je pourrais n’avoir pas peur de la mort - dit Kaïssar. - Ouais! Si seulement j’avais le temps de faire ce que je rêve tout le temps. Après que je le fasse, je pourrais mourir.
- Mais qu'est-ce que tu veux faire? - lui demandais-je faisant des suppositions à propos des secrets que Kaïssar pouvait avoir en étant d’habitude si ouvert.
Et à ce moment-là Kaïssar ébahit tous.
- Mon rêve est d'écrire un poème – débita-t-il.
Je ne pus pas en croire mes oreilles. Akchalov ne résista pas et murmura:
- Eh bé!
- Poème? – demandai-je.
- Oui, un vrai poème - confirma Kaïssar. Et qu'est-ce qu’il est d’étonnant? Pensez-vous que si je suis un miner, donc je ne dois penser qu’au minerai? Pour information, j'ai déjà commencé à l'écrire. Et depuis longtemps! Il est seulement dommage que je ne puisse pas le terminer. À cause de cet effondrement maudit...
"Mon cher Kaïssar, si tu savais quel bon djiguite tu es! – voulus-je dire à mon ami. – Quel brave homme tu es! Il n’est pas important si tu fais des blagues ou tu dis la vérité, mais encore une fois tu as retiré nos pensées loin du monstre, dont le nom est la mort. Même Aljan découragé, il sourit... Même si ce n’est pas vrai que tu fasses secrètement des vers. Il est très probable que ce n’est pas vrai. Si tu faisais des vers, toute la mine l’aurait su. Parce que tu es si ouvert envers les gens. Mais quoi qu'il en soit, tu es déjà un poète, par nature! Merci mon ami!"
Mais il se trouva que Kaïssar disait la vérité en ce temps-là.
- Ouais, vous ne me croyez pas. Vous pensez que Kaïssar s’amuse comme toujours. - dit Kaïssar.
Je l'imaginai sourire d'un air satisfait dans l'obscurité.
- Exactement. C'est bien ça?.. Eh bien, écoutez.
Kaïssar commença à déclarer imitant les vrais poètes. Ses vers furent médiocres, bien sûr, il était clair même pour moi, bien que je ne sois pas un grand connaisseur de la poésie. Mais puis je les appris par cœur. En ce temps-là on les entendit juste au bon moment.
Voilà les vers de Kaïssar:
Je suis prêt à brûler hardiment
Comme un charbon de bois, croyez-moi,
Après tout, il n'y a pas d'immortalité dans ce monde
Et elle n’existera jamais.
Celui qui est plein de bonnes forces
N’est rongé par le remords de jeunesse
Mes amis, je suis heureux, car
J’aimais la vie toujours et chaque instant.
Allez, mes amis! Secouez vos puces, lascars!
L’exploit s’est réveillé dans nos âmes!
Partons sans donner l’opportunité à la mort
De se moquer du titre honorable – l’Homme.
- Kaïssar, dis-moi, mon fils, peut-être tu as copié ces vers de quelqu'un d’autre? - demanda avec méfiance Akchalov. - Confesse!
- Ce sont mes vers! Je leur ai écrits moi-même! - répondit fièrement Kaïssar.
- Ça se sent! – donna de la voix Aljan. – On peut mettre n’importe combien de beurre sur la queue d’un chien, mais elle ne sera pas plus longue. On naît poète, encore les anciens Romains l’ont su...
Aljan ne voulait rien admettre: ni ce que Kaïssar voulait devenir un poète professionnel, ni le fait que si une personne est attirée par la créativité, cela seulement enrichit sa vie.
Mais je craignais en vain que Kaïssar se soit offensé. Il ne fit même pas attention à l'attaque de Bekenov. Lui et Akchalov le traitait comme un malade. Est-ce qu’Aljan pouvait l’apprécier jamais?
- Sabyr, quelle heur est-il maintenant? - demanda Kaïssar.
Je regardai les aiguilles luminescentes de ma montre.
- Il est dix heures de l’après-midi – dis-je et éclatai de rire.
- Qu'est ce qu'il y a de si drôle? – s’étonna Temeké.
- Ne le voyez-vous pas? Sabyr perd déjà la boule - déclara Aljan.
Moi aussi, je décidé de ne pas me fâcher contre Aljan.
- Rien d’important, Temeké, seulement je me suis souvenu quelque chose – dis-je, répondant à la question d’Akchalov.- Il était un temps quand nous attendions aussi dix heures avec Sadyk.
Et je ris encore.
- Et pourquoi, alors? – s’intéressa Akchalov.
- C’était l’heure de commencement de votre travail, Temeké. Quand vous partiez, nous pénétrions à votre jardin et arrachions les pommes. Afin de vous tromper, nous prions seulement une pomme de chaque arbre. Et ils ont été - souvenez-vous? - dix. Donc nous obtenions cinq pommes chacun.
Ce furent les pommiers qui fruitaient les premiers à Myskazgan. Et en général, Akchalov fut le premier qui fit un jardin fruitier dans la ville (village à l'époque). Les branches de pommiers arquaient sous le poids des fruits roses transparents - une grande tentation pour les enfants! Nous avec Sadyk, cédant à la tentation, fasions des raids nocturnes. Cela dura deux ans...
- Temeké, je me souviens encore maintenant le goût de vos pommes. Divines, - dis-je en riant.
Akchalov frappé ses genoux (ou peut-être ses côtés) et rit.
- Tiens donc! - dit Temeké, après avoir ri. - Et moi, je pensais tout le temps: qu'est-ce que ça? Chaque matin quand je revenais après le travail dix pommes étaient disparues. Il semblait seulement pour vous que si vous arrachassiez juste une pomme, le propriétaire ne le remarquerait pas. Mais je me souvenais où chaque pomme se trouvait. Et je ne pouvais pas comprendre, où ils disparaissent. Peut-être, je pensais, des oiseaux particulièrement voraces les mangeaient? Mais les oiseaux ne savent pas compter. Donc c’étaient vous, les petits malins, qui volaient les pommes! C’est pas grave, les gens disent: le beau moment d'une dette, c'est quand on la paie. Donc, demain, dès que nous retournerons chez nous, tu me rembourseras toutes les pommes en totalité.
- Vous espérez encore sortir de cette tombe? - dit Aljan, irrité par la persuasion de Temeké que le lendemain tous seraient à la maison. - Dans deux heures nous nous étoufferons dans l'eau, comme... des lièvres. Ne sentez-vous qu'elle est déjà là?
Il rampa haletant le long de la pente dans un coin supérieur du fond. Une pierre sauta de ses pieds et tomba avec un plouf dans l'eau. "Oui, voilà c’est tout" – pensai-je.
- Mon chéri, comment veux-tu vivre! - dit Akchalov d'un ton de reproche à Aljan, perdant son contrôle pour la première fois. - Même nos grands-pères disaient que si quelqu’un est capable de commander au moins trois personnes en temps pénible, on peut lui confier trois mille en temps normal. Et comment est-ce que tu été encore capable de gérer le trust?!
- Mais vous auriez pu l’empêcher! Si vous êtes un tel clairvoyant. Alors il ne serait pas arrivé, - dit Aljan mécontant presque de dessous le plafond.
- Le canard effrayé plonge la queue en avant! - dit Kaïssar. - Ne rejetez pas, le camarade Bekenov, la responsabilité pour vos erreurs sur les autres. Entre autres choses, notre patience peut venir à sa fin...
Aljan se tut déjà pour un long temps... Comme le narrateur a la possibilité de raconter ce qui est arrivé dans le fond bloqué et progressivement rempli d'eau, il est facile de deviner qu'il le fait seulement parce qu'il a survécu. Et s’il est vivant, cela veut dire que la terrible nuit en sous-sol s’est terminée sans encombre, bien que nous ne connussions pas encore notre destin et nos nerfs fussent étendus au maximum.
Je sentais une répulsion physique envers Aljan.
"Pour quoi, pour quel raison Akbaïan est-elle tombée amoureuse de cet homme? - me demandai-je pour la énième fois. - Non, elle ne pouvait pas l'aimer. En tout cas, elle ne pouvait l’aimer tel qu’il est maintenant. Donc, elle ne le connaît pas bien. Il l'a trompée comme un enfant confiant. Il l’a trompée, l’a engluée à son réseau sagement mis et joliment tissu... Aljan, qui ne vaut même pas son petit doigt! Nous somme tous, moi aussi, coupable en ce qu'elle s’est laissée trompée par un bluffeur...
Mais si elle sait ce qu’Aljan est?.. Quoi qu'il en soit, je dois la sauver. La désenlacer de son enlacement où elle s'est entortillée. Comment le faire?.."
Mais la chose principale était ce que je pardonnai Akbaïan.
Quand je regardai ma montre, il était peu après minuit. Et l'eau froide comme la glace s’approchait toujours de nous. Nous se déplaçâmes sous le plafond chez Aljan, mais là aussi l’eau vint sous nos pieds... Il nous resta à vivre deux heures au maximum. Mais je fus réconforté pas ce que je réalisai l'erreur d’Akbaïan et je les pardonnai, lui et Aljan Bekenov. J’eus même pitié de lui. Pauvre homme, il tomba bas dans son propre estime. Y at-il une punition plus grave pour un fier? Et d'ailleurs, il était peccable de faire du boudin à l’égard de l'homme qui allait mourir avec moi dans une fosse commune.
Cependant, en ce moment ma montre montrait déjà le temps de notre sauvetage. L'eau qui s’approchait de nous comme un tueur impitoyable, soudainement s’arrêta, puis commença à s'abaisser progressivement. Elle se glissa au fond de la galerie avec un sifflement mécontent. Et puis ayant laissé sortir un son bas et creux, elle partir par un entonnoir invisible.
- Nous sommes sauvés! Entendez-vous? Sauvés! - criait Aljan. Il s'égaya comme un enfant, nous invitant à partager sa joie.
Eh bien, nous aussi, bien sûr, nous étions prêts à danser du bonheur.
- Ça y est: on a fait un drainage dans un vieux tunnel - déclaré Temeka. – D’ailleurs, j’ai été sûr qu'ils l'ont feraient.
- Je peux imaginer combien ils devaient travailler. Pendant que nous nous étions assis ici comme les beys, ils travaillaient ferme là-bas, - dit Kaïssar d’un air de pénitence fausse.
Temeké alluma la lampe et la leva, illuminant nos visages comme pour vérifier si tout allait bien avec nous. Oui, nous eûmes l’air de gens descendus de croix. Mais combien de joie, de feu vif brillait dans une flamme des yeux, dans un large sourire de Kaïssar! Temeké était, comme toujours, dignement calme. Seulement Aljan se sentait mal à l’aise, comme s’il n’était plus heureux de son salut.
- Camarade Bekenov, je pense qu’on puisse allumer toutes les lampes? - demanda Akchalov, rappelant qu’Aljan était de nouveau notre chef.
- S'il vous plaît, Temeké, allez-y - dit timidement Aljan.
Temeké toucha mon épaule et dit en souriant:
- Sabyr, n’oublie pas de payer pour les pommes que tu as volées de mon jardin avec Sadyk. Sinon, je vais t’attraper et te frotter les oreilles. Et ça m’est bien égal que tu sois déjà grand.
Non seulement nous survécûmes, mais aussi, en dépit du sort, trois ans après cet incident, nous célébrâmes le cinquantième anniversaire de notre Temeké. Initialement Akchalov voulait célébrer cet événement dans un cercle étroit d'amis. Mais à Myskazgan presque chaque dixième homme était son ami ou disciple. Et quand Temeké se demanda qui inviter, ce "cercle étroit" comprit près d’une centaine de personnes. S’étant rendu compte que cette célébration était inévitable, Temeké invita encore une centaine de gens, leur ayant envoyé des invitations où il fut dit: Cher M. et Mme, je vous invite à arriver le… septembre, au Coin Rouge pour célébrer le jour de mon cinquantième anniversaire.
Comme nous l'avons appris plus tard, c’était Aljan Bekenov qui eut insisté pour ce que Temeké eut célébré son cinquantième anniversaire au coin rouge de la mine. Et le texte de l'invitation, fut aussi, composé par lui-même.
Nous avec Tatiana et Kaïssar avec sa femme Nourjamal (il eut célébrés le mariage, comme il eut promis) vînmes parmis les premiers, comme les amis les plus proches le font d’habitude. Je dis "parmis", parce qu’Aljan nous devança. Il marchait autour de la table de fête, donnant des instructions à la serveuse. Et puis les autres invités commencèrent à venir. Selon les visages de gens on pouvait voir que ce n’était pas un simple anniversaire pour eux, mais une grande fête pour toute notre mine. Et tout le monde essayait de ne pas perdre la face: d'apporter un cadeau cher pour Temeké. Quelqu'un apporta un tapis, un autre ensemble à thé, et quelqu'un apporta une radio-électrophone, qu’on mit immédiatement marcher pour divertir les gens.
Table de fête convenait à la célébration. Et bien que dans les premières années d'après-guerre, il fût encore difficile de trouver les produits, la table regorgeait de toutes sortes de nourriture et de vin. Il se trouva qu’une telle abondance fut aussi fournie par Aljan. Il obtint la permission d'effectuer tous les achats via le Département de l’approvisionnement de travail.
Après l’incident dans le puits, les relations étranges furent établies entre nous et Aljan. Il cessa de faire le renchéri devant moi et d'autres travailleurs. Il semblait même aduler ceux de nous qui eurent été avec lui dans une captivité souterraine. Soit qu’il eût honte de lui-même, soit qu’il craignît que nous racontassions comment il se fut comporté pendant ces heures sinistres. Parfois, j’éprouvais le désir de m’approcher de lui et dire:
- Assez, camarade Bekenov. On ne va pas vous faire du chantage.
Je ne parlai pas avec Akbaïan de ce dont je décidai de lui parler à mon retour du fond inondé. Le lendemain je me calmai, je pensais sur ce qu’elle me pouvait repondre: que je l'eus perdue autrefois, donc je cherchais à me venger à Aljan et inventais Dieu sait quoi de lui... Et en plus, elle n’avait l’air d’une femme malheureuse dans sa vie familiale... Peu à peu, mon intention disparut comme l'eau passe par le sable.
Et encore une chose: après l'accident dans la mine, je compris que Tania avait droit, je devais apprendre. Afin de ne pas dépendre des solutions erronées, il fallait bien comprendre l'exploitation. Et je voulais retourner au développement du gisement à l'Est, qui fut mis en conserve après l'accident. Bien sûr, personne n’allait attendre des années pendant que je ferais mes études. Pendant ce temps, la science allait trouver le moyen d’atteindre ce riche gisement. Mais qui dit qu’il ne resterait plus de problèmes à résoudre? Et j’entrai à l’institut des mines d’Alma-Ata pour faire mes études à distance...
... Enfin, les gens se sont rassemblèrent, et les invités commencèrent à prendre places. Temeké et sa tribu: sa femme et ses huit enfants furent assis à la tête de la table. À côté d’eux Aljan assis avec Akbaïan qui venait d’arriver.
Ils étaient le plus beau couple à la table. Une mèche grise apparut précocement dans les cheveux ondulés et épais d’Aljan, elle convenait parfaitement à son trois-pièces noir et sa chemise blanche. Ses manières furent tout à fait admirables. Il se leva et aida la femme voisine à s’assoire sur la chaise, lui mit de la salade sur l’assiette. Puis il proposa quelque chose à la femme de Temeké. Et à sa gauche, se trouvait... je vais presque dire "une belle". Et si c’était une belle, bien sûr, qu’elle était fantastiquement belle. En bref, à main gauche d’Aljan se trouvait une péri d’un conte de fées, pour qui il n’était pas du tout difficile de rendre un homme mortel fou à première vue. C’était, bien sûr, Akbaïan!
Elle avait l'air aussi frais qu’à l'âge de dix-huit ans. Comme si les dix années passées depuis son mariage avec Aljan n’existaient jamais. Peut-être c’était juste une illusion que le temps était impuissant envers elle? Non, je remarquais que les autres hommes la regardaient aussi avec admiration. Avez-vous vu un cygne flottant sur la surface du lac parmi les oies ordinaires? Comme cela était Akbaïan parmi nous. Elle était toute luisante: au visage clair et habillée en robe blanche comme neige. Et c’était pourquoi ses yeux énormes, noirs comme le charbon se distinguaient sur son visage. Sur le cou d’Akbaïan deux rangs de perles de son collier éclataient de mille feux irisés. Boucles d'oreilles rubis brûlaient dans ses petites oreilles délicates. Un châle blanc mince soulignait les contours sculptés de son cou mince délicat.
- Sabyr, regarde Akbaïan. Aujourd'hui, elle est si belle - murmura Tatiana.
Ah, Tania, penses-vous vraiment que je ne le vois pas moi-même?
"Et moi, un fou, j’espérais qu'elle épouserait un gars rude et simple comme moi - je me dis, mais ensuite mes yeux tombèrent sur Aljan et je me souviens de notre cul-de-basse-fosse... - Peut-être les belles fabuleuses ne sont pas donc tellement inabordables si leur choix n’est pas toujours impeccable". N'importe! Je terminerai l'université et je deviendrai aussi ingénieur. Maintenant Aljan ne mentionner même pas le gisement à l'est, et moi, je choisi le développement de ces dépôts comme un thème de mon travail de fin d'études. Je dois seulement terminer l’université et puis nous allons vous parler avec toi, Aljan, sur un pied d'égalité". Probablement, je raisonnais comme un enfant. Mais, entre autres choses, je voulais prover à Akbaïan, que je ne le cédais en rien à son mari...
Aljan dans l'entre-temps, assuma les fonctions de président des festivités, et ayant frappé sur la carafe de vin avec une fourchette, appelant tous de lui faire attention, se leva, verre à la main.
- Camarades! Amis! - commença Bekenov, s’étant assuré que tout le monde attendait ses paroles. - Aujourd'hui, nous sommes réunis pour célébrer le cinquantième anniversaire de notre chère Temeké...
Aljan parlait lentement et impressionnant, en faisant des pauses significatives entre les phrases, comme si en donnant au public le temps pour peser chaque mot. Il énuméra les mérites de travail d’Akchalov, les qualités de son caractère. Décrivant son honnêteté, fermeté de principes et la gentillesse, Bekenov dit:
- Mais je voudrais souligner le courage et la sagesse naturelle de notre Temeké. Il est bien connu à ceux qui sont passés avec lui, coude à coude, à travers les difficultés. Vous souvenez-vous de l'incident tragique qui a eu lieu dans le secteur oriental il ya trois ans? En ce temps-là, nous avec Temeké et encore deux autres camarades ici présents, on peut dire, ont été enterrés dans une fosse commune.
Dès qu’il prononça ces paroles on entendit un petit rire de Kaïssar clairement sonné en silence.
"Pourquoi Aljan s’est-il rappelé de notre captivité souterraine? Il n’est pas convenable de parler sur ce sujet, - pensais-je, en m’inquiétant pour Aljan on ne sait pour quelle raison. Peut-être parce que je connaissais trop bien le caractère de mon ami Kaïssar. - Oh, il sûrement utilisera l’opportunité de mentionner de la maladresse d’Aljan, cet apôtre de la vérité et rigolo ne gaspillera sa chance.
Aljan remarqua aussi sa bévue. Mais cette fois, son sang-froid ne lui faillit pas, il seulement hésita un instant, ce que peut-être ne fut remarqué que par ceux qui furent au courant de l'histoire, et il continua:
- À parler franc, nous étions perplexes. Mais nous avons eu notre Temeké avec nous. Il nous a montré un exemple de l'endurance et de courage. - Aljan regarda peureusement Kaïssar. – Crâce à Temeké nous avons vaincu la mort! Levons nos verres à la santé de l'un des meilleurs mineurs à Myskazgan, notre honorable Temeké, et souhaitons-lui d’ajouter à ses cinquante ans encore cinquante ans. Bon succès dans votre travail et votre vie personnelle!
Eh bien, en fait, tout était vrai. Et s’il avait résisté et n’ait pas dit que lui, Aljan, eut pris personnellement part à la victoire sur la mort, la soirée aurait pu se terminer sans incident pour lui. Mais est-ce qu’on pouvait arrêter un homme qui toute sa vie tenir un rôle d’un homme fort?..
J’applaudis avec tous. Puis on commença à trinquer avec Temeké et la petite salle confortable relentit des sons d’une grande fête solennelle, des sons mélodiques de verres, de bruits de plats et de gens excités par la conversation.
Aljan remplissait facilement et avec aisance les fonctions de président des festivités. Habilement, en plaisantant et en encourageant, il persuada le mineur âgé timide de prononcer un second speech, et celui-là dit des mots maladroits mais sincères au nom des anciens camarades de Temeké, qui furent venus à la mine dans le même temps avec lui. Aljan menait la fête, provoquant mon envie involontaire. Le deuxième speech fut suivi par le troisième, le quatrième... Les paroles furent pris pas les personnes de l'âge d’Akchalov, ses étudiants et des représentants d'autres mines, invités à ce toï. Aljan sous l'approbation générale de tout le monde fit la femme du jubilaire dire quelques mots. Après elle, moi aussi, je prononçai un speech, comme si au nom de tous nos jeunes gens.
Et tout cela eut lieu dans une ambiance détendue et réjouissante. Je ne craignais qu’une chose: que Kaïssar fît des dégâts, n'a pas gâchât célébration par le scandale. Toute la soirée il ne détachait pas ses yeux d’Aljan comme s’il le tenant au bout du fusil.
Et enfin vint le moment quand tous les gens prochs de Temeké prononcèrent déjà les speechs et vint le tour de Kaïssar. Et soudain, celui-là refusa, expliquant qu'il était confus par un tel grand nombre de visiteurs, et il aimait tellement son cher Temeké, qui voulait lui exprimer ses sentiments quand il resterait seul avec lui... Nous avec Aljan soupirâmes avec soulagement, le visage de notre président des festivités devint calme, et la préoccupation qui apparaissait parfois dans ses yeux disparut.
Mais je connaissais mieux Kaïssar et je sentais qu'il patientait, comme un soldat expérimenté, en attendant le moment pour le coup décisif. Bien qu'en apparence Kaïssar se comportât tout à fait paisiblement, il riait et buvait de bon cœur. "Quand peut-on boire si non à l'anniversaire de Temeké?" – répétait-il, en montrant ses dents blanches. Mais il buvait mois qu’en parlait. Il ne siffla qu’un couple de verres à la santé de Temeké, et une fois il tendit son verre à travers la table à Akbaïan, en disant:
- Euh, jeneché , tu es si belle et tu n’as même pas goûté du vin. Cela ne va pas - et me fit de d'œil avec un air conspirateur.
Akbaïan protesta, mais prit une gorgée de son verre.
- Buvez, buvez jusqu’au fond. Sinon, votre bonheur restera au fond – l’effraya Kaïssar.
- Ah, si seulement il était vraiment ainsi: dès que tu bois tu deviens vraiment heureux - rit Akbaïan et finit son vin.
Elle était déjà un peu ivre. Ses joues se colorèrent. Une petite lumière malicieuse s’alluma dans ses yeux noirs brillants. Parfois Akbaïan me donnait des regards malicieux et riait se couvrant la bouche avec sa main. Au debut, je pensais qu'elle se moquait de moi. Mais puis je me rappelai notre jeunesse. Elle riait de la même façon en ce temps-là quand nous jouions à cache-cache à la périphérie du village, et quand je la trouvais, Akbaïan, incapable de se tenir, riait se couvrant la bouche avec sa paume.
Akbaïan plaisantante menaça Kaïssar du doigt:
- Vous serez à blâmer si je m'enivre aujourd'hui.
- Alors, il vaut mieux ne pas boire. J’ai déjà tant de péchés, - s’effraya faussement Kaïssar.
Mais avec Kaïssar il fallait toujours tenir sur ses gardes. Il pouvait changer d'humeur brusquement et mettre tout sens dessus-dessous. Il ressemblait à un cheval qui venait d’être familiarisé à l’arba. Il peut aller dans la rue, traînant une charrette, comme chaque cheval de travail le fait. Et soudain, effrayé de quelque chose, il se dérobe et galope par monts et par vaux. Mais il semblait seulement de l'extérieur. Kaïssar n’avait peur de rien. Et s’il s'entêta d'une idée, personne ne pouvait l’arrêter...
Entre-temps, on décida de faire une pause dans le repas pour chanter, danser, ou tout simplement aller à l'extérieur et fumer une cigarette. Les amateurs des chansons entassèrent à un côté de la table. Et les danseurs, essentiellement des jeunes gens, placèrent la radio-électrophone dans un large couloir, et quelqu'un a mis une plaque de phonographe avec un fox-trot du film "Sous les toits de Paris". Le premier qui entra dans un cercle était Kaïssar. Et qui, pensez-vous, il invita? À mon étonnement il invita Akbaïan! Je dis, "à mon étonnement" non seulement parce qu'elle était la femme du directeur. Pour moi, elle semblait une reine, laquelle on ne pouvait même pas toucher, parce que c’était un blasphème. Et Kaïssar, il la tournait et retournait. Ensuite ils, restant toujours au centre du cercle, dansèrens le tango et la valse.
Je pourrais aussi inviter Akbaïan à danser, mais je ne savais pas danser. Et c’est pourquoi je me tenais appuyé contre le mur et je regardais comme mon ami et Akbaïan dansaient faisant des figures complexes. Et ils le faisaient très bien, mieux que tous les autres. Et si Akbaïan était faite par la nature pour les mouvements gracieux, quant à Kaïssar – je ne savais pas comment il devint un bon danseur.
Tatiana s’approcha de moi et me prit par le bras.
- Sabyr, et pourquoi t’ennuies-tu? Vas-y chez Temeké. Il a demandé où tu étais...
En fait, je décidai de ne plus rester debout appyant le mur et me tourmentant d’envie. Je retournai dans la salle.
Temeké fut assis à la table à sa place. Il était entouré par une petite compagnie. Je vis Aljan, Nurjamal, Kalampyr (la femme de Temeké), et quelques travailleurs du même âge que le jubilaire. Aljan, bien sûr, était à la tête de la compagnie. On aurait pu penser que c’était lui, pas Temeké, qui était le héros de la fête. Bekenov pérorait de quelque chose, mais m’ayant vu il prit une bouteille de vin ouverte et dit:
- Sabyr, où êtes-vous allé? Joignez-vous à nous et prenez un verre avec nous pour l'avenir de notre mine.
Pour cela il valait la peine de boire un verre. Je rejoignis la compagnie de Temeké, Aljan remplit mon verre.
Champagne monta agréablement à la tête. Dès que je mis mon verre vide sur la table, j’entendis la voix de Kaïssar derrière moi:
- Euh, ça ne va pas! Versez à boire pour nous aussi.
Kaïssar et Akbaïan arrivèrent à la table les visages rougis. Sans attendre que quelqu'un d'autre le faire, Kaïssar prit une bouteille scellée, l'ouvrit, ayant laissé bouchon partir au plafond, et versa habilement du champagne aux verres.
Encore quelques minutes avant cela, je pensais qu'il était à moitié ivre. Mais il se comportait comme s’il ne but pas une goutte.
Kaïssar mis la bouteille vide sur la table, prit un des verres remplis et le donna à Akbaïan.
- Buvez, jeneché. Mes amis, vous aussi prenez vos verres - appela Kaïssar, soulevant un autre verre. – J’ai refusé de prononcer un speech, quand le camarade Bekenov m’a donné la possibilité de le faire. Je pense que Temeké ne l’a pris mal, parce qu'il n'aime pas des louanges. Au lieu du speech, je vais vous dire une histoire incroyable, absolument fantastique. Akbaïan, je la raconte pour vous en premier lieu. Donc, ne mettez pas votre verre trop loin de vous.
- Pourquoi pour moi? – s’étonna Akbaïan. – Ai-je fait quelque chose de mal? Ou de bien?
- On le verra - répondit mystérieusement Kaïssar.
"Ça y est: tout est commencé! – pensai-je. Ce n'est pas pour rien que Kaïssar s’est adressé à Akbaïan, épouse d’Aljan. Cela veut dire qu’il vise à Bekenov. Il a pris son temps en attendant Aljan oublier son erreur commise lors du speech, affaiblir l'attention. Et le coup le plus insidieux et douloureux est celui inattendu, porté dans l’atmosphère bon enfant".
Aljan ne comprit pas encore ce qui se passait, mais un certain sens lui dit que quelque chose allait arriver - et probablement quelque chose de désagréable pour lui.
- Attends, Kaïssar, aujourd'hui ce n’est pas une bonne journée pour cela, attends un autre temps – je mis l'accent sur le mot "attends" pour qu'il comprenait mon sous-entendu.
- Non, laissez-le dire - intervint en riant Akbaïan intriguée. - Aljan! Sabyr! Il est cruel d'éveiller la curiosité chez une femme et de la laisser dans l'ignorance. Je ne pourrai pas dormir jusqu'au matin, si vous ne me racontez pas cette une histoire fantastique et ne me dites pas comment elle me concerne. Et Temeké n’en aura rien contre nous. C’est ça, Temeké?
- Ma chère Akbaïan, maintenant moi aussi, je veux écouter Kaïssar - sourit Temeké.
- Comme vous voulez, - murmura Aljan et se mit à l'écart.
- Vas-y, Kaïssar! - dit Akbaïan avec impatience.
Je remarquai comment elle regards Aljan. Peut-être qu'elle eut déjà deviné à qui Kaïssar visait. Et elle était prête à défendre son mari.
Kaïssar aussi remarqua ce regard, et un sourire presque timide apparut sur ses lèvres. Mais je savais que ce sourire ne présageait rien de bon pour ceux qu'il eut choisi comme sa cible.
- Je ne vais offenser personne - commença Kaïssar d’une voix douce. - Si tu veux qu’une bosse de chameau devienne moins visible, ne nourris pas le chameau quelque temps... Par ailleurs, nous aimons tourner autour du pot. Nous aimons parler à demi-mot, à mots couverts. Et, franchement, moi aussi, j’ai un faible pour cela. Alors, mes amis, mon histoire n'a pas eu lieu dans ce monde où nous vivons, mais dans l’autre monde - et Kaïssar regarda le plafond. - Et elle a commencé par ce que je me suis retrouvé sur une place en face de l'entrée au paradis. Il y avait une longue file d’attente près des portes. Mais les portes étaient gardées plus strictement que les celles de directeur. A l'entrée se trouvait des anges Ankir, Mankir et Azretali des lourds bourdins aux mains. Là les démons Israïl et Jabraïl étaient en service; Ils se sont assis sur l'épaule d’un suppliant suivant et comptaient ses péchés et ses mérites. Et l'ange Moutouali pesait sur la balance de précision les actions de cet homme et regardait ce qui était plus lourd: le bon ou le mauvais? Si de bonnes actions étaient plus lourdes, les gardiens donnaient passage au suppliant et celui-là entrait au paradis. Si le mauvais était plus lourd, il allait en enfer une copie de la décision judiciaire à la main. On entendit seulement les mots courts et pragmatiques:
- En enfer!.. Au paradis!.. Au paradis! En enfer!..
Lorsque cela a été mon tour à cette chaîne, Mutuali a sifflait et dit:
- Eh bien, bien sûr à l'enfer!
- Je ne veux pas aller en enfer. Je suis homme gai, j’aime m'asseoir en compagnie d'amis, et là, je n’ai pas un seul ami – ai-je dit aux juges. - Vous pouvez faire avec moi n’importe quoi, mais je n’irai pas à l’enfer.
- Tu peux prendre quelques tes amis – a répondu calmement le juge. – Comme ça tu auras la compagnie.
- Mais qui dois-je prendre, messieurs les Juges? – ai-je emandé, en regardant autour de la place, et ne voyant que les visages inconnus.
Ils m’ont regardé avec dépit, comme si en disant: "Est-ce que tu ne le sais pas?", et ils ont dit:
- Prens Temeké et ton ami Sabyr avec toi. Et parmis tes patrons tu peux prendre Aljan Bekenov. Et vas-y, mon vieux, ne nous dérange plus. Vois-tu combien nous somme occupés?
- Attendez - je leur ai dit. – Il ne faut pas trancher comme ça. Eh bien, avec moi tout est clair: au lieu de vivre comme des gens normaux, j’ai commencé à faire des vers... Et de quoi sont coupables ces trois hommes? Ils travaillent sans relâche pour le bien du peuple.
J’ai été particulièrement surpris par le nom de Temeké. Euh, - je pensais, - peut-être notre aqsaqal a fait quelque chose de mal. Par exemple! Mal lui en prit: le jour de son cinquantième anniversaire aller directement en enfer. Même son titre du mineur honorifique n'a pas aidé.
- Mais qu'est-ce que Temeké a fait? – ai-je demandé, incapable de me tenir.
- Tu es stupide comme une chatte – a-t-il dit l'ange senior en secouant la tête. - Il a rompu le testament du Prophète Muhammad, ayant saoulé les citoyens respectés de Myskazgan le jour de son cinquantième anniversaire.
Nous avons accueilli par l’éclat de rire ces mots de Kaïssar. Seulement Aljan attendait très attentivement ou le conteur en voulait venir. Et Kaïssar a continué tranquillement:
- Eh bien, j’ai pensé que ce crime était vraiment grave. Rien ne pouvait être fait et notre cher Temeké devait en supporter une responsabilité. Et à haute voix j’ai dit: D’accord. Avec Akchalov maintenant tout est clair. Mais qu'est-ce que cela a à voir avec Sabyr Shakirov?
Moutouali m’a regardé en dessous et soupira:
- Tu connais mal tes amis. Ta faute est une bagatelle en comparaison avec le péché de Sabyr. Sa femme est une bonne femme, et lui, il rêve d'un péri de conte de fées. Pourquoi en a-il besoin, ne sais-tu pas, Kaïssar? Et je lui ai dit: "Je ne sais pas." Que devais-je dire?
Je fus stupefié: comment savait-il d’Akbaïan? Et même s’il en avait deviné d'une façon ou d'une autre, pourquoi en parler à haute voix? Qu’est-ce que cela était: un message d'avertissement? Quand il respectait beaucoup ma femme.
Mais pendant que je pensais, ce qu'il fallait faire, j’entendis la voix:
- Eh bien, Kaïssar, tu as déjà forcé le trait!
- Ti pourrais avoir venir avec quelque chose de mieux.
- Oui. Mais ce n’était pas moi qui l’a dit, mais Moutouali - répliqua Kaïssar, me regardant avec des yeux innocents. - Je n’étais non plus d'accord avec lui. Mais que pouvais-je faire, la puissance était de son côté. Moi, le pauvre homme, je n’ai pu que demander: et pour quels péchés ils envoyaient en l'enfer le camarade Bekenov? Notre trust, paraît-il, a rempli toutes ses obligations envers l'État... Mais Moutouali ne m'a pas laissé finir et même crié: "Vas-t-en, si tu ne sais même pas ce que le gestionnaire de trust a fait!" Et je m’en suis allé - en l'enfer. Et là, tous les trois me déjà attendaient: Temeké, Sabyr et notre camarade Bekenov.
- Et qu’est qui s'est passé ensuite? – me demanda Batima en riant – quelle était la fin de l'histoire de Kaïssar-aga?
- Et puis nous avons été envoyés au puits. Il s’est trouvé qu’en enfer il avait des puits. Après tout, les diables réchauffaient leurs chaudrons avec du charbon, - dis-je, en évoquant le souvenir des événements de la journée et en souriant involontairement, même si je n'avais pas le cœur à rire. - Et puis Kaïssar a décrit tous les événements qui nous ont arrivé il ya trois ans quand nous étions bloqués dans le fond après l’effondrement. Il s'est surpassé, en représentant chacun de nous mieux qu’un bon artiste. Et ceux qui n’étaient pas au courant de cette histore auparavant, ils hurlaient de rire. Seulement nous avec Temeké, Aljan et Akbaïan gardaient silence.
- Je paux imaginer se que Bekenov sentait - secoua la tête Batima.
- Il est devenu le héros de l'histoire, son noyau central. Tous les événements se déroulaient autour de lui. Le rire était incroyable. Temeké a essayé d'arrêter Kaïssar, mais cela a été déjà impossible: il décrivait en détails comment Aljan se jetait de tous côtés saisi d'horreur.
- Ah, il n’a eu point de pitié de Bekenov - murmura Batima. Mais je ne compris pas, si elle accusait Kaïssar ou non.
- Il est toujours comme ça. Sans pitié pour ceux qui, à son avis a fait une moindre bassesse, - dis-je et j’ajoutai mentalement: "Voilà pourquoi il est difficile d’être avec lui. Comme si on est toujours devant un juge strict. Le seul problème est ce que le juge prend en compte seulement ses propres lois. Et ils ne sont pas toujours justes". Et notre amitié avec Kaïssar me pesait lourd depuis déjà longtemps, mais je ne pauvais la rompre, parce que je l'aimais comme mon frère.
- Et Akbaïan? Comment se comportait-elle? - sourit Batima. Et son sourire la livra. Ce fut la principale chose qui l'intéressait.
- Elle se comportait d'une façon étrange. Je pensais qu’elle fût triste pour son mari. Elle était très vaniteuse. Puis elle était assise sur une chaise, droite comme une corde. Froide et fière. Comme si son mari a fait pas quelque chose de honteux mais l’exploit.
- Il n’y a rien d’étrange ici. - dit Batima avec dédain, en haussant les épaules.
Oh, combien elle n'aimait pas Akbaïan! Mais pourquoi?
- Kaïssar a terminé son histoire dans un silence presque mort. Ceux qui venaient de rire à ventre déboutonné, ont décidé que Kaïssar avait bu un coup de trop à la table et a perdu le sens des proportions. Lorsque Kaïssar s’est arrêté, Akbaïan s’est levée de la table et dit à Aljan: "Beaucoup de choses peuvent arriver dans l'autre monde. Mais nous, Dieu merci, nous vivons encore dans ce monde-ci. Et nous avons encore beaucoup de tâches à accomplir. Allons-y à la maison, il est déjà tard". Et elle est partie avec son mari docile, sans même dire au revoir. Quelqu'un découragé a dit: "Hmm, c’est pas bon ça". J’ai pris Kaïssarà part et lui ai demandé pourquoi il l’avait fait. "Je l’ai fait pour toi - dit Kaïssar avec un sourire ironique, et puis il a éclaté avec agacement. - Je voulais qu'elle sût, enfin, quel son mari était. Je voulais lui ouvrir les yeux!"
- Peut-être qu'elle n’ait compris pas que cette histoire est vraiment arrivée? – supposa Batima avec l’incertitude.
- Je ne le pense pas. D'un côté, j’accusais Kaissar pour sa cruauté. D'un autre côté... le voulais croire que l'âme d’Akbaïan fût pure comme le printemps. Quel c’était un cas absurde qui l’a liée avec Aljan. Et je regardais l'expression de son visage. Je suivais chaque mouvement de ses muscles. Bien sûr, il était impossible d'attendre qu'elle fît immédiatement du scandale à son mari. Mais quelque chose devait être reflétée à son visage? Surprise... Protestation cachée… Dans le mouvement de ses sourcils... de ses lèvres... Dans son regard à Aljan.
- Peut-être qu'ils... l'un vaut l'autre? – dit prudemment Batima.
- Voilà ce que j’ai décidé aussi. Et j’ai tout fait pour supprimer mes bons sentiments pour Akbaïan. Mais je me suis trompé. Il j’ai compris mon erreur seulement après dix ans.
Batima sourit, et ce sourire fut plein de méfiance. Et de la pitié de moi.
- Donc vous dites que vous n’avez compris votre erreur qu'après dix ans? – demanda-t-elle.
Comme ils le disent dans les vieux romans, mon triste soupir a été ma réponse à elle.
- Est-ce que vous l’avez compris le jour quand vous avez oubliez votre veste de costume chez Akbaïan? - demanda sarcastiquement Batima.
"Qu’est-ce qu’elle dit? J’ai mis ma veste sur le dos d'une chaise dans la chambre d’Akbaïan. Il était d'une minute avant l'attaque de douleur aigue cardiaque. Je ne sais pas ce qui est arrivé après que j’ai perdu conscience, mais je me souviens bien que ma veste se trouvait au dos de la chaise. Et on devait nous amener à l'hôpital ensemble: moi et ma veste. Pourquoi donc Batima dit que je l'ai oubliée dans la chambre d’Akbaïan?"
- De quoi parlez-vous, Batima? - demandai-je embarrassé.
- Est-ce que vous ne... - et puis Batima rit d’une manière étrange et a dit: - Excusez-moi, Sabyr-aga, j’ai badiné. Ce n’est pas la chose j’ai voulu dire. C’était nous qui avions oublié votre veste chez Akbaïan, on avait dû envoyer la voiture pour la prendre. Nous esperions qu’Akbaïan l’apportât elle-même. Et elle pensait probablement...
Batima rougit confuse.
"Elle doit être fatiguée de son travail, la pauvre fille", - pensai-je, mais cependant elle sema une vague inquiétude en moi.
- D’ailleurs, elle venait de nouveau. Et vous avez eu peur qu’Akbaïan ne vînt plus, - dit Batima, comme si elle cherchait à corriger ses fautes.
L’ombre fragile est disparue. Le soleil continua à briller pour moi...
Et on dirait que Batima décida d’élever mon humeur, comme on peut dire en style du palais, au niveau approprié.
- Il se trouve, qu’Akbaïan a été à Karaganda. Elle y est allée pour une affaire urgente. C’est pourquoi elle était absente - dit Batima. - Et vous savez, elle est devenue encore plus jolie, - ajouta-t-elle presque avec critique.
- Vraiment? – prononça-je involontairement.
Batima me regarda comme pour dire: "Oui, celui-ci est incurable".
- L’aimez-vous encore plus fortement qu'avant. Quoi que vous me dites pas, mais il est comme ça - dit Batima tristement. - Et elle?
Cette question directe et innocente me piqua. M’aimait-elle, Akbaïan? Je me rendis compte que jusqu'à ce moment-là j’essayai de n’en pas penser. Il me suffisait la savoir venir à l’hôpital et se renseigner sur ma santé. Ce fut suffisant pour maintenir mon illusion. Comme une autruche: quand elle cache la tête sous son aile. Il est sombre, on ne peut rien voir, mais il semble qu'on est en toute sécurité.
"Alors, cher ami Sabyr, est-ce qu’Akbaïan t’aime? Avant tout, il est un peu étrange quand tout à coup, après tant d'années de connaissance l’amour se rallume comme une allumette. Est-ce l’amour? Une vingtaine d'années – n’est-ce pas un terme trop grand pour le mûrissement du sentiment? Bien sûr, l’amour ne naît pas toujours à première vue. Mais une période d'incubation de deux décennies?.. Quand j’ai été jeune, plein d'énergie, quand en face de moi mon avenir commençait à s’ouvrir, cela ne l’a pas intéressé. Elle m'a aimé quand j’ai été l'homme plus âgé, un veuf, un père célibataire, et ma vie commença à s’approcher à son coucher. Dis franchement, Sabyr, croies-tu à une telle version?
Et si c’est l'amour à première vue? Mais le regard Akbaïan a été lancé seulement maintenant, et elle a vu en moi, une personne de trop bonne connaissance, un nouveau côté inconnu. Mais quand cela a-t-il pu se produire? Là, dans le restaurant, près de la plage de ville? Quand j’étais assis à la table avec Batima, et Akbaïan était avec un homme? Akbaïan t’a regardé avec effarement, et tout à coup elle a éprouvé quelque chose...
Mais il y a une troisième option, Sabyr. Vous êtes un homme estimé, connue dans la ville. Pour une femme mercantile tu es un morceau de choix. Tu l’as admis toi-même l'idée qu’Akbaïan avait épousé Aljan pas par amour, mais pour une autre raison. Et la raison pourrait être un simple calcul... Non, ne parlons pas de malheur! Si l'oiseau d'or arrive dans mes mains par intérêt, cela ne me rendra pas heureux".
- Sabyr-aga, m’entendez-vous? – vint la voix de Batima.
On eût dit que je venais de me réveiller.
- Pardon, Batèche...
- J’ai dis que, bien qu’Aljan et Akbaïan aient vécu ensemble pendant vingt ans, il est peu probable de leur vie de famille ait été heureuse.
- Comment le savez-vous?
- On peut le voir. Un mauvais araba se révèle par le grincement, et une mauvaise personne se révèle par son comportement. S’il y avait le vrai amour... - pausa Batima, secoua la tête. - Oui, si Akbaïan vraiment aimait Aljan, elle ne lui aurait pas laissé dans un tel moment difficile. Elle aurait partagé avec lui des difficultés, sans peur. Voilà pourquoi je ne crois pas à tous ces...
Batima s’arrêta de nouveau. Mais cette fois, elle ne pensait pas au sort d’Akbaïan et d’Aljan. Elle écoutait les bruits venant du couloir. À mon avis, il n'y avait rien de spécial là-bas. Quelqu'un toussa, quelqu'un traînait les pieds aux pantoufles hospitaliers. Mais l’oreille attentive de l'infirmière attrapa quelque chose d’étrange. Ainsi, sans doute, un musicien entend dans la chanson une fausse note inaperçue par les autres.
Batima se leva d’un saut. Et tout de suite, la porte de la salle s’ouvrit et une tête aux cheveux coupés court apparut.
- Mademoiselle infirmière, venez s’il vous plaît dans la septième salle.
Batima sortit, et je retournai à mes pensées. Quand tu es est malade toi-même, tu t’habitues à la souffrance des autres...
"Pauvre Batima, elle veut si fortement prouver qu’Akbaïan est une mauvaise personne. Elle veut me sauver. Mais à quel effet? Bien sûr, on ne peut pas rester indifférents quand on voit un homme périr. Mais c’est un autre cas. On ne peut pas saisir l’homme par le bras et le traîner à l'écart de l'abîme. On peut seulement l’avertir une ou deux fois, et hélas, s'en laver les mains. Mais Batima ne me laisse pas"...
À dire la vérité, dans un premier temps le travail à la mine ne me plut pas. Je m'y habituai peu à peu, à ses difficultés, complexités, parfois lourdes de danger pour la vie. Et c’était le besoin à surmonter ces difficultés qui me finalement conquit. Chaque victoire était en premier lieu une victoire sur moi-même, sur mon hésitation et ma faiblesse. En me retournant à la maison après le travail, en marchant dans les rues de Myskazgan, je me sentais comme un homme qui eut acquit le droit de vivre sur la terre.
Pendant longtemps j’extrayais du minerai au fond et le travail de foreur me donnait satisfaction. Mais avec le temps, j’eus un sentiment que tout cela ne fût pas assez pour moi. L’extraction de minerais est un processus complexe qui implique beaucoup de gens sur la surface, et il commence bien avant que le premier foreur descende sous la terre et son perforateur fonce dans la première couche intacte de minerai. En bref, je m’intéressai à l'ingénierie de l’art minier. Je commençai à penser du collège. Et après la "captivité souterraine" m'affermis dans ma décision.
Pendant que je faisais mes études au collège, je commençai à chercher un moyen sécuritaire de développer le gisement à l’est. Il était regrettable qu’au nez de nous il y eût les plus riches réserves de minerai, mais on ne pouvait pas les extraire sans risquer des vies humaines. Pendant l'étude, et ayant déjà un diplôme d'ingénieur, je lus des dizaines de livres nationaux et étrangers, esperant de trouver un cas similaire, je commençai à étudier l'anglais, je parlais avec les travailleurs et ingénieurs expérimentés. Et je compris que nous avions besoin d'une nouvelle méthode, notre propre méthode de Myskazgan.
Mais en ce temps-là je rencontrai encore une fois Aljan Bekenov sur mon chemin.
Il est difficile de dire pourquoi cela arriva. Soit il fut stimulé par la peur que les gens parlassent: "Voilà Aljan Bekenov, il n'a pas réussi à prendre en main le gisement de l'Est, tandis que les autres sont parvenus à obtenir de bons résultats". Soit il croyait sincèrement que la technologie moderne n’était pas encore capable d'aider les gens à atteindre des dépôts du minerai insidieux, entourés d’eau. Et mes tentatives de résoudre ce problème complexe était une avanture, comme celle à laquelle il avait fait fiasco lui-même.
Je tentais d’accepter la deuxième explication de son action. Au fil de ces ans, les formes de gestion se modifièrent, mais Aljan ne le comprit pas. Ironiquement, pendant les années difficiles de la guerre il était plus facile pour Aljan de gérer son trust. Il pouvait frapper du poing sur la table et dire: "Dis-tu que la technique n’est pas capable de le faire? Donc fais la être capable! Et toi aussi, sois capable!" Ou bien: "Les jeunes gens comme toi, répandent leur sang à la guerre, et toi, avec qui es-tu en guerre? Avec moi?" En ce temps-là il était probablement nécessaire de gérer les gens d’une telle façon. Les gens firent des œuvres qui dépassaient les limites de la force humaine normale. Et le traitement sévère de leur commandant les aidait à surmonter cette limite.
Mais après la guerre, la chose principale devint la connaissance de la production et de la psychologie humaine. Mais Bekenov pensait toujours qu’il était suffisant de presser seulement et tout irait bien. Il y avait des changements brusques à l'ingénierie, de nouvelles idées audacieuses étaient nées, mais lui, il croyait obstinément que tout dépendait du caractère de fer du chef.
Cela était évident non seulement à moi. Akchalov essaya de parler à Aljan. Pas question! Aljan respectait Temeké, mais il pensait que celui-là ne savait rien à propos du travail d'organisation. Et plus on essayait de l'avertir, plus son ambition devenait inforçable. À mon avis, Aljan imagina que nous ayons comploté contre lui, et il cherchait le piège dans chaque notre mot.
Et avec cet Aljan Bekenov, toujours irrité, têtu, je dus me trouver face-à-face au cours de la recherche d'une nouvelle méthode de développement du gisement de l'est. Dans cette bataille, nous n'avions pas de compassion l’un pour l'autre. La balance penchait d'un côté, tantôt de l'autre. Aljan résistait comme si sa vie en dépendait. Mais à la fin Bekenov perdit. À l’initiative de la direction régionale du parti on créa un trust séparé pour le développement ouverte du gisement de l'est. Je fus appointé comme un chef mécanicien dans le nouveau trust, et voilà je devins le gérant du trust. L'année dernière, ce fut mon tour, comment Temeké autrefois - j'atteignis cinquante ans. En ce jour dans les journaux apparut un décret sur le décernement à moi du titre de Héros du Travail Socialiste. La distinction fut inattendu et la plus haute de celles dont un homme de travaille peut rêver. Je pourrais dire qu'à ce moment ma vie était heureuse, mais à cette époque-là de mon ami sincère fidèle, Tatiana, mourut. Et j’étais parfois inquiété par la pensée de mon oiseau d'or pas attrapé.
Après que je quittai le trust de Bekenov, on se voyait avec Aljan seulement aux réunions. Parfois j’entendais dire qu'il faisait de plus en plus souvent des erreurs, qu’il ne tolérait toujours aucune critique et travaillait selon le principe "moi, je suis le chef et le juge". Et qu’il continuait occuper son poste dirigeant seulement frâce à ses anciens mérites. D’ailleurs, j’entendais les mêmes choses aussi lors des réunions quand on critiquqit Aljan.
Je sentais que tout cela finirait mal pour lui. Un petit pas faux semble parfois à une petite pierre, qui, tombant du haut, provoque l'effondrement d'une montagne. Je décidai de parler à Bekenov et j’appelai à son trust pour fixer un rendez-vous. On me dit que le chef ne vint pas encore au travail. Je regardai ma montre (je me rappelle qu’il était environ midi) - et composai son numéro de la maison, demandant Dieu auquel je ne croyais pas, que ce ne fût pas Akbaïan qui décrocherait le téléphone. Le téléphone fut décroché par Aljan.
- Qui est-ce? – demanda rudement Aljan.
- C’est Sabyr, - répondis-je. – Il faut nous rencontrer.
J’entendis un rire chevrotant.
- Aljan, allez-vous bien? - demandai-je inquiet.
- Tu veux voir: en qui le camarade Bekenov s’est transformé? Et je ne te donnerai pas cette opportunité. Est-ce clair?- dit-il triomphalement et raccrocha.
Je me rendis compte qu'il était soûl jusqu’à la troisième capucine.
Ma prémonition ne me trompa pas. Le même jour, j’appris que le bureau du comité de la ville dépouilla Bekenov de sa charge et Aljan partit en qualité de l’ingénieur ordinaire à l'une des mines près de Karaganda. Un mois plus tard, j’entendis dire qu’Akbaïan le quitta. Selon les commères c’était parce qu’elle n’avait pas d'enfants d’Aljan...
Ces nouvelles m’excitèrent, suscitèrent des sentiments contradictoires. Où était Akbaïan? Qu'est-ce qu'elle faisait? Après tout, elle n'avait personne sauf Aljan. Après la mort de sa mère et de son frère elle resta toute seule.
Dans le même temps, j’avais pitié de Bekenov, bien que je ne pusse jamais oublier comment il eut volé facilement ma bien-aimée. Après tout, s’il n’apparaissait pas ce moment-là et n’ensorcelait pas Akbaïan avec son faux charme, peut-être pour nous deux toute la vie aurait été différente. Mais de toute façon - que Dieu garde tous d’un tel malheur qui fut arrivé à Aljan. Akbaïan quitta Aljan dans le moment le plus difficile.
Une fois ces jours-là je visitai Akchalov. Mais Temeké n’était pas à la maison.
- Asseyez-vous, il va venir – dit sa femme. – As-tu entendu dire ce que les méchantes langues disent à propos d’Akbaïan? Personne ne sait ce qui est arrivé entre eux. Et moi, je pense comme ça: si elle l’a quitté, donc elle avait raison! Ce mariage ne lui a apporté pas du bonheur, elle a seulement perdu sa jeunesse. Elle n'a pas aimé Aljan, voilà ce que je veux tu dire.
Je haussai vaguement les épaules.
- Ne me crois-tu pas? Alors écoute. Je ne voulais pas te le dire, mais je vois qu’il faut le faire. Alors: Te souviens-tu comment vous vous êtes trouvés bloqués dans le fond? Tu ne peux pas imaginer quelle panique cela avait jeté à la surface du sol. Toute la ville l’a su immédiatement. Lorsque je suis venué en courant sur le territoire de la mine, Akbaïan était déjà là. Elle s’est jetée vers moi, et je pensais qu'elle était folle. Akbaïan répétait tout le temps: "Il est là, il va mourir!" Et sais-tu pour qui elle avait tellement peur? Pour toi! Oui, pour toi, Sabyr! Aux moments comme ça une femme ne peut jamais camoufler ses sentiments! Je n’en ai dit à personne ne voulant pas trahir Akbaïan. Je pensais: "Qu’elle se calme, elle va tout régler après. Et si elle l'ose, elle dira tout à Sabyr elle-même". Et je ne voulais pas te mettre dans l'embarras. Elle était avec Aljan. Tu étais avec Tatiana. Et je ne savais pas comment tu prendrais la chose. Et j’aimais beaucoup Tatiana. Eh bien, maintenant c’est une histoire déjà vieille! Au fil des ans, tout est passé...
Si elle savait que rien ne fut parti! Les années passées seulement mirent une légère sourdine à mon sentiment envers Akbaïan, mais elles n’eurent pas de forces pour le détruire. Néanmoins la femme de Temeké ne risquait pas trop. Je ne crus pas en son histoire et je décidai qu’après tant d'années ses souvenirs n’étaient pas bons. Il arrive qu'une personne imagine seulement quelque chose d'abord, et l’un an ou deux, elle est déjà certaine que c’est un fait réel. Si Akbaïan m'aimait, elle n’ait pu le cacher pendant toutes ces longues années. J'aurais aperçu immédiatement son sentiment, soit dans son mot, soit dans son regard.
Et en ces jours, quand Aljan partit et des commères déchiraient son ex-femme à belles dents, je la vis dans un restaurant près de la plage.
Puis Batima alla au service à la clinique, et je restai seul à la table, à quelques mètres d’Akbaïan assise avec un djiguite que je ne connaissais pas.
Je tâchais de ne pas regarder Akbaïan, mais mon regard se tournait involontairement dans sa direction, et elle disait quelque chose à son compagnon, en me regardant de temps en temps. Quand nos yeux se rencontrèrent, un sourire apparaissait sur ses lèvres. Comme si nous étions des comploteurs et savions quelque chose que les autres ne savaient pas. Puis elle se leva de la table, ramassa son sac et tendit sa petite paume au djiguite. Je compris qu'elle disait au revoir et allait partir seule. Le djiguite commença à dire quelque chose, apparemment il la persuadait de rester, mais Akbaïan secoua la tête, prit sa paume de la large patte de l’homme et alla… directement vers ma table.
Je la regardais avec fascination s’approcher de moi avec un sourire rayonnant, et seulement une pensée palpitait fiévreusement dans mon cerveau: " De quoi dois-je parler avec elle? De quoi?"
La dernière fois que nous nous vîmes avec elle était quand elle fût venue chez moi après la mort de Tatiana pour exprimer sa sympathie. Akbaïan s’assise sur le bord de la chaise et aurait dit quelque chose de réconfortant. Mais je ne me remis pas encore, donc ne la vis, ni entendis. Puis elle se leva et se dirigea vers la sortie, en continuant à dire quelque chose, je l'ammenai jusqu’à la porte, comme si j’étais en somnolent.
Et voilà Akbaïan s’approchait de moi avec un sourire amical. Elle venait d’éprouver une tempête dans sa vie, mais le visage d’Akbaïan n’en gardait aucune trace. C’était l'ancien Akbaïan, que je l'eus vu à l’époque de son épanouissement.
Je lus quelque part que la femme que tu eus aimée dans ta jeunesse, garde pour toujours son pouvoir magique sur toi. Il est dit, peut-être d’une manière un peu prétentieuse. Mais dans mon cas c’est exactement comme ça. Et c’est pourquoi, peut-être, que je retiens si bien ces mots. Il est évident que je devrais haïr Akbaïan. Pas pour le fait qu'elle tomba amoureuse d’un autre homme, mais pour le fait qu’une fois elle négligea mes sens. Et pourtant quand je la vois, je deviens sans aucune volonté. Apparemment, pas toujours l'amour agrandit l'âme. Parfois, elle l'humilie. Il me semble que la même chose arrive avec moi. Mais je ne peux rien faire. Parfois, mon amour pour Akbaïan me rappelle la surface du lac, qui est calme comme un miroir, mais si le vent souffle les vages agitées se mettent à courire à travers le lac. Cela arrive à moi. Il semble que tout soit déjà passé, mon cœur est calme et tranquille. Mais dès qu’Akbaïan apparaît et Dieu sait quoi se passe avec moi
Parfois je me demande: est-il possible d'aimer toujours une personne? Et qu'arriverait-il à l'amour de Roméo et Juliette, si, pour eux, tout se terminait bien et ils étaient heureux de rester vivants? Résisterait leur amour à au temps et à ce que nous appelons "l’ennui du quotidien"? J’imagine quelle indignation aurait surgi: «Ouais, l’avez-vous vu? Cela se passe toujours comme ça! Et ce leur histoire qu’on porte à la scène, joue au théâtre et filme! Pourtant moi, je savais que cela finirait comme ça. L’amour éternel n’existe pas!"
Il y a beaucoup de gens dans le monde dont les sentiments sont prêts à enflammer même d’une petite étincelle. Mais peut-être ceux qui sont capables de garder son amour jusqu'à la mort ne sont pas nombreux. Ils vieillissent eux-mêmes, leurs bien-aimées s'affaissent, mais dans leurs coeur portant des traces crises cardiaques l'amour jeune brûle toujours. On peut appeler de tels hommes monogames les gardiens de l'amour éternel. Non, je n’ose pas à me mettre au rang de ces gens. Graphiquement, mon amour pour Akbaïan ressemblait à la ligne pointillée, qui parfois disparaissait et puis réapparaissait.
Bien sûr, pendant ces quelques secondes au cours desquelles Akbaïan traversait la salle du restaurant en se dirigeant vers moi, je ne l'aurais pas eu le temps de penser de tellement de choses. Disons que c’est une petite dérogation de l'histoire. Oui, nous les Kazakhs, nous avons ce péché mignon. Nous aimons parfois nous mettre à l'écart de la question essentielle et prononcer un petit monologue devant l’audience. Et essayer d’y saisir l'insaisissable.
Donc, Akbaïan souriante m'approchait, et je tâchais en vain de reprendre le contrôle de moi-même. Peut-être cette lutte désespérée intérieure se refléta sur mon visage parce Akbaïan s’était arrêtée devant ma table tout d'abord demanda soucieusement:
- Comment vas-tu, Sabyr? N’es-tu pas malade?
- Merci... Je vais bien. Et toi? - lui répondis-je avec un certain embarras.
- Puis-je m’asseoir? - demanda Akbaïan me regardant avec le même sourire amical.
- Bien sûr! – je voulais lui offrir une chaise mais à cause de ma perplexité je la mis de telle façon qu’Akbaïan dut aller autour de la table.
Quand elle s’assit, je lui posai soudain une question inattendue même pour moi-même:
- Akbaïan, et qui est ce djiguite avec lequel tu venais d’être assise?
- Directeur d’un magasin - dit Akbaïan avec insouciance. – Il est allé au lac en voiture et m’a acheminée. Et pourquoi t’y intéresses-tu? Es-tu jaloux de moi? Vraiment? - se réjouit-elle comme un enfant.
Je fus confus et murmurai:
- Pas du tout. Je pensais seulement que je le connusse. Mais j’ai oublié qui il était.
Akbaïan menaça par plaisanterie du doigt.
- Ne mens pas! Je vois que tu es jaloux. Je peux lire tout sur ton visage. Et pour quel raison faut-il le cacher? Il n’en y a rien d’honteux... Moi, je suis jalouse de toi, et je n’ai pas peur de l'admettre.
Quelle nouvelle! Non, elle se moque de moi. Depuis Akbaïan se maria Bekenov, elle ne me distinguait pas des autres. Elle me traitait en toute amitié, bienveillamment et rien de plus.
- Es-tu jalouse de moi? Tu m'amuses – dis-je essayant de paraître indifférent.
- Ne me crois-tu pas? J’ai été jalouse de toi pendant tous ces vingt ans. Et même maintenant je suis jalouse de la femme qui venait d’être assise avec toi.
Sa voix sembla sonner sincérement. Mais je me sentais toujours comme si elle se moquait de moi.
- Je comprends qu'il t’est étrange de l’entendre, - soupira Akbaïan. Oh, combien il est difficile de résister aux mots d'une femme qui sait que tu l'aimes!
- On est jaloux des gens qu’on aime. Mais tu ne m'as jamais aimé, - dis-je désespéré.
Elle fit une pause et sourit:
- Pas seulement ceux qu’on aime.On est jaloux de ses admirateurs, des chiens fidèles. Même les choses sont jalouses des nouveaux propriétaires. Mais probablement je t’aimé. C’est pourquoi je me suis interdit d'aller là où tu étais, je me suis interdit même de penser à toi.
- Mais pourquoi as-tu épousé Aljan? – demandai-je avec colère, ayant retrouvé enfin mon sang-froid. - Pour autant que je sache, en général, on agit différemment dans la vie: on se marie ceux qu'on aime.
Le sourire protecteur triste apparut encore une fois.
- Tu te trompe de nouveau. Parfois, les femmes préfèrent la convenance à l'amour. Ainsi je me suis marié Aljan - pour la convenance. Seulement j’ai eu un autre type de convenance. Je t’ai aimé, mais tu étais une personne ordinaire avec tes propres faiblesses. Et moi, je voulais trouver un homme fort qui aurait me mené à sa suite, et tout à coup Aljan a apparu. Un homme qui pouvait franchir tous les obstacles... Je suis pas venue te dire au revoir, parce que j’avais peur qu’au dernier moment je n’aie pusse pas me retenir et je me jetasse à ton cou. Et puis j'ai vu qu’Aljan n’était qu’un poseur, l'homme pathétique qui couvrait sa faiblesse avec le pouvoir qu'on lui a donné, ne sachant pas qui il était vraiment. Je l'ai vu, mais il était trop tard. Mais tu te trompes si tu penses que j’ai décidé d'essayer de prendre tout de ma vie et que je suis venue ici pour te demander pardon et de me repentir. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis lors. Mais quand je t’ai vu aujourd'hui, j'ai la berlue... Ne t’en fâche pas contre moi, Sabyr.
Je n’eus pas le droit de douter de sa parole.
- Pourquoi as-tu quitté Aljan?
- Bien sûr, tu as entendu ce que les gens disaient - dit-elle avec un sourire amer. - Ne les crois pas... Tu ne dois pas les croire, même si je le voulais. Ils ne me connaissent pas si bien comme tu me connaîs, Sabyr.
Un instant une image d'une fille mince capricieuse apparut devant mes yeux. Je sentis un souffle de notre jeunesse. Involontairement, je fermai les yeux essayant de garder ce sentiment. Mais il disparut tout de suite. Devant moi fut assise une femme de quarante ans, que je connaissais déjà à peine.
- Akbaïan, tout cela a été autrefois. Beaucoup d’années se sont écoulées depuis lors, - rappellai-je doucement.
- Et pour moi, ce n’était pas seulement "beaucoup" d’années. C’était toute ma vie qui a passé. Mais je suis la même, Sabyr.
- Je te crois, - dis-je. - Je crois que tu ne pouvais pas quitter Aljan. Et si tu l’as quitté, donc il y avait une raison sérieuse.
Akbaïan soupira d'un air satisfait.
- Mais ne pense pas que je l'ai quitté parce que finalement mon amour pour toia vaincu. S’il se déjà fait que je me suis mariée avec Aljan, j’aurais vécu avec lui jusqu'à la fin et j’aurais partagé son malheur. Si je suis partie, c’était seulement parce que ce serait mieux pour lui.
- Lui sera-t-il mieux de rester seul? – doutai-je. - Sans toi?
- Il ne sera pas seul. Il voulait bien avoir un enfant. Mais le destin m'a puni, je n’ai pu pas lui donner cette joie. Maintenant, il a un fils.
- Akbaïan, qu’est-ce que tu dis?
- C’est vrai, Sabyr. Aljan s’est lié avec une fille qui travaillait à son trust, elle est tombée enceinte. Quand tout a été apparu, Aljan a craint pour sa réputation et l'a envoyée chez ses parents. Ils vivent près de Karaganda, à la mine Ouspenski. Maintenant, il y travaille aussi. Eh bien, qu’est-ce que j’ai dû faire? J’ai décidai de ne pas l’empêcher. Qu’il épouse la mère de son enfant et soit heureux! Toute ma vie je ne pensais qu'à moi, maintenant je dois penser aux autres au moins une fois.
Je n’ai jamais pu m’imaginer qu’Aljan et Akbaïan pussent avoir quelques difficultés dans leur vie: ils ont toujours semblé être une famille heureuse, mais il se trouve que derrière la façade rose un drame lourd se passait.
J’eus honte d’aviver les blessures de som âme avec ma question impolie.
- Pardonne-moi, Akbaïan. Je ne pensais pas que...
- Que je puisse être l'héroïne d’une tragédie? C’est pas grave - m'interrompit Akbaïan. - Peut-être c’est bien que tu m’as posé cette question. Tout de même j’aurais dû te dire tout pour que tu ne crusses pas des rumeurs. Et outre cela, je ne faisais pas sovent de bonnes actions. Peut-être je grandirais un peu à tes yeux, - termina-t-elle avec un léger sourire.
Vingt ans passés me semblèrent vingt jours. On croirait que nous retournâmes dans notre jeunesse. Quand il n'y avait encore ni guerre, ni Aljan. Mon oiseau d’or revint chez moi. Il était assis sans me quitter des yeux, et ils s'éclaircissaient lentement. La tristesse les quitta.
Nous étions silencieux et nous regardions dans les yeux. Comme c’était autrefois quand nous étions heureux et jeunes. Je n’apperçus même pas à quel moment le mur entre nous s'abattit soudainement.
- Sabyr, je ne crois même pas que nous soyons assis comme ça tout simplement et parlions – sourit-elle d’un air content.
- Moi non plus – admis-je. - Peut-être qu'il n’est qu’un rêve...
Soudain Akbaïan se souvint de quelque chose, regarda autour d’elle avec inquiétude.
- Il vaut mieux pour nous de sortir d'ici. Tout le monde nous regarde - dit-elle inquiètement.
- Eh bien, qu’ils regardent, - répondis-je insoucieusement.
- Que dis-tu? Qu’est-ce cela veut dire "qu’ils regardent"? Tu ne sais pas encore ce que la médisance est: "Regardez, cette pilleuse vise maintenant le pauvre veuf Shakirov!" Sabyr, sortons d’ici, je t’en prie, dit-elle, s'inquiétant de plus en plus.
- Une bonne personne ne dira rien, et quant à celle mauvaise - ne fait pas attention. Mais si tu veux... – dis-je et me levai de la table aussi.
Nous passâmes dans une allée et nous assîmes sur un banc comme il y a vingt ans. De la même façon au-dessus de nous les arbres secouaient les branches, le vent essayait de refroidir nos visages rougissants. Comment autrefois, nous nous prîmes par la main - et encore une fois nos cœurs se mirent à battre plus rapidement. Les yeux d’Akbaïan brillaient. La seule chose qui manquait était Aljan... Mais je savais qu'il ne viendrait pas, ne détruirait pas mon bonheur.
Mais ce retour au passé ne se répéta plus, bien que nous nous rencontrassions presque tous les jours.
Un mois plus tard je demandai sa main. Et elle consentit sans hésitation. Et le lendemain Akbaïan m'invita chez elle pour la première fois.
M’ayant ouvert la porte, elle regarda avec circonspection par dessus mon épaule en vérifiant s’il n’y avait personne sur le palier. Sa prudence excessive m’amusa. Quelques jours nous serions mariés, et Akbaïan n’airait plus peur des rumeurs méchantes.
- Entre vite – chuchota-t-elle.
Et m’ayant laissé passer dans la salle, elle ferma rapidement la porte.
Et puis... Puis je me réveillai ici, dans cette salle d’hôpital...
J’entendis sa voix forte quand il encore marchait dans le couloir. Et puis la porte ouvrit et Kaïssar entra dans la salle portant d’un air maladroit un manteau médical sur ses épaules.
- Puis-je entrer? – demanda-t-il d’une façon étrange.
- Bienvenu! – dis-je heureux de le voir.
Après tout, Kaïssar était mon meilleur ami, et j’étais obligé de lui parler de ma relation avec Akbaïan. Et il vallait mieux le faire à ce moment-là. Il pouvait donner un conseil. Et s’il trouvait que quelque chose n’allait pas bien il aurait l’exprimé sans ménagement. C’était Kaïssar qui dit: "Celui qui a peur d'un scalpel ne guérira pas de la maladie; un coeur qui a peur de la vérité ne se libérera pas de la douleur".
Habituellement, quand il venait il disait san cesse des blagues, dictons et histoires. Mais cette fois-là, le visage de Kaïssar fut sourcilleux. Par habitude, je ne pris pas cela au sérieux.
- Eh bien, par quoi vas-tu commencer? – demanda-t-il.
Puis il se pencha vers moi et me demanda doucement:
- Comment vas-tu?
- Excellent! – dis-je.
- Vraiment? - demanda Kaïssar à tout hasard.
- Température, pression, bref tout va bien – rapportai-je.
- Bon, donc je peux te dire tout ce que je pense à ce sujet, - dit avec soulagement Kaïssar. – Sommes-nous des amis?
- Comme deux larrons en foire – l’assurai-je.
- Et tu me donneras une réponse honnête si je demande? - continua Kaïssar ignorant mon ironie.
- Je t’ai déjà dit.
- D'accord.
Kaïssar aspira à pleins poumons, comme s’il se pouvait de l’air.
- Dis-moi pourquoi diable courtises-tu l'ex-femme de Bekenov? Espéres-tu te consoler chez elle? Compte là-dessus! Si elle a trahi son mari, avec qui elle a vécu pendant tant d'années, alors te trahira sûrement!
- Kaïssar!
- Attends une minute. Écout ce que je vais te dire.
Je voulais l'interrompre, mais la tentative fut nulle.
- J’ai déjà entendu parler qu’on t’a vu avec Akbaïan, - continua Kaïssar de plus en plus furieux. - Et moi, imbécile, j’ai pensé: "De quoi! Même dans le ciel spacieux les voies des oiseaux se croisent. Sabyr pourrait arriver Akbaïan dans la rue et lui y parlerIls sont, après tout, de vieux amis. Pourquoi ne pas échanger quelques mots avec elle?" Si je savais que tu aurais été couché sur le palier devant la porte d’Akbaïan... Mais je l’ai su seulement hier.
"Est-il est ivre? Ou fou? "- pensai-je.
- Tais-toi, Kaïssar! Qu'est-ce que tu racontes?..
Il me regarda.
- Penses-tu! Tu ne sais rien? Tu ne te souviens pas? Ambulance t’a trouvé sur le palier devant la porte Akbaïan. Est-ce que personne ne te l’a dit?.. Et Akbaïan, vois-tu, elle a étét au magasin. Et tu es venu prétendument à ce moment. Tu t’es pendu à la sonnette mais personne n’a répondu et tu as perdu conscience: tellement tu as été frustré qu'elle ne fût pas à la maison. Une seule chose n’est pas claire: comment tu t’es trouvé sans ta veste? Et comment elle s’est trouvée à ce moment-là sur une chaise dans l'appartement d’Akbaïan? Comme elle a pénétré par la porte fermée?
Je ne comprenais rien et seulement regardais Kaïssar les yeux fixés. Il aurait soupçonné que je perdis complètement la mémoire.
- Sabyr, comment t’es-tu trouvé sur le palier? Est-ce que vous vous querellés et tu as bondi hors de l’appartement en colère oubliant de mettre ta veste?
Je secouai la tête.
- Alors, c’était Akbaïan qui t’as traîné sur le palier...
Je me souvins comment Batima m’eut déjà dit une fois que j’eus oublié ma veste chez Akbaïan, mais ayant compris que je ne savais rien, elle eut retiré ce qu'elle eut dit. Donc, c’était vrai...
Kaïssar alla vers la fenêtre, tourna le dos à moi, me donnant la possibilité de réaliser la vérité amère sur l'oiseau d'or. Puis il dit, sans se retourner:
- Peut-être que tu as gardé des sentiments quelconques envers cette frôleuse. Mais tu n’es pas un élève du secondaire, tu es un homme fait, tu dois te contrôler. Tu n’es pas jeune, tu as besoin d’une femme qui prendrait soin de toi et de ta santé. Par exemple, comme Batima.
- Qu'est-ce que cela a à voir avec Batima...
- Tu ne connaisses pas les femmes - m'interrompit Kaïssar. - Et le cas avec Akbaïan le prouve...
Je réessayai de la justifier d’une manière quelconque, mais la voix de Kaïssar semblait voler de loin. Puis j’entendis:
- Sabyr, qu’est-ce qu’il y a? Infirmière! Infirmière!..
Après être revenu à moi, je vis Batima une seringue dans les mains. Elle me regardait avec inquiétude. Près de mes pieds étaient assis Kaïssar. Je ne reconnus pas mon ami tellement son visage changea. Les lèvres de Kaïssar tremblaient, et il était plus blanc que mes draps.
Peut-être que pour la première fois dans toutes les années de notre amitié, il provoqua un sentiment de pitié.
- Calmes-toi, Kaïssar. Tout est passé... C’est ma faute – dis-je, en essayant de remonter son moral avec un sourire.
- Mais tu as dit que tu te portais bien - murmura Kaïssar.
- Voilà pourquoi je dis que tout va bien.
- Sabyr-aga, vous devriez vraiment arrêter de parler - intervint Batima bourrue et elle tout de suite elle sourit. - Oui bien sur. C’est pas grave. Seulement une légère syncope. Cela arrive aux hommes d’aujourd’hui. Et vous, Kaïssar-aga, rentrez à la maison, reposez-vous. Je ne comprends pas qui est malade de vous.
- Oui, je vais. Merci, ma soeur - convint Kaïssar avec complaisance extraordinaire.
À la porte, il sourit, regarda Batima et souleva son pouce comme un signe d'approbation. Il voulait bien me marier avec Batima. Curieusement, l’opignion de Batima ne l’intéressait pas.
Quelques jours plus tard, je me promenais déjà dans les allées du parc de l'hôpital. Ce fut grâce au traitement établi par des médecins expérimentés et aux soins attentifs de Batima. Mon fut rétablissement encore facilité par une autre chose. Je me débarrassé du fantôme d'un oiseau d'or qui eut tourmenté mon âme pendant tant d'années. Ma condition était comme un réveil d'un mauvais rêve.
"Comme il y a pas de joie infinie, le chagrin sans fin n’existe pas, - me disais-je. Tout est fini, et j’en remercie Dieu. On ne peut pas, bien sûr, recommencer sa vie. Mais on peut vivre son restant avec dignité. Tu as une fille, Aida, la belle fille"... J’imaginai la scène de l'idylle "Fille et père". Et je me moquai de moi-même: qui sait, peut-être je rencontrerais une femme tendre et jolie qui ne fairait pas fi d'épouser un veuf âgé. En bref, tout ne fut pas encore perdu, il y eut dans ma vie quelque chose dont je pouvais rêver. Mais, curieusement, mes rêves étaient comme un cheval entravé qui bondissait maladroitement et d'un air impuissant sur une place. Ils ne furent pas libres. Mon âme ne brûlait pas d'envie de prendre sa volée aux nuages, comme il eut été avant.
Un jour que je me promenais dans le parc et j’errai au fond de lui, où il était désert et calme, en face de moi apparut Kaïssar, comme s’il vint de dessous terre. Je fus surpris d'entendre sa voix excitée forte au milieu du chant des oiseaux et bruissement des feuilles.
- Je t’ai trouvé à peine! – cria-t-il à tout rompre, si on se trouvait à distance de quelques centaines de mètres. - Maintenant, je vois moi-même que tu es en bonne santé. Tu viens de sortir du lit, et tu déjà galope dans le parc comme le vent. Pas le vent. Tempête! Hurricane!
Il apparut survolté, les cheveux broussailleux, et si quelqu'un ressemblait à un ouragan, donc c’était lui, Kaïssar. Je compris immédiatement qu'il fut venu non sans motif. Un quelque chose d'extraordinaire aurait dû se passer, quelque chose qui l’eut déboussolé.
- Eh bien, qu'y a-t-il de nouveau à la mine? - lui demandai-je afin de le faire parler sur le fond de l'affaire.
Je fus sûr que l'événement extraordinaire concernait la mine.
- À la mine? - demanda Kaïssar se forçant de commuter ses pensées. – Ça va la mine!
Nous commençâmes à nous promenés le long de l'allée, et Kaïssar se mit à parler sur les choses qui se passaient vont à la mine. Mais je sentais que ses pensées volaient quelque part ailleurs.
Soudain, il interrompit l'histoire et m'arrêta m’ayant mis sa main sur mon épaule.
- Écoute, Sabyr, aujourd'hui j’ai vu Akbaïan, - dit Kaïssar presque d'un air provocant.
Je sursautai de surprise. Apparemment, je n’eus pas encore le temps de me déshabituer de son nom, qui j’eus porté dans le cœur comme une amulette presque toute ma vie. Mais je me calmai rapidement.
- Et alors? - demandai-je avec indifférence. - Je m'en fiche. Pouvons-nous parler d'autre chose?..
- J’ai passé devant la pharmacie N°1 et j’ai rencontré Akbaïan. Je ne l’ai même pas reconnue au début. Elle a perdu du poids pendant ce temps, et est devenue sèche comme un cotret - continua Kaïssar, sans m’écouter. – J’en suis resté baba. "Qu’est-ce que te passe? Peut-être tu es malade?.." Eh bien, elle m'a tout raconté. À propos de toi, à propos d’Aljan... Nous mous promenions longtemps dans les, et elle me disait combien elle t’aimait. Elle est très stressée, je dois te le dire.
- Est-ce que tu en as cru? – souris-je.
- Elle a parlé avec tant de sincérité... Une personne ne peut pas faire semblant comme ça, - dit sérieusement Kaïssar.
Je fus surpris: qu’est-ce qui se passait avec lui...
- Elle a ouvert toute son âme devant moi - ajouta Kaïssar. –Et sait-tu, une autre femme aurait commencé: "Il est ma vie", "Je ne peux pas vivre sans lui". Mais elle - non. Peut-être qu’elle cache tout cela à l’intérieur. Elle est terriblement tourmentée et se fait de la bile après tout ce qui est arrivé. Probablement, elle a été prise par quelque chose, elle a paniqué ne comprenant pas ce qu'il fallait faire... Et puis, quand elle s’est ressaisie, elle a eu peur de nouveau. Cette fois-ci pour toi. Elle est venue en courant à la maison, mais là il y eu déjà une ambulance.
- Donc tu la protèges? Est-ce que je t’ai bien compris?..
- Comprendre les actions de quelqu’un ne signifie pas le pardonner, - dit Kaïssar.
- Tu vois!
- Je vais te parler d'une autre chose. Elle ne peut durer en place. Elle est rongée par la culpabilité. Elle a honte pour tout ce qu’elle a fait à toi. Comprends-toi?.. Je l'ai écoutée et compris qu’Akbaïan n’est pas tout à fait fichue...
- Et c’est toi qui le dis...
Kaïssar sourit soudain, me prit par le bras et me mena le long de l'allée vers le bâtiment de l'hôpital;
- Dans notre aoul, encore avant la révolution, un berger qui s’appelait Jaoubassar a vécu. Presque toute sa vie, depuis l'enfance, il a gardé des chameaux. Il avait un jeune frère, dont le nom était Kopjassar. Le jeune frère avait fêté déjà ses quarante ans, mais il restait toujours célibataire. Personne ne voulait donner sa fille en mariage à un valet de ferme, dont la fortune était une paire de pantalons déchirés. Mais enfin Kopjassar a plu à une riche veuve. Elle a décidé de le prendre pour épou et a commencé à préparer un toï de noces. Elle a invité ses parents et aussi les parents de son fiancé: son frère aîné et sa femme. La femme de Jaoubassar a acheté pour ses derniers sous et un morceau de savon et l’a donné à son mari pour qu’il se lavât les mains, qui sont devenues craquelées et noires après des années de soins des chameaux et à cause de la boue caustique de steppe. "Nettoye-les bien, ne déshonore pas ton frère," – a-t-elle dit. Jaoubassar a pris le savon et commença à se frotter les mains. Le savon a donné beaucoup d’écume qui a pénétré dans les fissures sur les mains. Jaoubassar a crissé de douleur, a gémi et incapable de se retenir il a dit à sa femme qui lui arrosait ses mains avec de l'eau: "Et pourquoi m’as-tu donné une telle torture?… On dirait que c’est moi qui va épouser une veuve, pas Kopjassar". Donc, Sabyr, Jaoubassar t’aurait dit: c’est toi qui aime Akbaïan, et elle t’aime. Donc ce n’est pas moi qui dois payer les pots casses, mais toi. Comment tu vas le faire c’est déjà ton propre problème.
Kaïssar apparemment croyait son devoir accompli. Il me conduit vers l'entrée du bâtiment de l'hôpital, et nous nous y séparâmes.
- Attention, n’oublie pas Akbaïan, - rappela Kaïssar et dit au revoir.
Mais il n'y eut plus de place pour Akbaïan dans mon cœur. Il fut scellé pour elle. L'oiseau d'or disparut et à sa place seulement un morceau de cuivre ordinaire resta. Et peu importe combien de fois on appele le cuivre "or", il n’en sera pas plus valable.
"Qu'est-ce qui est donc arrivé à Akbaïan?" - me demandais-je.
Je me la rappelais être différente.
Ce fut avant la guerre au printemps, lorsque des troupes d'oies et de canards sauvages volaient au-dessus de la mine en retournant de terres lointaines aux lacs nataux et aux espaces verts d’Arka. Leur coin-coin et nasillement résonnaient dans l’air au-dessus de la ville, de la steppe, comme s’ils informaient tous les êtres vivants sur l'arrivée du printemps. Et la steppe était difficile de reconnaître. Rechauffée après l'hiver, ramollie par la chaleur, d’habitude grise, brûlée par la chaleur, elle ressemblait un tapis multicolore de fête. Ses petits arbres peu nombreux s’habillèrent de feuilles fraîches. Même l’herbe ordinaire à cette époque-là concurrençait par son vert lumineux avec des couleurs bleux, rouges et jaunes de fleurs.
Je me souviens que ce jour-là était un jour de congé. Mon meilleur ami Sadyk partit en voyage d'affaires à l'usine de Kaskyrsaï. Après m’étant couché jusqu’au midi avec le livre, je partis de la maison et me mis à me vadrouiller dans le village sans but. Enfin je sortis dans la steppe.
Et là, dans la steppe, j’oubliai l'ennui et ce que je venais de chercher comment tuer mon temps libre. Ciel bleu clair se tenait bas au-dessus de moi. L’air silencieux fut retenti du chant des oiseaux, se cachant dans l'herbe épaisse, du stridulement pratique des sauterelles. Et ensuite de derrière d’une colline, comme dans un conte de fée, des filles avec des bouquets de fleurs apparurent. En tête de cette compagnie était la sœur de Sadyk - Akbaïan. Je la voyais presque tous les jours, quand je venais chez mon ami, mais jusqu’au ce jour je n’avais jamais fait attention à elle. Et quoi d’intéressant aurais-je pu trouver dans cette fille anguleuse maladroite? Et quand Sadyk, en riant m'assurait que j’avais tourné la tête à sa sœur, moi aussi, je riais avec lui.
Et voilà Akbaïan, ce vilain petit canard, marchait directement vers moi, comme à moitié endormie. Un peu plus et nous serions tombés nez à nez.
- Hey, Akbaïan, réveille-toi - l'appelai-je gaillardement et s’arrêtai court. On aurait pu penser qu’Akbaïan s'épanouit seulement en une nuit et ce matin-là. Je ne vis jamais une telle belle fille. Même les perce-neiges modestes dans ses mains me semblèrent un bouquet d'étincelles maîtrisées par Akbaïan.
Les amies d’Akbaïan passèrent en riant devant nous, et nous restâmes seuls. On se tenait debout face à face. Akbaïan aurait pu me contourner, mais quelque chose l'empêchait de le faire, et elle ne bougeait pas.
- Pourquoi êtes-vous seul, Sabyr-aga? - demanda Akbaïan, et ses grands yeux noirs brillèrent malicieusement.
Et sa voix devint aussi différente: plus douce et riche. Pas comme avant, quand elle était une mordante, presque garçonnière... Mon cœur se mit à battre.
- Mais est-ce que je suis seul? – demandai-je.
Akbaïan entra volontairement en jeu et regarda attentivement autour de nous comme si quelqu'un pouvait vraiment m’accompagner:
- Je ne vois que votre ombre, et personne d'autre...
- Et le ciel? Des oiseaux? Des fleurs? – dis-je, comme en triomphant de sa mauvaise perception.
Akbaïan rit.
- C’est ça. Et je n’en ai pas pensé – admit-elle. - Mais alors... Alors, tous ces insectes, des fourmis – sont-ils aussi avec vous...
- Ils sont mes grands amis!
- Je vous envie, Sabyr-aga, - dit Akbaïan poussant un soupir en boutade.
- Ne t’inquiéte pas, je vais te présenter à eux. Hé, venez chez nous! - criai-je, m’adressant à tous ceux qui volaient et rampaient dans la steppe.
- Ils n’arrivent pas - se chagrina Akbaïan mi-sérieuse, mi-badine.
- Ils sont embarrassés. Aujourd'hui, tu es tellement belle. Mais c’est pas grave, tu leur feras connaissance une autre fois – consolai-je Akbaïan. – Vas-tu attendre?
- Ouais, j’attenderai.
Comme sur commande nous levâmes les yeux, comme en espérant de voir quelque chose dans le bleu ciel profond, et puis je demandai:
- Où vas-tu, Akbaïan?
- Je suis allé avec mes amies pour cueillir les fleurs. Est-ce que tu ne vois pas? – demanda-t-elle, ayant passé très facilement et naturellement au tutoyage. Comme si en ce moment elle traversa la frontière entre une adolescente laissée au passé et la vie d’une jeune fille tout à fait indépendante.
- Et pour qui as-tu cueilli des fleurs? Pour moi?
Je le dis, et j’en regrettai immédiatement. La plaisanterie fut non seulement mauvaise, mais aussi forcée.
Akbaïan rougit, baissa les yeux:
- Je les ai cueillies pour maman et Sadyk - et après une pause courte elle ajouta: - Et celle-ci la plus belle – c’est pour toi.
- Merci, Akbaïan. Mais qu'est-ce que tu attends? Donne-la-moi.
Akbaïan choisit dans son bouquet une perce-neige la plus grande, la plus belle, et toujours sans lever les yeux, me la tendit. Je pris prudemment la fleur et la collai sur ma poitrine, l’ayant enfoncée dans une boutonnière pour le bouton.
- La fleur est comme toi. Aussi belle.
Akbaïan s'embarrassa de nouveau, baissa la tête. Et puis doucement, comme en secret, me regarda avec son grand œil noir.
- Est-il vrai que je suis belle comme une fleur? Ou tu rigoles, parce que tu penses toujours que je suis encore petite?
- Non, je me suis trompé. Tu es plus belle. Elle est si laide à côté de toi.
- Alors... - se gêna Akbaïan.
Elle ne savait pas comment le dire. Comment exprimer sa gratitude pour le premier compliment entendu (bien qu’il ne fût par assez courtois). Et moi aussi, je me sentais d’une manière extrêmement étrange. Je voulais dire à Akbaïan les mots qu'aucune djiguite n’avait pas encore dits à une jeune fille.
- Akbaïan, - je l'ai dit. – Sais-tuce que je veux plus que tout? Je veux que tu sois plus belle que toutes les fleurs dans le monde! Que tu sois la plus belle jeune fille au monde!
- Vraiment? – prononça-t-elle involontairement.
- Oui, et sais-vous pourquoi je le veux?
- Non...
- Alors, écoute.
Je racontai à Akbaïan de ma grand-mère: une fois, quand j’avais quatorze ans, elle m’assit à côté d’elle sur le banc et m’ayant caressé la tête avec sa main rude, elle me raconta une telle parabole.
Il était une fois un garçon-batyr qui vivait, et il s’appelait Erkindik. Il était fort et courageux pour son jeune âge. Et il aimait beaucoup son peuple. Lorsque sa patrie fut attaquée par l'ennemi, Erkindik se jeta courageusement au combat, et personne ne pouvait le vaincre. Et dans l'une des batailles les plus sanglantes avec l’ennemi féroce, Erkindik montra le remarquable héroïsme. Et le prophète Baba Toukti Aziz décida qu'il était temps de rendre hommage à l'enfant-batyr, à le récompenser pour son exploit. Le prophète l'appela et dit: "Chéri, je veux te gratifier. Que préféres-tu: la beauté, l'intelligence ou le bonheur? Je peux te donner une de ces trois choses. Dais ton choix!" Le garçon-batyr Erkindik réfléchit et demanda au prophète: "Et pouvez-vous réaliser mon autre désir?" Le prophète Baba Toukti Aziz répondit: "D’accord, je vais réaliser n’importe quel ton désir. Seulement n’essaye pas de me demander de te rendre immortal. Je ne le ferrai pas". "Pourquoi?" – s’étonna le garçon-batyr. "C’est seulement Dieu Tout-Puissant qui est immortel sur la terre et dans le ciel. Et c’est un péché pour un commun des mortels de quémander la vie éternelle", - dit le prophète, un peu en colère qu’Erkindik ne le comprît pas lui-même. "Et je n’ai guère besoin de l'immortalité, je l’ai demandé par une simple curiosité, - remarqua le petit batyr. - À quoi bon, si tous mes camarades, mes amis meurent, et je rester tout seul dans ce monde?" "Alors qu’est-ce que tu veux de plus? – s’étonna le prophète. "J’ai un seul désir", - dit pensivement Erkindik. "Mais vas-y, dis-le. Je le réaliserai!"- cria le prophète Baba Toukti Aziz, commençant à s'impatienter. "Alors, le prophète puissant – commença le petit batyr – donne-moi une fidèle compagne pour la vie, qui posséderait tous les trois qualités que vous m'a nommées: de la beauté, de l'intelligence, et du bonheur". Le prophète qui eut promis de réaliser un désir du garçon-batyr, admit que celui-là l’eut dindonna intelligemment, et il donna à Erkindik la femme qui était belle, intelligente et heureuse. Grâce à sa fidèle compagne batyr était un homme le plus heureux du monde tout au long de sa vie".
- Moi aussi, j’aurais demandé au prophète Baba Toukti Aziz pour que tu sois la plus belle fille au monde, - dis-je.
- Comment peux-tu dire ça? Je ne te plais pas du tout. Quand tu viens chez nous, tu ne me regardes même pas - protesta Akbaïan.
- Je t'aime – dis-je, ou plutôt, quelque chose me fit le dire, parce qu’encore un instant avant cela je n’y pensai pas.
Et l’après avoir dit, je réalisai que c’était vraiment comme ça. Les joues d’Akbaïan rougirent comme une pivoine.
- Tu t’amuses toujours, tu te moques de moi - murmura Akbaïan, confuse.
- Ne me crois-tu pas? Je ne plaisante pas, Akbaïan! Et pour le prouver, je vais te baiser maintenant – dis-je en riant.
Je pris Akbaïan par les épaules, l’attirai vers moi et pressai mes lèvres sur ses lèvres boudeuses chaudes. Et à ce moment-la, ayant eu peur de mon courage, j’ouvris mes bras.
La jeune fille couvrit son visage avec ses mains et pleura de honte. Je m’y tenais debout, ne sachant pas comment la réconforter. C’était mon premier baiser dans la vie aussi. Donc, je piétinais autour Akbaïan et répétais:
- Arrête, Akbaïan... Il ne faut pas... Je suis désolé...
- Mais... je ne suis pas fâchée - dit-elle à travers les larmes et poussa encore plus de sanglots.
Ou peut-être qu'il ne fut pas ainsi, peut-être je tombai amoureux d’elle la veille, un jour plus tard. Et peut-être que nous dîmes d’autre mots. Ou un autre jour... Mais quoi qu'il en soit, l'essentiel reste le même: pensées d’Akbaïan à ce moment étaient aussi pure que le printemps.
Qu'est-ce qui donc arriva à Akbaïan après?.. Cependant, est-ce que quelque chose lui vraiment arriva?.. Après tout, déjà de son enfance elle était chérie comme une fleur rare, protégée contre les vents violents. Sa mère Bibigaïcha et son frère Sadyk se souciaient d’elle. Et elle s’habitua à l'idée qu’afin de vivre la vie sans difficultés et bouleversements, elle devrait trouver quelqu'un fort et fiable. Peut-être qu'elle n’y rendu pas compte tout de suite, peut-être dans un premier temps cette pensée vivait secrètement nichée quelque part dans un coin sombres de son âme. Mais voilà Aljan Bekenov apparut à l'horizon...
Vingt ans Akbaïan vit dans des conditions d’orangerie, sans jamais bouger le petit doigt. Elle ne travailla, ni apprena jamais. Elle ne connut pas d'angoisses maternelles: ne se réveilla jamais la nuit pour aller calmer son bébé, ne lavait jamais ses langes, ne souffrit jamais des soucis d'allaitement. "Satiété et paresse gâtent les gens", - disait le grand Abaï.
Qu’est-ce qu’on peut dire d’une personne faible, comme Akbaïan, si parfois on peut voir un robuste chêne séculaire tomber?
Il se tenait debout fier, accueillant tous les éléments. Il affrontait les ondées, tempêtes de neige et ouragans. Ses puissantes racines noueuses s’enfoncèrent dans la terre comme les doigts. Des années, des décennies passèrent, mais le chêne seulement acquit de la maturité sous les coups de l'ennemi. Et soudain, dans une journée calme et claire, il tomba sur la terre à cause d'un léger souffle d'air. Qu’est-ce qui put renverser un géant dans la vigueur de l'âge, s’il eut résisté aux froids à pierre fendre, aux tempêtes de neige et aux ouragans forts féroces?
Peut-être le chêne fut affaibli dans cette lutte? Non, il s'effondra pas à cause de faiblesse. Il fut miné par le petit ver qui se fut faufilé dans le cœur du chêne encore dans sa jeunesse... De la même manière, le ver d’amour-propre l'année après année minait l’âme d’Akbaïan, qui voulait changer sa beauté contre la vie tranquille et sans soucis. On compare la vie est comparée avec l'océan, où les jours clairs et calmes sont remplacés par les tempêtes soudaines. Cet océan est asservi seulement par celui qui navigue courageusement sous voiles. Malheur à un poltron, qui ayant confié son sort au batelier, se cache au fond du bateau pour ne pas voir de vagues menaçantes! Le batelier Aljan trahit sa passagère. Pendant qu’il navigait sa chaloupe, ayant hissé complètement les voiles, sur l’eau bleue sereine, tout allait bien. Mais la première bourrasque jeta Akbaïan hors du bateau... Et elle barbotait impuissante, regardant, s’il y avait un canot sur les vagues prêt à l’embarquer.
Non, je n’étais ni réjouissant de son malheur, ni triomphant. Je ne disais pas mentalement: "Bien fait pour toi, Akbaïan, c'est bien fait pour ta peau". Je savais ce qui l’attendait. Il n’est pas facile de commencer sa vie à quarante ans. La beauté d’Akbaïan, son seul atout, allait disparaître. Et elle serait comme un argamak, qui était en avance pendant tout le baïga , et puis il s'essouffla et fut en arrière. Et il ne lui restait rien de plus que regarder avec envie les autres coureurs, qui ménageaient leurs forces plus efficacement, le passer un après l'autre et s'élancer vers la ligne d'arrivée.
Curieusement, lorsqu’on est allongé dans un lit d'hôpital, on pense toujours sur le passé. Je pensais souvent à ce que je sortirais de l'hôpital et je passerais mes premières vacances dans les endroits où j’eus passé mon enfance. Je voulais aller sur la berge d'Ichim et regarder longtemps ses vagues bleues. Auparavant, je n’avais jamais assez de temps pour penser à la terre qui m’eut donné naissance, à mes parents, à mes amis d'enfance. Comme si j’appartenais seulement au présent jour. La maladie évoqua pour moi mon passé. Je sentis ma liason avec ma patrie – le sentiment qui est peut-être propre à chaque être vivant, même à une bête ou oiseaux. Un chasseur me raconta qu'avant de mourir le cygne toujours pose sa tête dans la direction vers son nid, dans lequel sa mère l’eut couvé. Ou peut-être la cause n’était pas ma maladie mais ma vieillesse approchant. Plus la personne devient âgée plus souvent elle se rappelle sa maison natale. Seulement par cela on peut expliquer la coutume qui fut établie au temps jadis: où qu’un Kazakh meure, selon son testament on doit l'enterrer là où se trouvent ses ancêtres. Bien sûr, ce n’était pas chacun qui pouvait s'offrir un tel luxe. Pour cela on avait besoin de chevaux et d'argent.
Alors, je planifiai un voyage dans mon aoul natal. Je décidai de trouver après cela la tombe de Sadyk. Puis, je voulais à l’aide du journal trouver mes amis de front, mes camarades qui eurent partagé avec moi la captivité fasciste. En bref, je fus entièrement pris par le passé.
Et mes pensées à propos d’Akbaïan étaient déjà liées avec le passé.
Mais j’allais sortir de l'hôpital, et derrière sa clôture mon avenir m'attendait, donc il était temps d’en penser aussi.
Après avoir quitté l'hôpital, le lendemain déjà et ne pus plus me retenir et vins au trust, bien que mon certificat d'arrêt de travail ne fût pas encore signé. Et aussitôt je fus emporté dans un torrent impétueux de la vie présente, qui se précipitait à l'avenir.
Je pense que j’ai déjà dit que le minerai à Myskazgan fut extrait selon le système "de chambre". Comme dans de nombreuses mines du pays. Cette méthode avait ses avantages et ses désavantages. Et le plus important désavantage était ce qu’après l’exploitation au-dessous de la terre il y avait de gros piliers tournés de la même roche minérogène coûteuse. Les piliers étaient si nombreux qu'ils constituaient une fortune jetée on aurait pu dire au vent, sIl ne s’agissait des fonds souterraines. Bien sûr, notre région fut riche en minerai, mais ses réserves n’étaient pas illimitées. Et les taux de production augmentaient. Si en ce temps-là des locomotives et des camions basculeur allaient sous la terre comme si sur les avenues de la ville, le lendemain le minerai aurait pu être extrait tout simplement à l’aide d’un tapis roulant. Et après cinquante ans ce tapis apporterait des fonds vides la dernière tonne de minerai.
Bien sûr, si on ne pensait pas à l'époque où nos descendants seraient venus aux mines, on pouvait rester calme. Le minerai à Myskazgan serait suffisant pour toute ma vie. Il en y aurait assez pour réaliser des plans de confrontation majorés et obtenir des primes et des récompenses. Mais je fus toujours outré des dirigeants qui ressemblaient le monarque fameux qui eut dit: "Après nous - le déluge". Bien sûr, dans leurs cas les mots ne furent pas si candides. Ils furent voilés d’une telle formule: "Le pays a besoin maintenant du minerai et mon devoir est de le donner à mon peuple dans un temps accéléré et autant que possible. Par n'importe quel moyen. Et qu'est-ce qui se passera dans une centaine d'années – que des organisations de planification y pensent. Là-haut, ils savent mieux. Et puis nos petits-enfants seront capables de prendre soin d'eux-mêmes". Ça avait l'air d'aller, il n'y avait pas de raison pour reproches. Mais ici et là – est-ce que la terre n’était pas dévastée trop stupidement..?
J’aimais Myskazgan et je souhaitais qu'il épanouît non seulement pour moi mais pour ma fille Aïda, et pour mes petits-enfants et arrière-petits-enfants. Je souhaitais à ma ville d’exister aussi longtemps que les gens vivraient sur la terre. C’était pourquoi tout le dernier temps je ne pensais que sur la façon d'extraire le minerai sans perte en l’extrayant des dépôts jusqu’au dernier grain. Et encore une fois, comme autrefois quand j’eus dû lutter contre Aljan pour le développement du gisement de l'est, j’harcelais les spécialistes, je les pressais questions, je lisais des revues et ouvrages scientifiques. En mon absence on m’appelait le "radin" et "pessimiste". "Pourquoi est-il si inquiété? – s’étonnaient les "optimistes". – Il y a tant de minérai qu’on ne peut pas l’évaluer. Chaque année les géologues découvrent sous nos yeux des nouveaux filons".
C'était comme ça. La richesse de Myskazgana semblait se multiplier année après année. Le jour précédent, dès que je finis une longue conversation avec l'ingénieur en chef du trust, dans mon bureau, ignorant la secrétaire surprise, entra un jeune géologue. Ce gars eut travaillé dans un groupe, qui eut fait la recherche de minerai à Bozchatas situé à une quarantaine de kilomètres de la ville. Le géologue entra comme dans un moulin, mal rasé, en veste, avec un sac à dos dans sa main, s’il venait d’arriver à Myskazgan en auto-stop. Les yeux du jeune homme brillaient comme deux soucoupes, et je compris qu'il apporta quelque chose, que dans sa vie encore pas riche d’événements une chose incroyable se passa.
Le gars se dirigea vers mon bureau et y mit avec fracas son sac à dos.
- Ça va! – dit-il brièvement.
- Est-ce que vous avez trouvé un nouveau filon? Tout est confirmé? - demandai-je, en regardant le sac à dos.
- Le filon! Et quel filon! Mais pas le nouvel. Ici, vous ne l'avez pas deviné. Vous savez, les gens ont déjà extrait le minerai là-bas. Dans les temps anciens! Entendez-vous? Nos lointains prédécesseurs y ont extrait le minerai. Et pas seulement ça! - Ils l’y ont fondu. Ne me croyez-vous pas? Regardez! - dit le géologue exulté.
Il enfonça sa patte brunie par le soleil et la poussière dans le sac à dos et en sortit quelque chose.
- Je ne vois pas - lui dis-je avec un sourire.
- Voilà! Un oiseau! Coulé cuivre. Et avant cela il a été couvert d'or!
Il ouvrit son poing. Sur sa paume large comme une pelle, il y eut une miniature d’un oiseau bizarre. L’oiseau fut coulé en cuivre, mais son plumage garda encore des traces de dorure.
- Est-ce le même oiseau d'or...? - murmurai-je, m'était effarouché. Je crus toujours que l'oiseau d'or existait seulement dans la légende racontée par ma grand-mère. Et voilà, il était en face de moi, coulé par un ancien sculpteur.
- Qu-est-ce que vous voulez dire par "le même"? – s’inquiéta le géologue. - Cette chose a été cachée dans le sol pendant des siècles. Et nous sommes les premiers de nos contemporains qui l'ont vu.
- Ne t'inquiète pas. Je me suis rappelé une légende. Il y a une légende de l'oiseau d'or, - calmai-je le géologue.
- C'est intéressant. Racontez-moi ça - demanda l'homme en s'assoyant sur une chaise et en mettant le sac à dos sur le sol, à côté de lui.
J’eus quelque chose à faire. Et je ne fus pas Schéhérazade. Mais le jeune homme avait déjà une lueur de curiosité dans les yeux. Et en plus, c’était lui qui eut apporté l’oiseau d'or. Eh bien, si on pouvait raconter la légende en cinq minutes, pourquoi ne pas le faire?
- Il était une fois un oiseau d'or qui vivais dans notre pays – commençai-je par les mots de ma grand-mère. - Dieu lui a donné de la beauté et de la liberté. Mais c’était seulement sa surface qui a été d'or. Dieu a créé l’oiseau en cuivre ordinaire et a appliqué une fine couche d'or sur sa surface. "Mais un jour tu deviendras un vrai oiseau d'or – a rassuré le Très-Haut. - Mais pour cela tu dois remplir l'une des deux conditions".
- Sabyr-aga, et quelles conditions a posé le Tout-Puissant? – demanda le jeune homme avec impatience, juste comme j’eus intérrompu ma grand-mère quand j’étais petit.
- "La première condition - a dit Dieu. - Alors que tout le monde va penser que tu es d'or, tu ne dois jamais oublier que tu a été en fait créé en cuivre".
- Et la deuxième? – ne put toujours se retenir le géologue par quoi il me fit sourire.
- "Et voilà la deuxième condition: les gens penseront que tu es en or, mais tu ne peux pas leur cacher que tu es en cuivre. L'homme naît bon. Après avoir appris la vérité, il te souhaitera de bon coeur que tu puisses devenir rapidement un véritable oiseau d'or. Et je le prendrai en considération, je te le promets".
- Et quoi l’oiseau? – demanda le gars.
- L’oiseau créé en cuivre et recouvert d'or, n'a respecté aucune des conditions mises par son Créateur. Elle pensait comme ça: si quelqu’un veut me considéré comme d'or, pourquoi dois-je le décevoir? Qui sait, peut-être qu'il se désintéressera de moi? En outre, je ne vois rien de mal en ce que je suis de cuivre. Et personne n'a besoin de connaître ma vraie nature.
- Et quelle est la fin de cette histoire? - demanda le géologue.
- Tout-Puissant a décidé de démasquer l’oiseau pour l'homme. Pour qu’il comprenne que sous une fine couche d'or se trouve le cuivre. Que c’est une nature de l'oiseau.
- Et qu'at-il fait?
- Il a essuyé la dorure menteuse. Et le cuivre s’est couvert tout de suite d'oxyde vert. Pauvre oiseau hier encore brillant, il s’est transformé en un morceau de métal mat. C’est ça, mon fils... Sois toujours honnête, ne cache pas des gens tes désavantages et ne paonne pas. Et les gens vont t’aider à devenir un bon homme, - terminai-je toujours par les mots de ma grand-mère.
- Oui c’est ça – admit le géologue et ajouta avec confiance: - J’ai connaissais une fois l'un de ces oiseaux. Comprenez-vous ce que je veux dire?
Oh, la jeuness! Ce jeunot woulait dire que même s’il était encore jeune, il connaissait déjà la vie.
- Puis-je regarder? – demandai-je. Le jeune homme commença à s'agiter.
- Bien sûr, bien sûr. Je vous l’ai apporté pour cela.
Et voilà cet oiseau fut sur ma main. Oui, c’était le cuivre. Quelqu'un eut essayé de le nettoyer, mais les taches verdâtres de l’oxyde s'incrustèrent fermement dans le corps de l'oiseau. Et moi, ayant oublié la légende couris toute ma vie après l'oiseau d'or. Et lui aussi, finalement il se trouva être de cuivre... Qui sait, peut-être l'oiseau faux couché sur ma paume était le même oiseau, à propos duquel le récit fut fait dans les temps anciens qui nous connaissions déjà sous forme de légende? Et qui était-il, le maître qui créa cette chose fine?
- Je me suis un peu intéressé par l'archéologie. En tant qu'amateur, bien sûr – dit le géologue avec insouciance et modestie drôle affecté. - A mon avis, il y a l’influance ici des Sakas de la mer Noire. Et puis, vous savez: les échanges commerciaux, les routes caravanières etc. Mais attendons ce que les professionnels diront. Je veux le donner à un musée.
"Eh bien, au plaisir de te revoir au musée" – dis-je mentalement à l'oiseau d'or en le retournant à son propriétaire temporaire.
- Et c’est bon, le filon? – demandai-je en retournant au début de la conversation, à sa partie d’affaire.
- Le minerai est de première qualité! Seulement le cuivre! - rapporta fièrement le géologue en mettant l’oiseau dans son sac à dos. – Vous resterez bouche bée quand vous verrez les dossiers.
Il jeta son sac à dos sur son épaule et toujours brillant, triomphant sortit du bureau.
Et moi, j’étalai mes notes et décidai de faire un point de mes recherches. Il fut presque soir, la journée de travail fut terminée, et j’espérais que personne ne me dérangeât. Mais dès que je pris un stylo, j’entendis quelqu’un frapper avec instance à la porte.
Le secrétaire fut déjà partie elle frappait d’une autre manière, tout doucement. "Qui est-ce?" – pensai-je irrité et criai:
- Entrez!
C’était Kaïssar qui entra dans le bureau. En ces temps derniers, il était mal luné, et ce jour-là ne fut pas l’exception. Je me fus assis près d’une lampe de table allumée, et son visage au crépuscule près de la porte ressemblait à une tache blanche.
- Pourquoi es-tu ici? – s’étonna Kaïssar, comme si je devais être ailleurs en ce temps-là.
- Je vais travailler. Je veux écrire au ministère à propos de mes considérations – dis-je en espérant qu'il appréciât l’importance de mes intentions, et ne me dérangeât pas.
- Et tu peux travailler tranquillement maintenant? – s’étonna encore plus Kaïssar.
- Mais pourquoi pas? – m’étonnai-je à mon tour.
- Que dis-tu? Est-ce que tu ne sais pas ce qui est arrivé à Akbaïan?.. Mon cœur fut serré par une main invisible froide.
- Avec Akbaïan...- demandai-je sentant quelque chose de terrible.
- Elle a bu tant de somnifères que… Je viens d’être à l'hôpital - dit sinistrement Kaïssar.
Je courus vers lui, le saisis par le revers et le secouai.
- Est-elle vivante? Je te demande: est Akbaïan vivante?
- Maintenant oui, mais on ne sait pas ce qui va se passer... Elle a laissé une lettre pour vous. Tiens!
Il me tendit une feuille de papier pliée sur lequel il était écrit: "À Sabyr Shakirov, personnellement."
Je lisais comme passant à travers le brouillard. L'écriture d’Akbaïan fut illisible. Habituellement, elle écrivait distinctivement et soigneusement chaque lettre. Mais cette lettre fut écrite comme si Akbaïan avait de la fièvre, les lettres furent inégales, pas comme d’habitude.
"Sabyr, - écrit Akbaïan, - te rappeles-tu de notre rencontre dans la steppe? Avant la guerre? Au printemps? Nous sommes allés avec les filles cueillir les fleurs et quand nous sommes revenues, nous t’avons rencontré. Te souviens-tu? Tu m’as encore raconté une parabole sur un petit batyr. Et tu as voulu que je fusse plus belle de toutes les fleurs au monde.Donc je veux que tu saches que cela a été le meilleur jour de ma vie. Ces derniers temps, je voulais te sauver en cas de malheur, mais je t’ai presque détruit. Et tout cela est à cause de ma peur damnée. Oui, oui, j’ai craint la vie, telle qu'elle était. J’ai eu peur du malheur et de la difficulté qu'elle apportait. Mais, n’est-ce pas trop de péchés pour une personne? N’est-il pas temps de payer pour tout?.. Je te demande seulement une chose. Même si tu ne me pardonnes pas, tout de même: un jour de printemps cueillis dans notre steppe un bouquet de perce-neiges (les mêmes comme le jour d’autrefois) et mets-les sur ma tombe... Adieu! Akbaïan".
Je ne sais pas combien de temps je passai sur cette lettre la lisant encore et encore. Quand je levai les yeux, Kaïssar fut déjà parti...
Akbaïan survécut.
Une semaine plus tard, sur mon chemin au trust, à défaut de perce-neige, j’achetai un bouquet de tulipes et vins à elle à l'hôpital.
L'infirmière de service m’accompagna dans la salle et regarda silencieusement le lit contre le mur. Akbaïan fut couchée sur le dos, les yeux fermés. Ses joues étaient pâles et un peu creuses. Seulement ses longs cils épais palpitaient légèrement, comme pour dire qu'elle ne dormait pas.
Deux femmes en blouses d'hôpital assis sur les lits, se levèrent à l'unisson et aussi silencieusement que l'infirmière quittèrent la pièce. Je restai tête-à-tête avec Akbaïan.
Comme si elle sentit ma présence, elle ouvrit les yeux. Ils semblaient encore plus énormes sur son visage amaigri pâle. Et en plus: ils perdirent leur brillance habituelle. Des yeux d’Akbaïan, de leurs sombres profondeurs le chagrin lui-même me regarda.
Elle sourit piteusement:
- Tu vois, je n’ai même pas mourir.
- Il n’est pas encore temps de mourir – dis-je gaiement. - Je veux dire, il n’y a pas de perce-neiges. Leur saison est terminée. Il faut attendre jusqu'au printemps. Pour l'instant, j’ai apporté cela.
Et je mis un bouquet de fleurs sur la table de nuit à côté de son lit. Les yeux Akbaïan brillèrent d’étonnement et de joie. Puis ils s'éteignirent. Akbaïan ferma les yeux battus. Je me retournai et sortis.
Ce jour fut incroyablement tumultueux. Au conseil technique nous s'époumonâmes à touver solution concernant ma proposition de commencer l’extraction minière à ciel ouvert à une mine éloignée. Ensuite, je vins au Bureau du Comité du Parti de la ville, il s’agissait de notre trust. Quand je retournai, il y eut déjà une file d’attente dans l’antichambre... Après cela on commença la réunion de la Commission du logement où on distribua des appartements dans les nouvelles maisons... Et puis... il y eut beaucoup d'autres "puis". Et bien des fois parmi les affaires d'urgence, je me souvenais de la lumière d’étonnement et de joie brillée dans les yeux battus sombres d’Akbaïan quand je lui rappelai les perce-neiges.
I.Essenberline
L’Oiseau d’or
Roman
Éditeur: V. Zakharov
Éditeur technique: E. Tretskov
Conception et mise en page: R. Baïanbaïev RM, I. Nikolski
Correcteurs: S. Nikolskaïa, V. Assanov, A. Smaïlova
MÉ "Nomades"
Tél.: 62-85-42,69-45-19, fax: 50-61-97, portable: 8-333-216 6998,8-333-2174247
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