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Mousrepov Gabite «Soldat De Kazakhstan»

27.08.2015 2283

Mousrepov Gabite «Soldat De Kazakhstan»

Язык оригинала: "SOLDAT DE KAZAKHSTAN"

Автор оригинала: Gabit Mousirepov

Автор перевода: not specified

Дата: 27.08.2015


Nouvelle


Alma-Ata    «Jazouchi»   1977

Kaz2
М91

Traduction autorisée de la langue kazakhe de Stépane Zlobine
Article d'ouverture 
de Z. Krakhmalnikova

Imprimé d’après l’impression «Soldat de Kazakhstan» de l’édition «Khoudozhestvennaya Literatoura»,  ville de Moscou, 1969.

Mousirepov Gabit.
М91   Soldat de Kazakhstan.  Nouvelle. Traduction autorisée de la langue kazakhe de S. Alobine. Alma-Ata, «Jazouchi», 1977
208 pages. Kaz2

70303 — 026
М   9Т — 77
402(07) 77

© Traduction du kazakh, «Jazouch», 1977,


Gabit Mousirepov et sa nouvelle

 «Les Kazakhs n’ont pas de romans, et les romans n’ont pas de lecteurs non plus», - disait âcrement le fils de talent du peuple kazakh le poète-démocrate Sultanmakhmut Torayguirov il y a un demi-siècle. Sabit Moukhanov, qui a cité ces paroles de Torayguirov il y a quelques ans dans un de ses articles, remarquait: «et c’était une vérité sévère».
A cette époque uniquement la poésie d’Abaï pouvait être mise dans un seul rang avec la poésie d’autres pays : à ce moment là il n’existait pratiquement pas de prose dans la littérature kazakhe, tout d’abord parce qu’effectivement il n’y avait pas de lecteurs. Dans un pays gigantesque, où on placerait quelques Frances et Belgiques, on pouvait compter sur les doigts toutes les personnes instruites.
Mais depuis, plusieurs choses changent: dans les steppes kazakhes, ainsi que dans la vie du peuple kazakh. Et on voit déjà apparaître «Abaï» de Moukhtar Aouézov aux maisons d'édition françaises. L’auteur de l’introduction au roman Louis Aragon écrivait: «Je crois que c’est un grand honneur pour moi d’être à mon pays un promoteur de son œuvre. Le roman épique «Abaï», à mon imagination, est une des plus grandes œuvres de XXième  siècle...» Le roman a un très grand succès, on le traduit en roumain, polonais, bulgare, slovaque, tchèque, hongrois, allemand, anglais et chinois. On traduit également «Karagandaу» de G. Moustafine, «Années sévères» de T. Akhtanov... Les articles sur la littérature kazakhe apparaissent non seulement en kazakh, les critiques à Moscou, Paris, Leipzig, Bruxelles écrivent de la prose moderne de Kazakhstan ... Les paroles amères de Sultanmakhmut Torayguirov sont devenues uniquement le patrimoine de l’histoire. 
Imprimée au Kazakhstan en 1948, la nouvelle de Gabit Mousirepov «Soldat de Kazakhstan» a apparu dans un an en sa traduction russe, et en 1958 on l’a imprimée en France et en Belgique.
Au mois de mars 1951, «Literatournaya gazeta» a imprimé une petite notice sur la conférence de lecteurs au chantier pétrolier Dossore, et comment les lecteurs ont rencontré le Héros de l’Union Soviétique Konstantin Ismagoulov, qui est devenu le prototype du héros de la nouvelle de Gabit Mousirepov «Soldat de Kazakhstan»  Kayrouche — Kostia Sartaleev. Konstantin Ismagoulov racontait aux lecteurs sa vie, la guerre, et la nouvelle «Soldat de Kazakhstan», connue et aimée par les lecteurs, leur s’est ouverte d’un autre côté, qui était complètement nouveau.
Cependant, le héros de la nouvelle de Gabit Mousirepov n’a pas du tout acquis à la conférence de lecteurs les traits de la personne existante en réalité par hasard, pas tout à coup. L’œuvre de Gabit Mousirepov est toute enracinée dans le sol de la patrie. On pourrait suivre cette liaison dans les premiers récits et nouvelles de Mousirepov apparus aux années 1920: «Dans le gouffre», «Kos-Chalkal», «Voisins de la maison verte», «Stupide»; au cycle de nouvelles «Saga sur la mère»; et aux pièces:
«Amangueldi», «Kozi-Karpeche et Bayan-Soulou», «Tragédie du poète»; et enfin, à son roman célèbre «Pays éveillé» — une œuvre échelonnée de la littérature kazakhe.
Même alors, les critiques ont noté, que malgré une base documentaire historique du roman, effectivement, il décrit les mœurs, c’est même un roman de mœurs, et y voyaient une particularité de la personnalité d’écrivain de Gabit Mousirepov . Et effectivement, quoi qu'il écrive, Gabit Mousirepov est un maître subtil de typage social et des motivations sociales, il voyait devant lui sa terre natale, la vie réelle des gens l’excitait avant tout. Cet intérêt passionné, le besoin de participer par son œuvre dans une nouvelle vie de Kazakhstan définissent le pathétique de toute œuvre de Gabit Mousirepov, son orientation, ses passions artistiques, même le style.
Les critiques de chez nous et à l’étranger ont beaucoup et différemment écrit de deux éléments stylistiques de la nouvelle «Soldat de Kazakhstan»: lyrique-romantique dans la première partie — de la présentation originale de toute la narration (l’enfance, l’adolescence du héros), et la deuxième partie réaliste sévère, que certains a cru un peu sèche et moins réussie à l’écrivain.
On reniait la nécessité artistique conditionnée par ce type de la distinction stylistique. Mais cependant, à la nouvelle il s’agit du changement de la vie de tout le pays, au-dessus duquel la guerre affreuse est tombée, et comment l’âme du jeune homme atteignait l'âge viril. Il s’est retrouvé non seulement un témoin, mais un acteur actif de tous ces événements tragiques et héroïques, du chemin, que le jeune soldat de Kazakhstan a fait avec tout notre pays. Est-ce que ce type de bouleversement pouvait de ne pas influencer tous les côtés de notre vie dans la nouvelle, ayant comme objectif de reproduire exactement de la manière réaliste le processus lui-même du mûrissement de l’âme du héros, qui a passé toutes les épreuves arrivées à l'homme soviétique pendant les années de la Guerre Nationale? Et, par conséquent, comme il s’agit de l’œuvre organique de l'art, est-ce que tout le style de la narration pouvait ne pas changer à cet effet dans la deuxième partie du livre, où il s’agit non seulement d’autres matière vitale et humaine, mais également reflétant un état de l’âme de l’auteur?
D’ailleurs, la première partie, où on donne «uniquement» la présentation du contenu principal de la nouvelle, parlant des sentiments d’enfance, de l’amour et de l’amitié de la jeunesse et arrêtant l’attention par le lyrisme fin, cette partie de la nouvelle de Mousirepov n’est pas du tout idyllique. Le lecteur verra, que le chemin du héros dès le début n’était pas parsemé avec des roses, que c’est là, au début, à la source, son caractère a été défini, en apparaissant par la suite en accord complet avec la logique de son développement.

«Je ne me souviens presque pas de détails de mon enfance, — dit le héros, — Il a volé comme une balle lancée, s’est cognée contre le mur, a rebondi, a sauté sur place et est resté immobile... Et voilà, j’ai déjà dix ans. Je me tiens debout devant un troupeau de vaches s’éraillant sur la rive de la rivière comme des chenilles sur un arbre. Ma propre ombre de matin est couchée sur le sable. Elle est longue, étonnement distincte, et, comme moi-même, est en train de regarder avec étonnement ma première rencontre avec la vie. Elle porte le même chapeau de fourrure aux oreilles pendantes, le même tchapan  de père, que moi-même, et entre les mains est mon bâton de berger reçu du grand frère, qui est parti à la construction à Gouriev...»
Et la rencontre du petit héros avec la vie, qui est «observée avec étonnement» par son ombre, est cependant très sérieuse: «le militant» de kolkhoze de l’âge de dix ans, qui a été déjà trois fois admis à la réunion dans la salle de propagande, où il dormait en toute sécurité derrière le poêle, sans avoir compris de quoi il s’agissait pendant ces réunions, est quant même entré dans le conflit avec Kara-Mourte tout-puissant, qui s’est déclaré le Président du kolkhoze et croyant, que «tout l’aoul  — les gens ainsi que tout le bien — seront à sa disposition complète». Bien que si on puisse appeler cela un « conflit »: le petit garçon est charmé par la puissance secrète du président terrible, qui lui a promis une punition sinistre — «quarante nuits dans le hangar» — pour toute la faute, le garçon en panique s’enfuit de l’aoul natal on ne sait où, pourvu que plus loin de cet homme, de sa moustache claire en brosse et de son regard glacé des yeux incolores. Une jeune génisse du troupeau qu’on a confié au petit garçon, a disparu! Si c’était le loup qui était coupable de sa disparition, ou la génisse s’est égarée elle-même, on ne sait pas où, il est inutile d’y penser — et le garçon s’est mis à courir, sans oser même de penser à ce que Kara-Mourte va faire avec lui. Cependant, peut-être, ce n’était pas seulement la peur, qui bousculait le garçon: «Peut-être, je courrais de la menace terrible de Kara-Mourte, mais peut-être, c’était la vie d’aoul, stagnée depuis les siècles, monotone comme une steppe dormante, où les vagues bleues de mirage font naître les mers, auxquelles on ne peut jamais atteindre, je courrais vers la nouveauté urbaine. Qui sait? Peut-être».
Dans l’aoul Kayrakti restait la mère, qui arriverait quelques fois chez le fils, partout où il se trouve, là il y avait Akbota «potelée» — «un chamelon», le garçon gardera l’amour pour elle toute sa vie; l’aoul natal, la steppe avec les troupeaux y pâturant restaient derrière lui... Non, bien-sûr, non seulement la peur de Kara-Mourte tout-puissant chassait le garçon plus loin et loin vers le fleuve Oural, et encore plus loin — vers la vielle mer Caspienne, et avec lui, il parait, aussi «la vie d’aoul, stagnée depuis les siècles, monotone comme une steppe dormante...» courrait.
Quoi qu'il en soit, mais le petit «militant» de kolkhoze ne s’est pas retourné dans l’aoul natal: «les Universités» de Kayrouche Sartaleev ont commencé au marché de ville de Gouriev, et ensuite dans l’amitié avec un adolescent plus grand Cheguin et le petit Borache, et ensuite dans l’orphelinat; avec les gens, qui l’aidaient à découvrir en lui-même des qualités et des comportements que «le loqueteux incroyablement sale avec une figure gonflée» arrivé une fois pour chercher son salut dans une ville jamais vue, ignorait.
Mais Kayrouche retrouvé dans l’orphelinat, après avoir dit adieu pour toujours à son aoul natal, ne l’a pas rayé de son cœur. Il se jette dans les bras de sa mère, ravi inhale l'odeur de la steppe natale, malgré la peur panique, que la mère après l’avoir trouvé dans l’orphelinat, reprendrait avec elle et de nouveau il se retrouverait en face de Kara-Mourte. Il sent de la douleur de la perte irrévocable de sa mère et de l’aoul, quand l’orphelinat est transféré à Ouralsk, le véhicule passe devant ses lieux d'origine plus loin de l’aoul: «Si le véhicule allait plus lentement, je pourrais, peut-être, sauter et m’enfuir à la maison. Mais le véhicule accélérait le long de la route. Personne ne me comprenait, tous chantaient avec insouciance, et moi, en me penchant contre le panneau de carrosserie et en cachant mes larmes, je pleurais silencieusement et sans bruit, avant de m’endormir, bercé par les clignotants monotones des collines d'automne».
C’est le ressentiment du début, toujours présent chez Kayrouche, et le fait intérieurement riche, sentant profondément et pensant à ce qui se passe autour de lui. D’ici prend son origine son mécontentement de lui-même («Et alors, qu’est-ce que j’ai fait de bien dans la vie?» — se demande-t-il, en faisant des conclusions de sa jeunesse), une idée de faire quelque chose d’important pour son peuple, il écoute les informations sur les changements se passant dans son aoul natal avec un vif intérêt; c’est pourquoi il attend avec impatience les lettres de l’armée de son plus grand ami Cheguin, elles lui donnent de l’espoir, suscitent de la confiance en lui-même, la sensation romantique de l’ami aide Kayrouche à secouer la timidité et l’incertitude, ces lettres deviennent un appui important dans ses doutes de jeunesse, aident à trouver des forces pour survivre le drame personnel, rester fidèle à l’amour envers Akbote, qu’on a donnée en mariage...
Kayrouche-Kostia grandit à nos yeux, l’auteur écrit de lui avec de l’amour et de la tendresse, ne cache pas ses faiblesses, ne fait pas de silence des difficultés, auxquelles il est confrontées. Et justement pour cette raison le lecteur a de la crédibilité pour l'auteur, les images de la vie, qu’il restaure dans sa nouvelle, restent dans la mémoire, et le héros inspire de la compassion déjà comme une personne connue et proche par son âme.
«— Vous ne cacherez rien, et je n’ajouterai rien. — Ça convient! Je ne vais rien cacher, mais vous, n’ajoutez pas non plus. — On a convenu comme ça». Ces paroles ont été prises par Gabit Mousirepov pour l’épigraphe de la première partie de «Soldat de Kazakhstan». Elles pouvaient devenir une épigraphe à tout le livre également. Mais elles reflètent très exactement l’emphase intérieure de la narration sur l’enfance et la jeunesse: l’auteur n’a rien caché sur son héros.
Un des héros de la pièce de Gabit Mousirepov «Amangueldi» se rappelle de l’Arrêté blessant de Nicolas II: «Il y est dit, que nous, les Kazakhs, n’avons pas de la patrie, qu’en vivant des siècles sur notre terre natale, nous y sommes les étrangers, les allogènes! Nous n’avons pas mérité auprès du tsar, qu’on nous appelle comme les gens: les Kazakhs, les Kirghiz, les Turkmènes... Mais on n’est pas les gens pour le tsar, mais du bétail, il a décidé de nous utiliser comme un bétail: chasser en troupeau aux travaux les plus noirs. Pas au front, pas faire de la guerre — il a eu peur de nous donner de l’arme. Comment donc! Nous sommes les a-llo-gènes, n’est-ce pas!..»
En octobre 1917 on a fini avec cette attitude en Russie. L’année tragique de 1941 Kayrouche Sartaleev a rencontré avec l’arme en mains, en qualité du soldat des formations de garde-frontière, en réussissant même d’accumuler à cette époque une expérience de combat: sur son compte il y avait deux contrevenants détenus. Et le héros de la pièce «Amalgueldi» disait avec de la colère et de l’amertume, que les Kazakhs n’avaient pas de patrie, et alors, n’avaient pas de droit de la défendre. Les droits de Kayrouche sont conquis pour lui par la révolution, et maintenant dans l’heure difficile, il protège ces droits lui-même.
Kayrouche Sartaleev de l’aoul kazakh Kayrakti près de Gouriev devient soldat de Kazakhstan, un des millions des gens soviétiques qui ont tenu tête dans une bataille sanglante contre le fascisme, après avoir rempli son devoir de défendre les acquis de la révolution.
La guerre «arrive» dans le livre de Gabit Mousirepov de la manière simple et banale: Kayrouche est dans l’équipe de soldats veillant l’ordre au point de passage. Le bruit du moteur, l’hurlant de klaxons des véhicules, les conflits et les abus — ce n’est pas du tout à quoi le jeune homme romantique se prépare et attend les premiers jours du combat mortel avec l'ennemi: «Nous luttons pour les choses les plus simples et indiscutables — pour garder l’ordre successif du passage et ne pas admettre des embouteillages pendant le passage ou le traversé du pont. Ce travail quotidien nous fait ressembler aux miliciens-agents de la circulation. Où est ici une place pour le héroïsme ou un exploit!» Mais à travers «le pont inconnu» des milliers de gens, certains véhicules passent, et des Allemands bombardent le point de passage, le lieutenant est gravement blessé, le sergent Kayrouche reste un seul chef, dans son premier rapport à l’état-majeur sur la blessure du lieutenant il signe comme «le chef du point de passage» et il se voit lui-même d’être «fier comme un gamin de cette signature». Et cependant au point de passage il y a un embouteillage après un autre, il doit résoudre immédiatement de nouveaux problèmes en prenant en compte la situation, les circonstances de chacune des unités. Et les bombardements constants de l’aviation fasciste régnants dans l’air, qui finalement brûleront et détruiront le point de passage.
C’était le baptême de feu de Kayrouche Sartaleev. En avant il y aura encore des combats sans cesse, l'amertume du manœuvre de la retraite, la bataille près du Rostov-sur-le Don, quand les soldats «ont été écrasés» par les paroles: «Moscou est en danger!», et ici, sur le pont près de Rostov-sur-le Don, le soldat de Kazakhstan va défendre Moscou en se sentant «une petite partie du pays énorme». Et ensuite les nouvelles batailles, les blessures graves, l’hôpital, et de nouveau le front et, enfin, la bataille pour la Crimée, où Kayrouche Sartaleev avec ses camarades feront leur exploit.
Vers cette époque derrière le héros de Gabit Mousirepov se trouvent l’enfance, la jeunesse, qu’il ne peut jamais se retirer nulle part, et il ne pourra pas s’en aller — ce sont sa richesse et sa force: la hutte dans son aoul natal, la ville très dense, étroite, bruyante comme la foule de marché, où il s’est retrouvé un jour; sa mère, Cheguin, Akbota... Derrière lui la compréhension de ce qui était Moscou dans la vie d’un petit aoul Kayrakti, un sentiment de continuité et des liens. Derrière lui les routes difficiles de la guerre, la mort des amis, les crimes du fascisme, que Kayrouche a connu non pas des récits ou des livres : c’est sa propre expérience. Et c’est pourquoi, quand son destin militaire envoie notre héros à la péninsule de Taman sillonnée par les chenilles des chars, couverte par les petites collines des fosses communes, des tas de machines cassées, quand il se prépare avec ses camarades à un saut au-dessus du détroit de Kertch, nous voyons déjà un homme formé, fort, prêt à ce qui va lui arriver.
C’est là où se trouve une des raisons du succès de la nouvelle de Gabit Mousirepov: l’auteur ne dépeint pas, n’illustre pas le canevas de la biographie du héros, il fait la connaissance des lecteurs avec le processus lui-même de son évolution spirituelle, de la virilité. Le lecteur devient une personne de confiance du héros, sympathise à chaque son pas.
Et voilà le débarquement en parachute est fait, une bataille courte de nuit sur la côte est déjà passée, l’ouvrage permanent de fascistes sur la hauteur est pris, le capitaine est tué, et Kayrouche avec un quarteron de combattants restent un représentant de son pays en Crimée envahie par les Allemands. Les commandos n’ont pas d’intention de partir, malgré que la bataille à venir soit autant inégale et fantastique: «Prouvons aux Allemands, que nous sommes les maîtres sur notre terre, qu’ils se retirent eux-mêmes!» Et ils vont montrer: ils vont déployer le drapeau rouge au-dessus de l’ouvrage permanent, sur la hauteur, vont repousser les attaques violentes une après l’autre...
«Sur la terre il n’y a pas du pays meilleur que celui où on est né et où on a grandi», — le héros se rappelle de ces paroles de Khadja Nasreddin juste à la finale de la nouvelle. Elles reflètent ses pensées très exactement — Kayrouche sentait leur bon droit au début de la nouvelle, quand il faisait les premiers pas dans sa vie, et il les comprend profondément à la finale, il y restera fidèle durant toute sa vie.
Le succès de la nouvelle de Gabit Mousirepov  «Soldat de Kazakhstan» justement consiste en ce que cette idée n’est pas déclarée par l’auteur, elle est une conclusion complètement organique de toute la narration, elle exprime son emphase, et est confirmée par le destin des héros de la nouvelle.
D’ailleurs, elle n’épuise pas la conception d’auteur. «Sur la terre il n’y a pas du pays meilleur que celui où on est né et où on a grandi, — se rappelle Kayrache Sartaleev en pensant à sa fiancée, qui l’a finalement trouvé sur les chemins de guerre. — je voudrais, qu’il soit encore meilleur pour ceux, que tu vas nourrir au sein...»
La guerre s’est terminée pour le héros de la nouvelle de Gabit Mousirepov, mais la vie continue. Elle doit être encore meilleure, parce qu’on a payé un prix trop élevé pour elle.
Z. Krakhmalnikova

PREMIÈRE  PARTIE:

— Vous ne cacherez rien, 
et je n’ajouterai rien.
— Ça convient! Je ne vais rien cacher, 
mais vous, n’ajoutez pas non plus.
— On a convenu comme ça.
I
Je cours et cours. Le stipa de steppe me fouette doucement mes pieds nus par ses queues poilues ou me pique par ses épines.
La chaleur... Il fait tellement chaud, que même l’ombre essaie de se cacher du soleil au-dessous des gens. Tout autour est si calme et immobile, que cela peut être à midi dans un royaume étouffant des sauterelles et des locustes chantant leur chanson grinçante partout et constamment.
Je cours en me retournant craintivement. Je cours parce que j’ai décidé de m'enfuir dans une ville. Et je me retourne parce que j’ai peur de la poursuite et de la punition. Le grand troupeau de vaches qui m’avait été confié et que j’avais quitté au bord de la rivière, a commencé à se disperser vite sur le champ doré du blé non fauché.
J’ai juste dix ans. Et je suis déjà un citoyen conscient et même un militant: on m’a déjà autorisé de participer à la réunion dans la salle de propagande toutes les trois fois, probablement en supposant, que moi aussi aiderais à comprendre le problème complexe  — ce qui était que le kolkhoze et comment l’organiser dûment. Je ne me rappelle pas ce que j’ai su comprendre. Je me rappelle uniquement, que chaque fois après la réunion je me réveillais, on se demande pourquoi, dans un coin derrière le poêle énorme, où mon chien noir au nez rose Altaï me réveillait par le glapissement triste, comme s’il me reprochait amicalement, que je m’endors dans un endroit public.
Et ce «militant» était en train de s’enfuir maintenant à Gouriev, en se retournant craintivement en arrière. Les paroles  importantes de Kara-Mourte raisonnaient distinctivement dans mes oreilles. Il prévenait solennellement «le militant», en lui confiant le troupeau:
— Pour une disparition du veau je te mettrai dans un hangar pour quarante nuits! C’est clair?
Sa moustache avait l’air menaçant. C’est justement à cause de ces moustaches qu’on l’appelait Kara-Mourte , et à partir de ce printemps, quand on a commencé à l’appeler «le Président», la moustache est devenue encore plus menaçante. Il me paraissait un seigneur unique de nos steppes larges sur les bords desquelles le ciel se penchait.
En effet, Kara-Mourte n’était pas le Président du kolkhoze pour la simple raison, que le kolkhoze n’existait pas encore réellement. Et il est peu probable que quelqu’un de notre aoul l’élirait comme président — Kara-Mourte toujours était celui, de qui on chante dans la chanson kazakhe:

Notre pays triste est inondé par les larmes, 
Parce que dans chaque aoul de steppe il y a son propre Adrakhbaï...

C’était dans ces années lointaines où dans les steppes kazakhes la collectivisation commençait seulement et quand tous les adrakhbaïs en sauvant leurs troupeaux et leurs troupes, essayaient de tourner en leur faveur chaque commencement du jeune pouvoir Soviétique. Et alors, une fois le soir, quand les gens sont montés sur les toits de leurs maisons basses en argile, pour reprendre haleine après les travaux et le labour de printemps, celui-ci, notre «Adrakhbaï» est arrivé au galop de quelque part sur son cheval bien nourri, l’a arrêté près des maisons en les éclaboussant, et en agitant la cravache a crié sur tout l’aoul:
— J’y suis allé!.. Merci Dieu, j’ai convenu! L’aoul Kayrakhti n’existe plus dans le monde, il y a le kolkhoze Kayrakhti, et moi, je suis votre président!
Selon les explications suivantes de Kara-Mourte il résultait que tout l’aoul et tous les gens, et tout le bien se trouvaient à son entière disposition. Et malgré qu’à partir de ce jour il y avait des discussions sans fin au sujet de ce qui était le kolkhoze et comment l’organiser, les femmes de notre aoul, y compris et ma mère, ont commencé à appeler Kara-Mourte «le président», et l’aoul — «le kolkhoze». D’habitude, les enfants répètent les paroles de leur mère, et ceux, qui n’ont pas de père, encore plus. C’est pourquoi pour moi Kara-Mourte devint «président» mystérieux, qui pouvait faire tout ce qu’il voulait, et dans mes yeux il devint encore plus corpulent et plus grand, et les autres se sont réduits à rien par rapport à sa grandeur menaçante.
A ce moment il me semblait, que son regard perçant a remarqué déjà il y avait longtemps ma fuite honteuse, et qu’il galopait derrière pour me poursuivre sur son cheval gris pommelé de la race trotteur Orlov. Je m’imaginais vivement son visage enflammé de colère. Ce faisant sa moustache claire en brosse d’habitude s’écartait en ressemblant à la tarentule brune irritée, les yeux incolores te creusaient par le regard glacé et on dirait mangeait vif. Et de derrière du rang des dents brunes mélangées avec celles en or, sortaient à ce moment les paroles peu flatteuses se rapportant à la naissance «de race basse». Ces souvenirs ne m’annonçaient rien de bien.
Encore avant, lors des minutes de réflexions oisives, j’essayais de m’imaginer, et pas une seule fois, ce qui signifiait cette menace «pour quarante nuits dans le hangar», et mes pensées m’emportaient constamment dans le hangar en briques de Kara-Mourte lui-même, plein de farine, de mouton et de toutes sortes de bien. Il m’arrivait dans les moments de faiblesse, que je presque désirais de me retrouver dans ce hangar de l’abondance. Parfois il me semblait même, que dans le hangar du «président» il serait plus confortable et calme, qu’à la maison, surtout, si on me mettait dans le hangar pas tout seul, mais avec ma petite copine.
Avec une certaine modestie je dois avouer, qu’à cette époque j’aimais Akbota  potelée de sept ans. Elle me payait de retour complètement: soit elle me pinçait mes joues, soit donnait un coup par ses deux poings dans ma poitrine, soit montrait sa langue et se cachait tout de suite dans une yourte . Elle souriait d'un air fâché, et se fâchait avec un sourire, et il me semblait sérieusement, qu’elle avait quelque chose d’un petit chevreau. Je l’aimais de tout mon cœur et étais pressé d’atteindre plus vite l’âge de douze ans, pour lui demander en mariage. Pour cet effet j’ai nommé déjà des marieurs. Par exemple, le responsable de la salle de propagande, qui était un homme assez expérimenté dans ces affaires et soutenait toute la lyrique de l’aoul, ou le gérant du magasin du centre d'approvisionnement du district. Le dernier savait prononcer aux mariages les discours les plus ardents: un vieillard prend pour femme une jeune fille — il y trouvera une attirance éternelle de l’humanité au jeune printemps; un jeune homme se marie avec une femme plus âgée — il tournera tout de la façon différente et commencera à parler de l’orientation de la jeunesse de connaitre au plus vite la sagesse de la maturité. Le mariage de deux jeunes personnes faisait naître dans son imagination des contes de Schéhérazade et une file des récits sur sa propre jeunesse, s’il gardait sa jeunesse pendant de longs siècles et était amoureux soixante-dix ans au moins. Tout le monde connaissait ses récits, y était habitué et les lui pardonnait, comme les gens se pardonnent les petites faiblesses.
Bref, mes marieurs ont été bien nommés, et je ressentais du respect involontaire non seulement à eux-mêmes, mais également à leurs vaches, que j’étais obligé de pâtre. Le plus important maintenant était d’atteindre l’âge  nécessaire. Je rêvais souvent, qu’un matin je me réveillerais d’un coup un garçon de douze ans. Mais parfois dans mes idées les virages vertigineux se passaient: et si Akbota atteint l’âge de douze ans plus vite que moi et se marie avec quelqu’un des «militants»! Pour les filles c’est plus simple. Mais je suis de 3 ans plus âgé qu’elle, et même, comme quelqu’un plus âgé, l’ai battu deux fois. Nous avons pleuré tous les deux après. Mais elle, ma future femme, me paraissait toujours plus rusée que moi.
A cette époque nous ne connaissions encore la loi, d’après laquelle l’âge de dix-huit ans est l’âge de la majorité civile et le jeune homme est inclus dans la liste des jeunes électeurs — devient adulte. La loi non écrite kazakhe déclarait: «On est adulte, quand vingt ans passent du moment où on a poussé son premier cris sur la terre...» Et voila, pour atteindre cette frontière avant qu’Akbota, je me suis lancé en courant en pérégrinations sur les vastes espaces de la vie.
Non, bien-sûr, que je plaisante. La raison y était dans une autre chose.
Je ne me souviens presque pas de détails de mon enfance. Il a volé comme une balle lancée, s’est cognée contre le mur, a rebondi, a sauté sur place et est restée immobile... Et voilà, j’ai déjà dix ans. Je me tiens debout devant un troupeau de vaches s’éraillant sur la rive de la rivière comme des chenilles sur un arbre. Ma propre ombre de matin est couchée sur le sable. Elle est longue, étonnement distincte, et, comme moi-même, est en train de regarder avec étonnement ma première rencontre avec la vie. Elle porte le même chapeau de fourrure aux oreilles pendantes, le même tchapan de père, que moi-même, et entre les mains est mon bâton de berger reçu du grand frère, qui est parti à la construction à Gouriev. Après avoir examiné mon ombre, je me suis trouvé un homme assez solide vêtu du tchapan de père, et fier de moi, je me suis dirigé vers la rivière, en m’appuyant sur le bâton. Mais Kara-Mourte s’est approché de moi et a clairement exprimé sa pensée: «Pour quarante nuits dans le hangar». Cela d’un seul coup a fauché toute ma fierté, et je me suis mis à pleurer, et mon ombre, comme si elle contrefaisait, s’est mise à frotter les yeux.
Jusqu’à ce jour tout allait bien. J’ai dignement pris le relais de mon grand frère. Toutes mes vaches vers le soir se retrouvaient constamment à leurs places. Je ne perdais jamais le compte. Mais aujourd’hui, en comptant de différentes manières, je ne pouvais pas trouver une jeune génisse. Le pire était que la génisse disparue appartenait à Kara-Mourte lui-même (comme d’ailleurs, et une bonne part de notre troupeau de «kolkhoze»). Soit un voleur, soit un loup était coupable de cette disparition — de toute façon, il manquait une génisse. Je sais bien compter et je ne pouvais pas me tromper. Peut-être, cela est arrivé, quand je me suis envolé dans un pays lointain quelconque à un coursier fougueux de mes rêves. La génisse maudite a disparu, comme si elle n’existait pas du tout, le danger d’être enfermé dans le hangar me menaçait, et je me suis mis en cavale. Peut-être, je me sauvais de la menace terrible de Kara-Mourte, mais peut-être, c’était la vie d’aoul, stagnée depuis les siècles, monotone comme une steppe dormante où les vagues bleues de mirage faisaient naître les mers auxquelles on ne pouvait jamais atteindre, je courrais vers la nouveauté urbaine. Qui sait? Peut-être.
De toute façon, je me suis mis à courir le long du fleuve Oural, mais au sommet de la colline proche je me suis retourné en arrière. Le troupeau, que j’ai quitté, nageait comme dans la mer dans le blé haut. Il fallait revenir et les en chasser, et seulement après en toute quiétude se mettre en route de nouveau. Et j’ai fait comme ça.
Pendant que je purgeais ma conscience, en chassant les vaches du blé, le soleil est déjà passé le zénith et a regardé de travers ma petite silhouette. J’ai ôté le tchapan collé au corps, a retroussé plus haut la culotte bouffante de cavalerie à mon père et ai donné la suite de mon affaire. Mon cœur battait la chamade contre les côtes, et je sentais de l’admiration pour l'autodétermination, qui m’a poussé vers l'audace si courageuse, qui est la fuite de l’aoul dans la ville. A vrai dire, il y avait encore une sensation d'angoisse avant l’incertitude à venir, qui s’y mêlait également.
Le soleil me brûlait, et un tas de moustiques comme une colonne chancelant à peine flottait au-dessus de ma tête.
— Le voila, le voila! Il est là! Il est là, le fuyard! — criaient les moustiques en annonçant la nouvelle sur moi au «président».
En avant dans mon imagination je voyais déjà du bruit régulier de la respiration puissante de la mer Caspienne. En se précipitant dans ses étreintes le fleuve Oural redressait son chemin, mais après s’être heurté contre les collines ondulées, a reculé de nouveau dans la vallée.
Vers le soir, quand le soleil flambant descendait paresseusement derrière la mer en brûlant sa houle argentée, toute ma peau, il parait, est devenue rigide à cause des piqûres de moustiques et liait mes mouvements. Au-dessus de la mer l’obscurité en plomb effrayante a apparu. Elle ressemblait à un énorme monstre sombre. Sous sa lourdeur excessive la mer descendait de plus en plus bas. A travers les ténèbres, çà et là, les étoiles solitaires perçaient en rappelant des yeux de loup brillant dans l’obscurité. Moi, à vrai dire, je ne les ai jamais vus encore, mais je pouvais les imaginer très vivement. Dès que cette pensée perfide sur les loups et leurs yeux perçants m’a touché, j’ai commençais à les voir dans mon imagination derrière chaque arbuste.
La chouette effrayée s’est jeté de côté. Le reflet bleuâtre rose de ses ailes m’a rappelé, je ne sais pas pourquoi, le diable. Selon le témoignage d'autorité des vieilles dames de l’aoul notre steppe grouillait de diables, qui ont foisonné surtout depuis que le mollah Ogape n’était plus là. Maintenant ils mènent une ronde chaque nuit à côté de son tombeau en chantant leur victoire. Je ne sais pas exactement où son tombeau se trouve: je savais seulement qu’il était quelque part par ici, près de la ville, c’est pourquoi tout le moment je risquais tomber sur ce tombeau. Et la nuit devenait plus épaisse. Après avoir reculé de quelque monstre, peut-être de l’arbuste, je suis tombé lourdement de la rive dans le fleuve. Le courant puissant s’est mis à me tourner et m’a emporté comme un copeau. Mon chapeau de fourrure est tombé de la tête et s’est lancé en mon avant. Je l’ai rattrapé à peine. On me charriait directement à Gouriev. Les moustiques ne m’embêtaient plus, je suis devenu inadmissible pour les loups et les diables, mais l’eau m’inondait. Je suis sorti plus près de la rive à grand-peine et trempé, j’ai traîné en pataugeant sur l’eau.
Les profonds soupirs mélancoliques de la vielle Caspienne s’entendaient plus près. Dans le silence nocturne j’entendais arriver plus clairement les coups du ressac et le murmure des vagues s'éloignant. Je ne voyais plus du monstre énorme noir, qui se levait avant le soir au-dessus de la mer, et j’ai pensé avec un soulagement, qu’il s’était noyé quand même.
Quand enfin près du pont infiniment long je suis sorti sur la rive, la ville dormait tranquillement. Des sons tremblants de sirène des bateaux de pêche arrivaient du loin. Près de quelque kiosque en bois, je suis descendu sur la terre tiède et je me suis endormi tout de suite.

II
Bien entendu, même en dormant je continuais toujours à courir. En avant il y avait mon double qui galopait, qui me taquinait et criait: «Fuyard, fuyard!» Je poursuivais ce gamin insolent, je l’ai enfin rattrapé, je l’ai renversé, suis tombé près de lui et je me suis réveillé.
Un essaim de mouches bleues s’est envolé de mon visage.
— Va-t-en! Mais d’où vient ce loqueteux? — bougonnait férocement contre moi le boutiquier en ouvrant le kiosque, près duquel je me suis installé pour me reposer.
Dans la ville on sentait l’odeur du poisson fumé. En clignant les yeux pudiquement, le soleil se regardait dans le miroir étincelant des eaux de la mer calme de matin. Il vient juste de se lever au-dessus de la steppe tremblotante déjà par le brouillard blafard, et ses longs cils en or émergeaient de derrière des maisons en bois grises.
L’Oural respirait sur la ville par une douce fraicheur.
Le kiosque était au bord du bazar imprégné de l’odeur du poisson, et l’odeur aigue du poisson a commencé une conversation narquoise, séduisante avec mon estomac. Mes pieds, qui ont travaillé tellement hier, se sont transformés en quelque sorte de bâtons et, il parait, grinçaient à chaque mouvement. Je me suis levé et ai prononcé un seul mot, que je connaissais sûrement en russe:
Zdrastiyé (Bonjour)...
Va-t-en...— m’a répondu éloquemment le boutiquier en kazakh.
Alors, malgré sa mauvaise mine, je suis passé en kazakh natal.
Pourquoi tu me dis «va-t-en»? — ai-je commencé. — D’abord, donne-moi de l’eau et un morceau de pain, ensuite montre-moi, où se trouve l’école pour des pauvres.
Nos yeux se sont rencontrés. Le boutiquier n’était ni Kazakh ni Russe, mais de quelque nationalité inconnue. D’après l’expression de ses yeux, pourtant, j’ai compris, que le sens pitoyable de mes paroles l’avait atteint.
— L’eau est là! — a-t-il indiqué sur la rivière avec sa main poilue.
J'étais confus. Effectivement, être près de la rivière et demander à boire était ridicule! J’ai dû sourire de timidité ou de désir insurmontable obtenir quelque chose de sa part. Je ne sais pas, à quel point ma figure gonflée et sale est devenue attractive de cette sourire, mais le boutiquier a plissé son nez et a craché avec du bruit et du mépris.
Comment le grand dieu pouvait créer telle gueule! — a-t-il dit en kazakh un peu altérant les mots.
Il a secoué la tête avec chagrin et a clappé avec le cœur gros.
Sa propre gueule pouvait aussi difficilement être nommée attractive. Le nez long bleuâtre avec quelques taches, une bouche large avec les lèvres retournées et le menton bleu bifide — tout cela demandait toute une sorte de comparaisons peu flatteuses, qui viennent facilement en esprit quand on est petit. J’étais déjà prêt à lui répondre dignement, mais après avoir fait sa conclusion sur ma gueule, il s’est retourné vers le comptoir et a retiré un grand bocal en verre avec du caviar rouge. Il n’a pas encore commencé son commerce et c’est pourquoi il était de mauvaise humeur.
Mais va-t-en! —a-t-il répété avec de la colère.
— Si on parle avec un homme cordialement, on se retrouvera chez   Allah plus que mollah prêchant froidement, — lui ai-je répondu avec un proverbe kazakh
Evidemment, qu’il a aimé le proverbe.
Et toi, il faut croire, un nouveau, car tu ne connais pas des coutumes, —a-t-il dit assez doucement pour son air morose. — Qui est-ce qui va te  faire la charité sans avoir commencé le commerce? As-tu des poches? — a-t-il demandé soudainement.
J’en ai.
Alors, mets-y une main... pas gauche, mais droite!
J’ai mis ma main humblement dans une poche de ma culotte bouffante, sans m’imaginant ce qu’il voulait de moi.
Alors, donne de l’argent, vite! — a-t-il commandé.
Je n’ai pas d’argent, —ai-je dit avec embarras triste en tendant devant lui une paume vide.
Mais quel imbécile! Mais fis-le pour de rire — comme si tu paie!.. Donne-moi cent roubles!
Il a serré le poing de mes doigts, puis l’a desserré et a pris «cent roubles» imaginaires, par un mouvement habituel des doigts poilus il m’a calculé «la monnaie».
Mais comme ça, le marmot, tu vas être cuit complètement! — il a conclu amicalement en me passant un morceau de pain, un gardon fumé et un peu de caviar sur le bout du couteau large.
Une foule disparate de bazar rampait déjà dans les petites rues étroites et cahoteuses. En reprenant l’une à l’autre chaque «verchok» , les marchandes occupaient avec gloussement leurs places sur les longs comptoirs, étalaient les marchandises. Mon marchand est sorti de son kiosque et promenait ses regards autour de lui fièrement, comme un coq.
Je me suis mis à cheminer le bazar et, conseillé par le marchand, je mettais ma main droite dans la poche plusieurs fois avec de l’espoir, mais il n’y avait toujours aucuns cent roubles. Et déjà en m’éloignant du bazar vers le fleuve j’ai entendu en arrière un appel doux:
Ohé, mon gosse! Mon petit pauvre orphelin! Eh!
Après avoir regardé en arrière j’ai vu dans le dernier rang une vieille avec un seau en bois. Quand je me suis approché, elle a enlevé un sac du seau et m’a versé de l’ayran dans une tasse en bois.
Bois, le chéri, — a-t-elle dit en me tendant la tasse par sa main tremblante.
Elle était assise avec un pied droit ramené sous elle et le genou gauche mis tout droit, exactement, de la même façon, que ma mère est assise d’habitude, aussi compatissante, qu’elle est.
Tu vagabondes avec Borache? — a demandé la vieille.
Avec lui, mémé, — ai-je dit en poussant un sanglot et ai éclaté en sanglots, car j’étais déjà incapable de me retenir de la pitié de moi-même.
Petits pauvres égarés! — a reproché la vieille avec de la compassion douce. — La belle-mère est la belle-mère, bien-sûr. Pour l’homme la femme est comme la sienne, mais pour les enfants elle sera toujours étrangère. Est-ce que petit Barache partirait de la maison, s’il avait sa mère natale!
La vieille s’est attristée avec moi et a essuyé ses paupières rouges avec sa main.
Comment va son pied, il a repris du poil de la bête? — a-t-elle demandé.
Il est complètement remis, — ai-je répondu avec volubilité sans avoir aucune idée sur Borache et ses pieds. Je voulais tout simplement dire quelque chose de bien à la vieille et je lui ai raconté toute une nouvelle sur le rétablissement du garçon.
Venez ensemble. Dis-lui, que je ne suis plus fâché contre lui, — a terminé la vieille en me caressant la tête.
Bien, mémé, —ai-je accouché d’une parole à travers les larmes et moi, après avoir écarté la main me caressant qui m’a chauffé mon cœur autant, je me suis mis à courir loin de ce bon être.
Le miroir long fixé à la porte du kiosque bleu m’a frappé par un air effrayant de quelque petit loqueteux incroyablement sale avec une figure gonflée. Jusqu’à ce jour j’admirais plusieurs fois mon reflet dans l’eau. Mais ici, en face de moi, un petit gars inconnu se tenait debout imperturbablement, où je me souvenais à peine de quelques traits de mon visage. Est-il possible que je puisse changer tellement dans une nuit?
Quelque chose a claqué brusquement au dos, comme un fouet long de berger, et les cheveux noirs et roux coupés se sont répandus sur ma tête. Après m’être retourné j’ai vu un gros coiffeur avec une coiffure lissée à la raie de côté et un ventre pendu, rire aux éclats, qu’il a vidé sur moi son petit drap avec lequel on couvrait le client. A l’ouïghoure, je lui ai donné un coup de tête sur le ventre bien tendu et après avoir fait un bond en arrière, j’ai pris le galop.
J’ai couru vers le fleuve. Tout mon corps brûlait et me démangeait insupportablement des piqures de moustiques en exigeant un traitement par tous les dix ongles. Après avoir plié soigneusement mes affaires au-dessous de la pente raide et après avoir examiné les alentours avec méfiance, je suis entré dans l’eau.
C’était toi, qui étais couché près du kiosque comme un décédé? — ai-je entendu une voix.
Je me suis retourné. Deux petits gars descendaient en se dandinant vers le fleuve. Un était grand adolescent svelte, torse nu, l’autre était de mon âge et boiteux.
Je ne suis pas encore un décédé, — ai-je répondu et je les ai regardés avec un air expectant, en me préparant, comme de juste, à la bagarre. La solitude rend les gens prudents et décidés. Je n’avais pas très peur d’eux. Après avoir tiré quelque objet solide de l’eau, qui s’est avéré un os du chameau, j’attendais une attaque.
Oh là là! En voilà un gars! Je te promets, il est à nous! — a répondu tranquillement l’aîné et en dansant habilement a commencé à enlever une espèce du pantalon court, et ensuite il s'est mis à déshabiller avec une douceur touchante son camarade cadet. Puis par un coup habile du pied il a ôté ses vêtements de l’escarpement, en m’avoir étonné par une négligence magnifique, avec laquelle il traitait son bien.
III
Après avoir pris dans ses bras le gars boiteux, l’aîné est descendu vers le fleuve. J'ai pensé, que c’étaient les frères, et me suis rappelé de mon grand frère: lui aussi, il était quelque part par ici, à Gouriev. Comment le trouver ici?
Après avoir descendu le cadet dans l’eau, l’adolescent s'est adressé à moi.
Qu’est-ce que c’est, les loups t’ont déchiqueté?
Les moustiques sont plus méchants que les loups! — ai-je répondu.
Tout mon cœur était couvert de grattures. En regardant avec jalousie la peau lisse marron foncé de mon interlocuteur, j'ai raconté mon histoire.
Ça démange? — a demandé le cadet en touchant avec compassion mon épaule par ses doigts pâles et fins.
Oh là là, ça démange! — ai-je confirmé.
— Vas-y, Borachik, on herse!— Et le frère aîné a commencé à me traiter par ses dix ongles.
Comment tu t’appelles? — a-t-il demandé.
Kayrgaliy, — ai-je répondu vivement. — Et toi?
Moi, c’est Cheguin, et lui, il s’appelle Borache, Boria. On ne pouvait pas inventer le changement pour mon prénom, pour que cela soit plus doux. Appelle-moi tout simplement — Cheguin-aga: je suis plus âgé que vous les deux.
Cheguin a commencé à tourner sur tous les tons mon prénom en cherchant une forme plus douce. Kayrgaliy, Kayrouche, Kayre...
Non! — a-t-il dit avec conviction. — On n’en fera rien. Le mollah a gâché ton prénom, à un garçon comme toi, il faut un bon prénom.
Il a mis les mains sur ses oreilles, comme le font les mollahs en baptisant les nouveau-nés, et a déclaré solennellement:
Désormais ton prénom est Kostia. Comme Kostia tu iras sur le chemin de ta vie, comme Kostia tu répondras en face d’Allah et son prophète!
Et qu’est-ce que ma maman va dire? Kastia est un prénom russe…
— Et où est ta mère?
A l’aoul, à Kayrakti.
Et toi, alors, tu as une intention de revenir à la maison, chez ta maman? — a demandé Cheguin et a arrêté tout à coup toutes ses opérations sur mon dos.
Non! — ai-je répondu sans être très sûr. Je ne voulais pas le décevoir.
Cheguin est revenu à son travail avec une nouvelle application. A partir de ce moment je suis devenu Kostia.
Borache était pâle, doux comme une fille. Ses bons yeux noirs, tirant sur le bleu, comme chez le veau nouveau-né, regardaient avec étonnement tout ce qui était de nouveau. Il se réjouissait facilement et se fâchait facilement. En le regardant on pouvait comprendre, comment la belle-mère se débarrassait de lui. Il n’était pas capable de faire le travail lourd. Dans l’expression de son visage il y avait une nuance de quelque tristesse cordiale, qui ne disparaissait pas même avec un sourire.
Je lui ai transmis, ce que la vieille marchande de l’ayran a dit. Boriche a souri, mais une lueur de la joie, qui a brillé un moment dans ses yeux profonds, s'est éteinte tout de suite.
Voyez comment il est gâté! C’est assez! C’est assez, vas-y! — s'est écrié Cheguin et m’a claqué sur le dos.
Cheguin a levé Boria et s’est mis à grimper sur le bord. Moi aussi, je me suis accroché à lui. Sans rien dire il nous a traîné tous les deux, il a mis Borache soigneusement sur le sable, et m’a jeté avec rire de telle façon, que j'ai volé à quelques pas.
Le matin l’Oural s'est obscurci, mais maintenant il a mis doucement au soleil sa poitrine ouverte. Près du pont s'ébrouaient les gamins innombrables de la cité ouvrière et leurs amis quadrupèdes, les petits chiens. Le braillement d’enfant au-dessous du fleuve se mêlait avec les cris des muettes.
Cheguin était maigrichon, son corps bronzé était élastique et souple. En riant aux éclats il ouvrait le rang de dents blanches. Sur son front haut aucune ombre de mécontentement de la vie ne se reflétait. Il faut croire, que le sentiment de l’indépendance et l’effet de la liberté étaient la joie la plus importante de sa vie. Après l’avoir examiné avec jalousie j'ai décidé de devenir impérativement justement pareil comme il était.
Cheguin a examiné attentivement mes pieds blessés. Ce faisant il raisonnait comme un philosophe:
Premièrement, et tout d’abord, nous avons besoin d’une tête, — a-t-il exprimé solennellement. — Si non, la vie est sombre, comme le tombeau de mollah Ogape et comme une page de Coran. Deuxièmement, nous avons besoin des pieds. Nous avons besoin des pieds, pour attraper quelqu’un ou se sauver de quelqu’un, cela dépend de ce qui est plus utile. Troisièmement, il faut écorcher toute ta peau grattée et te couvrir de celle nouvelle.
Et Cheguin a déclaré qu’il partait pour le médicament dont j’avais besoin. Borache regardait avec admiration Cheguin s’éloigner.
Il va te guérir en deux jours! — s'est-il exclamé avec une assurance inébranlable.
Et qu’est-ce qu’il y a avec ta jambe? — ai-je demandé en palpant son genou malade.
Ma belle-mère m’a poussé du toit, et je suis tombé sur une charrue. Cheguin me guérirait absolument, mais il fait froid dans notre «cour», et il fait mal de nouveau.
Et Cheguin, pourquoi est-ce qu’il s’est enfui de la maison? — ai-je demandé.
Pas de la maison, mais du mollah. Pendant trois semaines il n’arrivait pas à prononcer comme il fallait en arabe Alef-ki-kou-signe-agne... Alors, pendant trois semaines on l’avait fessé, avant qu’il s’est fuit... Il habite ici depuis un an, et moi près de lui depuis un mois...
Tous les deux avec Cheguin ils m'ont peint de l’iode et ont appliqué de quelques crèmes multicolores au-dessus; j’aimais ces soins, j’étais au comble du bonheur entouré de leur attention amicale.
Nous sommes allés au bazar.
Moi, je suis un cirque, et Boria, il est un vrai opéra. Si tu entendais, comment il chante «Zaourèche» ou «Aïnamkoze»!
Moi aussi, je sais chanter «Zaourèche», — ai-je dit.
Mais non! Personne ne sait chanter aussi bien que notre Borache chante, — a arrêté ma vanterie Cheguin.
Lui-même, il avait déjà quinze ans. Il était endurci et souple. Il pouvait faire de la roulade à travers tout le bazar, il pouvait facilement se transformer en un aveugle ou en un muet. Son sourire charmait chacun, qui avait le cœur non endurci. Il connaissait beaucoup de nouvelles faisant pleurer et rire.
A ne pas tendre les bras! — m’a-t-il prévenu quand nous sommes arrivés au bazar.
Le peuple de bazar leur payait largement lui-même pour leurs arts, pour le chant de Boria et les trucs habiles de Cheguin. On leur transmettait de petits pâtés, des chanejkis , et des petits poissons.
Tu es mon opéra! — a exclamé Cheguin en serrant Boria dans un de ses bras et en me serrant dans un autre. Je n'ai pas compris ce qui était comme «l’opéra».
Du bazar ils m’ont amené dans leur «palais». C’était une caverne assez spacieuse sur un rivage abrupt de l’Oural créée de l’excavation de l’argile pour la construction. Le plancher du «palais» était couvert par du jonc frais. Il était assez spacieux ici, la lumière droit pénétrait de l’entrée. Dans leur nid troué dans le mur il y avait quinze livres, je les ai comptés dès le premier regard. Compter c’était une habitude du berger, sans laquelle il pouvait perdre gros.
Est-ce que tu sais lire? — a demandé Cheguin après avoir attrapé mon regard.
Non. Je sais compter.
C’est mal.
J’étais très vexé. Je voulais demander s’il pensait, que la personne illettrée ne pouvait pas être un ami pour ceux, qui savaient lire et écrire, mais je me suis retenu.
Les premiers jours de ville se passaient pour moi dans les collisions continues avec des habitudes aux autres et des notions qui m’étaient étrangères. Ici on ne pouvait pas faire un pas pour ne pas trébucher sur une chose «urbaine». Mon ambition jalouse de marcher sur les pas de mes amis me mettait dans une position inconfortable tout le temps. J’étais fâché contre moi-même et portais envie à mes amis. Cheguin l’a remarqué tout de suite et a dit ferme:
Tu as un délai de trois jours, pour que tu apprennes être heureux et te fâcher avec nous, si non, on se sépare!
Je lui ai promis d’apprendre. Cheguin était sage, et il a passé beaucoup d’épreuves dans sa vie.
Boria a mis sur le feu une grande bouilloire noircie par la fumée et s’est mis à chanter. L’angoisse se reflétait dans ses yeux tristes orientés vers le fleuve. Il chantait de sa mère. Il ne se rappelait d’elle, mais le cœur de l’orphelin lui soufflait qu’autrefois il ait une mère natale. Cette chanson ne guérissait pas son cœur d’orphelin, mais le grattait plus profondément, pour y graver pour toute la vie le prénom de sa mère. Nous avec Cheguin l’écoutions charmés.
Je me suis rappelé de ma mère, et mes lèvres se préparaient pour pousser un premier son des lamentations tristes, mais Cheguin a remarqué une grimasse perfide et m’a menacé de son doigt. Je me suis retenu. Boria a continué son chanson. La bouilloire s'est inclinée et a éteint le feu.
Comme ça mes nouveaux jours inquiets ont commencé. J’étais content d’avoir trouvé tout de suite de bons amis. Mais en quoi consistait le vrai sens de cette rencontre, je n'ai pas encore compris. Je ne comprenais pas encore que j'ai pris la voie des épreuves, où ma joie minuscule était capable de racheter dans le cœur d’enfant les milliers d’adversités et de chagrins.

IV
Ma vie libre s'est terminée le troisième jour, quand je n'ai pas eu de temps de ressentir tous ses charmes. C’est notre passion kazakhe de steppe envers la chanson, qui nous a ruinés: dans la steppe on aime la chanson, et à Gouriev est arrivé le théâtre, que Cheguin appelait l’opéra de Saratov. L’opéra donnait des spectacles à l’extérieur et cet endroit était entouré par des dents pointues des dosses de sapin. Pendant deux soirées nous avons écouté de la musique et du chant de loin, du toit de l’école, de la distance de cent mètre minimum. Mince et frileux, Borache était assis au milieu, entre moi et Cheguin. Dès qu’on ouvrait le rideau, il nous oubliait complètement en se transformant en une petite boule, et écoutait le chant et la musique par tout son être.
J’étais charmé par une autre chose que je voyais sur la scène: la richesse des couleurs. Pour la première fois dans ma vie je voyais, comment pouvait être la vraie neige planche — transparente et propre. Jusqu’à ce moment là, je croyais, que je connaissais bien le ciel, bleu et bleu foncé, mais je n'ai jamais vu non plus le vrai ciel, tel que j’ai vu sur cette scène, qui passait par toutes les nuances en gardant la légèreté et la tendresse. L’or et l’argent, le velours et la soie, après avoir perdu leur caractéristique la plus désagréable — le prix, se transformaient en combinaison de couleurs...
Le troisième jour personne entre nous n’était capable de rester loin de l’opéra. Dès que le rideau s’est ouvert, nous survenions sur les dents pointues de l’enceinte. Le vent froid soufflait de la mer, le ciel est devenu lourd, les étoiles sont descendues plus bas. Au-dessus du fleuve glissait silencieusement la visière en argent de la jeune lune. Elle ne faisait que se noyer dans les nuages, ou de nouveau apparaissait en brillant. Une belle aux yeux bleus, légère comme sa toilette brillante, chantait en nous charmant avec ceux qui étaient assis dans l’enceinte au-dessous de nous. Quand elle a terminé à chanter, les gens, il parait, se sont éclatés: se sont mis à applaudir sans avoir pitié à leurs mains, ont crié de l’enthousiasme. Tout à coup, à travers ce bruit, le sifflet attentif nous a atteints: trois miliciens nous ont pris de revers et étaient en train de s'approcher à pas de loup pour attraper par les pieds. 
Sautez! — nous a commandé Cheguin et par-dessus des attaquants a sauté habilement loin du côté.
Borache a sauté aussi, mais est tombé directement devant un milicien et a gémis plaintivement:
Aïe, ma jambe! Aïe, ma jambe!
Je me suis trouvé le plus lourdaud: après avoir tourné en arrière pour sauter, je me suis accroché à une dent pointue de l’enceinte par mon pantalon et en gigotant absurdement je me suis pendu au-dessus de la terre. Ni la douleur ni la peur, mais seulement la honte d’être suspendu en l'air de la manière si ridicule et stupide, m’a fait éclater en sanglots; je frappais à l’enceinte par mes talons, comme si j’étais sur la roue. Derrière l’enceinte, où l’action de l’opéra continuait, les exclamations mécontentes du public se sont produites. Borache, au-delà de ses forces après s’être approché de moi, m’a tiré légèrement par mon pied.
Ne cris pas, on y chante! —a-t-il exigé sévèrement, comme un chef.
Le milicien a compris ma ruse naïve.
Tu mens, tu n’as pas mal du tout, — a-t-il dit et très tranquillement a examiné, si j’étais pris sûrement.
Comme ça on a été attrapé avec Borache. Mais quelque part, dans les ténèbres, à tout bout de champ, une ombre agile de notre ami aîné se profilait — l’ombre de Cheguin habile et leste. Deux miliciens courraient derrière lui. Il courrait autour du terrain en nous faisant comprendre, qu’il ne nous laisserait pas dans ce malheur. L’adolescent adroit et habile par ses virages inattendus agaçait ses persécuteurs corpulents. Calmes au début, ils sont devenus plus irrités, de l’obscurité on entendait leurs sifflets, qui nous prouvaient, que Cheguin n’était pas encore pris.
Le sifflet prolongé de l’obscurité a appelé notre gardien, et il s'est jeté précipitamment à l’aide de ses camarades. A ce même moment là des ténèbres de nuit Cheguin est arrivé comme un aigle en volant, a attrapé Boria et a disparu immédiatement, en jetant en courant:
Du courage Kostia, je vais te tirer d'embarra!
Les miliciens en reprochant l’un à l’autre pour la malchance commune se sont approchés de moi lentement et m’ont enlevé poliment.
On m’a emmené à l’orphelinat par un véhicule et a remis à une dame forte, corpulente.
Prénom? — a-t-elle demandé.
Kostia.
Vous êtes tous Kostia, — a-t-elle dit d'un air fatigué et elle a pris une plume pour m’inscrire.
Laissez-le, allez! — a-t-elle laissé partir les miliciens.
D’après une expression sévère du milicien, la prévenant encore de quelque chose en russe, j’ai compris, qu’il s’agissait encore de moi. Ensuite le milicien s’est tourné vers moi, avec un sourire a donné moi un coup de doigt sur le bout de mon nez et est sorti.
J’ai passé la nuit dans une chambre séparée. Le lit vert peint et les draps propres blancs m’ont rendu perplexe fortement. Je les ai rencontrés pour la première fois. Veuillez comprendre comment traiter cette blancheur inhabituelle. Les dames, qui m’ont lavé avant sans se gêner, se moquaient de ma timidité, m’assuraient que dès maintenant je serais propre, bon et intelligent. Leurs mains habiles et tendres en maître de maison m’ont mis en l’ordre, et voilà maintenant celui «propre, sage» était assis sur le bord du lit dans une réflexion tendue sur le fait, ce qu’il fallait faire avec ces draps propres.
La petite chambre, dans laquelle je passais la nuit, était imprégnée d'une odeur particulière d’orphelinat de la désinfection de toute sorte. Sur le plafond une ampoule électrique brillait inhabituellement vivement. Jusqu’à ce moment j'ai vu les feux de la ville uniquement de loin. Voilà ce qui brille si vivement les nuits en faisant un clin d'œil à notre aoul! Je réfléchissais aux yeux ouverts, si cette ampoule brûlerait jusqu’au matin ou pas. Mais plus tard c’était, plus vivement elle s'allumait. Je suis monté et l’ai examiné en étudiant de tous les côtés. Tout s'est avéré très simple. Il suffisait d’emmener les tresses tordues à partir de la porte jusqu’au centre de l’yourte et y attacher une boule en verre — c’était toute la lumière de la ville. J'ai décidé à mon intérieur, quand je serais revenu à l’aoul, je ferais moi-même telle éclairage intarissable, inextinguible. La mère tordra des tresses, et des boules en verre traînent partout en abondance dans la ville.
Un seul objet remarquable, une applique brillante métallique avec un bouton sur les murs nus blanchis de la chambre, se jetait dans les yeux. Je la touchais — rien d’intéressant ne se passait. Mais prendre possession de tel truc m’a paru pas mal du tout. On peut la sortir de la poche, montrer au gars — regardez! — et on cache. J’ai pris cet objet amusant déjà dans un but intéressé. Et d’un coup — pan! Le truc a fait claquer, et la lumière s'est éclipsée. Je n’ai pas compris comment, comment cela s'est passé, — si d’abord il y a eu une claque, et ensuite la lumière a disparu, ou au contraire — mais j'ai crié de peur.
Pourquoi tu l’as éteint? — a crié la voie du couloir.
Ensuite quelqu’un est entré dans la chambre et a ouvert la lumière silencieusement. C’était le gardien.
Tonton, où est-ce que la lumière s’est enfuie? — ai-je demandé.
Mais il n’a rien répondu, m’a regardé d'un air sombre et est sorti.
Dehors, la mer soupirait rythmiquement avec une pesanteur retentissante. Les vagues se frappaient en grondant, on dirait contre les mêmes murs de maisons, et roulaient en arrière avec du grondement. La nuit, d’habitude calme et silencieuse dans la steppe, ici, près de la mer, s'est avérée à mille voix et à mille yeux. Plusieurs bateaux de pêche hurlaient en inspirant l’angoisse. Les rayons des projecteurs lointains se sont arrêtés immobiles parfois sur ma fenêtre, en éclairant les crêtes argentées des vagues en roulant par les vagues énormes sur le bord.
La première vexation pour ce qu’on m’a attrapé autant facilement et a enfermé dans cette chambre, maintenant s'est refroidi, et ma pensée s’est retournée au début de cette nuit partante. L’opéra... La belle cantatrice légère comme nuageuse... Je me suis posé une question, si cette dame avait un mari ou un fils?.. Evidemment, que non! Ce n’est pas possible! On dirait que j’étais jaloux d’elle contre tous les hommes, et mon imagination la protégeait du mari ainsi que des enfants: ce miracle aérien avec une voie magnifique ne pouvait pas traire des vaches ou faire de la lessive ou gronder les bergers! Mais ici, mes pensées de nouveau revenaient à l’aoul...
Le matin, quand j’apprenais à marcher avec mes mains en levant les pieds en haut, après les avoir appuyés contre le mur, comme Cheguin, soudain il y a eu un cri:
Ah, bravo!
Quelqu’un m’a attrapé par mes pieds, a tourné et a fait tomber sur mon lit. J'ai vu Cheguin.
Nous revoilà! —a-t-il dit.
Tu es venu pour m’aider? — ai-je demandé, réjoui de son apparition brusque.
Non, tout simplement nous avons décidé de venir à l’orphelinat. Tu es pris, Borache a mutilé sa jambe...
Où est-il?
Dans la pièce voisine, chez le médecin. Il faut qu’on examine, bientôt, c’est l’hiver, n’est-ce pas?
Et toi?
Et moi aussi, je vais être avec vous.
Enthousiasmé, j'ai mordu un peu son genou.
Le midi nous avons déjeuné en plein air, dans la cour. Maria Viktorovna, une dondon, qui m’a réceptionné hier, se déplaçait entre nous étonnement facilement. Sa grossesse se présentait même confortable. A l’orphelinat on l’appelait une éducatrice, mais elle semblait d’être une mère de tous ces quatre-vingt gamins russes, tatares et kazakhs. Ses élèves nous regardaient comme des invités: de la manière critique évidente, en ce qui concernait moi et Borache, et avec du respect, mais avec une timidité malicieuse, en ce qui concernait Cheguin.
Pendant le déjeuner quelque bruit s’est produit, et mon cœur s’est mis à palpiter encore avant que j’ai eu le temps de reconnaitre définitivement la voix de ma mère. J’ai laissé tomber ma cuillère en arrosant mes voisins par la soupe. Avec une lamentation plaintive, comme un tourbillon, ma mère est entrée dans la cour, coiffée d’un jaoulyk  blanc flottant sur sa tête, et en robe large et bariolée. Elle s’est jetée tout de suite vers les tables, en me recherchant avec avidité dans cet attroupement des copains coupés et vêtus de la même manière.
Maman! — ai-je fait entendre un piaulement plaintivement après avoir vu qu’elle regardait de tous ses côtés.
Comment elle a tendu ses bras vers moi! Comment elle s’est penchée précipitamment vers moi, en ébranlant la chaise, en répandant les assiettes, et m’a serré dans ses bras! En surmontant la confusion devant les copains, je me suis serré contre sa poitrine, et tout de suite j’ai été saisi par une bouffée de l’odeur natale de la steppe...
Assis bruyamment et espièglement autour de la table, les copains se sont tus tout à coup et sont restés immobiles.
Plusieurs d’eux seraient heureux, s’ils pouvaient se serrer de telle façon à leurs mères! Pas tous, comme moi, se sont enfuis de la maison: la plupart ne s’en rappelaient pas — certains sont devenus orphelins à cause de la guerre civile, d’autres – à cause de la famine, compagnon éternel de l’ancien aoul. Dès le plus jeune âge ils ne connaissaient pas la douceur maternelle, et, quand ils voyaient de côté, que la mère serrait dans ses bras son fils, toute l’amertume de la perte d’enfant montait du fond de leurs cœurs et les faisait observer avec avidité une expression de la douceur maternelle, qui leur était inconnue.
A ce moment, pour la mère, ils n’étaient pas les mêmes orphelins, mais les ennemis, qui ont débauché son cher petit fils de l’aoul natal dans la ville. Elle s’est jetée sur « ces ennemis » avec des reproches, en les reprochant tous et chacun séparément.
Borache m’a fait un clin d’œil amicalement. Cheguin s’est retourné.
Après avoir dit d'un coup son indignation, la mère a commencé à se calmer. Uniquement à ce moment-là, Maria Viktorovna a pris la conversation avec elle. Elle a commencé à parler gentiment, l’a invitée à table et a mis du thé devant elle. La mère a repoussé le thé d’un geste décidé et a écumé de nouveau.
Vous, mémère, ne vous inquiétez pas. Si vous êtes ferme de prendre votre fils à la maison, je ne vais pas le retenir une seule minute. Voyez, combien j’en ai, — convainquait doucement l’éducatrice en avançant furtivement le thé et les friandises vers la mère. — Assaillez-vous, s’il vous plait, on va parler...
Mais l’autre repoussait la piala de thé en criant à la folie, qu’elle ne laisserait pas son cher enfant pour aucune heure dans cette maison.
Et tout à coup les deux ensembles, après avoir compris qu’il n’existait pas de conflit entre elles et qu’elles parlaient de la même chose, elles se sont tues. Le thé s’est retourné chez ma mère et a terminé son échec complet.
Je ne vais pas aller à l’aoul! Kara-Mourte va m’enfermer dans son hangar! — s’suis-je écrié tout à coup.
Tout le monde a ri autour, sauf Maria Viktorovna.
Alors, demande à ta mère de te laisser ici pour faire tes études...— a-t-elle dit.
La mère s’est tue de la surprise de cette proposition, en clignotant de la manière perplexe; elle n’a pas trouvé de réponse tout de suite, mais ses mains me serrant très fortement contre sa poitrine tiède, se sont affaiblies tout à coup. Si elle ne m’avait pas lâché de ses étreintes, je serais revenu avec elle dans l’aoul, parce que j’entendais les battements du cœur maternel, tremblant pour le sort de son fils. Les lamentations hautes me touchaient moins, que ces battements frémissants dans sa poitrine.
L’éducatrice a pris ma mère par le bras et l’a emmenée dans sa pièce. Le lendemain la mère est partie à l’aoul à drojki  de l’orphelinat.
Ah, chéri, tu as peur en vain. J’aurais obtenu Kara-Mourte à force de prières. Mais fais bien tes études, — a-t-elle dit en m’embrassant en disant au revoir.
Elle était raisonnable et semblait complètement calme de mon sort. Honnêtement, au fond de mon âme cela m’a vexé.
V
Le ciel, d’un jour à l’autre perdant sa lucidité et son azur, descendait toujours plus bas vers la terre. Les nuées pluvieuses grises se penchaient de plus en plus étroitement au-dessus de la mer, se ressemblant par quelque chose au linge d’orphelinat pendu dans la cour après une grande lessive. L’Oural roulait ses vagues en plomb de plus en plus lourdes. Disant au revoir à l’été à contrecœur, les gens rencontraient par dépit l’automne irrévocable, et la brume d’automne recouvrait les visages. L’automne entrait dans la vie de plus en plus obstinément et d'une manière convaincante. Là, où il n’y a pas encore longtemps, les prés verdissaient gaiement, les tiges jaunes bruiraient maintenant. Sur les collines nues roussies ressemblant aux bosses du chameau dormant, les aigles royaux solitaires noircissaient en se renfrognant  sévèrement.
Le verre du vasistas et dans la grande salle d’orphelinat était cassé. De là on entendait une chanson monotone de l’automne. A l’aoul cette chanson parle des loups, qui s'approchent à pas de loup des brebis. A l’orphelinat elle nous fredonne, que les fours s'ennuient sans du bois. En se groupant sur les lits et en se serrant les uns contre les autres, on se disputait bêtement et gaiement sur le fait, qui étaient plus intelligents, ceux qui étaient chauves ou barbus. On bavarde tous ensembles, et chacun, sans écouter les autres, rit aux éclats de sa propre invention. Et puis, comme cela arrive souvent chez les garçons, la conversation sur les barbus et chauves en général, passe, sans qu'on s'en aperçoive, à ceux qu’on connait : discuter des actions des proches est toujours plus convaincant et plus solide de quelque sorte. Et voilà la question qui se pose: qui est plus intelligent ou important, le responsable de l’orphelinat ou le comptable en chef.
Le responsable était une personne, envers laquelle il était difficile d’avoir de la sympathie et de l'hostilité en même temps. D’habitude, il entrait silencieusement chez les garçons, se renseignait, si quelqu’un a déplacé une table de nuit ou un lit. Bien-sûr, jamais et personne ne pouvait dire le prénom du coupable. En conformité avec l’achromaticité imperturbable du responsable tout reprenait l’ancien ordre incolore d’une manière imperturbable. Sans critiquer la violation de l’ordre, sans louer sa restauration, il se retirait de nous aussi silencieusement, qu’il a apparu. D'un jour à l'autre, il était toujours uniforme de la manière inchangeable. Son nom était Kaybogarov, et son prénom — Koudayberdi. Tels noms et prénoms demandent eux-mêmes d’être interprétés, surtout dans le milieu d’enfant. Si on traduit mot-à-mot en russe on obtient: «Dieu a donné des bergers de moutons». Il me semble, que c’était une seule gaminerie, que les garçons admettaient à son égard.
En ce qui concerne le comptable en chef, on le voyait rarement, il n’apparaissait que deux-trois fois par semaine, parlait précipitamment, était toujours pressé quelque part et se disparaissait de nouveau. Tout le monde a remarqué sa maîtrise de fumer du tabac: il avalait une bouffée de tabac si profondément, comme s’il mangeait complètement la fumé, qui disparaissait de la même vitesse que la queue poilue de zisel, qui s’est glissé rapidement dans son trou. Ensuite, après une pause, le comptable commençait à parler en tirant dans le nez de son interlocuteur par les panaches de fumée. Il arrivait à le faire avec une habilité spéciale, quand dans la cour il prouvait la nécessité à notre responsable de recevoir de l’argent pour les matériaux de construction. Pour maitriser cet art haut, nous avons trouvé un jour des cigarettes, et quelques garçons se sont entrainés toute la soirée. Cheguin nous a vus fumer, et nous nous sommes fait passer un savon. C’est pourquoi nous étions tous fâchés contre le comptable et on attendait avec impatience une opportunité de lui tramer un tour gai. Mais vu que notre responsable écoutait silencieusement ses déclarations souvent dures, nous avions tendance à penser, que le comptable était, quand même, plus intelligent que son chef.Ce jour d’automne, Maria Viktorovna était déconcertée. Elle racontait émotionnellement à une des éducatrices, que le responsable était en moisson, et le comptable on ne sait pas où, et dans le département municipal de l'éducation on la menait par le bout du nez. A cette époque je ne comprenais pas encore du sens figural de cette phrase. C’est pourquoi, après avoir regardé curieusement son nez rouge du froid, j’ai demandé:
Directement par le bout du nez?
Mais j’ai eu de la pitié à cette bonne dame. On l’a entourée amicalement.
Voulez-vous qu’on vous casse du bois?
Peut-être, il faut qu’on aille chercher du foin? — proposaient les garçons avec sympathie.
Non les enfants, cela n’est rien...
Mais alors, qu’est-ce qui n’est rien?
Maria Viktorovna avec le cœur gros nous informait du résultat triste de ses négociations avec la direction, que nous, les plus grands garçons, seraient «transférés» dans la ville d’Ouralsk. Pourquoi cela était triste, personne n’a encore compris. Nous avons eu même du plaisir: peut-être, là le responsable aurait un autre nom.
Les plus grands sont revenus du travail à l’aire avec Cheguin en chef. Maria Viktorovna leur a expliqué tristement tout dès le début avec de grands détails.
On travaillait avec vous sans relâche. On travaillait bien, n’est-ce pas ? Et voilà — tiens! On vous transfère! — a-t-elle exclamé en recherchant de la sympathie.
Cheguin écoutait attentivement comme s’il compatissait, et d’un coup il a fait une conclusion brusquement et gaiement:
Il est mal, bien-sûr, quand on travaille mal, et je pense, il est encore pire, quand les gens sont sûrs, qu’ils travaillent bien. Il arrive encore: ils savent, que cela ne va pas du tout, mais crient à pleine gorge, que tout est parfait...
Nous comprenions, que Cheguin disait une vérité triste, mais on était surpris par sa hardiesse et sa gaieté.
Alors, il faut dire adieu aux endroits connus? — a demandé Cheguin.
— Il s'avère, que c’est ça. Demain matin les véhicules seront livrés, — a dit Maria Viktorovna.
Cheguin m’a invité de dire au revoir à la ville. Boria s’est mis à se préparer pour le départ, et nous, on est allé voir des endroits qu’on connaissait. La pluie fine était mêlée de neige. Notre «palais» était inondé. Une mare d’eau vert terne s’y est répandue de l’Oural orageux. Cheguin a pataugé à travers la mare dans le coin lointain de la petite caverne, y a fouillé et a sorti des joncs une belle petite boîte, où un grand scarabée marron doré s’est avéré.
C’est un scarabée-chameau, — m’a-t-il exclamé d'une manière convaincante. — A vrai dire, c’est moi, qui ai inventé son nom, mais je pense, qu’il lui convient. Regarde comment il se ressemble à un chameau. Peut-être, plus tard les scientifiques lui donneront un autre nom, mais maintenant pour qu’il soit — «un chameau».
Cheguin m’a offert ce scarabée.
Je l’ai gardé pendant tous les trois longues années, — a-t-il dit, — et toi aussi, garde-le. On me l’a conservé dans l'alcool à la pharmacie.
Ainsi Cheguin se séparait de derniers attachements de son enfance  mouvant, en entrant sur un sol solide de la jeunesse délibérée.
Nous sommes passés indifféremment devant le bazar, on n’en avait plus envie d’y aller. Près du bazar de quelque porte penchée une femme vêtue de la manière bariolée avec un enfant dans ses bras est sortie, elle était suivie par son mari, un milicien, qui portait une capote longue noire.
C’est lui! — en me donnant le coup sur le côté, s’est écrié doucement Cheguin.
Mais qui «lui»?
Qui m’attrapait pendant toute l’année.
Le visage de Cheguin a changé d’un seul coup, des étincelles malines ont éclaté dans ses yeux marron, et il s’est transformé en lui-même ancien, un polisson, que j’ai presque oublié. J’ai eu peur, que mon ami ne fasse pas une blague. Mes ses yeux se sont vite éclaircis, et il m’a déjà dit d’un ton sérieux:
— On y va... je dois le remercier.
Je n’étais pas complètement sûr de ses intentions, et je le suivais silencieusement.
Bonjour...— a dit Cheguin après s’être approché du milicien. Le milicien était surpris:
Qui es-tu?
Cheguin a souri doucement et aimablement, comme il savait sourire. Ensuite après avoir pris aimablement le milicien par le coude, il a dit:
Rappelez-vous de moi, comment vous me poursuiviez? Moi personnellement, à cette époque, je cherchais un orphelinat, et vous vous êtes mis à courir derrière moi comme derrière le gibier. Puisque c'était comme ça, j’ai décidé pour vous contrarier: «Mais non, ils ne vont pas m’attraper!..» L’orphelinat me rappelait à cette époque-là du mollah... avant que j’ai grandi, je suis devenu plus intelligent...— a conclu Cheguin en faisant les grands bras. — Je suis à l’orphelinat depuis longtemps, personne ne m’a poussé — j’y suis venu tout seul...
Cheguin a tendu son bras vers la capote noire, comme un égal à un égal. Le milicien lui a serré la main aussi volontiers.
Alors, ça veut dire, que tu fais tes études, n’est-ce pas? — a-t-il demandé à Cheguin avec de 'excitation et de la chaleur.
Cheguin est le meilleur dans tous les domaines! — ai-je exclamé avec une impatience, pour faire plaisir à ce brave homme.
Il nous a serré par les épaules tous les deux et a attiré contre lui.
Eh bien, apprendre, apprendre, les enfants, — a-t-il dit presque avec une chaleur paternelle. — Avant, un Kazakh ne pouvait pas apprendre quelque chose comme il fallait. Rattrapez, alors!
Nous nous sommes séparés.
Le matin les véhicules couverts sont arrivés, nous sommes partis pour Ouralsk.
Qui parmi des garçons n’aime pas changer de place, se retrouver dans une nouvelle maison, dans une nouvelle ville! Avec les autres et pas moins que les autres je faisais du bruit et en essayant en mesures de mes efforts augmenter le désordre avant le déménagement, qui régnait dans l’orphelinat ce matin-la. Tous, on criait en faisant semblant, que le chargement de nos affaires irait mal sans cela et les véhicules ne pourraient pas bouger.
Quand, finalement, nous nous sommes jetés dans les véhicules, en se basculant avec du bruit, et nous sommes assis, il a commencé à pleuvoir. La pluie tambourinait sur la bâche. En se sauvant du froid, nous avons fait descendre le rideau en arrière et nous sommes mis à chanter. A cause du tremblement du véhicule nous voix tremblaient drôlement, et cela nous amusait, mais d’un coup je me suis rappelé, que la route à Ouralsk passer devant mon aoul natal, devant ma maison natale, où la mère restait à ce moment-là, qui n’a pas pu, comme elle avait promis, venir me voir, et je me suis jeté dans la partie arrière du véhicule. On me retirait, criait, que j’ai marché sur le pied de quelqu’un, grondait, poussait, mais sans expliquer rien à personne, je brûlais de l’envie soit par un regard de dire au revoir à ma maison, que j’ai commencé à plaindre soudainement.
Quand enfin j’ai pu regarder dehors du véhicule, je n’ai rien vu déjà, à part la steppe nue d’automne. D’après un arbre connu j’ai compris, que notre aoul est resté loin en arrière. Uniquement à ce moment-là j’ai senti la douleur de la perte irrévocable de la mère et de la maison pour toujours, comme il me semblait. Si le véhicule allait plus lentement, je pourrais, peut-être, sauter et m’enfuir à la maison. Mais le véhicule accélérait le long de la route. Personne ne me comprenait, tous chantaient avec insouciance, et moi, en me penchant contre le panneau de carrosserie et en cachant mes larmes, je pleurais silencieusement et sans bruit, avant de m’endormir, bercé par des clignotants monotones des collines d'automne.

VI
Et seulement le jour du départ de Cheguin à l’armée je me suis rappelé, que j’avais déjà quinze ans, que j’habitais toujours sous l'aile de l’orphelinat et comme dans le sein du «tonton responsable». J’ai terminé la sixième et étais un bon sportif. Trois mois environ restaient avant la rentrée. Est-ce qu’il fallait de nouveau tout l’été se tourner à la barre fixe et jouer au ballon? Assez d’enfantillage!
D’un seul coup, je me suis senti plus grand, et la vie qui écumait hors les murs de l’orphelinat, m’attirait avec force vers elle. Tout ce qui était ordinaire et simple, mais inconnu pour moi, a acquis une charme spécial.
Les fenêtres de notre orphelinat donnaient sur le jardin municipal. Je ne pouvais pas détacher mes yeux des robes bariolées des jeunes filles se promenant, je m'oubliais à écouter leur rire sonore. Elles m’attiraient. Y courir chez elles! Mais quelque chose me retirait. Je tournais le dos à la fenêtre, et là, le miroir me guettait.
A vrai dire, je dépensais pas mal du temps pour m’admirer. Ma peau était marron foncé, brillant comme la peau de lion de mer. Les muscles étaient élastique et solides... Te voilà, en un joli état! Cependant, sur ce large visage il y avait de la place pour les plus grands yeux, je pourrais avoir le visage aux pommettes saillantes moins grandes, bien-sûr, et mon nez pouvait être plus orgueilleux et pas si écrasé... Mais cela ne faisait rien. Mais, en revanche, mes cheveux noirs sont en forme de jolies vagues! C’est assez. Je me suis attrapé sur des rêves interdits. Je tourne le dos au miroir, et à côté de moi se trouve la fenêtre donnant sur le jardin gazouillant, riant aux éclats, bariolé, invitant. On ne peut pas partir du printemps et de la jeunesse...
Je regarde de nouveau le miroir. Comment je suis sérieux! Comme Cheguin lui-même. Regardez, quel est l’expression pénétrée du visage! C’est toi, Cheguin? Bonjour, mon vieux! Je commence une conversation sérieuse avec son interlocuteur du miroir. D’abord j’arrive à le faire, mais après je commence à ruser: mes questions deviennent de plus en plus audacieuses agressives, et ses réponses pâlissent et deviennent moins convaincantes. Je suis prêt à lui donner le dernier coup écrasant.
La vieillesse vit si longtemps chez nous à l’orient. Pourquoi reporter le moment, quand la jeunesse entre en vigueur? — pose-je la question et regarde «Cheguin» avec fierté, content de moi et du fait, comment je l’ai rendu perplexe. Ce n'est rien — «la vieillesse vit si longtemps à l’orient»! J’opère librement par l’espace et par les siècles!
Mais mon ami de miroir s’est avéré pas simple, non plus:
Après avoir donné prématurément les droits à la jeunesse, tu presses ta vieillesse toi-même.
Il est évident, qu’à cet âge-là j’étais impressionné, et la réponse de Cheguin imaginé m’a calmé pour toute la soirée.
L’excès de l’énergie juvénile se faisait sentir à chaque pas. Il fallait s’adapter à cette affaire. Et je suis allé au département d’enseignement de la région.
Dans le bureau frais, qui venait d’être lavé, j’ai été reçu par le chef, un homme au visage flasque, veule et avec tendance à bâiller excessivement souvent. Le visage bien rasé et le costume blanc en tussor soulignaient les cheveux gris percés dans ses cheveux noirs.
Bonjour, —ai-je dit en entrant dans le bureau. Le chef n’a pas réagi, même par un simple mouvement de ses lèvres.
Il est peu probable, que ce soit de la manière pédagogique. Il était assis en silence, et moi, je restais debout en face de lui. Le chef a bailli encore une fois.
«Pourquoi il ne va pas se baigner?» — ai-je pensé.
Aga , — finalement j’ai décidé de m’adresser à lui en kazakh. — Je suis de l’orphelinat numéro un.
Ouais...— a-t-il répondu, sans changer sa position et sans m’avoir regardé.
Je voudrais travailler quelque part pendant les vacances.
Hum...— Ses commissures des lèvres sont descendues. Il y a eu du silence de nouveau.
Notre orphelinat, —ai-je dit, — deux ans de suite était primé pour le travail d’éducation modèle. Plusieurs habitants de la ville envoient leurs enfants à faire leurs études chez nous.
— Et, toi alors, tu es de ceux-ci... des anciens....
Des enfants abandonnés à lui-même? —lui ai-je soufflé. — J’ai été un enfant abandonné à lui-même seulement trois jours...
Quelles sont tes notes?
Je suis un excellent élève.
Mais quel travail tu veux trouver?
Là, où vous m’enverrez. Mais uniquement avec une possibilité de faire mes études à l’école.
Hum, hum... Alors, bon... Quel âge as-tu?
J’ai dix-sept ans, —en ai-je rajouté pour sembler plus sérieux. Le chef a sorti une feuille de papier réglée du tiroir de son bureau et a commencé à énumérer en lui-même: des cours des secrétaires pour les villages, des ouvriers compositeurs, des travailleurs pour les maisons de lecture et des bibliothèques... des coiffeurs... des miliciens... des monteurs... des serruriers... Le crayon rouge bien taillé après avoir senti par son nez pointu tous les carrés, s’est arrêté.
Tu vas faire tes études trois heures par jour et tu vas toucher un salaire de trente roubles par mois. Ça te va?
Tiens! —ai-je dit involontairement. — Bien-sûr, entièrement! —ai-je répondu sérieusement en retenant l’enthousiasme, je n’ai pas même posé de question sur le métier qu’il m’avait choisi. Il faut dire, que dans ce choix je comptais plus sur le département d’enseignement de la région, et les trente roubles par mois me souriaient gentiment.
L’avenir est encore loin, en avant, mais pour instant tu ne dois faire le dégoûté d’aucun travail; notre proverbe kazakh dit : «On peut même laver le cul de l’âne, l’important c’est être avec de l’argent», — tu le connais?
Oui, je le connais, — j’ai grommelé et je me suis troublé. Je n’aimais pas trop le proverbe.
Les bons coiffeurs sont en demande, — a-t-il dit.
Surpris, j’ai perdu la boule. Pourquoi il a décidé, que je dois être coiffeur, je n’ai compris ni à ce moment-là ni après.
Vas-y, tu vas recevoir une prescription.
Je suis sorti silencieusement. Je me rongeais les poings. Pour moi ce n'était pas la mer à boire. Je pouvais commander tout ce qu’il fallait, je pouvais commander une armée... et d’un seul coup — dans les coiffeurs!
Le printemps s’est fané, la lumière est tombée dans mes yeux. Quelques jours les prescriptions essayaient de me rattraper. Et enfin, la cinquième tout de même m’a emmené dans le salon de coiffure de la Croix-Rouge.
J’y allais en me méprisant.
Cheguin était déjà à sa place. Plusieurs copains de son âge ont aussi quitté l’orphelinat et font leurs études ou travaillent dans les endroits différents. Parmi ceux qui sont les ressortissants de notre orphelinat et restent en correspondance avec les garçons restant ici il y a des marins, flottant dans les eaux de nord accessibles à peu de gens, et des géologues prospecteurs errant avec des marteaux dans les contreforts de Tian-Chan, et des techniciens pratiquant des routes dans des déserts. Il y a aussi un inventeur, qu’on a décoré par l’ordre Lénine pour une chose, qui doit rester un secret pour ceux, qui n’est pas directement liés à l'affaire. Parmi eux, il y a un radiotélégraphiste de l’hivernage polaire dont les indicatifs du Grand Nord lointain captent nos   amateurs des ondes courtes. Les garçons se montrent avec fierté leurs courriers, les lettres des fils du peuple kazakh devenus les gens éminents de la Patrie Soviétique immense.
Le petit Borache silencieux a aussi trouvé son avenir. Il fait ses études à l’école musicale et est devenu déjà favori du public même hors les concerts de l’école. On ne comprend pas quelle voix il a: masculine ou féminine. Mais quand il chante, tout le monde l’écoute avec un délice anxieux spécial. Ce faisant, lui-même, il se donne à la chanson complètement.
La chanson populaire kazakhe, large, passionnée, touchante  et expressive reproduit toute la richesse des sentiments humains: la tristesse et l’enthousiasme, l’amour et la haine, le désespoir et l’espoir. Chaque mélodie populaire n’a pas encore perdu la légende de son origine. «Cette chanson est composée par un orphelin chassé de la maison par sa belle-mère, — affirme le peuple, et celle-ci – par une jeune fille mariée de force avec un richard, qu’elle n’aimait pas, et celle-là — par une mère dont l’enfant s’est perdu dans les montagnes... Celle-ci est née dans la bouche d’un berger, quand il sauvait son troupeau de la tempête de neige dans la steppe, et cette chanson est chantée par un vieil homme nostalgique des forces parties et de la bravoure».
Quand Borache chante, il ne fait pas seulement la reproduction de la mélodie, il voit en face de lui ces gens, il se donne complètement à la chanson, souffre et se réjouit ensemble avec ceux, de qui il chante. Comment il doit être heureux, quand ses chansons font les gens pleurer et applaudir avec joie, sans plaindre leurs mains.
Et il rêve déjà d’aller à Moscou pour faire ses études au conservatoire et devenir un vrai chanteur. Et moi? Pour instant, je suis devenu apprenti du coiffeur.
On m’a coupé gratuitement et on m’a donné une blouse blanche.
Videz, s’il vous plait, ce drap, ensuite il faut balayer le plancher, — c’était le premier ordre donné par le cadre de maîtrise d’un ton particulier trop poli et en même temps légèrement blessant.

VII
A cette époque-là cela arrivait encore: le salon de coiffure ressemblait à un établissement presque privé au début du mois et presque national vers sa fin. Ces deux «presque» se liaient heureusement dans les poches du cadre de maîtrise. Sur sa blouse blanche, comme sur les blouses blanches de tous les autres, deux poches se pavanaient, mais une d’elles était à l’état, et l’autre — rigoureusement à lui-même. Selon quel principe et quelle partie de notre revenu se retrouvait à une ou l’autre de ses poches — c’était uniquement lui seul, qui le savait. Mais chacun de nous, les apprentis, savait combien on perdait en espèce de «la retenue» pour son manque de l’expérience.
Katucha, la caissière, qui devait accumuler la recette «du secteur d’état» — en première moitié de mois se présentait une heure avant la fin de la journée, pour recevoir de la part du cadre de maîtrise le contenu de sa poche gauche et facturer à retardement. Gâtée par la liberté, Katucha parfois n’avait pas de temps, pour diversifier les tickets, et facturait toujours la même coupe en fonction du nombre de roubles, qu’elle a reçus.
Tu es devenu un vrai coiffeur, Kostia! — un jour m’a dit le cadre de maîtrise. — Tu as rasé combien aujourd’hui?
Je n’ai rasé personne aujourd’hui, —ai-je grogné d’un air de défi.
Comment ça? J’ai tout vu.
Mais vous pouvez vérifier d’après les factures.
Ah... — Il a fait une grimasse avec un air compréhensif, a souri obséquieusement et m’a amicalement tapé sur l’épaule.
Tu es un petit perspicace! Et alors, ce n’est rien. Personne ne les vérifie ... aujourd’hui on coupe, demain on va raser.
Alors, je n’apporte pas les ciseaux demain ?
Mais quel querelleur! Qu’est-ce que tu as là? Tu auras une attestation et un salaire... Viens, je t’offre de la bière!
J’ai refusé cette proposition avec indignation et ai dit au cadre de maîtrise quelques mots vexants, mais justes.
La première mille de joues, têtes, mentons, nuques est passé sous mes mains... il arrivait que certains d’eux ont été gâtés.
Qu’est-ce que c’est que ce toupet? — demande une tête avec un air mécontent et sévère.
Une minute! — exclame-t-on, confus. Hop-hop-hop...— claque-t-on des ciseaux, et là, ou il y avait un toupet, il y a un instant, un champ clair voyant apparait. Maintenant la tête est furieuse.
Je coupais, et vous bougiez de la tête, — rejette-on sa cause. J’étais jaloux de notre deuxième cadre de maîtrise. D’ailleurs, je dois reconnaitre, que partout où je travaillais, j’étais jaloux du savoir-faire des autres. La justification à ce sentiment, que les gens cachent, j’ai trouvé plus tard auprès d’une personne, qui n’était pas du tout du même métier que moi, — chez Pouchkine, qui a dit, que la jalousie est une sœur germaine de la compétition, par conséquent, elle est l’estoc de bon.
Le deuxième cadre de maîtrise était une personne sophistiquée, gandine. Il s’habillait «à la mode» par l'absurde, sur son bras gauche il portait un bracelet en or, chaque jour il coiffait de la manière différente ses cheveux souples bruns et allait se marier avec notre Katucha, qui l’appelait pour quelque raison «un prince de sang», en ajoutant «de laquais». Mais j’étais jaloux, précisément, non pas de ses qualités différentes, mais du fait, qu’en travaillant il pouvait parler sans arrêt. Donc, il est un vrai maître!
Katuche est-ce que tu as été chez Nastia? — demande-t-il en savonnant le visage du client.
J’y suis passée le soir.
Et alors? Qui y était?
Sacha Moukhine, mon prince chéri.
Et comment il va?
Il s’est marié.
Avec qui?
Avec Nastia.
Avec Nastia? — Le badigeon s’appuie contre le nez du client et fait un arrêt.
Le client secoue la tête mécontentement.
Je plaisante, pas avec elle.
Mais avec qui, alors?
Toute sa journée se passait en bavardant.
Il parlait uniquement pour montrer aux clients et à nous, les adolescents, qu’il était un grand maître et pouvait travailler sans regarder.
Tu sais, qui je pouvais devenir? — parfois il nous disait, quand le coiffeur en chef n’était pas dans le salon de coiffure.
Qui, alors? Qui?
C'est bien ça...— répondait-il mystérieusement.
Mais peu à peu j’ai commencé à être fier de mon travail aussi. Tout de même on a de l’affaire avec la tête humaine et non pas avec de n’importe quoi, l’objet, que tout le monde respecte. J’essayais de deviner, ce que cet objet contenait, en définissant en moi-même les inclinations, les capacités et le caractère des clients. Cette occupation m’amusait et de plus en plus provoquait de l’intérêt à l’humanité.
Mais progressivement ce qui était «presque privé» dans notre entreprise a commencé à disparaitre. Katucha est devenue plus  ponctuelle et pratique, elle a même commencé à prendre en compte le travail de chacun de nous et tous les types de travaux séparément. Deuxième coiffeur est devenu moins bavard, parce que son travail était calculé à part aussi. Les « décomptes » étranges se sont arrêtés, et trente roubles sont déjà entrés solidement dans ma vie mensuelle. J’ai même envoyé de l’argent à ma mère, et pas une seule fois. Elle s’ennuyait de ses fils et a déménagé à Gouriev pour habiter  avec mon grand frère en travaillant au chantier de construction.
Mon «stage» au salon de coiffure commençait à partir de deux heures de l’après-midi. Jusqu’à cette heure, presque chaque jour, je travaillais à cette époque dans les champs de la commune de l’orphelinat. La commune a été organisée par le comité municipal de komsomol, et il n’a pas eu besoin de beaucoup de temps, pour que, nous, qui venions de devenir les membres de komsomol, ayons  compris quelle signification le travail avait. Nous y travaillions avec de l’enthousiasme, malgré que les résultats du travail pour instant n’étaient pas encore aussi élevés qu’ils pourraient être. Le mot «commune» était pour moi un mot sacré et me rendait fier. De telle façon le berger de steppe d’hier, après avoir envolé par avion, est fier de son art de voler beaucoup plus, que celui-ci, qui connaissait le matériel dès son enfance. Le fils de valet construisant la commune et comprenant le sens élevé d’idée de ce mot n’a pas de limites de sa fierté. Je suis un fils de son peuple, qui, avant que les Allemands, les Français, les Américains et les Anglais, a construit une nouvelle société, à laquelle toute l’humanité rationnelle se précipite.
Je n'étais pas passionné pour mon travail au salon de coiffure, il était un travail désagréable, habituel, forcé. Mais dans les champs de notre commune je me transformais en créateur de la nouvelle vie, et mon travail — en poème de la fierté humaine.
Le jour du Premier Mai j’ai été complètement dessus de ma profession. Si étrange, que cela est arrivé au moment solennel du décernement de mes récompenses pour le travail excellent.
Au coiffeur parfait Konstantin Sartaleev, — a dit notre coiffeur en chef, — pour l’exécution du plan de six mois en quatre mois il est récompensé d’une prime de cinquante roubles, d’un costume d’été blanc et des bottines...
Comme les autres, je me suis approché posément de notre coiffeur en chef, ai reçu ma prime et, après avoir décidé qu’il fallait répondre quelque chose à l’auditoire applaudissant, je me suis mis à parler de la manière longue et incohérente. Je me rappelle seulement de la fin de mon discours.
Vive la récompense des coiffeurs ayant fait leur plan et ayant fait leur plan en avance! —ai-je lâché.
«C’est idiot! Il fallait dire quelque chose d’autre!» — ai-je pensé à ce même moment. J’ai rougi, je suis devenu cramoisi jusqu’aux oreilles m’en suis allé vite en me grondant.
Tout m’irritait, quand quelque ruelle tordue dans la banlieue sale porte le nom de Pouchkine, ou si on nomme le nouveau-né par un  prénom composé des premières lettres des grands hommes géniaux de l’humanité. Il est très important de protéger de petites bêtises quotidiennes, ce qui est sacré et grand. Et tout à coup, moi-même, j’ai adressé mon «vive» solennel et retentissant à un groupe de coiffeurs, que je connaissais par leur vulgarité et leurs cancans.
Il est facile à s’imaginer, que je suis revenu à l’orphelinat en très mauvaise humeur.
Borache se préparait à partir à Moscou. Pour son départ il s’est acheté une valise rouge vif et y mettait soigneusement ses affaires. Sur la table il y avait un fer à repasser chaud et un tas de chaussettes et mouchoirs repassés.
— Alors, tu vas être chanteur, Borache? Ta décision est définitive? —  ai-je dit en regardant sa valise rouge.
Mais c’est ma destination Kostia! — a répondu fièrement Borache.
En automne on va impérativement se voir à Moscou! — ce n’était pas lui, que je consolais, mais moi-même.
Je me suis remis un peu avec de l’espoir, qu’on allait être assis avec Boria toute la nuit, et au point de jour je l’emmènerais à la gare, et en ce faisant, peut-être, j’arriverais à oublier mon discours ridicule à la réunion des coiffeurs.
Mais la jeunesse est impressionnable. Je ne pouvais pas me débarrasser de la honte de mon discours même après le départ de Boria. Dans le salon de coiffure tout me dégoûtait. J’ai arrêté de m’intéresser aux hauts fronts et aux belles chevelures. Après avoir dépensé pour la barbe du client seulement cinq minutes, je criais de la manière sèche: — Le suivant!
Avec le gros cœur je comptais les jours passé dans l’atelier.
«Mais qu’est-ce que tu as fait de bien dans ta vie? — me suis-je demandé. — Tu as terminé sept classes de l’école? Et alors? Qu’est-ce que tu as, toi, qu’est-ce que tu as senti pendant ces dix-sept ans?.. Tu n’es même pas tombé amoureux!..»
J’ai fait une conclusion, qu’on ne pouvait pas compter la vie par les jours. Si tous les jours se ressemblent tellement, pourquoi est-ce qu’on les compte? Et pendant toute l’année on peut de toute façon trouver quelque chose remarquable. Mais, pourtant les gens calculent: tout simplement les années d’études, ou l’an, quand il est allé à Moscou, l’an quand il est devenu membre du komsomol, l’an du mariage. Mais ce mode aussi, différant un an de l’autre, s’est avéré inutile pour ma vie. Je souffrais de la conscience de la vanité des jours et des années, que j’avais vécues. Je me suis avéré peu intéressant pour moi-même et pour les gens.
Peut-être, parce que Cheguin écrivait de l’école militaire plus souvent à Boria, et non pas à moi?
J’étais amoureux de mon grand ami, plein d’extrémités, polisson aimant la vie et moqueur et en même temps amateur des livres, un copain fidèle et d'une grande délicatesse d'âme et un homme  avec des décisions fermes. Le fait, qu’il ne voulait pas m’écrire des lettres, prouvait seulement mon incapacité de répondre aux questions, qui l’intéressaient toujours.
J’étais inquiet et jaloux.
Maintenant, quand Boria est parti, Cheguin va m’oublier complètement! Je dois leu écrire moi-même, lui raconter mes doutes et écouter celui, qui sans savoir qu’il était pour moi le plus proche, était pour moi le plus proche dans le monde entier et le plus digne exemple à suivre.
J’ai décidé irrévocablement d’abandonner le salon de coiffure, mais qu’est-ce que j’allais faire après, — je ne savais pas. Avant l’automne il y avait encore beaucoup de jours, pour choisir le chemin, et cela ne me dérangeait pas.
La terminaison de la septième et le printemps arrivé ont éveillé mes souvenirs d’enfance et des rêves paresseux.
Les souvenirs m’ont apporté du loin des années passées une chère image de la petite Akbota, que j’aimais si modestement à l’aoul. Toute la journée je la voyais telle, quelle elle était à l’âge de sept ans. Et seulement vers le soir j’ai eu une idée de lui ajouter tant d’ans, tant ils sont passés du jour de notre séparation, — et soudainement elle a tout de suite grandi, elle avait de longues tresses sur ses épaules, des boucles d’oreille brillaient dans ses oreilles. Chaque minute, son image lointaine devenait plus chère et attractive. Mon petit chamelon blanc! Je me suis rappelé de son habitude drôle de s’exprimer avec ses petits poings. C’est bien, si elle a gardé cette habitude: cela me serait utile — pendant notre rencontre elle me pousserait par son petit poing, et je l’attraperais par sa main et serrerait contre moi. Quel rêve doux!
Non, ce n’est pas ce rêve qui m’inquiète. Voilà Cheguin, il est déjà pilote, Borache est parti à Moscou et deviendra un chanteur. Et moi, je suis coiffeur! Au diable!
Je me suis rappelé de la poésie d’Abaï:

Dans le chantier mondial 
Toi aussi, tu es une pierre solide. 
Trouve seulement un endroit, attache-toi 
Et tu vivras dans les siècles...

Il est assez de regarder le monde par la fenêtre! Il est le temps de trouver ma place pour moi aussi.
Le matin je suis arrivé en courant au département d’enseignement de la région et a sorti d’un seul coup deux raisons valables prouvant mon droit de chercher ma place dans le monde: le certificat du coiffeur et le document sur les résultats excellents d’études en septième. J’ai demandé de m’envoyer pour les études à Moscou.
Le même chef, qui avait lié autrefois mon destin avec le rasoir et les ciseaux, et par la suite mon ancien ennemi, avec le calme olympien a levé ses yeux de mes documents, ensuite les a tirés et a fait une résolution d’une manière décidée: «Inscrire à la propédeutique de l’institut pédagogique». Terrifié, j'ai tendu mon bras vers ma demande, mais mes documents ont disparu immédiatement dans le tiroir du bureau.
Pourquoi tu as quitté le salon de coiffure?
J’ai assez d’être coiffeur!
Tu ne veux pas travailler?
Non, pourquoi...
Tu sais toi-même, pourquoi! Il vous semble à tous — uniquement Moscou vous attend tous... Je comprends, que tu veux faires tes études. Mais pour faire quoi? Seulement, pour monter toi-même. Mais c’est le peuple qui t’a éduqué. Le peuple a entretenu l’orphelinat, le peuple te chaussait, t’habillait, te nourrissait; le peuple payait tes pédagogues. Tu as dix-sept ans, il est le temps de penser au peuple! — avec de l’énergie inattendue m’a réprimandé le gros chef, qui paraissait si indifférent.
Ses reproches m’ont paru injustes. Pourquoi il m’accuse de mon aspiration à devenir instruit uniquement pour moi-même? Cheguin est devenu pilote pour le peuple. Quand Borache deviendra chanteur, lui aussi, il va servir au peuple. Il lui apportera les chansons et la joie du cœur, et moi... Mais ici, c’était un endroit faible: je ne savais pas encore moi-même, qui je voudrais devenir, et je voyais à peine ma propre grandeur future. Je ne pensais pas tellement à l’utilité de mon activité, qu’à mon estime générale, à l’admiration devant moi pour cette activité.
Mais je veux recevoir l’enseignement, devenir instruit, pour que le peuple soit fier de moi, — enfin j’ai protesté avec assurance.
Le chef a souri.
Le peuple sera fier de toi, quand tu seras lui utile. Regarde. — Il a mis sur son bureau un drap réglé en papier énorme, qui m’a vivement rappelé le tableau, qui m’a emmené à l’époque au métier ennuyant du coiffeur. — Regarde, c’est notre projet du développement  du réseau scolaire. Tu voulais être instruit, tu y avais une inspiration, mais tout notre peuple, écrasé jadis par son ignorance, veut aussi être instruit. Avec les illettrés on ne peut pas entrer dans le communisme. Nous avons besoin de dizaines de milliers de simples pédagogues. Où est-ce qu’on va les trouver, si vous tous, qu’on a éduqués, allez devenir professeurs titulaires? Les professeurs t’ont donné des connaissances aux frais du peuple. Tu dois rendre ta dette au peuple et lui donner un professeur digne, qui emmènera à l’instruction nos enfants... Es-tu un membre de komsomol?
J’ai fait un signe de tête silencieusement.
D'autant plus que tu dois me comprendre. La dernière promotion a été bazardée inconsidérément par nous. Mais cette année nous enverrons quatre-vingt-dix pour cent de Kazakhs, qui ont terminé leur école, à l’école supérieure pédagogique locale. Et il est le temps d’apprendre de voir tout de la hauteur de la grande montagne, et non pas de la petite motte de tes intérêts. Est-ce que tu as compris?
Qu’est-ce que je pouvais lui objecter? Je me suis tu, mais n’ai pas fait un signe de tête en accord.
Alors, c’est parfait! Pour cet été je te conseille de revenir à l’atelier. Il ne faut pas perdre l’habitude au travail. Et un mois avant le début des cours tu prendras des vacances et iras à ta petite patrie boire du koumys .
Triste, je suis revenu à l’orphelinat. Là, une joie inattendue m’attendait — une grande lettre de Cheguin.
Les larmes ont commencé à couler, quand j’ai vu une enveloppe bleuâtre avec une écriture connue et solide de Cheguin. Un pilote en casque amortisseur avec de grandes lunettes sur le front, me regardait sévèrement du timbre.
Mes yeux glissaient avec avidité sur les lignes, en arrachant des phrases séparées et des pensées décousues. Je n’avais pas assez de patience de lire toute la lettre complètement. A travers les larmes j’attrapais les grands mots de mon grand copain, et par conséquent, les plus correctes dans le monde pour moi.
Seulement au bord de l’Oural, complètement isolé, je suis arrivé à lire toute la lettre complètement, qui a servi du chemin de vie définitif.
«Bonjour le boxeur!» — c’était le début de la lettre de Cheguin. Ensuite il énumérait tous mes titres et grades, une espèce d’encourageant «coureur», cordial «idiot», moqueur «philosophe»... Cheguin m’appelait «boxeur» depuis le jour, où moi, il y a trois ans, couvert de meurtrissures, défraîchi considérablement, je suis revenu de la rencontre amicale de boxe avec une équipe de l’école d'apprentissage.
Tout ce que Cheguin écrivait par la suite, ressemblait à un extrait de la chanson «Chanson sur le faucon», qu’il aimait et connaissait par cœur. Comme le pilote, lui, probablement, dans son âme, il se comparait avec le faucon habitué voir le monde de la hauteur de vol.
«Le monde est beau au moment, quand l’horizon est large, — écrivait-il, — et l’horizon est large, quand on regarde du haut. Ne pense pas, que moi comme pilote, je pense, que seulement mon métier donne la vision du monde large. Non, j’entends par cela non seulement l’horizon physique et non seulement la hauteur de vol. Moi personnellement, je vole au sens propre du mot, mais j’avoue, qu’il est possible de s’envoler pour ceux, qui ne se sont jamais assis et ne s'assoiront jamais dans une cabine de pilote. Mais ramper est toujours mal. Notre époque est une époque de vitesses et des hauteurs, qui enrichissent l’esprit et le cœur. Aujourd’hui je suis revenu du vol lointain, qui avait duré dix jours, et en ces dix jours j’avais vu de différents peuples dans tels endroits, que nos pères ne pourraient pas  atteindre en toute leur vie.
Tu sais de combien d’ans je suis plus grand que toi, mais maintenant je suis devenu beaucoup plus grand. Il me semble, que cela fait longtemps que je vis. Nous découvrons le monde avec un rythme différent. Tout ce que nos pères voyaient et découvraient en toute leur vie, se placerait entièrement dans un cours modeste de l’école de sept ans, qui est étudié sans efforts par chaque garçon soviétique. Et pour un homme adulte soviétique c’est déjà une ration frugale.
Ne le prends pas pour une belle phrase vide, mais, j’avoue, je préfère vivre de l'âme pleine tous les instants, que collecter par kopek par jour. Et c’est le faucon aussi qui me l’enseigne, je l’aime depuis mon enfance, mais je n’ai pu le comprendre que maintenant, sur mes ailes en acier.
Tu n’es pas de la race des couleuvres. Je sais, que tu vas voler, mais où est-ce qu’on te trouve tes ailes? J’y pensais après ta dernière lettre, mais qu’est-ce que je peux te conseiller, si tu écris si peu de tes propres inclinaisons et rêves? Qu’est-ce que tu voudrais toi-même? La liberté du vol est à perte de vue, mais il ne faut pas te tromper du choix. Tu pourras partout lutter pour notre avenir. Et on va rencontrer les batailles non seulement chez nous, dans l’aviation. «La folie des courageux...» se manifeste non seulement chez nous.
De la manière inattendue, cette lettre s’est terminée sérieusement et expressivement: Cheguin écrivait, que la partie lui a ouvert le chemin, qu’il allait suivre jusqu’à la fin de sa vie. Ainsi, il est déjà devenu communiste, et moi, je n’étais qu’un membre du komsomol! Cheguin allait toujours en avant, — et maintenant, de nouveau, il me guidait.
Toute la nuit j’avais l'esprit tendu à cette lettre ressemblant à la chanson. Elle m’a enivré. Vers le matin j’ai pris une décision, dont j’ai écrit à mon copain déjà après sa réalisation.
Dès le matin, je me suis dirigé au commissariat militaire. Cheguin m’a aidé à trouver les objections au discours ample, mais pas assez  romantique et chaleureux du chef du département d’enseignement de la région. Le jeune cœur a répondu avec ardeur à la flamme poétique de Cheguin, et je fredonnais d'un air belliqueux en mettant dans ma valise mes affaires.
Avec le premier son prolongé de la sirène du bateau je suis entré sur le quai.
Enveloppée de la soie épaisse bleue de l’aube, la ville se réveillait lentement. Ça et là, les petits feux ternes tremblaient dans les fenêtres solitaires. Vénus brillait comme un diamant énorme de dimension d’un poing en faisant des clins d'œil aux soupirs et aux chuchotements tardifs des amoureux dans le jardin. En répondant à la chorale solennelle des grenouilles au-dessus du fleuve, les centaines de chiens de cour de la banlieue aboyaient sans arrêt.
En étendant au-dessus du miroir des eaux calme le reflet long du projecteur, en tremblant du battement de son propre cœur, le bateau «Kazakhstan» était stationné. Avec la valise à la main, je suis vite monté sur le pont supérieur.
VIII
le bateau bleu glisse dans sa fierté calme, en laissant en arrière un triangle argenté de l’eau bouillante. Les vagues courent gaiement vers les rives et, après y avoir jeté en bas leurs habits en dentelle d’écume, reviennent en reculant. C’est l’après-midi brillant de mai, plein de délice. La fumée brune effilochée du bateau ressemblant à la caravane étendue des chameaux, est pendue longtemps au-dessus du fleuve, en disparaissant lentement et en se transformant en file des monstres et des animaux fantastiques.
Ce mouvement impétueux et sûr vers la mer de notre bateau portant sur ses bords le nom de la république natale «Kazakhstan», me semble symbolique.
Le Kazakhstan! — en me délectant des sons mélodieux de ce mot, je le répète à haute voix.
Du pont supérieur du bateau il s’étendait devant mon regard, comme l’océan de steppe sans fin.
Le Kazakhstan!
Ses aouls et ses troupeaux... Là, on voit les constructions du nouveau chemin de fer ... Et là, dans le désert vide, les excavateurs attaquent le sol en hurlant, et les grues de hissage fabriquées en dentelle d’acier tendent leurs cous longs. Et voilà, dans la steppe sauvage, les bâtiments hauts cachés par les échafaudages de construction s’élèvent. Oui, le Kazakhstan est un grand chantier. Nous sommes en train de construire pour notre compte, pour le compte de nos pères, nos grands pères et nos arrière-grands-pères, de la paix à leurs âmes!
Contre le fleuve sur la rive droite, les rectangulaires des potagers des bourgs russes verdissent. A gauche les steppes kazakhes courent avec les aouls de kolkhozes, les troupeaux innombrables de chevaux, avec les chameaux se montrant étonnement ça et là.
Le bateau transporte dans les bas-pays des grains, des parties compliquées et étranges pour quelques machines, deux akhals-tékés gris foncé et deux dromadaires géants.
Quels chevaux! On peut faire le tour du monde entier avec! — s'enthousiasme un jeune Kazakh.
Tout le monde entier? Est-ce que tu es allé plus loin qu’Ouralsk? — taquine son copain.
Non, mais regarde celui-ci! Regarde! — s'exclame le troisième Kazakh, en regardant avec enthousiasme les «bateaux de désert» majestueux. — Quarante jours sur les sables chaudes sans une gorgée d'eau, sans aucune petite herbe!
Ils sont les nôtres, turkmènes, — s’est mêlé un compagnon de route coiffé d’une papakha  de mouton blanc énorme.
Comment ça, les vôtres? — s’est levé un homme vêtu d’un bechmète  noir en velours.
Bien-sûr, les nôtres.
Mais pourquoi les vôtres? Ce sont les dromadaires de notre kolkhoze! Je suis le président du kolkhoze «Kayrakti»!
Il a prononcé le nom de notre kolkhoze, et j’ai prêté l'oreille tout de suite.
Quel drôle d'homme! Mais d’où ils viennent? — proteste le premier.
Ah, d’où ils viennent! Et alors, toi aussi, peut-être, tu ne viens pas de la terre kazakhe, de n'importe où de Boze-Ati, mais en réalité — seulement turkmène!
Et alors? Peut-être toi aussi, tu es né dans une vallée turkmène de Quarante puits, mais on voit de tout, que tu n’es que Kazakh.
Mais d’où tu peux le savoir, d’où suis-je?
Et toi, d’où peux-tu le savoir?
Ils ont ri après avoir compris, que tous les deux, ils sont nés dans les pays, qui longtemps étaient peuplés par les deux peuples et lors des siècles étaient un objet de discorde entre eux, et maintenant ils se sont transformés en endroit de la fusion étroite amicale de deux cultures.
Et voilà ils sont assis par le plancher et chacun est en train d’ouvrir son khoudjoun  en tapis.
Mange, mange, mon cher Turkmène!
Bois, bois, je te pris, mon cher Kazakh!
Je me les imagine descendre à cheval de deux côtés vers le puits de steppe, il y a vingt ans. Entre eux, il y aurait des siècles de la haine sauvage, des rivières de sang coulées pour des offenses des autres et pour une gloire stérile inutile des autres. Les déserts et les steppes n’étaient pas assez larges pour que ces deux puissent se séparer dans la paix. Dans le puits riche en eau fraiche, il y airait trop peu d’eau pour eux et pour leurs chevaux. Tout d’abord ils s’échangeraient des moqueries et des insultes, ensuite ils prendraient en main des gourdins.
Mais maintenant ils sont assis l'un à côté de l'autre, plaisantent sans méchanceté, rient ensemble de ce, qui pourrait être une raison pour en venir aux mains à mort.
Je les observe et attends, quand ils reviennent au sujet «seulement Kazakh», «seulement Turkmène». S’ils n’ont plus cette ancienne haine sauvage, qu’est-ce que ces mots veulent dire?
Je l’ai compris seulement en écoutant la suite de leur la conversation attentivement: être «seulement Kazakh» ou «seulement Turkmène» signifiait savoir faire uniquement ce, que savaient faire les pères et les prangs-pères, c’est-à-dire, être un seigneur des troupeaux de steppe et un sujet obéissant de la steppe. Mais cela ne pouvait plus satisfaire tous les deux.
Mais regarde, qu’est-ce qu’il y a là-bas, — dit le Kazakh. — Ce sont du matériel! Mais quel matériel, qu’est-ce qu’on fait avec, — je ne sais pas et toi, non plus...
C’est vrai! — a soupiré le Turkmène. — L'œil voit et l'esprit ne prend pas. Ou encore — on monte dans le bateau, on paye douze roubles, mais comment, pourquoi il va, on ne sait pas!
Après avoir claqué de langue avec le cœur gros, ils secouent de tête avec déception. Je suis charmé, que tous les deux, ils ne veulent pas rester ceux, qui étaient leurs grands-pères. J’ai envie de leur parler énormément, et je m’approche.
Eux, ils doivent savoir tout, — m’a indiqué le Kazakh, qui s’était présenté comme président de notre kolkhoze «Kayrakti». Il y avait quelque chose connue, mais oubliée dans son visage, malgré que cette moustache tombante et ces cheveux gris argentés je voyais pour la première fois. Et tout à coup, après l’avoir imaginer sans moustache, j’ai reconnu un milicien, qui m’avait emmené un jour à l’orphelinat, et le jour de notre départ on l’avait vu avec Cheguin quand on disait au revoir à la ville.
Je l’ai pris par la main avec reconnaissance.
Hé!.. Hé!.. Hé-hé!..— seulement ces mots rompaient un récit détaillé sur les aspirations et les exploits dignes de mon ami et, quand j’ai terminé, il a exclamé: — Ah! Voyez, comment tu es devenu maintenant! Je ne tâchais pas pour rien!
Il m’a serré dans ses bras et s’est serré par ses poils raides humides contre mon visage.
Tu entreras au kolkhoze à cet akhal-téké! — a dit-il, probablement en désirant d’être fier de moi, comme du produit de ses propres mains.
Non, je vais voir ma mère à Gouriev, — l’ai-je déçu. «Kazakhstan» a fait un grand tour sur l’eau et a abordé le bord.
L’ancien milicien, et maintenant le président du kolkhoze, a commencé à sortir ses chevaux de race et dromadaires.
Dans la foule attendant près du quai, une silhouette d’une jeune femme avec un enfant a fusé devant les yeux — une casquette bleue était chevauché étroitement sur la tête d’un homme fluet. J’ai tressailli et suis resté immobile. Deux contre-courants de gens se déplaçaient  du bateau et sur le bateau en me poussant et en grondant du fait, que je restais immobile sur sa place. La foule à mille voix de passagers, en poussant ceux que sortaient et, comme dans le tourbillon, en tournant la jeune femme avec son enfant, est entrée sur le pont intérieur. La femme montait son enfant presque au-dessus de sa tête, en sauvant de la pression de la foule, le petit couinait d'un air impuissant. Le mari, repoussé par la foule de la femme, lui criait quelque chose de loin. Un colis énorme sur le dos puissant du passager entrant a serré la jeune femme contre la paroi. J’ai repoussé le colis de côté, a libéré la femme et a pris l’enfant de ses bras.
Oh mon dieu, c’est toi, Kayrouche? — Elle m’a reconnu tout de suite.
Rougie, pleine de la fraîcheur de jeunesse, elle était étonnamment belle. En enfance Akbota était potelée, au visage large, avec le petit nez doux et les petits poings durs. Maintenant son visage qui était rond, est devenu ovale, le nez a acquis une rectitude digne, elle-même, elle a maigri et est devenue svelte.
Ses yeux noirs m’ont regardé en face. Je gardais silence après avoir baissé mes yeux.
C’est toi, Kayrouche? — elle a redemandé mais avec incertitude.
Mais tu voix toi-même, Akbota...
Mais on disait, que tu t’es transformé en Kostia...
Mais est-ce qu’on ne peut pas t’appeler avec douceur Bota?
Mais on disait, que tu ne viendrais jamais à l’aoul, que tu as quitté ta mère, — a-t-elle dit, en regardant avec reproche son mari approché.
J’ai compris, que c’était de la part de cet homme au front bas, désagréable, que ces bruits avaient couru. J’étais prêt à l’écraser tout de suite. Lui, il était clair, m’a compris également, ses yeux se sont mis à courir comme un voleur sur les visages entourant, il a mis avec précipitation sa valisa et son sac, m’a pris l’enfant et l’a transmis à la mère. Puis, après avoir monté ses affaires, a fait un mouvement par le menton fourchu en avant et a crié:
Ohé, katine , on y va!
Mais quelle petite poupée tu étais Bota! — ai-je dit à voix bas.
Tiens, tu es en retard pour jouer avec cette petite poupée! — tout à coup son mari m’a crié directement à l’oreille et s’est échappé précipitamment derrière le virage. — Ohé, katine! — on a entendu son crie de nouveau.
Akbota a lancé un regard étincelant discrètement, a serré ma main en silence et l’a suivi humblement.
Mais elle a atteint avant moi son âge de vingt ans!
Je voyageais seul dans la cabine à quatre places. En allant chez moi, j’ai vu, qu’on y laissait entrer également Akbota avec son mari. J’ai décidé de passer le reste du voyage sur le pont et je ne l’ai plus jamais rencontrée. Parfois  j’entendais des pleurs enfantins, dans ce cas, je passais sur un autre bord. Si je remarquais un dos maigre étroit du maître gringalet d’Akbota, je me cherchais un autre endroit.

IX
A jeune âge on voit si beaucoup, qu’on ne peut pas comprendre tout du premier coup. Les impressions nous prennent, comme les vagues arrivant l’une après l’autre. On rencontre de nouveau en nouveau et chaque fois absolument au moment, quand nos pensées sont encore occupées par quelque chose précédant. Et nos pensées ne sont jamais libres, parce que tout ce qu’on regarde, leur sert de la nourriture. Le jeune esprit veut tout embrasser, tout connaitre et assimiler et attrape tout avec avidité et à la hâte, pour ne pas être en retard attraper le suivant, qu’on rencontrera sur son chemin.
En allant chez ma mère, j’essayais de penser à elle, à notre rendez-vous, mais les nouveaux endroits et nouvelles rencontres m’emportaient et tiraient vers la mer du monde riche et large, comme les vagues, qui emportent le nageur sans expérience de la rive. Quand je suis descendu sur le quai à Gouriev et m’approchais vers le pont connu sur l’Oural, je suis revenu de nouveau dans mes pensées à ma mère. Mais ici aussi les nouvelles me guettaient: il n’y avait plus de l’ancien pont en bois tremblant éternellement au-dessous des roues des chariots chargés. A sa place il y avait un autre, en fer. De là-bas, il y avait une vue large.
Trapu et incolore autrefois, maintenant Gouriev s’est levé et grandi, de deux côtés de l’Oural les constructions s’élevaient, brillaient des verres du bâtiment de grands nouveaux immeubles, et le fleuve connu, on dirait, s’est tassé et a baissé la crête. Le hurlement des véhicules roulant par le pont fusionnait avec le son fin et mélodieux des scies circulaires électriques, avec le bruit discordant aux chantiers.
Au loin sur une nappe large en argent de la mer il y avait des navires, qui fumaient, et plusieurs bateaux de pêche gonflaient les voiles blanches.
«Le Kazakhstan!..» — a chanté de nouveau mon cœur.
J’ai retrouvé ma mère au chantier d’un bâtiment à plusieurs étages: elle fournissait des briques sur une bande roulante du transporteur.
Maman!..
Après m’avoir vu, ou plus précisément, après avoir reconnu ma voix, elle a fait tomber une brique, et elle s’est cassée près de ses pieds. Elle s’est serrée contre moi, et seulement dans ses étreintes j’ai senti tout à coup, que je pensais beaucoup à elle, — et je n’avais rien fait pour elle, rien de rien...
Je ne savais pas encore en quoi consistait le bonheur de la mère, et en quoi consistait l’obligation sacrée des fils, mais tout à coup j’ai voulu créer pour elle tout, ce qu’elle n’a pas vu dans sa vie, — l’aisance, la chaleur et la paix. J’embrassais ses mains. Comment indécrassables et durs étaient ses doigts d’ouvrière par rapport aux miens, qui ne connaissaient pas le travail pareil! Son visage était couvert de rides et de la fleur fine de poussière brune de brique soulignant chaque petite plie de sa peau! Je voudrais lui donner quelque chose, dont elle rêvait toute sa vie.
La mère m’embrassait et en regardant mes épaules larges, se réjouissait de ma santé, de mes jeunes forces non gaspillées, et moi, je répétais en moi-même, comme un serment, que je ferais pour elle «tout, tout, tout», et ce qui ce «tout» signifiait — je ne pouvais pas m’imaginer encore. J’étais seulement sûr, que cela serait sans bornes et féerique...
Mon petit! — balbutiait la mère en se serrant contre ma poitrine par sa tête, et «le petit» se penchait vers elle, pour qu’elle puisse toucher et caresser les cheveux sur sa tête.
Chez ma mère tout était comme d'habitude, mais en même temps, mais partout il y avait une empreinte de la nouveauté. L’aoul se sentait toujours dans la vie de la mère, mais la ville prenait déjà la possession d’elle, laissait ses  empreintes sur toute sa vie quotidienne. Cela se faisait sentir et dans ses vêtements, et ses chaussures, et de l’intérieur de sa maison.
Les voisines (les mêmes ouvrières qu’elle) venaient me voir et regarder la joie de la mère, mais leur conversation n’était pas autour du rendement de vaches et autour du foyer, avant tout. Elles parlaient de «notre» usine, de «notre» chantier, de «notre» comité d'usine et du club.
Et mon grand frère avait un air complètement différent. Au même chantier sur l’étage supérieur il posait des briques fournies par la mère sur le transporteur. Il est devenu plus sévère, plus concret. Il était chef d'équipe des bâtisseurs et parlait de la compétition socialiste, du plan et de l’accomplissement des normes.
Le soir en honneur de mon arrivée toute la famille s’est unie. J’étais au centre des préoccupations, mais j’étais gêné de parler de moi-même. Qu’est-ce que je pouvais raconter? Pouvais-je parler de nom métier du coiffeur, du fait que je savais aussi faire le plan en avance en ce qui concernait des barbes et des coupes, et même avais été primé pour cela?
J’ai dit seulement, que j’ai terminé mes études et était appelé en armée. A cette époque il y avait beaucoup de rumeurs inquiétantes sur la grande guerre à venir, et j’ai caché de ma mère que j’étais volontaire. Elle s'est inquiétée, mais le frère l’a consolée en disant, que si j’avais terminé mon école, on devait m’envoyer  aux cours de commandement où je ferais mes études, peut-être, encore quelques ans, avant de me retrouver à la guerre.
La conversation est passée sur l’aoul, sur les connaissances, j’ai parlé de ma rencontre avec le président actuel de notre kolkhoze, mais j’ai passé sous silence ce qui grattait le plus mon cœur, — la rencontre avec Akbota. Mais la mère, tout à coup, s’est adressée à moi, elle-même:
Kayrouche, est-ce que tu te rappelles d’Akbota? Ces jours-ci on l’a mariée.
Comment c’est ces jours-ci? Elle a déjà un enfant! —  m’a-t-il échappé.
C’est un enfant de sa sœur décédée. Elle était la première femme de son mari...
La mère a raconté une longue histoire compliquée, comment après la mort de sa femme le mari d’Akbota, comptable du département municipal de commerce, avait mis sa main dessus ses parents, et ensuite avait pris la possession d’Akbota elle-même. Pour moi il était clair seulement une chose, qu’Akbota avait atteint avant moi son âge de vingt ans! Je n’avais rien à voir avec le fait, que le mari a falsifié les documents et lui avait ajouté quelques ans pour l’épouser? Il me restait une chose — réduire mes vacances et courir vite d’ici.
Le jour de mon départ la mère a ressemblé les parents et les amis et a fait les adieux familiaux. La tête traditionnelle du mouton, passée de main en main, se dirigeait déjà vers les plus âgés, en écartant ses oreilles brûlées et en fermant ses yeux, comme si elle présentait l’imminence de la justice à venir.
Derrière la porte entre-ouverte un bras s’est tendu avec une tasse de koumis. Tout le monde s’est retourné.
— C’est pour toi, pour toi mon Kayrouche — m’a soufflé ma mère.
Je me suis levé de ma place, me suis approché et a pris la piala de la main potelée féminine. Il faisait déjà sombre derrière la porte et je ne voyais pas le visage de la femme. Après avoir pris la tasse par ma main droite, j’ai serré par la main gauche la main qui a donné la tasse et a senti le battement doux et tendu de son jeune sang. J’ai bu. La main chaude m’a répondu uniquement une seule fois par une poignée de main courte et s’est échappée en laissant dans ma main un petit triangle de papier enroulé.
Avec ce porte-bonheur et la coupe d’amitié bue et, peut-être, même d’amour et de fidélité, j’ai quitté de nouveau le pays natal et je suis parti.
Ma mère m’a béni par les noms des saints ancêtres et de tous les anciens baghaturs. Cela lui faisait chaud au cœur. Mais le porte-bonheur, que je gardais près du cœur, était plus chaud. C’était un billet doux qui ne contenait que quelques mots: «Je n’oublierai pas, je n’oublierai pas». Et ce que nous deux avions à ne pas oublier, était clair seulement à deux nos cœurs.
DEUXIEME  PARTIE
1
Nous nous sommes présentés avec Kolia Chouroupe à la formation de garde-frontières le même jour. Bientôt il va être déjà deux ans qu’on dort tous les deux sur les lits voisins et nous sommes devenus de vrais amis. L’assistance amicale dans une situation tactique est une loi irréversible du soldat de l'Armée rouge, mais, si les deux soldats sont liés par une amitié fraternelle, elle renforce encore plus leur fermeté et courage. Notre chef de poste-frontière le comprenait bien, et d’habitude, il nous envoyait en patrouille, moi et Kostia, ensemble.
Nous se faisions confiance de tous nos rêves secrets et des aspirations. En deux ans j’ai appris tout ce qu’on pouvait savoir sur la vie de Kostia, et lui - sur la mienne. Notre amitié était consolidée encore par une chose: nous deux, on était boxeurs avec le même stage, de même poids et nous nous entrainions ensemble; c’était pour cette raison que nous avons mérité au poste-frontière un surnom «les ajax».
Et voilà nous nous sommes échangés du coup amical d’adieu avant de nous séparer. «Mykola» (comme nos amis appelaient Chouroupe à cause de son accent ukrainien), en traitant mon écorchure au-dessus du sourcil gauche, faisait l’éloge des coups de ma main droite avec enthousiasme, malgré que se soit moi qui ai eu une écorchure, mais pas lui. «Oh, ce Kolia!» — comme aiment dire de lui les jeunes filles de connaissance.
Demain, après la relève régulière on va être obligé de nous nous séparer. Kolia va en disposition du l’état-majeur de division. Si c’était pour longtemps et pour quoi faire, il ne savait pas, lui-même, non plus. Ses tentatives d’éclaircir quelque chose auprès du chef ou du responsable de l'organisation du Komsomol sont restées sans succès. Mais le responsable de l'organisation du Komsomol a touché un mot du fait, que faire ses études est toujours bien. C’est pour cela, nous avons décidé, que, probablement, on se séparait ni pour les jours ni pour les semaines, et peut-être, même ni pour les mois.
Justement ce jour j’ai obtenu mon congé mensuel. Peu de temps avant j’ai réussi à attraper successivement deux espions. J’ai attrapé le premier sans aucun bruit, et ses maîtres de l’autre côté de la frontière  étaient complètement sûrs, que sur ce secteur de la frontière il y avait un passage sûr. Et dans deux jours par la même voie ils ont envoyé le deuxième, plus précieux: le premier était seulement «le ballon d'essai». Je devais passer ce congé, reçu pour ces deux coquins, dans un des sanatoriums au bord de la mer Noire. Mais une idée m’a éclairé soudainement, m’a fait demander une autorisation auprès du chef d’aller à la maison à Gouriev au lieu du sanatorium.
Et voilà moi et Kolia, on est en train de réfléchir en face des valises ouvertes, comme si on avait des difficultés comment mettre nos affaires très simples.
Chaque soldat, en partant de son pays natal en armée, prend avec lui quelque chose personnelle et précieuse. En se consacrant complètement au service de la patrie, il garde ce trésor au fond de son cœur. Moi, de la même façon, j’ai gardé en moi à travers ces deux ans une énigme anxieuse et compliquée: où a disparu mon Akbota?
Cette énigme m’a été  proposée par un homme fluet au front bas coiffé d’une casquette connue dégoûtante. C’était encore à Ouralsk, le quinzième jour de mon séjour à l’armée. Notre compagnie revenait des manœuvres. Sur le dos de chacun il y avait une bande de sueur, sur l’épaule — un saucisson encombrant du rouleau de la capote, sur les pieds — les bottes couvertes de poussière, et dans la bouche — une joyeuse chanson.
Près de la porte de la caserne militaire une personne «civile» a apparu, mais moi, comme beaucoup d’autres, n’y ai pas fait attention. Et tout à coup, dès que nous avons à peine mis nos fusils en espèce de pyramide, le soldat de service m’a appelé...
Un parent vous attend près de la porte, — a-t-il dit, — il vous a attendu toute la journée, le pauvre!
Seulement après m’être approché et avoir fait le salut militaire poliment au visiteur, j’ai reconnu le mari de petite Akbota. Il a fixé ses yeux sur moi avec haine, et l’expression de son visage était comme s’il allait enfoncer ses canines en or dans moi.
Où est ma femme... où est ma femme? — a-t-il prononcé d'une voix enrouée.
Quelle femme? — ai-je prononcé, en réfléchissant distraitement, que ses paroles peuvent signifier quelque malheur arrivé à Akbota.
Quelle femme? Celle, que tu as volée! — a-t-il crié en fureur.
Je me suis mis à lui expliquer que les soldats de l’Armée Rouge n’enlèvent pas des femmes et qu’à part le statut, cela est empêché par l’absence des femmes dans la caserne. J’ai déjà compris qu’Akbota s’est enfuie de lui, et la conscience joyeuse de ce fait, peut-être, a rendu à mes arguments polis une nuance de moquerie. A cause de cela il est devenu complètement furieux et s’est jeté sur moi avec des poings.
Pour moi, un boxeur assez bon, parer les coups de ses bras longs mais maigrelets était simple. Mais l’emmener plus loin de la caserne militaire ne s’est avéré pas simple du tout. Il s'accroupissait, poussait des cris, tombait sur les bottes, en résistant avec acharnement. J’ai du tout simplement le prendre à bras-le-corps et le trainer à cent pas environ de la caserne militaire, sur le terrain vague, où on jetait de l’ordure. En le tenant par sa cravate sans efforts, ici, loin des gens, je lui ai dit quelques paroles affectueuses et ai libéré.
Le même soir j’ai trouvé sur mon lit la première lettre de ma mère écrite par mon frère. Sur quatre pages déchirées du cahier il y avait à peine cinquante mots. Chaque mot, comme un saurien fossile, se contorsionnait le long de toute la ligne, avec une séparation obligatoire de la dernière lettre de chaque mot dans une nouvelle ligne, je ne sais pas pourquoi. Pour la première fois j’ai vu, à quel point le crayon était  hostile aux mains calleuses de mon grand frère. Mais je n’ai jamais reçu de lettre plus précieuse que celle-ci.
Entre d’autres nouvelles la mère m’informait qu’Akbota avait disparu de la maison le même jour, quand j’étais parti de Gouriev. Si je le savais à l’époque!..
Avec le cœur serré de la douleur je me rappelais, comment j’avais sauté du lit de bateau après avoir vu une silhouette féminine avec le foulard bleu en soie apparue devant la cabine. C’était déjà tard le soir, et la lumière de la cabine éclairait seulement un carré étroit dans l’obscurité totale du pont. La plupart des passagers se sont déjà couchés. «Akbota!» — me suis-je exclamé en moi et me suis précipité sur le pont, mais je n’ai rencontré personne et ai souri seulement à ma bêtise et mon aplomb... Mais comment il était joyeux de me rendre compte, qu’Akbota allait avec moi sur le même bateau après avoir quitté son mari, et il était clair à cause de qui.
La lettre de maman confirmait, que j’avais raison l’autre jour.
Quelques jours plus tard, après le visiteur inattendu et cette lettre j’ai vécu fier de la pensée, qu’Akbota m’aimait et avait quitté son mari pour moi. J’ai remarqué moi-même, que ma démarche ces jours-là était devenue plus ferme et dure. Tous les jours je regardais le soldat de service avec insistance et exigence, en attendant quand est-ce qu’il m’informerait, que près de la porte de la caserne militaire «une parente» m’attendait, et j’admirais la fermeté inhabituelle et le courage d’Akbota. Mais tout à coup j’ai pensé: mais où est-ce que je vais l’installer? Elle n’est ni fusille ni sac de paquetage.
Mais je n’étais pas obligé de chercher de la place pour ma femme dans la caserne. Le soldat de service ne m’informait pas d’une visiteuse. L’incertitude triste a caché mon Akbota.
Et voilà, loin du pays natal, à une nouvelle place, je prends du service quotidien de surveillance de la frontière. De temps en temps je reçois des lettres de ma mère, mais il n’y a pas un seul mot sur Akbota. A mes questions la mère réponds toujours la même chose: «Je ne sais plus rien sur elle, mon chéri, je ne sais pas». Mais une fille, qui au lieu de mon frère, pris par son travail, parfois écrit les lettres maternelles par sa belle écriture légère en signant avec une lettre «S», probablement, n’a jamais connu mon Akbota.
Voilà l’énigme sur laquelle je continue à réfléchir. Peut-être, ici il n’y a pas beaucoup de vrai amour et fidélité, peut-être, le rôle principal est joué par l’amour-propre juvénile, mais tout de même, je n’étais pas capable de me distraire du casse-tête: «Qu'est ce qu'elle est devenue, enfin?» Il semblait, que le temps devait me guérir de cette hantise, mais c’était le contraire, — de plus en plus souvent je revenais à elle, et l’image douce d’Akbota disparue devient de plus en plus gentille.
Avant-hier, quand je rentrais à la caserne de sa poste, il m’a semble, qu’entre les nuages rosâtres de l’aube a brillé un rayon vif  du mot de l'énigme désiré. J’ai eu une idée d’une nouvelle solution, et par conséquent, la plus convaincante.
Cette solution consistait en fait, que cette «S» inconnue, qui écrivait les lettres maternelles et me consolait dans l’incertitude, qui avait couvert Akbota, et m’assurait, que je trouverais à l’aoul  beaucoup de belles jeunes filles, — ne pouvait être qu’Akbota elle-même!
J’ai étalé toutes les lettres reçues de la mère et signées par la lettre «S». Certaines lignes respiraient de l’astuce gentille et pudique, de la ruse innocente et jalouse féminine. J’ai compris, que chaque cette phrase et ligne me demandaient à propos de mon sentiment — s’il était sérieux ou pas. Et je ne sais pas pourquoi, je me suis rappelé, que j’ai déjà atteint l’âge de vingt ans.
C’est à ce moment-là, que je suis allé voir le chef pour lui demander une autorisation de passer le congé chez ma mère. Je vais voir la mère, — ai-je dit également à mon Mykola, et aux copains... Et voilà, je suis en face de ma valise ouverte, je suis en train de vérifier par les yeux, si les lettres sont bien rangées, et mon cœur est en train de crier: «Chez Akbota! Chez mon Akbota!»
Kolia a regardé sa montre et m’a appelé:
— On y va...
II
Non, maintenant, quand je me suis préparé d’aller chez «elle», je ne brûlais pas du tout du désir des aventures surprenantes de frontière.
Uniquement avec le désir de la paix et du bien-être je m’approchais de la garde silencieuse de notre frontière, du poteau-frontière, qui se trouvait d'une manière convaincante, avec fermeté sur sa place. J’ai déjà pensé à plusieurs reprises, que cette garde attire les regards de millions de personnes de l’état voisin. Elles la regardent avec haine et méchanceté, avec jalousie, avec dépit de faiblesse, les autres — avec espoir et foi.
Pendant ces deux ans je me suis habitué au fait, qu’au poste il fallait tout d’abord me concentrer et renforcer mon attention. Cette habitude a chassé toutes les pensées étrangères, dès que je suis entré dans la zone secrète. Bien entendu, je ne me suis pas refusé des souvenirs et des rêves, tout simplement je les ai mis à part jusqu’au temps plus convenant.
Avec moi, mon ami fidèle est couché, Rex prudent, lui aussi, il est en train de regarder en avant, au-delà du poteau-frontière, en prêtant ses oreilles sensibles. Dans ses yeux intelligents orientés en avant, il y a une lueur de quelque « pensée » spéciale de chien, qu’on voyait à peine.
Et c’était déjà pour la centième fois que je pensais, que tous les rêves et espoirs qui nous étaient précieux, la possibilité de se sentir une personne et un citoyen — tout cela était possible uniquement de ce côté du signe de démarcation. Ce signe signifie non seulement la frontière des terres de deux états voisins: c’est une frontière de deux attitudes différentes. Imagine-toi, ce qui tu es derrière ce signe, de l’autre côté, — et tu perdras tout de suite la base de toutes tes pensées, tu perdras même le droit aux rêves habituels dès l’enfance, que la patrie m’a éduqué, tu te retrouveras dans le royaume du passé lointain, dans le royaume triste des grands-pères et des arrières-grands-pères. Les caravanes des siècles vont passer devant toi par son allure lente, en portant son ancienne charge lourde, que nous avons déjà jeté bas. Jadis mon pays était pareil.
Les siècles asiatiques traînaient lentement. Les steppes étaient étendues dans une immobilité morte. La pensée née à l’époque de la flèche et de la lance, de la houe et de l’omatche , aspirait vivre à l’époque de l’électricité, vivre comme une vérité éternelle, en gardant  la domination du passé sur le présent. Les siècles se sont pesés lourdement sur le dos du peuple et le faisaient nourrir de son sang et sa sueur les racines pourries des vieux temps, qui prenaient des forces à la jeunesse, en lui empêchant de sentir du bonheur de floraison. La dombra du chanteur produisait les sons tristes en pleurant le malheur du peuple. Ses appels solitaires à la lutte étaient impuissants.
Le pays se trouvant derrière le poteau-frontière rayé rappelait de ce passé lointain parti pour toujours. On y croit, que tout ce qui est ancien, est sacré. Par ce fait on explique leur haine à l’égard de nous: ils ont peur, que leur peuple, après avoir vu, que nous avons jeté bas la charge des siècles, redressera son dos lui-mêmeL’arbuste gris épineux comme un hérisson, poussant de notre côté  poteau-frontière, sert d’un abri solide des yeux observant de l’ennemi: il est à nous et natal. Et exactement le même arbuste derrière le poteau-frontière bouffe, comme une tarentule inquiétée, et garde en lui des surprises perfides.
Rex observe attentivement les arbustes, comme s’il les comptait sans cesse.
Après s’être enfoncée profondément dans le pied en pierre des montagnes rocheuses, la rivière bouillonnante de montagne court de la manière mousseuse en sautant de la pierre sur la pierre. Et c’est elle, d’ailleurs, qui représente notre frontière. Sur ses deux bords, sur les plis rocheux des pentes courent vers l’eau les arbres solitaires touffus avec du feuillage dense gris argenté. Il n’y a pas longtemps j’ai déjà compté et recompté ces arbres. Je connais également chaque pli et chaque saillie près du signe de démarcation sur notre côté et sur le côté étranger.
Les gardes-frontières de notre voisin qu’il n’y a pas longtemps étaient pacifiques, le dernier temps, après avoir reçu quelques instructions de leur direction, ont manifestement passé toutes les bornes. Tout à coup ils sont devenus extraordinairement agressifs. Et surtout cela s’est fait sentir les deux-trois mois derniers. Le vendredi matin, en caracolant sur les beaux chevaux arabes, leurs officiers longent la frontière, en faisant parade de leurs passements de vêtements et des harnais en argent. L’air gaillard de ces hardis cavaliers, probablement, fait naître l’esprit agressif et irréfléchi aux soldats, qui ne correspond pas du tout à l’uniformité mélancolique de la nature d’environnement. Après avoir dégainé des sabres courbés de grands-pères, ils tailladent l’air, en nous menaçant de la manière mimique et nous montrant l’écrasement complet et l’extermination.
Probablement, l’extermination du peuple immense et puissant leur parait un amusement facile. Leurs gestes sont suffisamment  expressifs et compréhensibles, et leurs cris couvrent le fracas de la rivière hurlant en bas. Moi aussi, je voulais plusieurs fois leur crier quelque chose méchant et mordant, mais c’était le statut, qui me retenait et la sentence de grand Abaï: «celui qui crie, quand il est furieux, est ridicule, celui, qui garde le silence, quand il est furieux, est terrible».
Je connais pas mal le pays de nos voisins. A part les connaissances obtenues à l’école, je lis beaucoup moi-même, en me rappelant des paroles de mon chef du poste-frontière, qu’il faut connaitre bien son voisin. Qu’est-ce qui de nouveau s’est ajouté dans la vie de ce pays lors de la dernière dizaine d’années? Est-ce qu’ils ont arrêté de porter leur ancien couvre-chef voyant, se montrant effrontément, mais les pensées dans les têtes ils essayent de garder inchangeables. A l’histoire sans gloire de leur passé récent leur industrie textile de qualité médiocre s’est ajoutée, que les voisins, de plus, n’avaient pas créée eux-mêmes. Mais en récompense, il n’y a pas longtemps ils ont reçu de la part d’Hitler un nouveau «von» avec une réputation de l’intrigant impérialiste fieffé. A peu près à partir de ce temps-là leurs soldats nous démontrent leur insolence, apparemment, en croyant que c’est un courage.
Tous les jours il devenait plus clair au soldat simple de notre poste-frontière, quoi de neuf avait emmené ce nouveau «von» dans cet ancien pays. Nous comprenions tous, que les tentatives des espions et des divisionnistes de se pénétrer à travers la frontière sont devenues plus fréquentes non pas par hasard. Il y a quelques jours lors des études politiques, pour le compte du secrétaire d'une organisation du Parti, j’ai fait un compte-rendu sur les nouvelles influences étrangères à notre voisin de frontière, c’était pourquoi je comprenais très précisément toute la signification du notre service.
Mais mon poste s’est terminé. Le calme n’a pas été perturbé, et je rentrais chez moi au poste-frontière, pour le quitter dans quelques heures pour tout un mois. Tous mes rêves joyeux, interdits lors du service, m'ont envahi de nouveau. Rex a poussé un cri léger. Je l’ai calmé en l’appelant au pied.
L’air transparent bleuâtre de montagne et le faisceau rosâtre de nuages jeté négligemment dans le ciel pur, enivraient par le silence caressant. L’herbe pauvre de l’aspre, qui avait froid dans le dos toute la nuit, a commencé à se chauffer et ouvrait ses étoiles jaune vive et bleues pour rencontrer la douceur de matin. Le hurlement de la rivière de montagne arrivait ici uniquement en espèce d’une respiration calmante et régulière. Je me plongeais de nouveau au courant  harmonieux et large de mes rêves.
Soudainement, un coup de feu inattendu s’est enfoncé dans le silence. Moi et Rex, nous nous sommes mis à courir sur les pierres et les saillies irrégulières en arrière, vers la rivière. Encore quelques coups de feu se sont entendus du côté du poteau frontière.
Tourné bride, exactement comme moi, Kolia Chouroupe se tenait debout dans l’ombre de l’arbre et jurait sourdement, en regardant à travers le feuillage. J’ai regardé dans cette direction. En glissant sur les pierres, presque renversée par le courant écumeux, une jeune femme avec un enfant serré dans ses bras traversait la rivière et criait:
— Allah! Allah! Les coups de fusil lui grondaient dans le dos, mais aucunes de balles ne l’a encore atteinte.
Sur cette rive-là un groupe de cavaliers a entouré leurs gardes-frontières, en criant et menaçant par les révolvers dans la direction de notre rive. Les deux d’eux, après avoir cabré leurs chevaux, les ont dirigés dans la rivière en poursuite de la fuyarde. Mais le coup de fusil de notre garde-frontière les a arrêtés.
La femme est sortie sur la rive et s’est jetée directement vers nous. Après nous avoir atteints, elle est descendue, les nerfs à plat, sur le sol, en serrant contre elle l’enfant pleurant.
Elle était jeune et belle. Ses chalvars en soie étaient déchirés par les pierres, ses pieds étaient mis en sang. En pleurant et en haletant, elle essayait de nous expliquer quelque chose, en s’aidant par les gestes et les mots séparés russes. De son balbutiement inquiet nous sommes arrivés à comprendre: son père, communiste, il semblait, s’est enfui en Azerbaïdjan Soviétique, et elle suppliait de l’aider à le trouver. Elle appelait sur nous le nom d’Allah, en regardant avec de l’horreur ses poursuiveurs en arrière, qui criaient toujours et se démenaient sur l’autre côté, et nous tendait son enfant.
J’ai donné à Kolia la laisse de Rex.
Tiens, je vais l’emmener au poste-frontière... Un lieutenant s’est approché de nous.
Qu’est-ce qui s’est passé ici? — a-t-il demandé.
Tout à coup Rex avec un grondement sourd, qu’on entendait à peine, s’est jeté en bas le long de la rivière de la façon si instante, que Kolia s’est mis à le suivre tout de suite. Après avoir laissé la fuyarde aux soins du lieutenant, je me suis également jeté dans le fourré. Je suivais leurs traces, en écoutant attentivement le craquement des branches. Et soudainement, complètement tout près, des coups de fusil ont claqué des arbustes, j’ai entendu un cri sauvage, ensuite le grondement de Rex et la voix de Kolia:
Attrape, Rex, attrape!
Dans le buisson épais un homme étranger était couché face contre terre. Rex, après avoir mis sa patte droite sur sa nuque, a attrapé sa main par sa gueule terrible. Kolia se tenait debout à côté, en tenant son pistolet par la main gauche. Du sang s'écoulait abondamment sur la terre de sa main droite.
Tu es blessé? — me suis-je exclamé.
Nos amis les gardes-frontières arrivaient au secours en courant de deux côtés. En utilisant le remue-ménage à cause de la belle avec son enfant, nos gentils voisins ont essayé de transférer un homme qui leur était nécessaire sur le secteur adjacent de la frontière.
C’était le tournant du destin. Mon ami Mykola Chouroupe a été envoyé à l’hôpital. Et je partais à sa place en disposition du chef de la division. Et je sentais de mon cœur, que ce revirement m’emportait pour longtemps de la rencontre heureuse avec mon petit chamelon blanc.

III
Et seulement après avoir passé plusieurs centaines de kilomètres par le chemin de fer et être arrivé sur la place de destination, j’ai appris, que j’ai été inscrit pour les cours, qui pour moi, le sportif, me tenaient à cœur entièrement. Nous habitions dans un camp éloigné des villes, qu’on appelait pour rire «la station balnéaire». Le sport, la culture physique, les différentes sciences intéressantes donnant les connaissances spéciales, — c’étaient nos études. En bref, dans notre programme il y avait peu d’algèbre, mais il y avait plain d’équations à plusieurs inconnues.
Les sauts en parachute de la tour de parachutisme étaient une des leçons gaies des cours. Ces sauts ne nous inquiétaient plus et se sont transformés en amusement quotidien, ressemblant au glissement d’enfant sur la luge de la montagne. Et voilà on a emmené les vrais parachutes, vers le soir notre champs de football a été transformé en  un aérodrome, où on a étalé une lettre «Т» de toile. L’avion de transport vert s'est envolé de la forêt voisine, a fait une cercle au-dessus de notre «station balnéaire» et a atterri sur le champ de football. Nous nous sommes mit à courir vers l’avion, mais à ce moment on a entendu une chanson moqueuse du clairon:

Prends ta cuillère, prends ton bac. 
s’il n’y a pas de cuillère — cours comme ça.
Ce signal invitant à manger a déjà créé chez nous un réflexe acquis: à cause des sons courts dansants on avait des tiraillements au creux de l'estomac. Sans avoir atteint l’avion, nous nous sommes rangés pour le dîner, pendant lequel toutes nos conversations étaient concentrées sur le saut de l’avion de demain. Il m’inquiétait un peu. Les autres l’attendaient avec une inquiétude également.
J’ai peur d’une chose, — partageait ses craintes le plus jeune entre nous, Volodia Tolstov. — Il me semble toujours, qu’à cause de la peur je vais tirer la bague prématurément...
Des blagues, — a répondu Ouchakov Piotre, qui portait déjà avec fierté un insigne de parachute sur sa poitrine. — Ce n’est que les pensées, mais on tire au moment, où il faut...
Moi, j’avais peur d’une autre chose — de ne pas avoir peur sur l’aile de l’avion au moment de la commande. Le moniteur donne une commande: «Saute!» — et je reste immobile, je n’ose pas... Quel scandale!
Mais en réalité tout s’est passé comme il fallait. Uniquement Volodia a fait le contraire à ce, dont il avait peur: il avait peur autant de se pencher sur la queue de l’avion, que tout le monde a pensé, que son parachute était en panne, — car il a mit trop de temps pour ouvrir sa coupole.
Malgré les inquiétudes, je n’ai pas pu de me libérer de la manière de surveiller les gens. En m'efforçant de deviner leurs sentiments, je dirigeais mon regard d’un copain sur un autre, et quelques fois mon regard s’arrêtait sur le dos large et calme du pilote, qui conduisait l’avion par les cercles au-dessus du terrain du camp. Il y avait quelque chose dans ce dos calme et courageux, ce qui m’attirait et j’y revenais par mon regard encore et encore. Je voudrais voir le visage du pilote. Et à ce même moment, quand le moniteur m’a donné la commande de me préparer, le chef de bord s’est retourné.
Cheguin! — ai-je crié.
Il ne pouvait pas entendre ma voix dans le hurlement du moteur, bien-sûr, mais nos regards se sont rencontrés, et il a fait un mouvement de ses sourcils pour me saluer ce qui se voyait à peine.
Cette rencontre m’a fait oublier de l’émotion, avec lequel je pensais au saut. A ce moment j’étais plain de joie, je désirais d’embrasser amicalement et très fort mon ami comme avant et je sentais un dépit, que je ne pouvais pas lui dire soit une des milliers des paroles chaleureuses, dont ma tête était pleine.
J’ai décidé de faire un rapport à mon ami par un saut courageux de l’avion sur le chemin que j’avais fait sans lui. On dit, que la présence de la femme aimée fait naitre dans l’homme le courage et la fermeté. Non, aucune femme dans le monde entier ne pouvait pas provoquer en moi le désir plus fort de faire preuve du courage. Je me suis détaché très facilement de l’avion.
Comme un faucon du rocher! — ai-je crié à tue-tête sans modestie en trop, bien que personne autour de moi ne pouvait m’entendre.
Au-dessus de moi il y avait le ciel, loin au-dessous — la terre.
Comme un faucon! — encore et encore une fois criais-je avec enthousiasme, en descendant sur la prairie à côté de nos tentes.
Volodia Tolstov s’approchait de moi en courant.
C’est de la beauté! —a-t-il approuvé à tue-tête, joyeux et heureux.
Je brûlais d’envie de voir Cheguin et me suis mis à courir vers le champ de football, où l’avion devait s’atterrir. Le voilà, lourd et fort, est passé au-dessus de ma tête, voilà il a touché la terre par ses roues, puis a sauté et a roulé sur la prairie régulière vers la lisière.
Mais je n’ai pas eu de temps pour courir jusqu’à Cheguin: le moniteur se précipitait à notre rencontre. Nous nous sommes rangés près du bord du terrain pour analyser les sauts effectués. Le lieutenant, le chef de section surveillant le chacun de nous à partir du sol, s’approchait de nous en exprimant de l’approbation de tout son air.
Je savais que je suis descendu de la manière belle et exacte, et j’attendais un éloge, mais je voulais, que Cheguin eut entendu, comment le chef prononçait mon nom et je dirais: «Au service de l’Union Soviétique!». En attendant que Cheguin allait apparaitre dans la trappe, tout le temps je jetais les coups d’œil sur l’avion, mais tout à coup il a tressailli, a galopé sur le champ devant nous avec une vitesse augmentant, s’est séparé de la terre, a chancelé et a flotté vers le ciel.
«Cheguin! — lui criait mon cœur dans le ciel. — Cheguin! Où est-ce que tu vas?.. Arrête-toi! Reviens!..»
Mais l’avion a fait des tours au-dessus de nous, a chancelé son aile et s’est caché derrière des arbres.
Le soir Cheguin m’a retrouvé, tout de même, dans une tente du club. Il était déjà capitaine. Il se tenait debout à l’entrée de la tente, tranquille, large, beau.
Après m’avoir tendu amicalement sa main, par le serrement il a prévenu la gaminerie possible de ma part. Pendant que, confus, je cherchais les paroles convenables, il a eu du temps pour faire connaissance avec les autres et a félicité gaiement nous tous à l’occasion de notre premier saut de l’avion.
Et voilà nous sommes déjà assis l’un à côté de l’autre sur le banc près de la table couverte du koumatch . Il feuillette distraitement le numéro crasseux de la revue «Crocodile», et moi, je sourie, confondu d’une certaine manière. Je comprends que mon sourire peut paraitre bête. Nos copains nous regardent, la rencontre de deux anciens amis leur parait intéressante. Mais même la conscience du fait, que je suis un objet de l’attention totale, ne m’aide pas à me tirer d'affaire. Combien de poèmes et de nouvelles je gardais dans mon âme pour la rencontre avec Cheguin, de quelles pensées je voulais lui faire part! Mais quelque part dans mon cœur un encombrement s’est créé, et je ne pouvais pas commencer. Tout ce qui arrive à l’esprit, se rapporte à un temps trop ancien et semble trop naïf et d’enfant, que j’ai de la honte d’en faire part à Cheguin. Il s’est avéré, que toutes mes économies se composaient des rêves et des souvenirs d'enfance, qui n’étaient pas dignes de l’attention de la personne adulte, que Cheguin était par rapport à moi de nouveau. C’était justement cela, qui a provoqué ce sourire saugrenu, et c’était pour cette raison que mon récit sur mon service de deux ans à l’armé était si sec, qu’il connaissait déjà de mes lettres.
En disant au revoir à Cheguin j’ai senti que son bras a embrassé mon épaule. Cela ressemblait à l’embrassade, mais il n’était pas comme celui-ci, que jadis nous chauffait tous les deux tellement.
Il ne faut pas être confus, Kostia. Ton silence dit seulement, que nous avons grandis tous les deux. Nous n’avons pas accumulé encore du nouveau, et tout ce qui est ancien, a trop d’odeur d’enfance, n’est-ce pas? Mais pour moi, tout ce qu’on a vécu en ces deux ans, est le plus intéressant, — m’a dit Cheguin en guise d'adieu. — Demain c’est le jour de repos, on va se voir et on va en discuter plus en détails. On va aller dans la ville, au théâtre. Après le premier saut je te ferai le jour de repos culturel parfait.
On m’a félicité de mon premier saut, —  me suis-je vanté.
J’ai eu l’œil sur ton saut, — a répondu sérieusement Cheguin. — Le parachutiste pareil sera fusillé par l'ennemi dans l’air cinq fois. Tu te pavanes dans l’air, Kostia, mais ici, ce n’est pas du ballet — il faut tomber vite.
Cheguin s’en est allé, et moi, j’avais le cœur serré toute la nuit. Je regrettais que la rencontre avec mon ami ne s’est passée pas comme auparavant. Pourquoi moi-même, je n’ai pas osé de me jeter sur son cou? Est-ce que il ne vaut plus garder rien de la richesse de notre enfance?
Pourtant, je pouvais parler avec mon Mykola toutes les nuits, et  on s’ouvrait facilement l’un par rapport à l’autre, malgré qu’on n’ait pas eu de l’enfance commune. Peut-être, on s’est rapproché, parce qu’on partageait la vie des adultes et les dangers du service des gardes-frontière. Je lui parlais de mon Akbota, et lui, il me parlait de sa jeune fille aimée Maïa. Mais dès que j’ai touché dans mes pensées la question de l’amour, j’ai eu peur: pourtant, Akbota est encore une autre enfance séparée, que Cheguin. Est-ce que je garde tellement avec jalousie uniquement son image d’enfant et le souvenir de mon sentiment d’enfant?..
Non, ici c’est complètement une autre chose, constante, inébranlable.
Cette pensée m’a calmé, et je me suis plongé dans mon rêve, après avoir décidé, que j’allais ouvrir à Cheguin le secret de mon amour dont je ne lui ai jamais écrit.

IV
La journée joyeuse sans nuages a commencé par une chanson gaie. C’était dimanche et ceux, qui ne prenaient pas une permission d’aller dans la ville, se préparaient à passer un jour de repos à la mer, où de chez nous il fallait aller en train une heure environ. Le soleil promettait aujourd’hui d’être brûlant. L’arôme de fleurs vaporisait avec de la rosée et a eu du temps de remplir par le délice fatigant cette matinée d’été.
Nous venions d’aller dans les tentes et nous nous sommes mis à se préparer et à se raser. Je tachais spécialement — car j’allais me promener dans la ville avec le capitaine!
Mais tout à coup dans le camp on a entendu le signal d'alarme.
Et voilà, zut, c’est bien le moment!..— a crié quelqu’un des élèves-officiers.
Le jour de repos gâché! — a poussé un soupir l’autre, après avoir jeté la brosse à chaussures sur la table de nuit en serrant avec précipitation sa ceinture.
Le dernier temps les alarmes sont devenues chez nous un phénomène quotidien. C’était, comme on disait, un achèvement habituel du cours d’études. Nous nous sommes habitués aux alarmes matinales, journalières et nocturnes, les plus fâcheuses, si le signal d’alarme se produisait trente minutes après le signal de la retraite de soir.
Mais il n’y avait pas encore d’alarme le jour de repos.
Avec une précipitation mécontente nous galopons pour le dispositif, pour nous aligner, nous vérifions la tenue de chacun, nous redressons les ceintures. Chacun veut, que ce jeu finisse au plus vite.
Premier, second, premier, second...— roulait du droit à gauche le courant de calcul discordant.
A droit! — donne les commandes distinctement et bravement le chef de section. On nous rassemble tous sur le terrain  sportif, tout le bataillon.
En se rangeant on entend le signal d’alarme de trompette dans le camp voisin des artilleurs, dans les montagnes, à deux kilomètres de chez nous. Au-dessus de nos têtes, avec un hurlement, passent les avions de l’aérodrome le plus proche. Et voilà la journée d’hier qui est passée... il me semble, que je vois Cheguin, mais derrière lui passent les mêmes vaisseaux puissants — quatre, six, neuf... Les avions de chasse passent avec un hurlement.
Garde à vous! Alignement!
Le chef de nos cours, le majeur Demkine et le commissaire Somov, excités, longent l’ordre, montent la chaise d'arbitre sportive.
Et à travers le hurlement d’encore une l’escadrille d’avions de chasse passant au-dessus du camp par le grondement de la bombe éclatée les paroles du commissaire tombent sur le fait, que ce jour, la nuit, les fascistes ont bombardé sauvagement l’ouest et le sud de notre Patrie et qu’à la frontière d’ouest à ces minutes il y avait déjà des combats acharnés.
L’ordre est resté immobile. A part le battement de son propre cœur, chacun entendait encore le battement du cœur de son voisin.
La guerre!
Et maintenant nous suivions de nos regards différemment les escadrilles allant en toute vitesse à l’ouest.
A dieu, mon Cheguin! Je te souhaite de la chance et de la victoire rapide, mon ami Cheguin!
Seulement hier dans notre tente nous tous racontions à un contradicteur inexistant que le prochain temps nous n’allions pas échapper la participation dans des combats. Et aujourd’hui, quand le mot «la guerre» est déjà prononcé, nous ne pouvions pas croire, qu’elle avait effectivement commencé.
Les premières heures nous sentions à peine la réalité de ce qui se passait. Chacun sentait, qu’il était prêt au combat, mais chacun de nous voulait encore s’assurer, si les amis étaient prêts, et c’était pour cette raison que les yeux de chacun examinaient tout le monde.
Je crois, que mes pensées à cette époque ne différaient pas des pensées d’autres soldats: je réfléchissais quelle place j’aurais, moi personnellement, dans le grand ordre de l’Armée Rouge, à cause des événements qui étaient arrivés soudainement.
Le serment a été prononcé majestueusement, nous l’avons prononcé en nous pénétrant dans le sens de chaque mot.
Dans une heure moi avec d’autres copains, nous allions dans un camion sur la route de montagne asphaltée serpentant en disposition de la grande unité, pour laquelle on nous a préparés.
V
Au passage, je me suis tellement habitué au hurlement sans cesse des moteurs, au cri des klaxons, à l’affolement des discussions et des  exclamations enrouées, qu’après avoir fait uniquement cent pas de la route, j’ai senti tout de suite le silence. Libéré du chaos habituel des sons, l’oreille a commencé à capter et le courant grincheux de la rivière, et la respiration de la forêt riveraine, et le miaulement plaintif de quelque chat abandonné. Là, sur l’autre côté du fleuve, en prévenant du point du jour proche, le coq a crié de la manière traînante, comme en temps de paix, et tout de suite quelque part tout près s’est produit un cri de réponse du coq, qui chantait à cœur joie sur quelque chariot.
En tombant à cause des ténèbres dans des trous et des tranchées, en trébuchant par des arbres déracinés, je cherche dans la forêt deux copains blessés couverts dans un trou profond de la bombe d'aviation.
Non, les premiers jours de la guerre nous nous sommes retrouvés complètement dans un autre endroit, où on pensait d’arriver, et faisons la guerre autrement, qu’on pensait.
Lors des études à nos cours moi et mes copains, on croyait qu’on nous préparait pour les batailles les plus acharnées en face de l’ennemi, qui aurait du courage de passer la frontière de notre Patrie. Mais nous attendions, qu’on devrait se lancer au combat le premier jour même, la première heure, le premier moment de la bataille mortelle. Chacun de nos soldats pensait de cette même façon. Mais l’ennemi attaquait, il foulait avec arrogance notre terre, et nous tous, on faisait notre service de l'arrière.
Et à ce moment il était déjà deux jours au lieu d’une bataille acharnée et d’un exploit, nous dirigeons tous nos efforts à garder l’ordre sur un des ponts inconnus d’un fleuve perdu dans les vallées près d’Azov.
Nous lutons pour les plus simples et incontestables choses — pour la tour du passage et l’inadmissibilité des embouteillages lors du passage du pont. Ce travail quotidien nous compare aux miliciens-agents de la circulation. Où est ici l’héroïsme ou une opportunité pour l’exploit!
Mais pourtant le colonel Ozimine avait raison, en nous consolant tous et en disant, que ces jours-là sur tout le front il n’y aurait pas de l’endroit plus compliqué, que sur ce pont inconnu.
On était seulement un groupe de soldats, mais les milliers de gens passaient à travers du pont. Autant de milles sont passées à l’autre côté la nuit dernière, que se sont accumulées de nouveau ici vers le soir!
Actuellement on estime, que je suis le chef du passage. Au début c’était le lieutenant Gorkine, le chef de notre groupe de découverte. Hier à la retraite, quand on n’attendait pas de nouveau raid des fascistes, trois avions de chasse fascistes ont fait tomber les bombes sur l’embarras de véhicules et de gens près du pont. Une des bombes s’est explosée non loin de l’endroit, tout près du bord. Le lieutenant a été jeté par l’onde d'explosion vers un des véhicules. Il s’est vite relevé et a crié énergiquement à quelque chauffeur:
En arrière!
Camarade le lieutenant, vous n’êtes pas blessé? — ai-je demandé, comme d’habitude, chacun de nous demandait, quand le moment du danger mortel momentané s’en allait.
Le lieutenant a seulement fait un signe de main et continuait à donner des commandes pour le passage. Et on entendait sa voix sifflante, affaiblie depuis longtemps, mais toujours haute jusqu’à minuit, mais d’un coup à mi-mot elle s’est interrompue, et notre chef, après s’être incliné sur l’aile du véhicule, a commencé à tomber. Je l’ai attrapé. Ma main a senti sous la toile de tente une substance pâteuse du sang, qui avait déjà imprégnée ses sous vêtements ainsi que sa vareuse.
Il a poussé un gémissement.
Prends le commandement, Sartaleev, — a-t-il réussi de dire avant de perdre la conscience.
Nous l’avons caché dans le trou de bombe. Je voulais l’évacuer du passage tout de suite, mais il a refusé, malgré que son dos était plain de petits éclats, et son épaule était très fendue. Nous avons envoyé durant la nuit des dizaines de blessés, mais il continuait à se refuser de quitter le passage. Parfois il s'évanouissait, mais, après avoir repris connaissance, demandait soigneusement, comment je m’acquittais de l’affaire, comment le passage était organisé, et aidait par ses instructions.
Aujourd’hui vers le soir ses traits se sont tirés de telle façon, qu’il ressemblé à un mort, et il était couché immobile. J’ai commencé à le convaincre de se laisser transporter. Le médecin du convoi sanitaire est arrivé le prendre deux fois, en lui proposant de le transférer sur le véhicule. Il a refusé en disant qu’il y mourait de la chaleur, mais dans la forêt, dans le trou de bombe, il lui est plus frais et plus facile. Et voilà, à ce moment près du pont se trouvait un véhicule, dans lequel il pouvait être livré dans deux-trois heures dans le train sanitaire. Après l’avoir remarqué dans le convoi près du pont, je me suis jeté chercher mon chef.
J’ai porté le lieutenant Gorkine tout seul, et mes camarades portaient encore un soldat blessé par un éclat dans le genou. Et maintenant, moi, le sergent, je suis resté un seul chef. J’ai envoyé à l’état-major un agent de liaison pour faire un rapport sur la blessure du lieutenant. J’ai signé mon rapport comme chef du passage et je me suis rendu compte que j’étais fier comme un gamin de cette signature. Mais être chef n’était pas drôle: dès qu’on se détourne, des chauffeurs rompent notre barrière et galopent en menaçant de détruire le pont. Détruire c'est un bien grand mot, mais créer un embouteillage solide — sans faute. Même les chefs plus gradés ne pensent pas à l’ordre en essayant en premier lieu d’arracher son unité embourbée.
Tu comprends, le sergent, ce qui signifie l’organisation correcte  de la retraite? — me criait quelque majeur d'artillerie maussade et pas rasé avec une toile de tente mise sur une épaule. — C’est un gage de l’attaque! La conservation du matériel est primaire! Je te donne un ordre de laisser passer mon unité en premier lieu! — Il indique les véhicules s'enfonçant du côté dans le mouvement de toute la colonne.
Je vois son unité allongée le long de la route. Ses canons, tracteurs et camions avec des munitions de guerre masquées par les arbres intégraux et pour cette raison se ressemblent aux chaines longues des afforestations se terminent quelque part derrière les collines. Et ici, avant le pont, se sont groupés également les chenillettes, les canons, les voitures, les tracteurs, se sont entassés les convois de chevaux serrés contre le pont, et tout cela ensemble menace de créer une pagaïe inimaginable. Notre tache était de ne pas leur laisser s'emmêler en peloton épais, ne pas admettre des embouteillages.
Je ne peux pas, camarade le majeur. Libérez la route.
J’ouvre le chemin au véhicule sanitaire transportant notre lieutenant et à quelques chariots à deux chevaux avec des soldats blessés. Le majeur irrité, probablement assuré de mon bon droit, va de côté et, en jetant les coups d’œil sur le pont, jure et enroule une cigarette.
Je comprends toute impotence de l’exigence du majeur. Moi aussi, je crois qu’il est nécessaire en premier lieu de laisser passer le matériel de combat. Mais si on les laisse entrer du flanc, tout va se mêler. Je voudrais bien laisser passer tous les véhicules d’un seul coup et même cette petite vieille qui est là, assise près de la lisière de petit bois sur l’araba attelé aux bœufs bleuâtres. Je voyais dès le soir, qu’elle me faisait des signes de sa main tordue dans ma direction, mais je sais exactement, que durant ces jours-là elle n’avait pas avancé pour un seul pas dans la direction du pont et même avait été obligée de reculer, poussée par la masse des chariots.
Si toute cette rumeur de la foule de guerre ne pesait pas lourdement sur nous, si les gens respectaient l’ordre, qu’ils avaient toujours suivi dans leur vie quotidienne, si tous les véhicules allaient tranquillement ainsi que la dizaine des chariots sanitaires, qui traversait à ce moment, j’aurais laissé passer en premier lieu, bien-sûr, le majeur — le représentant du «dieu de la guerre». J’aurais trouvé assez de concours cordial d’ouvrir la route et à cette petite vieille humble, résignée...
L’embouteillage s'est dispersé seulement pour un instant. Le bout de peloton a commencé à se dévider à peine, mais, réjouis par le mouvement près du pont, les chauffeurs des camions, des chariots à chevaux et les piétons se sont jetés impétueusement de nouveau vers le terrain devant le pont, que les soldats de notre groupe défendaient avec telle ténacité.
Le danger de l’embouteillage menace de nouveau tout l’attroupement de milliers personnes.
Les soldats de notre groupe sous la pression des véhicules hurlant ont été obligés de reculer plus près du pont. Notre terrain «de triage» près du pont s’est réduit pour deux grands mètres.
Camarade Tolstov, pas un pas en arrière! — ai-je donné une commande après avoir remarqué que Volodia avait reculé plus profondément que les autres vers le fleuve.
Stop! — a crié Volodia au chauffeur.
Le camion s’est arrêté en hurlant sourdement par le moteur en marche. A la suite de ce camion, d’autres camions se sont arrêtés aussi.
Il fallait résoudre le problème immédiatement et correctement, comment tirer le bout du peloton, pour qu’il dévide tranquillement.
Je savais que les groupes se retirant se dirigeaient pour la défense de Taganrog. En premier lieu il fallait laisser passer ceux, qui allaient à  Taganrog, mais on était obligé de donner la préférence aux bœufs et aux chariots avec les affaires ménagères par rapport aux canons et aux chenillettes, pour ouvrir la route au plus vite à ces canons et ces chenillettes.
Quand j’observais comme un dispatcher l’embrouillamini le plus proche au pont, quelque part à proximité tout à coup j’ai entendu les sons étranges pour cet entourage, qu’au premier moment je n’ai pas cru à mes propres oreilles. Peut-être, même sans avoir perçu par l’audition, mais plus tôt par les visages des gens, par leurs yeux qui se sont adoucis, j’ai deviné, que ce n’était pas un rêve, que j’entendais effectivement une mélodie simple, habituelle et connue:

La chanson nous aide à construire et à vivre, 
Elle, comme un ami, appelle et mène...

Cette mélodie résonnait, en couvrant le hurlement des moteurs et des klaxons. Il n’était pas clair, comment ce son tellement faible pouvait surmonter le hurlement à milles voix des moteurs, mais tout de même, tout se calmait et s’obéissait devant lui. Après avoir regardé en arrière, j’ai vu un camion serré à la rive et sur ce camion un groupe de jeunes filles étudiantes ukrainiennes à sourcils noirs, qui ont mis le phonographe sur le tas de leurs corbeilles et valises.
Après avoir trouvé la solution, j’ai indiqué en silence avec ma main le chemin à un des camions attendant près du pont. Son chauffeur a accéléré, et le mouvement sur le pont a acquis une apparence plus tranquille, ordonnée. Mais on ne sait d'où, de la fin de la colonne on entendait déjà de nouveau le grondement augmentant et s’approchant  de centaine de moteurs.
Camarade le majeur, aidez à retenir la pression! — ai-je crié au majeur d'artillerie.
Le majeur a jeté sur moi un coup d’œil compréhensif et clairement approbateur et s’est mis à côté de moi sur le terrain.
Mettons, camarade le sergent, dans quinze mètres environ encore une chaîne de soldats en avant. Je vais envoyer mes tireurs à la mitraillette, — amicalement, comme à son égal, a-t-il dit.
Il a roulé une nouvelle cigarette et allait fumer, mais soudainement a changé d’avis et l’a mise dans ma bouche.
— Fume, — a-t-il dit, en approchant le briquet. — Tu es fatigué? 
La mesure prise par le majeur a eu tout de suite son effet à la circulation: les camions ont commencé à rouler plus régulièrement sur le milieu du pont, et sur les bords des groupes d’infanterie et des refugiés avec des paquets passaient en file sans fin.
L’est éclairci prévenait que bientôt les avions de reconnaissance fascistes devaient arriver et il fallait laisser passer plus vite les groupes militaires, et ensuite toute la journée il faudra s'occuper de l’évacuation de la population.
Le fleuve a commencé à acquérir l’éclat métallique. Une faible brise fraiche a soufflé par la steppe, et l’air sombre a commencé à perdre sa densité épaisse nocturne. A l’est les nuages dorés se sont allumés.
Le majeur qui se tenait debout maintenant à côté de moi, a remarqué que bientôt serait le matin et que c’était le temps pour les camions militaires de s’en aller dans le défilé pour se masquer. On s’est échangé des regards avec lui, et j’ai deviné une ruse simple: le majeur comptait à pousser son groupe le dernier moment avant le raid irrévocable de l’aviation d’ennemi.
Elle tenait en souci le pont depuis déjà deux jours de suite, dès le matin au soir. Mais la batterie antiaérienne mise dans la tranchée et les mitrailleuses anti-avion se trouvant dans les arbustes ne permettaient pas à l’ennemi de baisser pour le bombardement, et de la grande hauteur  telle cible que le pont, n’était pas facilement saisissable. Le raid d’aviation était plus dangereux pour les gens et le matériel sur la route près du pont. Le jour on menait le passage complètement de l’autre manière, en mettant les agents de circulation par les ravins près des villages et en laissant passer par à-coups entre les raids d’ennemi uniquement les petits groupes de camions et de gens.
Dès que le majeur a réussi à faire sa prévention, on a entendu le premier grondement des avions fascistes.
Alerte aérienne! Alerte aérienne! —a-t-on entendu les cris. 
Un groupe d’avions de chasse légers fascistes a apparu, en descendant rapidement à gauche de nous, comme les luges de la montagne, et ceux qui essayaient de trouver le passage.
Les mitrailleuses anti-avion se sont mises à tousser en bonne harmonie des collines, et la batterie antiaérienne a donné un coup de tonnerre derrière le fleuve dans la tranchée.
Les camions sans aucun ordre tout à coup se sont précipités de la route dans différentes directions pour se masquer. Les soldats d'infanterie se sont dispersés de côté, les femmes en groupes se sont mises à courir. La route est devenue presque vide, et seulement les camions du régiment d'artillerie masqués par les arbres complets, commandés par le majeur, se sont approchés tranquillement plus près du pont, après avoir enfin libéré des camions étrangers et des chariots pénétrés dans leur colonne.
Le soleil ne se voyait pas encore, et dans l’éclairage pâle d’aube les avions ne pouvaient pas voir le passage, mais, probablement, en s’orientant par les coudes du fleuve, ils ont quant même décidé de laisser tomber leur cargo au hasard. Les premières explosions ont frappé, et deux colonnes d’eau se sont envolées en haut au-dessus du fleuve. La bombe tombante a poussé un cri perçant de nouveau et s’est explosée de l’autre côté du passage, loin de la route. Moi et le majeur, on était couché dans une petite tranchée, près du pont. Une des bombes est tombée dans un village quitté par les habitants de l’autre côté du fleuve. Une colonne de flamme s’est levée tout de suite, probablement, c’était de la paille qui s’est enflammée. Et enfin, encore deux bombes de démolition sont tombées près de la colline, où la mitrailleuse anti-avion était placée. Je me suis relevé avec inquiétude de la tranchée en désirant voir ce qui se passait. Mes les artilleurs antiaériens nous ont informés tout de suite par la toux des rafales de mitrailleuse de leur bien-être complet. Les étincelles des explosions éclataient autour des avions en faisant naître des fumées légères et en ne laissant pas l’ennemi de descendre. Après avoir fait encore deux cercles directement au-dessus du passage, les oiseaux charogneux ont tourné à l’ouest et ont vite disparus dans la hauteur.
Le régiment d'artillerie s’est jeté vers le pont et s’est mis à traverser par toute la colonne de véhicules et de canons dans l’ordre tranquille de marche. Tout le monde comprenait, qu’il fallait être pressé, qu’à l'instant à la suite des avions de reconnaissance il y aura une escadrille de chasse fasciste. Et à ce moment-là il faudra déjà arrêter tout le mouvement.
Mes soldats, après être sortis des tranchées-refuges, se sont installés bien loin du pont, en s’assurant un terrain plus spacieux pour le triage.
Les premiers véhicules du régiment d'artillerie ont déjà traversé la plus proche colline de l’autre côté du fleuve, quand une voiture est arrivée doucement derrière le dernier véhicule. Le sous-lieutenant aux oreilles décollées a ouvert la porte, en invitant le chef de monter.
Le majeur m’a regardé directement dans les yeux et en souriant malicieusement a dit:
— Au revoir, le sergent... Quand on se verra, tu me paieras absolument...
 
La voiture de majeur s’est mise à rouler, en dépassant le régiment, et les premiers rayons du soleil ont giclé à sa rencontre, en éclairant la steppe et après avoir brillé par les vitres des camions se précipitant vers le passage du petit bois et d’autres abris. Nous les laissions passer vite.
Alerte aérienne! —a-t-on entendu les cris.
J’ai commencé à chercher dans le ciel la raison de l’alerte et ai reconnu tout de suite notre «petit autour» d’hier qui faisait des ronds au-dessus de nous pendant les pauses de bombardements. Quelqu’un  a déjà exprimé une supposition, qu’il gardait l’aérodrome se trouvant  à proximité.
Le courant de véhicules et de canons roulait régulièrement à travers le pont.
La petite vieille, que je connaissais, était assise sur son araba tout simple en même position, qu’hier. Ses bœufs étaient couchés et mâchaient paisiblement leur pâture. Je pensais, que s’il n’y avait pas de bombardement longtemps, j’essayerai de laisser passer le petite vieille et le camion de jeunes filles aux sourcils noirs avec le phonographe.
Volodia s’est approché de moi.
Tiens, mords, — a-t-il dit et a mis dans ma bouche un bout de saucisson mordu, serré dans la main noire de boue.
La rivière est à côté. Il vaut mieux de te laver tes mains! — ai-je dit, après avoir mordu un morceau et seulement après j’ai senti que j’avais faim depuis longtemps.
Le majeur nous a laissé tout un chariot. On va se la faire belle! — a expliqué Volodia, en passant par une autre main un morceau de pain.
Et on continuait à manger de telle façon, en s’échangeant à tour de rôle par nos richesses inattendues: d’abord lui, il mangeait du pain et moi, je mangeais du saucisson, ensuite moi, je mangeais du pain, et lui, il mangeait du saucisson... Après l’avoir remarqué, on a éclaté de rire.
Je me suis retourné. D’autres gars mâchaient aussi. Le mouvement tranquille des camions était notre repos. Mais de petit déjeuner n’était pas long: notre «petit autour» tout à coup a hurlé, s’est plongé en bas et, après s’être redressé, comme s’il rasait, au-dessus du passage, s’est jeté à l’est. Selon l’expérience d’hier on pouvait dire avec sureté, que cela signifiait le raid des fascistes. Sans voyant encore les avions, mais complètement sûr, qu’ils allaient apparaitre tout de suite, j’ai poussé un cri:
Alerte aérienne!
Mon cri a été soutenu partout sur la route et de côté dans les arbustes. Les nôtres ont signalisé aux véhicules arrivés sur la route, et les derniers se sont rampés en recul, sous des arbustes et des arbres. On a entendu le hurlement des moteurs, et les machines lourdes allemandes ont pesé lourdement sur la route. Des colonnes d’eau et de terre, des éclats de camions, des nuages de fumée se sont volés sur toute la plaine, mais il faisait le plus chaud ici, près du pont: en volant au-dessus de limite avant, chaque avion, il parait, le becquetait et laissait tomber les bombes sifflant. Tout autour du passage on entendait pousser des gémissements, des cris perçants et des hurlements. Dans la tempête de fumée et de poussière, dans le grondement des explosions le soleil a apparu comme une petite soucoupe pâle rouge derrière le bout de la colline. Ce grondement et hurlement on dirait a écrasé et a serré contre la terre tout ce qui était vivant, en se pénétrant en même temps dans l’être humain. Il semblait, qu’on l’entendait de l’oreille, de la bouche, et même des semelles des bottes.
Ma tête s’est retrouvée serrée étroitement contre l’angle de la tranchée, et le corps soit tremblait, soit hurlait avec toute la terre. C’était le moment, où, saisi par la stupeur physique que je n’avais jamais senti jusqu’à ce moment. On ne sent pas autant la peur par le cœur, qu’on l’étudie avec étonnement, comme un corps étranger enfoncé dans ton être.
Avec un effort incroyable j’ai arraché ma tête de l’angle de la tranchée et ai vu Volodia. Il était assis en serrant son dos contre le mur, et suivait ce qui se passait en haut. On s’est échangé des regards et on s’est souri.
Est-ce que ton dos hurle? — ai-je demandé.
Il chante, satan!
Et moi, mes amis, j’ai tout simplement mal au cœur, — a répondu notre géant de deux mètres Sema Zorine, ouvrier de Stalingrad.
Le plus vexant, c’était ce qu’ils pouvaient faire des tours au-dessus de nous si effrontément, si impunément! Les moteurs font du bruit et hurlent sans cesse, ça et là, les colonnes de terre et des éclats s’élèvent, et nous, on ne fait qu’attendre en silence.
Après m’être jeté lors des premières explosions des bombes dans l’abri, j’ai vu ma vieille se diriger ici. Elle allait lentement et indifféremment, comme par contrainte. Je l’ai aidée à descendre dans le petit fossé.
Et maintenant, au moment de l’accalmie entre les explosions, j’ai entendu son gémissement et me suis jeté vers elle.
Vous êtes blessée, la grand-mère?
Non, chéri, je suis intacte...
Il m’a semblé, que vous gémissiez.
C’est le cœur qui gémit, chéri! — a-t-elle dit.
Je voulais la consoler et dire, que ce jour impérativement je la laisserais passer à l’autre côté, mais je me suis tu.
Ses yeux de vieille étaient orientés à l’est comme avec une prière. Il semblait, qu’elle n’entendait pas ce hurlement et murmurait à voix basse. J’ai compris, qu’elle n’avait pas peur pour sa vie. Tout à coup son œil vitreux, après avoir remarqué dans le ciel quelque chose de nouveau et remarquable, s’est animé. J’ai regardé dans la même direction. Comme en réponse à sa prière, directement sur nous «le petit faucon» en argent allait à toute vitesse de l’est, et voilà le deuxième, et troisième.
Celui d’eux, qui était en avant, s’est jeté au plus profond des fascistes. Les explosions sont devenues plus rares, on a entendu dans le ciel le crépitement entrecoupé des rafales courtes de mitrailleuse. Sans respirer, nous observions les avions. Comme un cafard énorme, lourd, impuissant, pendu par le ventre déchiré sur son propre intestin, tombait en bas l’avion de chasse fasciste, en traînant derrière lui un jet de fumée.
On s’est rencontré avec la vieille par les regards. Les larmes coulaient abondement sur ses joues jaunes. Elle a déjà tout compris, mais pour être encore plus sûre, il lui fallait entendre la confirmation.
Est-ce que c’est allemand qui est tombé? — m’a-t-elle demandé.
Allemand, Mamie, allemand! — a exclamé Volodia. La vieille s’est bénie par le signe de croix.
Comme les foudres en argent, volaient nos «petits faucons» courageux, tantôt en prenant leur envol, tantôt en dansant dans la chute brusque, tantôt s’en volant de nouveau. Mais il y en avait encore peu, et ils se noyaient au plus profond des volées fascistes.
A cette époque pour les attaques aériennes, les Allemands avaient les bras plus longs que les nôtres.
VI
Ce même matin notre passage a disparu. Dans une heure après le premier bombardement, encore trois escadrilles allemandes d’avions de chasse sont arrivées, elles ont brûlé et détruit le pont.
La route est devenue presque déserte. Tout le monde a tourné au nord: chercher le passage aux pays d'amont. De temps en temps les véhicules arrivent, la plupart d’eux sont civiles, les convois de chevaux — et tournent rapidement le long du fleuve en recherchant l’endroit pour le passage.
Au-dessus du pont brûlé l’avion de reconnaissance allemand « la dosse » tournait effrontément, probablement en prenant des photos du passage détruit.
Dans un trou de bombe profond, où hier le lieutenant Gorkine était couché, trois de mes soldats épargnés dorment. J’ai envoyé les deux en reconnaissance pour savoir, si les unités allemandes étaient loin, et j’ai envoyé encore un soldat à l’état-major pour informer de la destruction du passage et demander la barbette ou la compagnie de pontonniers pour restaurer le pont.
J’attendais le retour de mes soldats.
Les aiguilles de la montre rampent très lentement dans le silence inhabituel.
«Et voilà, comment elle est en effet, la guerre! — une pensée se crée dans l’esprit. — Combien est-ce qu’elle a encore de secrets, que je ne connais pas, combien elle a encore de travail difficile quotidien pour le soldat!..»
«La pesanteur de pensées incline en bas ta tête, camarade le sergent!» — il me semble que j’entends une blague habituelle de Volodia Tolstov, qui aimait parodier mes expressions russes assez lourdes.
Il était très tranquille autour, qu’on voulait crier, pour violer ce silence accablant. On entendait des roulements sourds d’explosions de loin, mais ici tout est en paix mort: des fleurs écrasées et puant, des arbres déracinés murmurant du feuillage à peine, un cri solitaire de l’oiseau qui a perdu son nid, un gémissement sourd d’une jeune fille blessée couchée sous un arbuste à cent pas de nous. — Tout cela oppresse, mais signifie une accalmie. Le vent emporte l’odeur des incendies.
Je regarde en arrière sur la route sur les bas-côtés de laquelle les camions détruits sont couchés, regarde la terre défoncée et entends distinctement des gémissements de la jeune fille mourant.
Involontairement, je me rappelle de la chanson, que j’entendais hier de son camion:
Et celui, qui marche avec une chanson dans sa vie...
Non, pas celle-ci, — voudrais-je une autre chanson, plus sévère. Mes gars, fatigués, poilus, sales inhabituellement, imprégnés de l’odeur de sueur, de brûlé et de poudre, se sont endormis tout de suite après avoir rendu des derniers hommages aux camarades tombés. Harassés de fatigue, attendrissants comme les enfants fatigués, ils se sont endormis dans les poses les plus inconfortables. Un d’eux ronfle  à réveiller un mort, et je l’aime même: cela fait penser à son calme et sa force. Quels intrépides étaient les gars au passage, et quels impuissants ils me semblent à ce moment. Leur sommeil n’est pas calme et difficile, mais j’ai peur, qu’ils aillent m’induire en tentation, à laquelle je résistais quelques jours de suite.
Pour ne pas m’endormir, je me cherche quelque occupation. Ma main s’est tendue pour la dernière lettre de la mère cachée sûrement dans la poche de la vareuse avec la carte du Komsomol.
Je connais cette lettre par cœur, mais pourtant, je la relis encore une fois. La mère s'ennuie. Mon grand frère est aussi en armée et quelque part est en guerre contre les fascistes. Sans pouvoir supporter la solitude elle est revenue de Gouriev à Kayrakti — et elle n’a pas reconnu l’aoul natal: maintenant ici c’était le kolkhoze fort et riche. Mais elle est tourmentée par l’angoisse. La mère écrit, qu’elle viendrait en courant me voir facilement, comme jadis elle était venue à la commune d’enfant, quand elle s'était ennuyée après moi. Mais elle ne savait pas ce qui était cette ville avec le numéro long et une seule lettre à la fin, d’où j’écrivais. Est-ce loin? Est-ce dans les montagnes ou dans la steppe de stipa? Est-ce qu’il faut aller en train ou il suffit de demander au président de kolkhoze une paire de trotteurs, pour trouver le fils?
Je la vois au chevet de mon lit dans une pièce claire de la commune d’enfant d’Oural, je sens sa respiration, l’odeur maternelle natale. Ses doigts rudes d’ouvrière caressent doucement ma tête, elle m’embrasse d’abord sur mon front, ensuite partout: il lui est égal — le front, le nez, les yeux, les mains et les pieds. Après s’être réveillé, je n’ai pas ouvert mes yeux à ce moment. Je pensais à cette époque, que j’étais déjà grand, et j’étais confus avec les yeux ouverts de faire des câlineries à ma mère, comme un enfant, et moi, au comble de la félicité, je me suis serré contre sa poitrine, et, immobile, j’écoutais le  battement gai de son cœur.
Mais comment tu es devenu grand, mon Kayrouche! — elle dirait de même façon maintenant.
La joie supérieure de la mère est admirer l’oiselet grandi, et elle marche et tourne autour de moi, se trémousse, comme une couveuse. Pour elle je suis toujours le même gosse, toujours le même Kayrouche, qui s’est enfui un jour dans la ville. Mais le gosse a déjà grandi, de temps en temps elle le visitait, embrassait, en s’étonnant, qu’il grandissait vite, mais étant séparée elle toujours se rappelait de moi tel, quel j’étais parti à la ville.
Le craquement léger des branches derrière mon dos m’a arraché des embrassades de ma mère. Je me suis éveillé dans une forêt au-dessus du trou de bombe, où trois camarades continuaient à dormir.
Notre vieille s’est approchée de moi.
Le pont n’existe plus, — a-t-elle dit, soit en me demandant, soit en expriment sa sympathie. — Tu vois, il s’est calmé... Et là on continue à creuser sans cesse! — a-t-elle indiqué quelque part à l’ouest, d’où on entendait les sons de bombardement.
Je me suis réjoui, qu’elle fût intacte et est venue maternellement de dire quelques mots.
Où sont vos bœufs? —lui ai-je demandé sans avoir trouvé rien d’autre pour la conversation.
Ils sont intacts, chéri! — a-t-elle répondu. — Il ne va pas accabler tout, maudit... et les poules sont intactes aussi. — Et elle m’a tendu trois œufs, qui étaient encore chauds. — Trois ont pondu, et la quatrième est paresseuse, impudente...
J’ai réveillé les soldats. On avait beaucoup de produits, nous les avons offerts à la vieille aussi.
Nos éclaireurs sont revenus, et Volodia Tolstov, en se mettant au garde-à-vous devant moi selon le Statut et en me saluant a fait un rapport que la tâche était accomplie.
Il m’a informé avec fierté, qu’il n’avait pas seulement appris les emplacements des allemands, mais les avait vus de ses propres yeux. C’était la première affaire militaire de Volodia. Il a vu l’ennemi personnellement. Ses yeux gris avaient un éclat bleuâtre.
Lui, après avoir caché son équipement militaire, s’est mêlé dans les foules de refugiés, a fait semblant d'être boiteux et aveugle. En restant invisible, regardait le courent des allemands roulant aux épaules de la population civile.
Et alors, comment tu les trouves? — ai-je demandé, en regardant avec jalousie dans ses yeux courageux, qui avaient vu ce, que les miennes n’ont pas encore vu.
Les mufles et les bandits, — a répondu Volodia. — Est-ce tu as vu les ouriadniks  de tsar?
Non. Et toi, est-ce que tu les as vus?
Mais il n’est pas obligatoirement de voir tout, je le sais tout simplement... Il y a plein de chars, les camions roulent sur les routes. L’infanterie ne marche pas, mais va en camion, mais ils traitent les gens de la manière pire comme s’ils traitaient les chiens.
Les débineurs, les écorcheurs? — a demandé la vieille.
Et encore pire! — a répondu Volodia, et tout à coup son ton enragé a disparu quelque part, sa voix a tremblé. — Les chiens, les salauds, ils sont dégoûtants! — a-t-il exclamé. — Ils chassent les femmes, les enfants, comme du bétail, donnent les coups de botte... et quand on est éclaireur, on doit tolérer! On t’a formé voir tout et faire semblance qu’on ne voit pas, ne s’étonner à rien, garder son sang-froid... Et comment tu peux garder ton sang-froid, quand ils vont commettre des atrocités à tes yeux... essaie toi-même...
Et alors? —  ai-je demandé après avoir posé ma main sur son épaule. J’ai compris ce qui s’était passé sans aucunes paroles.
Et voilà...— a-t-il dit, en sortant de sa poche quelque portefeuille jaune, que je n’avais jamais vu.
Tout le monde s’est penché avec curiosité au-dessus des papiers, quand il les a commencés à dérouler. Tout d’abord, nous tous, nous avons vu un brave bonhomme au calot et aux moustaches regardant de la photo d'un air suffisant et insolent. Ensuite, en regardant le texte, j’ai lu: «Capitane Alberto Pietro Nicolo Karpni».
Il est Italien, peut-être, — ai-je dit.
Il était un salaud sans aucune nationalité, tout simplement un bourreau fasciste et... un violeur...
Et tu l’as fait avec quoi?
Tout simplement — par le poing et par la gorge...— Volodia s’est tu de l’agitation.
Nous regardions notre le plus jeune ami, cher, le meilleur ami avec une admiration non dissimulée et un respect.
Alors, tu lui as payé pour les larmes féminines? — a demandé la vieille, mêlée soudainement. Par un mouvement maternel elle a caressé l’épaule de Volodia.
Tu vas être obligé Volodia de te présenter avec ce portefeuille à l’état majeur. Peut-être, il est important de savoir, que dans notre secteur il y a des Italiens, — ai-je dit, en touchant des photos des femmes, des lettres, quelques documents.
— Ça ne fait rien, je vais traverser la rivière à la nage, — a dit Volodia.
Le deuxième éclaireur, Serioja, regardait son camarade avec jalousie : il n’est allé pas si loin que Volodia, et s’est limité par les questions aux refugiés.
Vas manger, et tu iras après! — ai-je dit à Volodia.
Mais je peux aller tout de suite, — a-t-il objecté en se levant de l’herbe.
Camarade Tolstov, manger est un ordre, — ai-je exigé comme un chef.
À vos ordres, camarade le sergent, — a répondu Volodia. Pendant qu’on parlait, c’était déjà le temps des crépuscules, et tout de suite des camions ont commencé à arriver vers l’ancien pont.
Ohé, camarades, où est votre passage? — a crié un des chauffeurs en se dirigeant vers nous.
Adieu le passage! — a plaisanté Serguei. — Il faudra enlever votre pantalon et aller à la nage.
Mais ce n’est pas vrai. Vos plaisanteries sont mauvaises les gars... Et vous n’avez pas cherché le gué? — a demandé le chauffeur.
les endroits sont profonds ici. Qui sait, où le gué peut être ici! — ai-je répondu.
Je savais, que sur cette rive il y avait pas mal de gens, de chevaux et de camions. Le gué était pour eux un salut de la vie et de l’honneur. Le gué était un salut des violences également pour la partie de la population civile, qui n’a pas eu le temps pour s’en aller des fascistes.
Qui sait, comment est cet été le gué Zakharovski, — a dit soudainement la vieille. — Maintenant, je pense, on doit y aller.
Quel gué Mamie? — tout le monde s’est animé.
Mais le gué Zakharovski. Les Zakharov étaient drapiers, as-tu entendu parler? Il y avait une fabrique à quinze verstes  d’ici. Pendant la guerre civile il l’a brûlée, maudit, pour ne pas la donner au peuple, et s’en est allé chez les Anglais. Son gérant était Anglais, il s’est marié avec sa fille aînée, Katienka; et c’était plus tard qu’elle est devenue Kiti et non pas Katienka...
Et alors?
La fabrique était ici, et la laine était lavée de l’autre côté: mon mari décédé y travaillait dès sa jeunesse. Et il y avait un gué organisé. Zakarov, lui-même se tenait près de la construction. Tout l’été on emmenait des pierres sur le fond du fleuve, et ensuite il s’est couvert par le sable...
Le chauffeur voulait prendre avec lui la vieille dans son camion, mais elle a refusé de se séparer des bœufs. Autour de la vieille se sont rassemblés les chefs des unités et des groupes accumulés, lui demandaient comment trouver le gué.
Et pourquoi vous Mamie êtes restée ici trois jours? —lui ai-je demandé. — Pourquoi vous n’êtes pas allée à travers ce gué ?
Mais pourquoi moi toute seule? Je suis comme les autres! — a-t-elle répondu de la façon naïve.
Les tracteurs et les chenillettes ont commencé à faire du bruit le long du fleuve en se frayant le chemin vers le gué à travers les buissons, les prairies et les champs.
On entendait la canonnade se rapprocher de plus en plus. Quand la nuit est tombée, nous avons vu à l’ouest comme les reflets des foudres déchirant le ciel.
Nous avons aidé la vieille à atteler ses bœufs et prendre le chemin avec les autres.
Dans les ténèbres de l’autre côté du fleuve on a entendu un cri de la part du passage détruit. C’était notre agent de liaison revenu de l’état-majeur. Il a fait du tapage sur l’autre rive longtemps, en remuant quelque chose lourd, mais enfin nous avons vu, qu’il s’est écarté de la rive et sa silhouette sombre a commencé à s’approcher de nous. Il se tenait debout en pied, en s’écartant par un jalon. Il s’est avéré qu’il flottait sur le fond de la carrosserie du camion détruit.
Il nous a apporté un ordre de revenir à la disposition de l’unité, mais avant examiner le même gué dont la vieille nous avait parlé. Il s’est avéré, qu’à l’état majeur on en a appris avant que nous. Avec un camion, qui va dans la même direction, dans dix minutes nous avons attrapé notre Mamie, aiguillonnant ses bœufs.  Elle a embrassé chacun de nous avant le chemin, comme son petit-fils, et elle a serré dans ses bras Volodia tendrement et fortement.
— Tu es bien! Tu as un bon cœur, — a-t-elle dit. — Alors, adieu les chéris, faites une bonne route, merci... je vous souhaite...
Nous sommes montés dans le camion et nous nous sommes mis à rouler.
Quand nous nous sommes approchés du gué, il y avait déjà des camions qui y roulaient, un bétail de kolkhoze passait un convoi long des chariots de paysan plain de gamins et d’effets.
La terre autour tremblait en retentissant. La lueur d'incendie pourpre se levait de l’ouest.
VII
Je suis entré dans l’abri du nouveau chef du groupe de reconnaissance, lieutenant Mirochnik. Pendant qu’il terminait l’écriture de quelque rapport, par habitude j’essayais de le discerner et de juger son homme. Le flotteur de la petite lampe à pétrole sur la table flottait devant lui, comme la bouée sur la surface glisse du lac. Le petit feu  s’agitait dans tous les côtés, comme s’il voulait s’envoler, et m’empêchait à examiner bien le visage du lieutenant. Il était amusant d’observer comment les grandes ombres des gens s’agitaient sur le mur selon le caprice de ce petit feu pâle. L’ombre du chef, aux épaules larges et à la grande tête, soit montait jusqu’au plafond, soit se cachait derrière son propriétaire. Au-dessus de la petite lampe à pétrole, une phalène des champs dorée voltigeait d'une manière importune.
Le chef était assis près de la table organisée de quelques caisses, couvertes soigneusement pour le confort de tranchée par une toile de tente. Bien membré, bronzé, rasé de près, soigné, aux sourcils épais presque s’unissant sur la racine du nez, par tout son air il éveillait du respect des soldats. Je n’aime pas des regards perçants et piquants. Le regard de grands yeux noirs du lieutenant Mirochnik ne demandait pas, n’éprouvait pas, mais exprimait de la confiance tout simplement et inconditionnellement.
Alors, racontez, camarade le sergent.
J’ai fait mon rapport au chef sur tout ce qui s’était passé lors de ces jours-là sur le passage qui nous était confié, j’ai parlé du gué aussi. Le lieutenant m’écoutait attentivement, et, comme il me semblait, de temps en temps, dans ses yeux il y avait un éclat d’une sourire, qui se voyait à peine, provoquée par les expressions incorrectes de ma langage russe. Et moi, quand je veux parler bien et correctement, je parle toujours d'une manière incohérente et confuse.
Asseyez-vous, — a-t-il dit en conclusion, quand, après avoir surmonté les obstacles syntaxiques de la langue russe, je suis arrivé à la fin de mon rapport.
Mais il n’y avait pas où m’assoir, et en continuant à me tenir debout, j’ai demandé d’écouter le soldat de mon groupe, Tolstov.
Et c’est quoi, son rapport spécial?
Il a été parti en patrouille.
Volodia s’inquiétait et parlait encore pire que moi. Il a fait un rapport de tout ce qu’il avait vu, a parlé en détails de la situation. J’ai eu peur, qu’il oublierait ou ne voudrait pas dire par modestie à propos du capitaine fasciste. Et cela est arrivé: Volodia ne pouvait en parler. Son visage a changé d’un coup, sa bouche s’est tordue et a tremblé, il s’est tu à demi-mot, a sorti de la poche le portefeuille jaune de l’officier, qu’il avait tué, et l’a mis en silence sur la table.
Le lieutenant, aussi en silence, a examiné attentivement les papiers, a promené ses regards sur nous deux, s’est levé et après avoir serré fortement nos mains a dit:
Allez vous reposer, rasez-vous.
J’ai senti et me suis mémorisé cette main fraternelle solide, maigre et confiante.
Mais pourquoi tu m’as joué un mauvais tour pareil! — a dit Volodia vexé, quand on est sorti du lieutenant.
Quel mauvais tour?
Tu sais bien, que je ne sais pas faire le rapport. Et qu’est-ce qu’on a maintenant? Je m'embrouillais, m'embrouillais, mais je n’ai su rien expliquer clairement...
— Comment ça, tu n’as pas su? Tu a tout rapporté, ce que tu m’avais raconté, même plus.
Et je n’ai pas oublié des chars?
Calme-toi, s’il te plait, tu n’as rien oublié, —ai-je consolé mon ami.
Au point du jour, nous nous sommes réveillés tous en même temps. Volodia m’a posé la même question, que j’allais lui poser moi-même.
Qu’est-ce qu’il y a?
Avec la même question Le géant Zorine a fixé ses yeux sur Serguei: il a semblé à chacun de nous, que son voisin l’avait réveillé par un coup maladroit et brusque.
La terre a tremblé de nouveau, le feu de la petite lampe à pétrole a cligné de l'œil comme de la peur.
De la poussière brune tombait sur nous sans précipitations des fentes de la récupération, — c’était comme le sable dans le sablier. Mais le sommeil des jeunes hommes fatigués était si fort, que nous n’avions pas entendu la première explosion, probablement, très proche, et avons senti uniquement le coup. J’ai sauté de l’abri et ai vu, dans quelques endroits la terre cabrée descendait sur la forêt par les bosses sombres et lourdes.
Le mugissement et le grondement mêlé avec le hurlement des obus s’approchaient de nous. Les Allemands transféraient le feu des obus en palpant la cible.
Et voilà, tout près par un coup de l’obus un nuage noir déchiré de terre et de fumée a été levé, et seulement une minute après les silhouettes du chêne dénudé par l’explosion ont commencé à ressortir, comme si l’automne brusque a soufflé son feuillage.
Cette fois-là les fascistes nous traitaient non pas avec l’aviation, mais avec les canons à longue portée. Sur le bois il y avait un hurlement de l’ouragan. Parfois les troupes d’éclats passaient avec du bruissement brusque ressemblant aux ailes d’oiseaux.
Je suis redescendu dans la tranchée. Nous nous sommes tous cachés.
Bonjour les camarades! — avons-nous entendu le lieutenant Mirochnik et avons vu sur les marches ses bottes cirées.
Le chef n’est pas venu tout seul, mais avec l’instructeur politique Reviakine. Nous nous sommes levés. En se courbant maladroitement, en soutenant par son dos puissant le plafond de l’abri, se tenait debout Zorine.
Est-ce que vous vous êtes reposés? — a demandé le lieutenant.
Nous nous sommes reposés, camarade le lieutenant, — ai-je répondu pour tous mes gars.
L’instructeur politique Reviakine, qu’on connaissait dès les premiers jours de la guerre, nous a parlé des batailles dans le secteur de Smolensk, où les Allemands non seulement ont ralenti leur  avancement, mais se sont immobilisés sur leurs positions et ne pouvaient pas avancer même un pas.
Pendant quelques jours de notre séjour au passage on été séparé de l’information et à ce moment on absorbait avec une attention avide les dernières nouvelles. On demandait à propos des avancements des allemands sur toutes les directions. Je m’imaginais l’armée fasciste comme une fourche à quatre dents s’enfonçant dans le corps de notre pays natal.
Et voilà, chacun de ses dents a commencé à s’appuyer contre quelque chose solide et insurmontable, et même a commencé à se courber.
Pendant le temps de notre conversation le raid d'artillerie s’est arrêté. Le lieutenant Mirochnik et notre instructeur politique, après avoir rangé tout le groupe, nous ont conduits au fond de la forêt. Là le chef de la section nous attendait. Ramassé et trapu, avec les tempes grisonnants et les yeux bleus tristes, de quelque sorte féminins, il était entouré par les chefs inconnus, parmi lesquels j’ai reconnu tout de suite le majeur d'artillerie du passage. L’autre a rapporté quelque chose brièvement au colonel, pendant qu’on attendait après la commande «garde-à-vous», ensuite a fait salut militaire et s’en est allé.
Le colonel a jeté un coup d’œil sur nous et a donné une commande de nous assoir sur l’herbe.
Beaucoup de vous, qui n’ont pas vu l’armée allemande de leurs propres yeux, — a-t-il commencé lentement et posément, — peuvent avoir une fosse idée sur l’ennemi. Mais pour lutter avec lui, il faut le connaitre bien. L’ennemi, sans aucun doute, a un avantage en ce qui concerne le matériel. C’est le matériel fasciste, le matériel d’agresseur. Il est adapté à l’attaque...
J’ai regardé Volodia. Dans ses yeux il y avait un feu de fierté, il semblait, disant, que lui, il avait vu l’ennemi et le premier de la division avait déjà eu le combat et avait gagné.
Eh bien, — continuait le colonel. — A ce moment on est en train de créer des groupes afin de détruire ce matériel. Nous allons agir non seulement au front, mais aussi à l’arrière-front de l’ennemi. Et une des taches de ces groupes spéciaux sera également une exploration.
Avec chaque phrase du colonel la sphère d'activité de ces groupes dans notre imagination devenait plus large, prenait les formes plus différentes. Le colonel parlait de tout cela, comme de quelque chose habituelle, connue à nous tous, et c’était pourquoi cela nous semblait  également pas compliqué.
Je nomme le sergent-chef, éprouvé et expérimenté, le camarade Borine le chef du premier groupe.
Nous tous avons cherché de regard ce chef expérimenté. Un jeune soldat au visage bronzé et aux yeux gris brillant s’est levé de nos rangs. Il s’est levé vite et courageusement, mais dans ses yeux il y avait une question évidente: «Suis-je ce chef le plus expérimenté?»
Le chef du deuxième groupe sera l’éclaireur parfait, le garde-frontière professionnel, le sergent-chef Sartaleev.
Je me suis étonné en ayant un doute: est-ce qu’il a dit mon nom? Dans le groupe d’exploration pouvait être mon homonyme — un Tatare ou un Ouzbek. En plus, je suis seulement sergent, et non pas sergent-chef, comme le colonel a dit. Mais j’ai pensé tout de suite, que le chef du groupe ne peut pas se rappeler, qui était le sergent ou qui était le sergent-chef. Et pour ne pas me trouver dans une situation complètement inconfortable, j’ai fait un mouvement, comme si j’allais me lever.
Ne bougez pas, restez assis, camarade le sergent-chef, — en me regardant directement dans les yeux, a dit le colonel.
Je me suis assuré qu’il s’agissait de moi, et ai sauté sur mes pieds.
Ensuite notre instructeur politique a indiqué les noms des  responsables de l'organisation du Komsomol et des secrétaires d'une organisation du Parti. Volodia Tolstov a été nommé le responsable de l'organisation du Komsomol de mon groupe, et j’en étais bien-sûr content. Quelque sentiment me disait, que cela n’était pas par hasard, qu’on était avec Volodia dans le même groupe — un était le chef, et l’autre – le responsable de l'organisation du Komsomol, mais je ne pouvais pas m’expliquer une raison de ce sentiment. Je l’ai compris seulement au moment, quand après la fin de la conversation le colonel, par sa propre main, a attaché à la vareuse la médaille du Courage à moi et à Volodia.
Et d’un seul coup les explosions des obus allemands écrasant la forêt voisine m’ont parues insignifiantes! Ce qui était cette canonnade, si nous tous ensemble préparons à l’ennemi un mort certain, quand nous l’avons déchiffré et savons, qu’il est fort seulement de son matériel, et nous, on est fort de conviction, de force de grande idée et de volonté de la victoire?
Vers le soir mon groupe de neuf soldats a été retenu en disposition des batteries antérieures de défense contre les chars, qui se sont déplacés en avant, pour battre l’ennemi à vue directe, dès qu’il montrerait son front blindé au-dessus des collines.
Nous nous sommes arrêtés pour continuer à avancer dans les ténèbres, car derrière notre bord antérieure pouvaient se trouver les postes d’ennemis, qui remarqueraient tout se suite notre mouvement à l’ouest inhabituel pour ces jours-là. Nous attendions l’ami des éclaireurs — les ténèbres.
En disposition des batteries antérieures de défense contre les chars, masquées entre les arbustes, nous avons rencontré notre connaissance, le majeur — le chef du régiment d'artillerie, qu’on avait vu passé lors de la rencontre avec le chef de la division.
Le majeur Piotre Grigorievitch Roussakov nous a félicité avec Volodia à l’occasion de la décoration et a regardé les neuf triangles apparus sur mes pattes de parement.
Et vous, camarade le sergent-chef, devez encore être félicité à l’occasion de nouvelle grade? — a-t-il exclamé, comme s’il était surpris, mais par son astuce amicale j’ai compris, qu’il avait quelque rapport à nos médailles, et à mes triangles des pattes de parement. — Je ne savais pas, je ne savais pas! Je dirais au colonel, comment tu n’as pas laissé passer mon régiment longtemps vers le passage! — plaisantait-il.
Mais à travers son ton blagueur et gaillard on sentait une lourde préoccupation. On voyait, que tout bouillonnait en lui.
Vous les gars, soyez attentifs, — s’il y reste beaucoup de nos gens, comment passe le flux de la population évacuée. D’après les données de l’exploration, tous les secteurs de canonnade sont occupés par la population civile. Les Allemands roulent leurs colonnes au plein d’elle. Quels salauds! Si cela n’était pas le cas, on aurait pu les battre par les charges à grande portée, mais là, on est obligé d’attendre, quand ils arrivent eux-mêmes sur la défense contre les chars!
Effectivement, malgré les raids cruels d'artillerie des fascistes, notre «dieu de guerre» gardait silence. Nous avions assez de munitions. Les artilleurs pourraient écraser l'ennemi près des passages, en éclaircissant leurs rassemblements à l’aide de l’aviation, mais les chars fascistes se déplaçaient dans les foules des milliers de femmes et d’enfants, de vieux et de malades courant d’eux.
La destruction des passages n’était pas dans nos intérêts non plus: plusieurs nos unités n’avaient pas assez de temps pour se reposer. Elles ont été dépassées par les colonnes rapides de chars d’ennemi. Il y avait quelques cas, quand nos unités passaient les ponts et s’unissaient avec le front déjà après le fait, où par les mêmes ponts les premières unités des fascistes étaient déjà passées. Et actuellement il y avait pas mal de nos certaines unités roulaient par les routes des espaces vastes: roulaient parallèlement avec les Allemands, sans se toucher et sans se rencontrer avec lui.
Pendant qu’on discutait, les crépuscules se sont condensés.
Je vous souhaite de la chance, camarades, revenez vivants, — a dit cordialement Roussakov et avec l’enjouement, devenu habituel dans sa manière de ma traiter a ajouté: — Tu ne me laissais pas passer à l’est, mais moi, je vais t’ouvrir le chemin à l’ouest. Vas-y! Et je te souhaite cette fois-ci de recevoir non pas une médaille, mais un ordre.
En se serrant contre les arbustes, contre l’herbe froide couverte de rosée, nous nous sommes dirigés en rencontre avec des bandits hitlériens.

VIII
Les masses de gens se déplaçaient encore sur la chaussée. Le Priazovié quittait ses places habituelles et avec ses affaires allait à l’est. Vers la grande route de tous les côtés, les files des chariots de paysan et les convois d’armée flottaient sur les chemins vicinaux. Nous, qui avions besoin d’être pressés, avons du tourner de côté de la route et nous frayer un passage à travers des petits bois, des champs, des jardins; par des buissons et des taillis nous avons fait notre chemin plus droit.
L’avancement de l’éclaireur ne peut pas se passer dans un seul rythme. Parfois, quand il est obligé de se serrer contre la terre et ramper ou s’immobiliser, il perd des heures du temps précieux, et à la guerre, ce qui est connu, la perte d’une partie est le gain de l’autre. Le temps perdu par nous est gagné par notre ennemi. C’est pourquoi là, où sur le territoire occupé par l’ennemi, l’éclaireur peut passer, il passe comme le chamois.
On pourrait aller à côté du bord du chemin sans cacher de la population civile, qui allait à notre rencontre, mais on nous avait appris ne jamais croire que l’ennemi est plus bête que nous. Est-ce que le groupe de soldats soviétiques en allant contre le courant, n’aurait pas attiré l’attention de l’ennemi? Il fallait croire, que dans ces foules de gens flottant vers l’est et les files de chariots se trouvaient pas mal d’éclaireurs allemands. C’est pourquoi nous avons préféré de dépasser tout ce flux de côté, par des prairies, des bois et des champs.
Le blé qui n’est pas encore moissonné s’étend comme une mer sans fin, écrasé impitoyablement, excité aux chevaux, foulé par des roues et des chenilles de chars et de tracteurs, froufroutant plaintivement, piquant et s'égrenant. Des jardins kolkhoziens sont abandonnés avec leurs richesses. Quand on passe, des pommes trop mûres tombent des branches ça et là, avec un bruit sourd. Des chiens de garde n’aboient pas — leurs maîtres les ont emmenés et ils se sont enfuis eux-mêmes. Du côté de la route, on entendait le bruit et le hurlement sans cesse des chariots, des véhicules armés de mitrailleuses, des haquets, des voitures et des tracteurs, le hennissement des chevaux, des klaxons courts discordants. Des feuilles commençaient à tomber des arbres.
A gauche de nous il y a la mer, on ne la voit pas et on ne l’entend même pas, mais on la sent par l’humidité de son air, la brume légère blanchâtre qu’on voit à peine, qui adoucit par ses cheveux gris légers la laine noire de la nuit.
A l’ouest, avant nous, le ciel s’éclaircit dans différents endroits par le reflet sinistre des incendies éloignés. Est-ce l’ennemi qui a allumé nos maisons, ou c’est le peuple, en s’en allant de l’ennemi, ne veut pas laisser son bien aux envahisseurs détestés?
Voilà les éclats courts des fusées allemandes s’envolant dans le ciel se sont allumés  — verts, rouges, blancs. Nous nous sommes arrêtés et avons indiqué sur la carte l’endroit, où nous avions vu pour la première fois les signes des grandes unités allemandes, coulant dans la steppe directement sur nous.
A juger par le grincement de chariots, le tapotement de roues en bois et le roulement de palonnier, — ce sont les refugiés qui marchent. Quelque part par ici, aux crépuscules gris, par cette route empoussiérée se traînent, peut-être, les bœufs bleus de grand-mère, et les poules-bigarrées pondent dans une corbeille pendant le mouvement de l’araba large mal fait.
Le son du fer roulant par les pierres de la chosée et grondant au-dessus de la steppe, à ce moment s’est presque terminé, mais, en revanche la masse de flux de gens est devenue plus épaisse, plus noire. Epuisés par la route longue, sans savoir où est sa fin, les gens marchent silencieusement et sévèrement, et le hurlement de leur mouvement pend lourdement au-dessus de la steppe exténuée, souffert mille morts.
 
Les ombres de la nuit sont devenues plus claires, quand nous nous sommes approchés de notre but — le pont à travers le fleuve, qui présentait la dernière barrière efficace aux Allemands avant la ligne de défense près de Taganrog créée à la hâte.
A gauche, derrière le pont, il y avait un grand village. Nous voyions déjà à travers la brume d’aube ses contours, des toits hauts ressemblant aux meules. Mais le village était muet et aveugle. A travers le pont se traînaient les chariots, par la file non épaisse cheminaient les piétons avec les baluchons, les hottes, avec quelques malles.
Nous nous sommes approchés de la route et par la rive nous sommes sortis sur le pont.
Notre mission était arracher les chars fascistes d'avant-garde du flux des refugiés et ne pas les laisser passer.
Poser des mines et faire sauter ce pont n’étaient pas très compliqué. Nous l’avions fait à plusieurs reprises sur la voie d’attaque des fascistes en les retardant, en faisant échouer leur planning d’attaque et en donnant à nous unités du temps de trop pour renforcer leurs positions.
Aux ténèbres, nous faisions amicalement et silencieusement notre affaire, quand on a entendu une espèce de la respiration en fer de l’enfer. Nous avons éprouvé une démarche lourde des chars dans le tremblement du pont à lequel nous avions fixé du trinitrotoluène.
A ce moment il ne restait que s’éloigner et se serrer contre la terre dans les arbustes, du côté du pont, là, où j’avais choisi par avance un trou couvert par les arbustes. Nous nous sommes éloignés en courant et nous sommes serrés contre la terre, en observant la route.
Une colonne de chars roulait par la route avec du bruit, du hurlement et du claquement. Dans une brume trouble d’aube, qui ne s’est pas encore dissipée, nous ne pouvions pas voir clairement — s’ils étaient fascistes ou les nôtres. La colonne s’est arrêtée à quelques cents mètres. Le claquement s’est terminé, seulement les moteurs grondaient sourdement. Mais eux, ils se sont tus aussi.
Et si je nage et m’approche plus près? — a proposé Volodia avec hésitation.
Le temps que tu passes en nageant, ils seront sur le pont, — lui ai-je objecté.
Le ciel s’éclaircissait lentement, et à son font les tortues trapues en acier se voyaient plus clairement avec chaque minute.
Mais tu sais, ce ne sont pas les nôtres. Pourquoi les nôtres doivent avoir peur du pont? Ce sont les Allemands! — a chuchoté Ouchakov.
Et moi aussi, je pense, que ce sont les Allemands, — a dit Zonine.
Après m’avoir laissé Tolstov, Zonine et Ouchakov, j’ai ordonné Zvezdine d’occuper le lieu d'observation sur un arbre haut, d’où l’autre rive du fleuve se verrait clairement. Afin de couvrir notre retrait du pont après l’explosion, j’ai installé les servants d'une mitrailleuse manuelle dans une des petites tranchées multiples préalablement creusées.
Dans le silence d’aube quelque oiseau migrateur a fait entendre un pépiement.
Mais je tourmentais avec un doute semé par Volodia: si cela n’était pas nôtre colonne? Mais pourquoi elle doit rouler derrière les dernières unités d'infanterie, derrière les cuisines roulantes et les bœufs bleus de grand-mère? La décision à prendre était trop importante.
«Et si, — pensais-je sans aucune logique et en dépit de la logique, — c’est notre colonne et nous allons lui couper le chemin!..»
Mon cœur battait très intensivement, comme s’il ne battait ni pendant le bombardement aérien au passage, ni au-dessous des obus des canons à grande portée.
Un troupeau de monstres de notre siècle se tenait debout devant nous en ronflant lourdement, en claquant sourdement. Mais, peut-être, ces monstres sont nos amis?
Mais pourquoi ils n’y vont pas? — a chuchoté Volodia.
Ils consultent, ils ont peur.
— Mais nos conducteurs de char aussi peuvent avoir peur des mines. S’ils sont reculés en bataille de l’itinéraire et sont arrivés au passage inconnu — d’où ils peuvent savoir, que le pont est sans danger!
Tout à coup le premier char a hurlé, a tremblé et a commencé à ramper solitairement en avant, directement sur le pont. Il se déplaçait avec prudence, comme s’il tâtait devant lui chaque verchok de route, de la même façon que le fait la personne, qui vient de devenir aveugle.
S’il est un ennemi, personne ne me vantera pour la lenteur et l’indécision lors de l’exécution de la mission de combat.
Le char est entré sur le plancher du pont, il était près de nous, mais  le jour ne s'est pas encore levé assez, pour le voir bien.
Cheguin toujours se moquait de moi, que parfois j’exprime une idée élégante astucieuse avec un retard. Il appelait les idées pareilles «une astuce sur l’escalier», quand un homme en partant de la maison des hôtes, invente un mot qui porte, qu’il n’a pas eu lors de la conversation avec les amis... Est-ce qu’à ce moment aussi ma décision arrivera avec un retard? Il faut immédiatement prendre une décision.
J’ai ordonné à Zorine de s’approcher au char de reconnaissance, d’examiner tous les signes. Mais après, j’avais des hésitations: Zorine était encombrant, lent. Je l’ai fait revenir. Il s’est arrêté à contrecœur.
Il vaut mieu toi, Volodia. Tu les as vu avant, — dit-je à Tolstov.
Volodia sans aucun mot s’est glissé dans l’herbe, comme un lézard. Dans une dizaine de pas même nous, l’observant, nous l’avons perdu de vue.
Le char est entré sur le pont... Il a presque passé la moitié... Et à ce moment l’explosion a retenti. J’ai compris que Volodia a jeté un paquet de grenades sous le char.
Fais sauter! — ai-je crié.
Au même moment une explosion assourdissante a frappé du-dessous du pont, en jetant en haut avec une force terrible avec la flamme les rondins, les poutres, les planches, les fixations en fer, le feu et le nuage de poussière. Aux ténèbres du nué bâillant par la flamme le char s’est cabré en s’enfonçant par sa partie arrière et est tombé dans l’eau.
Les tirants en fer, les rondins et les planches se détruisaient, en tombant dans le fleuve et sur la rive.
Super, n’est-ce pas? — a dit Volodia, soudainement en  émergeant de l’herbe. Nous avons sauté sur nos pieds et se sont mis à courir en se courbant vers la terre. Les mitrailleuses se sont mises à craquer sur l’autre rive, mais les balles ne sifflaient pas à côté de nous. Probablement le nuage d’explosion nous a enveloppés, et les hitlériens tiraient au hasard sous l’escarpement argileux de la rive, en pensant qu’on s’y trouvait encore. Après avoir atteint en courant les arbustes les plus proches, nous nous sommes jetés par terre.
La blancheur trouble de l’aube s’est colorée des reflets verts et rouges des fusées. Avec leur lumière, à travers le trouble du brouillard  et de la bruine, nous avons vu, que la colonne en acier des chars allemands reculait.
Certains chars ont commencé à quitter le chemin en se dirigeant vers les jardins se trouvant derrière le village, et dans la direction de la colline boisée.
Plus qu’une centaine, — après avoir calculé mentalement, a dit Zorine.
Et peut-être, même deux? — l’a taquiné Ouchakov.
Il était clair, qu’à ce moment ils chercheront un pont ou un gué, et resteront ici pour toute la journée, après s’être masqués sous les arbres. Il fallait encore s’en assurer, et nous observions, couchés sur nos ventres, après s’être couverts par les tentes.
J’ai envoyé Ouchakov à Zvezdine, pour que l’autre définisse plus pressement le stationnement des chars, et ensuite descende de l’arbre pour nous rejoindre.
Il ne bruinait plus, le ciel s’est coloré par un nuage rose, le soleil de matin s’est montré gentiment. Seulement par le tremblement du  feuillage nous avons remarqué, comment Serioja Zvewdine a glissé de l’arbre. Il s’est glissé rapidement par le tronc, comme un chat, et s’est caché dans le seigle. En ce moment, quand la visibilité est devenue meilleure, les Allemands, après avoir compris que sous l’escarpement il n’y avait personne, ont commencé à arroser par les mitrailleuses le champ de seigle. Dans une minute nous avons vu Ouchakov, qui allait à nous joindre avec Serioja sur son dos. Serioja était blessé.
Serioja, où? — ai-je demandé.
Le dos...— a répondu Sergei avec gémissement.
As-tu repéré tout?
Il m’a tendu une feuille avec un croquis de crayon. Tout était ici bien en évidence. Zvezdine était géomètre arpenteur de formation, la topographie était son métier, et même là, dans l’arbre, il a fait un dessin, que je n’arriverais pas à faire sur la table.
Eloigne-toi en rampant dans les arbustes, si tu peux.   Peux-tu? — ai-je demandé.
Je peux...
Mais Serioja ne pouvait pas ramper, on était obligé de le traîner sur la tente.
La colonne de chars s’est cachée dans les jardins et les pentes boisées de la colline. Après m’avoir fait une copie, J’ai passé le plan esquissé par Serioja à Petia, et l’ai envoyé à l’état-majeur.
Même trois heures ne sont pas passées après le départ d’Ouchakov quand on a entendu le sifflement puissant des obus, qui ont volé au-dessus de notre tête, et ensuite la canonnade d'artillerie s’est mise à hurler quelque part derrière nous, en produisant tout de suite l’écho  grondant sur l’autre rive du fleuve, dans les jardins. Les nuées noires d’explosions y sont montées.
L’artillerie lourde a commencé à parler! — a dit Zorine.
D’abord de nouveau, les obus sont passés au-dessus de nous avec un sifflement puissant, et de nouveau nous avons entendu tout d’abord les coups de feu sourds, lointains, et ensuite les éclatements grondant sur l’autre rive.
Qu’est-ce que le chef pense du destin ultérieur de ces chars? — m’a demandé Volodia.
Qu’ils seront fripés! — ai-je répondu.
Ils ne vont pas s’en aller?
Ils ne vont pas oser en plein jour.
Le sifflement et le bruissement de l’air au-dessus de nos têtes se répétait d'une manière mesurée coup sur coup. L’artillerie à longue portée de majeur Roussakov a commencé à mettre en pièces les chars fascistes. Nous n’avions que revenir à notre unité.
IX
Notre division est entrée en fonctions il y a un mois. Les jours difficiles de la retraite se sont changés par les semaines de batailles courageuses avec l’ennemi.
Les fascistes étaient furieux: les distances relativement petites qu’en Europe ils se sont habitués de passer en deux-trois jours, ici les retardaient pour de longues semaines.
Un pas en avant, un pas en arrière... Déjà tout le mois nous nous échangeons avec eux des tranchées et des abris.
Et voilà aujourd’hui, le jour de l’anniversaire de la Révolution d’Octobre, moi avec mon groupe, nous sommes assis dans un abri confortable. Encore hier ici était assis un chef du régiment hitlérien ou même de la division, quelque «von». Mais aujourd’hui un citoyen du kolkhoze «Kayrakti» de près de Gouriev, un Kazakh, le sergent-chef Kayrouche Sartaleev, s’est installé, et il se rase devant le miroir monté en argent, que le grade important fasciste lui avait laissé en toute hâte. Tous les accessoires à raser laissés par le «von» sur la table nous ont provoqué un désir gai de nous raser pour la fête. En passant doucement sur mes joues par le blaireau, j’éprouve très bien, quel plaisir a été perdu par le maître de la maison.
Evidement qu’il aimait le confort. Ici il y avait toutes sortes de choses, qui n’étaient pas du tout obligatoires pour la guerre.
Je viens de faire tomber du mur le portrait du führer lui-même me regardant avec une méchanceté morose. Hitler, évidemment, est persuadé, que dans ce regard il y a quelque chose hypnotisant et commandant. J’ai entendu dire qu’un des tsars aussi était sûr de sa capacité d’arrêter par son regard le sang dans les veines des gens. Mais cette sûreté dans lui était créée par les flatteurs de sa cour, qui faisaient semblant, qu’ils avaient terriblement peur... Pas une seule fois nous trouvions le portrait d’Hitler dans les tranchées des fascistes et je ne me tromperais pas, quand je l’aurais atteint! Mais qui parmi les soldats soviétiques ne rêve pas de rencontre pareille! Et ce rêve va se réaliser tout de même.
Evidemment l’abri d’abord était le nôtre. Cela se voyait par son ancienne entrée, que les fascistes avaient comblée, en se faisant une nouvelle, de l’autre côté. Mais ce qui était confortable à l’ennemi, ne nous convenait pas. Nous avons de nouveau fermé l’entrée fasciste   et avons ouvert le nôtre, l’ancienne.
Après m’être rasé moi-même, en me rappelant de mon métier, je me suis mis à Zorine, dont les mains étaient créées pour les choses plus pesantes, que le rasoir de sûreté.
— Les dames jouissent de l'estime à leur noblesse, — a dit Zorine soudainement. — Tu vois, combien y il en a de pendues!
Effectivement, au-dessus du lit de «von» se trouvait une abondance de «Frau» de différentes couleurs. A toutes, si on juge des photos, il manquait du tissu pour une robe.
Ouchakov a examiné le ménage de l’abri laissé par l’Allemand noble. Ici il y avait une valise, pleine de fourrure; il y avait une petite coffre avec des montres, broches, bagues, — probablement, c’était une trace du séjour de ce «von» dans quelque joaillerie; toute une boîte  de bas féminins et quelques serviettes avec une broderie ukrainienne. Chacune des dames habillées de la manière insuffisante décorant le mur de l’abri, probablement, attendait un cadeau désiré pour elle.
Et bien-sûr, le fait que toutes ces affaires sont restées dans nos mains, c’était la faute de l’ordonnance peu débrouillarde. Quand cette nuit tout près de l’abri il y avait notre «hourra » formidable de komsomol, quand dans les arrières allemandes Volodia a fait «les feux d’artifice d’octobre» de la mitrailleuse manuelle et chacun de nous à l’honneur de l’anniversaire a lancé deux-trois grenades dans les abris et les tranchées les plus proches, — notre «von», cela se comprend, s’est précipité de se retirer, et le soldat n’a pas eu de temps. En notre rencontre il a levé ses deux bras.
 
Petia a sorti de quelque part les bottes d’hiver d’officier, protégées contre le froid par le duvet.
Et qu’est-ce qu’il a mis? Je suis inquiet pour sa santé!
Aujourd’hui nous sommes tous gais. C’est notre groupe, après avoir attient l’état-majeur d’ennemi et après avoir fait du bruit, a détourné l'attention des Allemands et a préparé le succès de l’attaque du régiment — du coup à l’honneur de 24ième anniversaire de Grande Octobre. C’est bien!
Les Allemands n’aiment pas la baïonnette, surtout la nuit, quand on les  déniche des tranchées par les baïonnettes. Ils n’éteignent pas de lumière et lancent les missiles toute la nuit. Passer par le champ éclairé n’est pas facile du tout, mais si nous avons pénétré assez près pour le coup de baïonnette, on peut ne pas avoir de doute, que les Allemands céderont leurs tranchées.
Je rase Sémion avec plaisir. J’aime bien cet homme énorme, fort, et j’admire toujours ses épaules larges, ses muscles bombés. Sur ces épaules il monte le cargo, sous lequel le cheval se courbe. Ces mains fabriquaient les tracteurs à Stalingrad. Et maintenant, en levant les ennemis sur la baïonnette, elles les jettent dans un tas. Les corps des ennemis s’envolent dans l’air, comme les plumes, des coups de Sémion.
Maintenant il est assis tout en se faisant petit, en essayant de ne pas me frôler par son coude par hasard: toujours il a peur de frôler et faire mal à quelqu’un.
Mais c’est assez, camarade le sergent-chef, il est assez!.. De toute façon, on n’arrive à faire rien de présentable de cette mine de cheval, — proteste-il plaintivement, sans soupçonner, comment était jolie cette «mine de cheval».
Elle est la plus convenable, Sema. Celui des Allemands qui la verra en combat, la mémorisera pour toujours.

Et peut-être laisser pousser la moustache, sera ajoutera de l’air plus sévère?
La moustache?
Oui. Dans ce cas, même le diable va avoir peur!
Non, Sema, il ne faut pas. Dans ce cas, tu me sembleras plus âgé, et nous devons revenir de la guerre les komsomols, tels que nous sommes partis à la guerre. Tels nous serons attendus par nos mères, nos fiancées.
Bien, entendu, rase, — accepte Sémion.
Et toi, Sema, tu aimais une jeune fille à la maison aussi?
Moi? — Il ne répondra jamais sans avoir reposé une partie de la question. — J’aimais, bien-sûr... Mais maintenant je l’aime toujours...
Tu veux raconter, Sema?
Raconter?
— Raconte, — ai-je demandé, en terminant de raser et sans épargner de l’eau de Cologne d’officier pour l’ami.
Eh bien... Alors, ce qui m’est arrivé, n’était pas d'une manière cohérente, — a dit timidement Semion. — Moi, bien-sûr, je suis tombé amoureux d’une petite gamine, complètement comme ça...
Et pourquoi «bien-sûr»? — l’a interrompu Ouchakov.
Pourquoi? Mais la grande ne me convient pas! Moi-même, dieu merci, avec une réserve au-delà... Mais puis — cela se passe soi-même, est-ce qu’on pense!.. – Elle commandait par les livres à notre usine... Une fois je lui ai pris à la bibliothèque un livre sur les tracteurs. Et depuis tout a commencé: que tu veuilles ou non, il faut ou il ne faut pas, chaque jour j’allais chercher un livre. Et elle, malfaitrice, la voilà me glisse tout à coup «Pierre le Grand» ou «Stépan Razine». Et là ce n’est pas possible en une seule journée. Et alors, on lit toute la nuit, pour l’emmener au plus vite pour l’échange. Mais après elle a deviné ce qu’il fallait. Et c’étaient les Zemphira, les Marry, les Tamara et les Tania... Je lis et je vois: la bibliothécaire est comme elles, chaque jour les ressemble de plus en plus, chaque matin devient de mieux en mieux, qu’est-ce qu’on peut y faire? Après mon travail, où j’ai commencé à faire du progrès, je vais en courant à la bibliothèque, emmène Tamara, prends Zemphira... Et elle, aux grands yeux, elle regarde et rit...
Et comment elle s’appelle? — a demandé Ouchakov.
Comment elle s’appelle? Nina... Alors, elle regarde, rit: «Je pense, Sema, que vous devez être amoureux, vous prenez tels livres». Elle voit, bien-sûr, mais elle demande tout de même... Qu’est-ce qu’on peut dire ici?
Rien, — plaisante Petia.
Justement! Je ne savais rien. Je dis: «J’ai aimé ici un passage dans le livre. Je voudrais le lire mieux encore une fois». — «Est-ce que je peux savoir lequel?» J’ai demeuré interdit et pan: prétendons, la page quarante-deux... Elle a tout de suite ouvert cette page, a regardé et ri, elle voyait que le gars avait menti... Cependant, elle m’a donné le livre... Mais une fois il est arrivé, qu’elle n’était pas là. Tu peux t’imaginer comment c’était stérile à la bibliothèque...
Comme dans une tranchée.
Mais non! Ici on est tous ensemble, mais là... Han, j’ai parcouru la ville!.. Comme une locomotive. J’ai fouillé le parc, ai recompté tout le monde, qui allait du cinéma, ai contourné en courant le Volga... Nulle part!.. Mais je l’ai tout de même retrouvée... Tard, mais je l’ai retrouvée — elle dansait à un club...
Avec qui? — a interrompu Ouchakov.
Avec qui? Eh bien, avec une amie... Si elle dansait avec un des gars, je le ferais passer l'envie de cette occupation pour jamais! Alors, je reste debout, ne respire pas et la regarde danser. Mais cela n’était pas une jeune fille, mais de l’air! On voit bien, que la danse est contre-indiquée pour moi. Mais ici, on veut énormément se mettre à tourner,...
 
Après s’être rappelé de cette image, Semion a poussé un soupir. Entraîné par le récit de Semion, Petka s’est pesé complètement sur lui.
Quand un copain raconte telle histoire émouvante sur lui, on veut qu’elle arrive au plus vite à son dénouement heureux. Car ici, ce n’est pas un livre, ce n’est pas une fiction, mais le destin de ton ami de combat, à qui on souhaite du succès dans tous les domaines, on souhaite de tout son cœur, comme à soi-même. En se laissant aller par ce sentiment, moi aussi, je brûlais de l’impatience.
Et alors, où est maintenant ta Nina? — lui ai-je demandé. Peut-être, je devrais deviner par les yeux tristes de Semion, qu’il ne fallait pas demandé, mais j’ai demandé tout de même... Car notre destin est devenu commun. Il faut partager avec le camarade non seulement son succès et sa joie, mais également sa tristesse.
Chacun de nous a laissé à la maison quelque chose, de quoi on vivait et de quoi on voulait continuer à vivre. Nous avons laissé des projets, des affaires et des rêves, nous avons laissé nos mères, nous jeunes filles aimées... Ce qui, avant la guerre, réchauffait, à ce moment brûlait tout simplement. Les semaines et les mois pleins d’efforts et de danger, permettent se laisser aller par les sentiments uniquement pour un moment, et chaque fois ce moment devient tout à coup triste insupportablement... La même chose est arrivée à Semion, et nous l’y avons poussé nous-mêmes par nos questions.
Elle est partie chez sa sœur en vacances, à Odessa... Et maintenant, qui sait...
Il a fait un signe de la main d'un air sombre. Nous avons tout compris...
Peut-être, parmi les milliers de refugiés cette petite Nina aux yeux noirs allait avec un air impuissant et solitaire, en rêvant d’atteindre Stalingrad, où les fascistes dirigeaient déjà une des dents en fer de leur fourche. Si on pouvait regarder le plus épais de ce flux de plusieurs milliers et y voir ce grain de sable! Seulement voir, pour consoler Semion, qu’elle n’est pas restée chez l’ennemi...
Oui, on les a rencontrées beaucoup, des sœurs aux yeux noirs et bleus, belles et pas belles, mais infiniment gentilles... Elles marchaient aux chaussures usées, bottes écrasées et complètement sans chaussures, aux pieds ensanglantés.
On va chercher et on va trouver! — dit-je avec une certitude à Semion.
J’ai sorti le bloc-notes et j’ai noté le nom et le prénom de la petite bibliothécaire de Stalingrad. A ce point nous avons arrêté notre conversation triste.
Volodia est entré. Il a été appelé à l’état-majeur, et je savais qu’il avait un secret, à cause duquel il serait confus jusqu’au soir, avant que l’instructeur politique vienne et ne le dénonce pas devant nous tous... D’une manière spécialement douce, Volodia a distribué les lettres à nous tous et a baissé ses yeux. Mais Reviakine m’a déjà raconté, que l’épisode avec l’Italien de Volodia s’est retrouvé dans le bulletin du Bureau d’information et a été imprimé dans tous les journaux. Je sais, qu’avec les courriers Reviakine lui avait donné un journal, mais Volodia ne nous l’a pas montré.
Avec ce courrier j’ai reçu une lettre de mon grand frère des tranchées froides inondées de l’eau et déjà gelées près de Leningrad. Mon frère, comme un aîné, essaye toujours avec soins de soutenir mon esprit de combat. C’est pourquoi il écrit toujours un peu emphatiquement, un peu ridiculement. Lui, probablement, il ne se doute pas, qu’ici au sud, l’automne d’or s’en est allé également et que les tranchées ici sont loin d’être un rêve de vie. La dernière fois il écrivait, qua dans sa tranchée des champignons d’automne avaient poussé. Cela signifiait, qu’ils tenaient ferme depuis longtemps, sans reculer d’un pas. Maintenant il m’écrit, comment il s’est habitué à la vie dure dans les tranchées et reste couché pendant les semaines dans la terre froide, arrosé par la pluie fine. Il décrit le combat avec des chars perçant nos rangs comme affaire assez facile.
«Ton premier ennemi est la peur», — m’écrit-il. Cela me montre, que mon frère pour me soutenir, simplifie beaucoup, mais lui-même n’est pas encore libre de la peur. D’ailleurs, moi-même, je ne peux pas me libérer de ce sentiment désagréable. Il faut — on grimpe aux cornes de diable, mais le cœur cesse de battre. Et une seule chose qui sauve, quand on est fâché. Mais on peut être fâché contre un combat aussi, mais au service de renseignements il n’est pas autorisé de se fâcher, on ne peut pas se soulager le cœur! On est obligé de penser à soi-même et aux camarades, et encore ne pas montrer la peur devant les autres, quand on est chef!
Il faut croire, que le frère se bat pas mal: sur une petite photo collée soigneusement à sa lettre je vois deux médailles et un ordre. Il n’en écrit rien en prétendant, que je regarde moi-même! Sa moustache en croc est courageuse et audacieuse...
De la lettre de mon frère je reviens dans mes pensées à Volodia, ensuite, de nouveau, à mon frère. Un me regarde un peu d'un air vantard, l’autre d’un air timide. Sa confusion provient du fait, que lui avant les autres s’est retrouvé sur une page du journal. Il pense, que le correspondant devait décrire toute notre opération près du pont. Il pense, que les camarades vont être jaloux de lui... Je comprends, qu’il faut le libéré de ce sentiment de gêne.
Petia s’est avéré plus direct que moi. Pendant que je réfléchissais, comment parler mieux et plus délicatement avec Volodia à ce sujet, il s’est approché et a dit tout simplement:
— Pourquoi tu roules, responsable du Komsomol? Donne-moi le journal!
Nous avons entouré Volodia, avons grondé gaiement et nous nous sommes mis à le féliciter. Je voulais dire, que la gloire de Volodia faisait honneur à nous tous, mais soudainement un grondement des obus à longue portée s’est fait entendre, et tout de suite les lance-mines ont commencé à aboyer à proximité... C’était un signe, que les minutes de la lyrique de soldat se sont terminées...
L’instructeur politique nous a appelés. Toute la section a été rassemblée.
Comme un coup d’un obus lourd, les paroles de Reviakine sont tombées sur nous:
Moscou est en danger!
Nous sommes soldats. A la guerre nous sommes toujours dans le feu. Mais le soldat n’est pas une bûche, il ne fait pas que brûler dans le feu, il produit le feu. La carte de son secteur est devant lui, mais il n’a pas oublié la carte du pays. Les soldats savaient que tout le pays était menacé par le danger. Mais nous ne nous sommes pas attendus au danger dont Reviakine nous a parlé. Il nous était difficile à comprendre...
Au-dessus de nous il y avait un duel cruel d'artillerie, duquel le ciel craque. Partout où on regarde de la tranchée, les fontaines de terre arrachée s’élèvent. Mais à ce moment nous n’entendons rien, ne voyons rien. Pour nous ce n’est qu’une répétition de la combinaison terrible de quatre mots simple: «Moscou est en danger».
Moscou est en danger! — gronde le ciel au-dessus de nous.
Moscou est en danger! — s'entrappelle par le hurlement des explosions la terre.
Ces mots étaient si simples, que même si on voulait se cacher de leur sens très clair, on n’arriverait pas. Ils battent directement dans notre cœur.
Reviakine nous parle tranquillement. Ses sourcils sont un peu rapprochés, les yeux sérieux rougis des nuits sans sommeil et du vent. Mais il est plein de l’espoir certain, et nous l’entendons de tout notre être.
Reviakine  parlait de la défense de Moscou. C’était comme s’il faisait du croquis des lignes de défense qui passaient partout : près de Moscou et sur le territoire occupé actuellement par l’ennemi, par les steppes de l’Ukraine et les marais boisés de la Biélorussie; elles passaient ici, au sud, et à l’extrême nord. Les villes, les usines et les   mines se cabraient. L’Ouzbékistan tirait de son coton, la Sibérie tirait de son blé.
La ligne de défense passait par le Balkhach et Leninogorsk, par  Jezkazgan et Tchimkent; elle passait par Karaganda donnant du charbon au lieu du Donbass occupé par les ennemis, par les poésies des poètes et les chansons de nos akyns  de steppe. Elle passait par les cœurs les millions de gens soviétiques, parce qu’elle défendait le cœur du pays Soviétique.
— Pour Moscou!
Pour Moscou!
Pour Moscou! — grondent les coups des servants des canons.
L’humeur de fête, qui nous avait pris après notre victoire nocturne, nous a quittés tout de suite, toute la turbulence, les souvenirs lointains et désirés de la maison, des proches, des affaires personnelles se sont disparus.
L’instructeur politique nous a apporté une minute du discours de camarade Staline prononcé à la parade ce matin. A l’état-majeur de la division le radiotélégraphiste a su l’a noté. Uniquement demain il sera dans les journaux, mais notre Reviakine arrive toujours à contacter les radiotélégraphistes et apprendre toutes les nouvelles avant qu’on les compose à la typographie de notre « divizionka », comme on appelle tout simplement notre petit journal de division.
Fâchés du fait, qu’il n’y a pas de texte complet du discours, nous essayons de garder ce que l’instructeur politique nous a transmis, mais tous sans exception ont retenu les paroles tranquilles de l’espoir et de la certitude: «La victoire sera la nôtre».
L’instructeur politique a jeté un coup d’œil sur sa montre et s’est levé décidément de sa place.
Les avions de reconnaissance ont remarqué un grand mouvement de colonnes de chars, — a-t-il dit. — Votre mission aujourd’hui est de vous pénétrer dans l’arrière fasciste, les points vous seront indiqués des forces armées aériennes. Les embarras de chars doivent être mentionnés sur la carte. Est-ce clair? Allons voir le chef tout de suite.
Nous sommes allés, mais le feu de l’artillerie fasciste s’enfonçait: les mines battaient par la ligne principale de notre défense, ça et là, les obus ont commencé à tomber dans nos tranchées.
Sans motif! — a résonné Zorine.
Qu’est-ce qui est sans motif? — lui ai-je demandé.
— Le raid d'artillerie pareil. Je pense que nous n’allons pas réussir...
Pourquoi nous n’allons pas réussir?
Ils vont attaquer eux-mêmes... Un obus est tombé à cent mètres environ de nous.
Planquez-vous! — a commandé l’instructeur politique.
Et à ce moment-là déjà trois d’autres obus ont sifflé au-dessus de nos têtes et se sont couchés en arrière. Si nous n’avions pas de temps pour tomber dans la tranchée, nous serions mis en pièces. Les mottes tombaient sur nous. On entendait le bruit des mitrailleuses du côté de la ligne avant. Il augmentait avec chaque minute. C’était comme ça, dans une steppe déjà éteinte, dormante, la sauterelle commence à striduler, la deuxième la soutient, la troisième répond, la quatrième, et voilà déjà toute la steppe jusqu’aux bords chante par le craquement sec.
Les balles volaient au-dessus de nos têtes. De tous les côtés, qu’on pouvait regarder, les nuées noires d’explosions se levaient. Tout le monde s’est serré contre la terre avec ce tourbillon... Nous ne pouvions pas nous lever. La terre tremblait du grondement des explosions, et tout à coup de quelque part, comme de la terre elle-même, un grondement de la colonne de chars fascistes s’est produit.
Non, moi, je n’étais pas seul à croire qu’on était tout de même les gamins imprudents. Toute notre conversation et toutes mes réflexions en rasant, toutes les pensées de gamin m’ont paru un persiflage vide à ce moment tellement dur.
A ce moment-là je ne pouvais pas me rendre compte, que notre gaité momentanée et notre tristesse chaleureuse de soldat pour notre camarade étaient un indice de la jeunesse et de la vivacité du cœur humain. A cette époque, je ne comprenais pas encore, que par ces sentiments, il parait, que nous avons lavé de nous le noir de fumée des combats précédents, qu’un sourire, un sourire moqueur et une blague, un soupir amical de sympathie nous donnaient de la force pour une nouvelle lutte. Et la lutte qui nous attendait était grande.
Nous prêtions nous oreilles au hurlement qui augmentait.
Semion avait raison: il était trop tard pour la reconnaissance. En plein jour, les chars fascistes perçaient notre ligne de défense, attaquaient...
Las chars! — a crié Volodia.
Préparez des grenades et des bouteilles! — a ordonné l’instructeur politique.
Il était le premier, qui a sauté de la tranchée et est allé en courant pour s'installer en position défensive à la ligne de protection de l’état-majeur de la division...

X
Rostov soupire par les coups d’explosions lourdement et avec colère. Tout ce que les fascistes ont pu accumuler au sud, lors de deux semaines ils le lançaient sur lui dans son feu d’artillerie. La ville batte depuis deux semaines se hérissant par tous ses canons. Chaque obus lancé par les allemands l’atteint, et lui, il est obligé de disperser les siens dans toutes les directions de larges espaces: par les routes, par les vallons, par les fossés, par les jardins des alentours larges, qui le nourrissaient toute la vie, tendaient leurs bras vers lui par leurs routes et vivait de sa vie. La fumée épaisse, étouffant par un nuage lourd a enveloppé tout le ciel.
Le grondement des explosions et le hurlement des moteurs se fusionnent au-dessus de la ville dans le bruit continu et indistinct. Toutes les hordes de l’artillerie d’ennemi se posent sur lui. Le but est assez grand, pour que chaque obus l’atteint, et il est indifférent — si c’est le jour ou la nuit.
La canonnade écrase l’oreille, les yeux, les vaisseaux sanguins. Les gens parlent! Par les cris courts, en s’aidant de la mimique, des gestes, de l’expression des yeux.
Depuis longtemps nous voyons la guerre tous les jours, mais actuellement elle s'est étendue devant nous de tout son long. Avec le grondement elle fait tomber les murs de nos maisons, transforme les quartiers en ordure, et danse du feu.
Mais aujourd’hui dans nos cœurs il y a non seulement une conscience de ce danger pendu au-dessus de Rostov. Nous estimons les nuages lourds qui vont vers Moscou. La lourdeur du ciel sévère de Leningrad imprégné de la fumée de poudre est sur nous épaules.
Le tocsin inquiet de Moscou est entendu partout dans le pays, on l’entend dans les tranchées, dans le battement des cœurs de soldats... Il est difficile à lire dans les communiqués les noms des villes: Volokolamsk, Kline, Maloïaroslavets, Tula, Kalinine.
Notre section souvent était responsable des ponts: on nous envoie toujours là sur de nouveaux secteurs les plus importants. Et le pont est un endroit le plus étroit sur les champs larges de la guerre. Sur un pont qui n’est remarquable de rien parfois durant un jour tombe autant de métal, que pas toute l’usine peut produire, je pense, même en un mois.
Mais cette fois-ci, nous ne sommes pas seuls près du pont. Sur une petite espace près du pont plusieurs sections se sont installées. Nous sommes soutenus par l’artillerie installée de l’autre côté du pont. Dizaines de mitrailleuses se croisent ses tracés aux approches du passage: dans chaque fondrière, dans chaque ravin large et long il y a une mitrailleuse... Toute la terre autour est fouillée comme le champ de pomme de terre: les obus la creusaient et la creusent, l’outil de terrassement, la pelle de soldat de combat, la creusait et la creuse. Les trous de bombe, les tranchées et les fossés sont partout. Les constructions autour du pont sont détruites. Justement près du pont, sous la berge, il y a des abris couverts. A ce moment, nous menons le bout de la tranchée aux gouttières en béton, par lesquels les côtés de grande route vont communiquer.
Cette fois-ci, le pont s’est avéré utile à nous, ainsi qu’aux Allemands. Les fascistes comptent après l’occupation de la ville y envoyer leurs chars au Caucase et toute son armée avec le matériel. Mais notre commandement sait aussi, pourquoi nous devons garder ce pont. Evidemment, notre contre-attaque doit commencer bientôt. C’est pourquoi, contre l'ordinaire, aucune des parties ne bombarde le pont.
Sur ce secteur étroit il est relativement silencieux.
Après avoir laissé la pelle et après essuyé de la sueur de mon front, je roule une cigarette. Avec une feuille de journal, duquel je déchire un morceau pour le garrot, une petite coupure tombe. La notice raconte les efforts de travail des pétroliers de Gouriev. Elle parle des endroits natals pour moi, où les gens dans l’arrière travaillent en nous aidant à obtenir la victoire. On y parle d’une jeune Kazakhe, qui à la place de son mari-combattant s’est mise à l’exploitation du pétrole. J’ai découpé cette notice encore le troisième jour et je la sort sans y penser, chaque fois, quand je veux fumer. Chaque fois je suis obligé de lire quelques lignes. Ces lignes sur mon pays doux alimentent mon cœur par une chaleur. De telle façon chacun de nos combattants pêche avec amour dans un journal ordinaire des petits grains de nouvelles sur leurs pays natals.
Nos dernières unités reculent par le pont dans un ordre strict pour s’installer aux nouveaux lignes de défense, créer une nouvelle barrière près de la porte de Caucase. Le maréchal Semion Mikhaïlovitch Boudienny passe dans la voiture fermée sur la route allant devant nous. Je l’ai reconnu tout de suite. La moustache menaçante et le regard d'aigle font tout de suite se rappeler, ce qu’on connait sur les exploits de la Première Armée de Cavalerie. Il a retardé la voiture, et a regardé attentivement notre travail sans dire un mot. Après avoir mis dans la poche la cigarette qui n’était pas complètement enroulée, je me suis allongé et ai senti que j’ai commencé à rougir. Que faire? M’approcher en courant, faire un rapport? Dans cette situation le sergent-chef tout à coup se présentera avec un rapport au maréchal?.. C'est une absurdité. Puis-je!..
Evidemment, assuré, que notre travail est dirigé non pas à la destruction du pont, il a ordonné du mouvement de sa tête de continuer à conduire. Et la voiture est allée à travers le pont.
Je me suis rappelé d’un épisode connu, qu’en dix-huitième, avec un sabre dégainé en main, il est en avant de son armée est entré en plein jour de Bataïsk à Rostov, à l’époque déjà occupé par les Allemands, et a pris la ville aux occupants, que maintenant il est obligé de quitter. Maintenant il a dirigé sa voiture à Bataïsk. Peut-être, c’était cet épisode dont il s’est rappelé quand maintenant, comme il me semblait, roulait tristement par le pont. Je lui souhaitais du même retour victorieux, comme jadis, en dix-huitième lointain.
J’ai sorti de la poche une cigarette fripée, l’ai jetée et me suis mis à rouler une autre. Zorine s’est approché de moi. Il nous aime tous, et nous tous on le traite de la manière spéciale chaleureuse après son récit sur sa petite jeune fille de Stalingrad. Nous avons tous retenu son prénom Nina. Je sais déjà d’avance, pourquoi il est venu, et je lui tends ma blague de deux mains avec un numéro de l’ancien journal plié à la manière de soldat. Du milieu du journal ma coupure intime tombe de nouveau. Semion, après l’avoir levé, sourit tendrement.
Vous continuez toujours à la garder, camarade le sergent-chef...
Je ne pensais pas, que quelqu’un de mes camarades a fait attention à cette coupure, d’autant plus que telle personne curieuse et d’habitude silencieuse que Semion était. Mais il s’est avéré, que ce gars m’a pas seulement remarqué, mais a compris mon attitude à cette coupure discrète.
Moi aussi, je pense souvent: comment sont les affaires à Stalingrad? — a-t-il dit tristement. — Nos gars doivent nous envoyer de bons chars, pas pires que ceux allemands.
Ils vont nous les envoyer, — ai-je dit avec une certitude. — Peut-être, ils sont déjà en train de les envoyer, mais maintenant la chose primaire est Moscou... Peut-être, ils envoient pour la défense de Moscou.
Oui, bien-sûr, je le comprends... Est-ce qu’il ne nous est égal d’où seraient les chars! Mais, de toute façon, on veut voir les siens. — Il a souri, a gardé un peu le silence, et ensuite a ajouté: — Comme les natals...
Je le comprends très bien. Derrière le char de Stalingrad il verrait sa ville, ses maisons.
Avant-hier il m’a dit, que dans un camion militaire il avait vu une sœur-Kazakhe et qu’il était sûr que c’était mon Akbota. A vrai dire, sa description ne m’a pas assuré, que c’était elle, et je ne voudrais pas pour elle notre destin de soldat, mais j’ai tout de même pensé: «Eh bien, mais si c’est vrai! Si effectivement, sur ces routes de la guerre passe un camion, d’où je vais entendre: «Kayrouche! Kostia!..» Le camion, bien-sûr, ne s’arrêtera pas près du pont, elle passera en coup de vent devant, mais moi, j’étais d’accord même pour un seul son de cette voix gentille...»
La fantaisie de soldat peut tout faire. Voilà, je les ai déjà mises toutes les deux dans le même camion — Akbota et Nina de Stalingrad. Elles étaient déjà en train de parler l’une à l’autre de nous, comme nous parlions d’elles, et soudainement elles nous voient les deux sur la route.
Mais personne ne nous a rien crié des camions sanitaires, qui passaient.
Vers le soir, le deuxième groupe de notre section s’est installé au poste de défense du pont. Nous nous sommes réunis dans le gourbi. Comme toujours, Reviakine est venu nous voir avec un communiqué du Bureau d’information. De nouveau, il y avait les noms des villes de près de Moscou. Nous avons commencé à lui poser les questions. Il ne cachait pas. Il nous a dit directement et simplement:
— Oui, Moscou continue à être dans le danger. Et plus que cela, si on juge des noms des agglomérations dans les communiqués, les allemands sont installés encore plus près de Moscou, qu’ils étaient avant. Sur notre front, une grande bataille se passe actuellement, une bataille gigantesque, et cette bataille est pour Moscou.
Nous demandions plus de détails, à combien de kilomètres de Moscou se trouvait Volokolamsk, où était Maloïaroslavets, où était Kalinine.
«Moscou est en danger de nouveau. Les Allemands ont commencé à attaquer de nouveau près de Moscou».
Ces paroles dépriment par sa simplicité et par la précision opprimante de son sens terrible. Mais nous savons, que sur notre front, plus à l’ouest de Rostov, l’écrasement de l’armée du général fasciste Kleist dure depuis trois jours, et d’autres fronts, les derniers jours, les communiqués apportent aussi les informations sur des pertes énormes des Allemands en ce qui concerne le matériel, les chars et les avions. Mais ils ne vont pas sortir de leur tonneau sans fond les milliers de nouveaux chars pour remplacer ceux, qui étaient perdus! Il nous faut seulement nous tenir ferme, pendant qu’ils épuisent leur force lors de l’attaque. C’est Reviakine, qui nous le disait.
Aujourd’hui, derrière le Don, derrière notre dos, se trouve Moscou. On ne va pas rendre Moscou!
On ne va pas rendre, camarade l’instructeur politique! On va mourir, mais on ne va pas rendre! — lui crions-nous tous ensemble amicalement et avec excitation.
Il ne faut pas mourir. Nous allons vivre pour la victoire! — fait-il la conclusion et sort.
Dans dix minutes l’agent de liaison m’appelle chez le chef de la section. Ici, d’autres chefs des groupes se sont présentés immédiatement.
La défense du pont est confiée à vous. Peut-être, dans un mois, et peut-être demain, il va servir à la victoire de notre Armée des ouvriers et des paysans. Combien de temps il faudrait y rester, il faut tenir jusqu’à la dernière personne, — nous dit le lieutenant.
Dans son regard direct on voit une lumière de confiance à notre égard, la foi qu’on ne va pas reculer. Il nous montre la disposition des  groupes voisins. Nous sommes en deuxième échelon. Dans le premier, se trouve le groupe troisième, il est en avant de nous, sous la tempête de neige près de la barrière oscillante. Aujourd’hui c’est notre groupe qui est de service. Il effectue la surveillance directe du pont.
Vers le soir, nos groupes sont complètement partis de Rostov. Le bombardement de la ville par les Allemands s’est arrêté également. Le silence est venu. On sent de la fumée. On ne voit pas de feux. Quelque part, à gauche, dans les ruines de banlieues, un chien hurle, peut-être, au-dessus du cadavre de son maître ou de sa maîtresse...
Il est difficile de sentir la proximité de la grande ville, qui venait de tomber et était couchée au-dessous de la botte de l’ennemi. Elle est couchée dans son impuissance et garde le silence à haute voix. Ce silence éveille en nous le désir de vengeance de la manière plus forte, que le hurlement d’appel.
Et dans ce silence opprimant, perturbé seulement par les coups sourds du grondement éloignés, on dirait souterrains, de quelques batailles invisibles, nous entendons le tocsin inquiet appelant de Moscou.

XI
La nuit, les hitlériens se sont jetés en avant. Ils ont voulu montrer, qu’ils avaient assez de forces pour un nouveau coup, et malgré que Rostov leur ait coûté cher, il nous a semblé, que la rage de cet animal furieux par les pertes était suffisante pour continuer à se jeter... Mais nous n’allons pas le laisser passer. Derrière nous se trouve Moscou. Moscou est derrière ce pont à travers le Don. Nous devons tenir ici à mort...
Nous n’avons pas dormi cette nuit. Le vent rasant soulevait la neige piquante. Au tour de rôle, nous nous réchauffions dans la hutte. Quand moi, frisé, je suis entré dans l’abri, où sur le fourneau de l’eau bouillante bouillonnait, les gars parlaient de Moscou. Volodia Tolstov a été à Moscou au siège de komsomol. Pendant quelques jours, les délégués ont visité la capitale avec ses anciens monuments, avec ses nouvelles constructions étonnantes.
Est-ce que tu as été au Kremlin? Tu as été au Kremlin? Raconte! Et Volodia racontait.
L’instructeur politique est venu de nouveau nous voir : on sentait, qu’il allait vérifier notre humeur, et nous soutiendrait. Peut-être, il va regretter, qu’il parlait de Moscou si tristement.
Et toi, Sema, pourquoi tu te tais? — a-t-il demandé à Zorine rêvant.
— Il est en train de se rappeler des poésies! — a dit Petia en plaisantant.
Effectivement, Semion était assis avec un air distrait, dans sa distraction quelque émotion perçait. Et tout à coup il s’est animé:
Des poésies? Et comment tu peux le savoir?
J’ai deviné, alors?
Nous tous l’avons regardé avec un reproche: on ne peut pas se moquer de quelque chose, dont le camarade t’a fait part par amitié dans les moments de sa tristesse.
Tu as deviné, — s’est mis d’accord Zorine. Et en regardant dans les coins du fourneau, il a commencé à réciter à voix basse:

Dites-moi, mon oncle, est-ce donc sans lutte ardue
Que Moscou en feu fut rendue
Aux Français ?

Semion s’est retiré du fourneau et ensuite s’est levé, sa voix est devenue plus forte. Il ne pouvait pas se tenir debout de toute sa taille au-dessous de faux plancher bas de notre hutte. La poésie a captivé tout le monde. Nous n’entendions ni des sons importuns du craquement de la mitrailleuse emporté par le vent, ni des coups clairs brusques des mines. Nous le regardions comme une nouvelle personne, qui nous a apporté quelque nouvelle parole...

… Et dit-il, les yeux brillants :
« Les gars ! Moscou n’est pas la seule arme pour nous ?
Eh bien, mourrons près de Moscou…

Nous avons tous sauté à nous pieds avec ces paroles. J'ai eu la gorge serrée...
Moscou n’est pas la seule arme pour nous ! — a crié Volodia sans pouvoir se tenir.

… Eh bien, mourrons près de Moscou
Comme nos frères mouraient ! –

continuait à réciter Zorine. Il a fait une petite pause, et personne n’a respiré.

- Et nous avons promis de mourir,
Et avons gardé le serment
Nous, à la bataille de Borodino…
En regardant Zorine, nous croyons, que c’étaient vraiment des  bogatyrs, tels que Zorine...
Notre instructeur politique était pris par la même inquiétude, que nous. Il m’a appelé de côté.
Il récite près bien! Personne ne s’y attendait, — a-t-il dit. — Pour qu’il aille avec moi, il va réciter pour les jeunes de nouveau complément... Bravo! Bravo! Viens avec moi Zorine, je vais te donner une mission de combat, — a-t-il appelé.
Tout seul? — s’est étonné Zorine.
Nous nous sommes habitués, que pour toute une mission secrète on nous envoyait par deux au moins.
Je vais avec toi, — a répondu Reviakine. Ils sont partis.
«Aux jeunes de nouveau complément...» — a dit l’instructeur politique. Mais nous sentions qu’avec nous étaient non seulement ces jeunes camarades de nouveau complément. Avec nous étaient Belinski, Tchernychevski, Tolstoï, Glinka, Tchaïkovski, Gorki, Souvorov, Donskoï, Koutouzov, tout l’état majeur général de la pensée russe des siècles passés et de notre siècle. Eux tous, ils nous regardions avec espoir... Et Lénine est aussi avec nous aujourd’hui, celui-ci, qui inspire toujours à l’exploit, notre amour à Moscou est lié inséparablement avec son nom!
Ces jours une bataille spéciale a pris feu. Elle est menée maintenant en même temps sur tous les fronts, sur toutes les larges espaces. L’esprit, le savoir-faire, le courage, la hardiesse et l’honneur des peuples soviétiques sont entrés dans la bataille. La bataille dans l’air, la bataille sur la terre, sur l’eau et à l'antenne...
J’ai compris les premières lignes de Pouchkine en langue natale en traduction d’Abaï. Pouchkine et Abaï sont avec nous, et ensuite — vêtu d’une robe de chambre déboutonnée, avec la dombra à la main, en appelant le vent de la victoire dans la tranchée, va Djamboul, akyn sage âgé de cent ans... Les grands hommes de tous nos peuples ces jours-là sont avec nous. Et aujourd’hui Semion a appelé Lermontov nous aider et les bogatyrs de Borodino. Leurs noms sont dans nos cœurs comme les drapeaux de luttes contre les barbares  présomptueux, qui ne connaissant pas d’autre culture sauf le poing en fer, ne connaissant pas une autre poésie, sauf le délire infect, puant du livre hitlérien «Mein Kampf».
Semion est revenu avec Reviakine. L’instructeur politique a dit à voix basse:
Camarades, sur le secteur du troisième groupe il y a un danger de la percée. Là, les Allemands ont pressé fortement, et les gars ont chancelé un peu. Les komsomols, suivez-moi!
Nous sommes sortis dans la nuit et la tempête de neige. A droit du pont, il y avait une escarmouche intense. Les mitrailleuses allemandes battent par les jets continus des balles traçantes en dessinant les limites de la percée prévue, en indiquant à l’infanterie et aux lanceurs des mines la hausse nocturne. Sur le même secteur, les mines tombent et explosent.
La nuit, tout a l’air plus sinistre, qu’à la lumière de jour. Les explosions enflammées des mines, le vol enflammé des balles luisant  font la mort planant au-dessus du champ plus sensible, que le jour. Les bourdons de feu vont à toute vitesse en essaims, il parait, directement dans ta figure...
Mais le désarroi ne se sentait pas longtemps. Il passe, dès qu’on commence à ramper en surmontant des obstacles: des parties des chariots détruits, des camions, des trous de mines et d’obus. Ils servent aussi de l’abri et parfois donnent une possibilité de s’approché de la ligne avant sans ramper, mais par les courtes progressions... On atteint les tranchées vides. Ici on peut avoir une bonne ligne de défense, mais il nous faut encore en avant...
Et tout de même, les balles traçantes volant au-dessus de la tranchée agissent désagréablement. On essaye de se convaincre, que le jour, il n’y en a pas moins, mais elles sont invisibles, que ce tir par les feux est seulement le moyen de l’influence psychique pour nous serrer contre la terre. Mais cela est tout de même désagréable...
Nous avons déjà fait perdre aux fascistes l'habitude d’un des essais pareils de l’influence psychique: ils ne descendent plus portrait en pied dans nos tranchées. Nous les avons appris d’avoir peur, nous les avons vus courir comme un lapin. C’est notre éducation: en Europe personne ne pouvait les apprendre courir comme un lapin. Mais nous avons encore pas mal d’autres leçons à leur apprendre...
Nous avons sauté des tranchées directement sous la pluie des feux volant, avons exécuté un bond, avons commencé à ramper de nouveau... Le deuxième épouvantail rouge des feux mortels s’élève au-dessus du champ. Voilà il s’est dirigé directement sur nous — les allemands sont en train de transférer la hausse. Pour quelque temps nous sommes retenus, nous avons envie de revenir dans la tranchée que nous venons de quitter. Mais on ne peut pas tarder aujourd’hui...
En avant! — appelle notre lieutenant à basse voix de l’obscurité.
Justement sur notre chemin une mine s’explose, deuxième...
En avant! — nous encourage l’instructeur politique.
Bien-sûr, c’est comme ça. Les mines suivantes tomberont déjà quelque part dans un autre endroit.
On entend un gémissement. Quelqu’un de nos gars s’est brûlé imprudemment par un des feux volant. Peut-être, à mort? Qui? Je cherche dans ma mémoire, qui était à proximité de moi dans la tranchée... Je ne sais pas, — peut-être Zorine, il lui est très difficile à ramper: il ne sait pas du tout le faire.
Et voilà le déchaînement lui-même: presque dans le voisinage du troisième groupe les tireurs à la mitraillette allemands se sont embusqués. Brusquement ils nous rencontrent par le craquement sauvage de cinquantaine de canons. Oh, les diables!
Notre combat avec les tireurs à la mitraillette a commencé pour le secteur de cinquante mètres, qui nous séparait de la ligne des tranchées occupés maintenant par eux. Ils connaissent la force de nos baïonnettes et essayent d’éviter notre coup de baïonnette...
Il commence à faire jour.
Nous avons atteint quelque vieille tranchée couverte à moitié par la neige avec une aile droite détruite. Zorine est descendu en sautant en toute sécurité à côté de moi. Il est venu fort à propos: personne ne pouvait faire concurrence à sa lancée puissante de la grenade. Après avoir eu une commande, Semion, comme toujours, a  appuyé un peu lentement son fusil contre le mur de la tranchée, a enlevé la capote, s’est accoudé au parapet, et je n’ai pas eu de temps pour l’arrêter, avant qu’il est sauté de la tranchée et, en se tenant debout au-dessus de l’averse des balles, a lancé une après l’autre deux grenades et est tombé tout de suite. Une des grenades s’est explosée dans la tranchée des Allemands, l’autre – plus près.
J’ai attrapé Zorine par ses pieds et l’ai tiré, en croyant qu’il était tué ou blessé.
Lâche, lâche, qui est-ce qui fait des bêtises! — ai-je entendu sa voix tranquille, et Semion «en reculant» a glissé dans la tranchée. Il s’est avéré intact.
Les tireurs à la mitraillette allemands se sont décontenancés. Leurs balles volent  en haut d'une manière incohérente. Il serait pas mal d’avoir encore une grenade à ce moment! Mais à ce moment deux micelles rouges s’explosent dans la tranchée dans notre direction... Quel malheur! Nous entendons le grondement des chars... Avant qu’ils nous atteignent, il faut changer la tranchée au plus vite.
Charge, camarades! — entends-je la voix de Raviakine.
Nous nous sommes lancés de la tranchée. Au moment pareil celui, qui est le plus courageux, est le plus fort.
Quelqu’un a crié de nouveau:
Gars! Moscou n’est pas la seule arme pour nous ?
Personne ne s’inquiète du fait, que le tireur à la mitraillette caché le vise. Chacun se cherche un adversaire pour le duel, repère un ennemi et se jette sur lui. Vaincre... Mourir, s’il le faut pour notre victoire... Ici il dira en criant les paroles sacrées, qu’on ne gaspille pas:
Pour la Patrie!
Pour Moscou!
Tout cela se passe en quelques secondes. Le craquement des mitrailleuses se tait tout de suite. De l’obscurité éclairée par le reflet des micelles éloignées, les dents ont été montrées, les yeux ont lancé un regard étincelant... Une baïonnette... Une crosse. Le casque en acier a tinté. Quelque craquement. Des cris, des gémissements... Zorine se dessine comme la masse énorme sur fond du ciel inondé de lueur d'incendie: il est furieux et impitoyable... On s'accroche et se batte l’un l’autre, s’est entrelacé sans armes, atteint les gorges par les mains... On tombe sous les pieds des autres... La baïonnette s’enfonce dans un des corps simplement et froidement...
Une fusée a brillé au-dessus des têtes. Nous n’avons pas encore terminé le combat corps à corps, quand le char se pesait lourdement avec le grondement sur la tranchée occupée par nous. Au fort du combat ces monstres n’ont pas eu de temps pour rencontrer des grenades.
— Planquez-vous!
Par à-coup, Zorine a fait tomber sous lui un fasciste énorme pas rasé, et était en train de l’étrangler. Au-dessus de nous, avec un ronflement féroce, un char repasse la tranchée, en faisant s’ébouler les bords. Nous sommes tous couverts, nous nous sommes cachés...
Le char écrase notre tranchée par sa chenille. Le fasciste au-dessous de Zorine s’est calmé et a allongé les jambes en bottes forgées dans ma direction. Zorine est couché sur lui.
Je suis tombé sur le fond de la tranchée au moment, quand la chenille dentée s’approchait déjà, je suis couché à côté du tireur à la mitraillette, que j’avais tué. Je veux reculer en rampant de lui, mais j’ai peur, que Zorine, sans regarder, me donnera un coup de talon sur la figure.
Le char écrase par sa chenille notre tranchée. Mais telle grande cible ne peut pas tourner en rond si longtemps. Ayant peur des grenades, il n’ose pas de rester immobile au-dessus de notre tranchée — et il bondit de sa place. Mais on lui a jeté du feu dans son dos: le groupe voisin a envoyé les destructeurs contre lui. Nous ne restions pas en arrière. Une bouteille s’est envolée aussi de notre tranchée... Le char tout enflammé, s’est jeté à reculer, mais le paquet de grenades de Semion se retrouve sous sa chenille. Une explosion. Le monstre s’est arrêté couvert de feu...
Derrière mon dos un coup de feu s’est produit. Les gars se sont jeté pour lever Zorine s'affaissant par le mur de la tranchée. Il a poussé un gémissement. Il s’est avéré, que le fasciste a fait semblant d’allonger ses jambes et se taire uniquement que les doigts de Semion ne l’étreignent pas par sa gorge. Mais ensuite, quand Zorine a lancé son  paquet de grenades, le fasciste, après avoir repris haleine, après avoir sorti son pistolet, a tiré d'en bas.
Zorine était blessé dans la poitrine.
Sema! Sema! — me suis-je jeté vers lui.
Petia a tiré à bout portant sur la tête de l’allemand, sur lequel Zorine était couché il n’y a pas longtemps.
La ligne de défense est redressée. Nous laissons les Allemands tués dans les tranchées et reculons en portant nos blessés. Le filet de neige et l’obscurité bleue de matin nous couvrent. J’aide à porter Semion. Voilà, nous sommes descendus vers la rive. Ici on ne nous voit pas. Nous avançons vers notre abri. Presque chacun a un trophée, les mitraillettes des Allemands.
Semion, voilà une mitraillette pour toi, — s’approche de lui Tolstov. On dirait, qu’il ne croit pas, que Zorine est gravement blessé.
Eh bien!.. Race de chienne! Qu’est-ce que je vais en faire?.. Il est trop léger... pour le combat corps à corps...— Semion n’y croit pas non plus, qu’il a quitté les rangs. — Boire! — demande-t-il.
On lui a tendu quelques gourdes immédiatement. Il a pris une, a porté lui-même jusqu’à la bouche, l’a laissé tombée et a commencé à râler après avoir fermé les yeux.
Sema! Sema! Les gars, il faut le mettre dans le camion, vite, de l’autre côté! — ai-je crié. Réviakine s’est approché de nous, a jeté un coup d’œil sur Semion et a enlevé l’ouchanka  grise.
Semion! — a crié Volodia stupéfait, ne croyant pas encore à ce geste expressif.
Les soldats ont entouré Zorine. Il était couché immobile, énorme. Nous avons déjà appris à reconnaitre l’apparence de la mort.
A part Zorine, nous avions trois tués, et cinq blessés.
Toute la journée, les Allemands tâtaient notre endroit faible pour la percée. Là, où ils sentaient la résistance forte, ils n’y osaient pas presser et commencer à chercher un nouvel endroit. Leurs avions de chasse voltigeaient très bas au-dessus de nos positions en nous semant par la pluie de mitrailleuse. Mais ils ne bombardaient pas le passage. Ils voyaient qu’ici nous restions très peu. Ils étaient sûrs, qu’ils auront besoin du pont pour eux, et ils espéraient venir à bout de nous facilement aujourd’hui, ou demain...
Vers le soir les Allemands se sont calmés progressivement. Nous nous sommes approchés du tombeau prêt sur la rive, où nos camarades toués et pas encore enterrés étaient couchés. Toute la section s’est réunie.
Le lieutenant Mirochnik et notre instructeur politique sont arrivés.
Nous nous sommes découverts pour une minute. Je ne pouvais pas détacher mes yeux du visage de Semion, les larmes empêchaient le voir.
Puis le lieutenant a commandé à basse voix la formation. Nous nous tenions debout selon la commande «garde-à-vous».
L’instructeur politique Reviakine s’est mis au chevet des tués. Au lieu de l’oraison funèbre il a dit simplement:
— Ils sont tombés en combattant pour Moscou....
Nous les ont descendus dans la terre sous l’accompagnement du salut triple...
Dans la bataille pour Rostov ces jours-là, notre première victoire au sud naissait. Sous la pression du sud, du nord et de l’est, la première grande retraire des Allemands, la première fuite des hitlériens a commencé.
Nous savions déjà des communiqués du Bureau d’information, qu’une bataille gigantesque se déroulait sur notre front. Quelques nuits de suite nous avons vu la lueur d'incendie et les éclats tremblants sur l’horizon. Nous avons entendu un nouveau hurlement sur notre front, comme un grondement des timbales gigantesques. C’était le son des explosions des «katuchi», dont on a seulement entendu parler jusqu’à ce moment des combattants arrivés d’autres fronts.
Et voici la nuit sombre décisive détestée tombe. Pour nous son intempérie profonde était la couverture la plus sûre, et elle emportait la mort à nos ennemis.
Comme un ouragan de colère et de fureur courait à toute vitesse de l’est à l’ouest. Dans les ténèbres par la fine glace, en tombant dans l’eau et en revenant à la surface, notre infanterie traversait le fleuve, par endroits jusqu’à la poitrine dans l’eau glaciale brûlante de novembre.
En pleine nuit tout à coup dans le plein centre ville «hourra» russe s’est tonné, et le fluxe irrésistible continu de nos attaques a inondé les rues.
La rivière des sabres dégainés de notre cavalerie courrait de toute vitesse par les routes dans la ville. Les lames en acier ont brillé sous la lumière des micelles signalant, comme les foudres.
Cinq mois longs avec tout le pays nous attendions cette heure heureuse. Combien de nos camarades et amis sont tombés à la ligne de défense, en se poussant tout dans la même direction — de plus en plus à l’est... Ils voulaient tellement vivre jusqu’à la victoire...
Et cette nuit, il était très facile à marcher! L’œil de soldat est précis, sa main est forte et sûre! Et le spasme des larmes de joie t’étrangle du cri de millier de voix «hourra»!
Les sabres dégainés des cavaliers volent à travers la ville et brillent dans la lumière. Les baïonnettes impitoyables avancent sévèrement dans les mains de l’infanterie attaquant.
Sous le coup inattendu et puissant du sud, les hitlériens quittent les banlieues du sud de la ville et courent en toute vitesse vers les banlieues du nord... Mais on leur assène un coup du nord aussi. On les chasse et bat, et eux, à la folie, ils courent à toute vitesse de nouveau au sud, où la mort sûre sur une baïonnette les attend.
De la même façon, des troupeaux de chevaux, en heurtant et en écrasant l’un l’autre sur les chemins étroits courent à toute vitesse lors de l’orage de montagne la nuit d’automne à cause de la peur et la confusion, se cognent contre le rocher, se jettent de côté saisis de frayeur, glissent de l’escarpement et s'engouffrent...
La même chose s’est passée cette nuit-là avec les Allemands à Rostov. Ils pensaient déjà, qu’ils s’y étaient installés pour tout l’hiver, — et un ouragan est venu soudainement... En abandonnant les voitures dans les cours de leurs états-majeurs, ils couraient. Les camions et les voitures accrochés, renversés, avec les moteurs détruits, les canons défigurés et les chariots se trouvaient debout et couchés dans les rues et sur les places...
Et le «hourra» incessant dans le grondement des coups de feu,  dans le feu des explosions des obus, dans le hurlement des moteurs s’éclatait de plus en plus, comme la mer.
Dans cette victoire il y avait une part de notre section aussi. Surveiller les ponts n’était pas notre seule affaire pour toujours. Sur ce poste nous avons été remplacés par une section ordinaire d'infanterie de jeunes gars arrivés de quelque part de l’arrière, qui n’étaient pas encore au combat.
Le lieutenant Mirochnik m’a appelé et a donné une mission d’entrer dans la ville et reconnaître les banlieues de sud.
Nous sommes partis le soir, nous rampions à l'arrière-plan, escaladions des palissades, plongions dans quelques trous, explorions les cours, regardions dehors: partout il était sombre et vide. Dans un endroit il y avait un wagon de tramway renversé, ici, tout près de lui, le wattman fusillé a écarté ses bras sur la chaussée. Une-deux fois nous avons rencontré les patrouilles allemandes moroses. Volodia a prêté l'oreille, a dit, qu’ils parlaient de la gelée. Mais est-ce que c’était la gelée? Il faudrait les envoyer chez nous, quelque part à Koustanaï!
Nous avons pénétré dans la ville occupée par les fascistes à un kilomètre au moins. La petite place de l’église à travers la rue était barrée par une barricade, qui se dressait comme une montagne noire entre les maisons. Nous nous sommes approchés d’elle en rampant tout contre, on écoutait longtemps. Une voiture est arrivée de l’autre côté de la barricade. Quelqu’un a sauté à sa rencontre, faisait un rapport. Volodia m’a poussé, sous le bruit de la voiture s’éloignant nous avons reculé vers la porte la plus proche.
— Sur la barricade il y a trois mitrailleuses et dix soldats, — a dit Volodia en me transmettant le sens du rapport de soldat.
Je l’ai laissé pour l’observation, et moi-même je me suis précipité de revenir en mettant sur le chemin mes éclaireurs.
Le lieutenant Mirochnik attendait mon retour. Les chefs d’autres groupes se sont réunis ici. Ils ont déjà inspecté les rues voisines et ont rapporté au chef sur la situation. J’ai réussi à peine à faire un rapport et parler de mes résultats, et dans l’abri du lieutenant le chef du régiment est entré, et derrière lui le colonel lui-même.
 
Et alors, Sartaleev, quelles sont les nouvelles? — m’a-t-il demandé.
Les nouvelles bonnes, camarade le colonel. Mes combattants se trouvent à un kilomètre le long de la rue.
Bonnes nouvelles! — a approuvé le colonel.
On nous a laissé partir. La direction est restée dans l’abri du chef du régiment.
D’après plusieurs gens, qui ont traversé la glace, j’ai tout compris: cette nuit nous allions être de nouveau à Rostov... Je voulais crier «hourra». Les gens avançaient en silence, et personne ne le troublait. Seulement du flanc droit l’escarmouche de mitrailleuse ne se taisait  obstinément et les mines s’explosaient de temps en temps.
Le bataillon passé sur l'autre rive, et peut-être, même le régiment, s’installait sur la rive elle-même... On entendait le murmure sourd, les cris des détachés: «Silence dans les rangs!» dans les ténèbres j’ai entendu le langage natal kazakhe et me suis jeté à la recherche des compatriotes, mais à ce moment le lieutenant Mirochnik m’a appelé à haute voix.
Nous rampions de nouveau et passions par le même chemin déjà fait par l’infanterie. Le silence régnait encore, mais nous savions déjà, que derrière nous un bataillon avançait, et derrière lui, peut-être, un régiment ou une division...
Ouchakov, laissé pour l’observation, m’a rencontré dans un endroit convenu, a serré ma main en informant, que tout allait bien et on pouvait avancer.
Nous avons laissé la section principale en embuscade, à cinquante mètres de la barricade. Côte à côte avec moi notre lieutenant pénétrait. A notre rencontre Volodia s’est décollé du mur, nous a informés en murmurant, qu’un groupe complet de soldats venait d’arriver pour renforcer la barricade.
Nous nous sommes mis à ramper en s’appuyant par les paumes contre le pavé glacial, et se sont couchés sous quelques tonneaux en fer et véhicules renversés.
Lance! — a retenti la voix de Mirochnik.
Chacun de nous a jeté deux grenades à l’autre côté de la barricade. Ensuite nous avons sauté par-dessus des tonneaux. Le fil de fer barbelé s’est enfoncé dans ma paume et dans ma jambe et a déchiré le canon du pantalon, mais nous avons déjà pesé sur les mitrailleurs fascistes. Les centaines de combattants couraient ici des ténèbres de la rue derrière nous vers la barricade. Ils escaladaient la barricade sans un retard, s’étalaient sur la place et occupaient les maisons. Les grenades explosaient le long des rues, claquaient les mitrailleuses. Les sons de la bataille ont frappé à la nuit...
Comment la bataille augmentait, moi, il me semble, je n’entendais même pas. Elle bouillonnait sur toute la partie du sud de la ville. Elle bouillonnait et se répandait dans le cri puissant de victoire. Dans les rues tombaient les mines, éclataient les obus... Les fascistes retenaient le centre ville, en nous arrosant des mitrailleuses. Brusquement, de l’arrière, on a entendu le hurlement des chars le long des rues.
Les grenades! — ai-je crié. — Les chars sont de l’arrière!
Plus bas, Sartaleev, — m’a arrêté le lieutenant. — Ce sont les nôtres, qui arrivent.
«Peut-être, «les stalingradets», — ai-je pensé et je me suis rappelé de Zorine.
Sans faire attention aux mines explosant, aux explosions fréquentes  des obus et au feu de mitrailleuse, les chars se sont jetés avec courage dans les roues sombres de la ville, en perçant la voie à l’infanterie, et cassant les embarras et en arrachant le fil de fer barbelé.
Il commence à faire jour. Les groupes d’avant se battent quelque part là, derrière les maisons, derrière les jardins, boulevards, hors les rues de ville.
Quelqu’un crie à l’oreille, que nos groupes ont commencé à attaquer du nord aussi, et les Allemands s’enfuient en laissant les armes.
«Les Allemands s’enfuient» — j’étais heureux d’entendre ces paroles ...
Nous voyons une grande maison, au-dessus du toit de laquelle le grand drapeau allemand avec la tarentule noire méchante aux pattes étalées flotte injurieusement et lugubrement... C’est son affaire ignoble — les potences sur la place et les cadavres exténués des gens soviétiques dans les rues...
Aux sons puissants de notre «hourra» les têtes se penchent hors des fenêtres cassées. Les habitants sortent dans les rues, se jettent vers nous, mais les combattants n’ont pas de temps pour s’arrêter. Le vent de victoire nous emporte plus loin, en avant: battre l’ennemi, achever, écraser et anéantir.
Et voilà, la cavalerie vole, vole... Et voilà, au-dessus des toits, les avions rampent lourdement vers l’ouest. Le matin nous permet de voir déjà le cargo de bombe suspendu sous le fuselage. Ils le jetteront dans le plus épais des camions et des soldats fascistes reculant sur les routes.
Quelqu’un avant nous s’est déjà grimpé sur le toit de bâtiment haut, et de là-bas sous nos pieds, le drapeau fasciste avec une tarentule noire tombe par la pointe orienté en bas, et le drapeau rouge soviétique flotte à sa place. Et on dirait, grâce à cela, il commence à faire le jour plus vite. Le vent oriental a enlève pour un instant le rideau de nuage, et le rayon de soleil éclaire le fier drapeau soviétique. Il s’est tourné à l’ouest, en nous indiquant le chemin de la poursuite.
Une colonne des chars hurlant passe de l’est en faisant trembler par son allure lourde les rues et les maisons. Elle va poursuivre et écraser l’ennemi cherchant son salut... Et voilà, ce sont nos véhicules natals, les véhicules de combat portant la mort aux envahisseurs!..
Chaussé de bottes de feutre, évidemment, pas les siennes, un gamin de quelque ruelle court pour nous couper le chemin. D’après sa manière d’agiter le bonnet il n’est pas difficile à comprendre, qu’il est plein de bonheur. Il doit nous dire quelque chose très important et urgent. Et tout son air en crie en exprimant l’exigence et la hardiesse.
A l’usine! Allez à notre usine, camarades. Ils sont là... Il y en a beaucoup! — informe-t-il d'une voix entrecoupée d’agitation, comme s’il a retrouvé quelque part dans la forêt beaucoup de champignons ou de baies... Bien entendu, pour lui le plus important c’est justement ce qu’il a vu de ses propres yeux. — Papa m’a envoyé. Il y est en train de les garder à ce moment...
Ah ben, si papa les garde, alors, ils ne vont pas partir! — a dit Volodia avec sourire.
Le garçon l’a regardé avec vexation et n’a pas répondu...
Ce sont nos quartiers. Leur nettoyage des restes de fascistes est une affaire, qui nous touche de près. Nous tournons dans la ruelle en suivant le garçon. Il marche courageusement. Il ne s’est pas même retardé quand il y avait un coup de mine à proximité.
Voilà, c’est notre usine, — a-t-il dit.
Les hauts bâtiments de l’usine privés des verres sont aveugles et gardent le silence. Est-ce qu’il y a longtemps, quand tout était plein de mouvement et de bruit de travail!
Et ici, on peut tout simplement sauter, — en allant en avant, le petit guide propose et montre tout de suite comment cela se fait.
Une brèche énorme s’ouvre au-dessus de l’entrée principale de l’usine. La cour est encombrée par les wagonnets renversés, par quelques paquets, les débris de métal, le fil épais, les briques cassées.
Dans les coins et près des murs des ateliers déserts, il y avait déjà pas mal de neige amoncelée à travers des portes ouvertes et le verre à vitre cassé. Les machines-outils immobiles s’élèvent comme quelques fantômes noirs. Les corrois de transmission arrachés des poulies sont en travers près de nos pieds comme des pythons gris crevés.
Le garçon nous fait signe de ne pas faire de bruit. Près du mur, nous voyons un homme avec une apparence typique de l’ancien ouvrier. C’était un homme à la moustache grise, aux sourcils froncés, vêtu d’un veston de travail court chaud noir, avec une grenade à la main. En gardant le silence il a fait un signe de sa tête, en indiquant à travers la fenêtre l’atelier voisin.
Du fond de l’atelier, un après l’autre, quelques ouvriers avec les fusils se sont approchés, avec les fusils allemands.
Nous les gardons. Ici il y en a deux dizaines à peu près, de l’état-majeur S.S. Tout le quartier a été coupé; Ils n’ont pas eu de temps pour s’enfuir du club d’usine et se sont assemblés ici.
Et comment vous l’avez appris?
Mon poste était sous le toit dans le grenier, du détachement des partisans d’usine... Il fallait faire exploser l’état-majeur S.S., le comité de parti nous a chargé de le faire, — explique le père du gamin.
Nous, les éclaireurs, sommes sept, les partisans sont cinq, et là, il y a vingt soldats de S.S. J’ai donné un signe de mes yeux à mes combattants et ai pris une grenade. Une grenade s’est avérée sur-le-champ dans les mains de chacun. Le gamin m’a regardé d’un air suppliant. En silence, je lui ai donné en mains un fusil et ai indiqué de regard sa place. Il s’est immobilisé sur-le-champ en s’attachant au fusil, comme un guetteur. Et son père m’a regardé avec reconnaissance.
Avec précaution, comme si on franchissait les mares, nous traversons la cour par les grands pas en courant sur la pointe des pieds en arrière de l’atelier indiqué. La porte en fer lourde de l’atelier est enfermée de l’intérieur. Nous restons stupéfaits quelques secondes. Brusquement un des ouvriers montre en haut et sans bruit, uniquement avec ses lèvres murmure quelque chose aux camarades. Ils se sont animés. Après avoir laissé la garde avec les grenades près de la porte, nous montons sans bruit en deuxième étage par l’échelle d'incendie, et ensuite par une échelle intérieure sombre et étroite descendons en première. D’ici, on entend des voix.
Les fascistes se sentent assiégés et se préparent à la défense. Ils ont mis les mitrailleuses près des fenêtres. De l’intérieur, par quelque machine-outil, ils ont appuyé la porte en fer, près de laquelle nous avions mis une garde. Parfois ils s’échangent de deux-trois mots et gardent le silence de nouveau en écoutant la ville. Ils ne se doutent pas de notre présence, et cependant nous les entendons et mêmes nous les voyons à travers les orifices dans la transmission faites dans le plancher. Personne d’eux n’a eu d’idée de lever les yeux vers le plafond, où ils pourraient nous croiser le regard.
J’essaye le diamètre de la grenade, s’il passe par l’orifice. Volodia occupe le passage sur l’escalier au rez-de-chaussée. Il se tient debout derrière la porte dans le coin en tenant la mitraillette prête.
Sur le plancher en ciment il y a quatre orifices. Ils ne sont pas grands, mais dans chacun on peut jeter en même temps deux grenades. Nous jetons en bas en même temps quatre unités, ensuite encore quatre... On entend du bas des hurlements désespérés, féroces et des gémissements. Quelqu’un crie sauvagement:
Kaputt!
Volodia descend l’escalier en tenant la mitraillette prête. Nous le suivons. Dans le local inférieur, une dizaine de fascistes sont couchés immobiles, les autres sont presque tous blessés. Ils lèvent les bras avec les lamentations. Misérables, suppliants, ils demandent grâce.
Hitler kaputt! — crie spécialement avec passion un des hitlériens.
Lui, bien-entendu, il comprend, qu’Hitler est encore loin de son «kaputt», mais par tout son être il dévoue de son führer, pour rester vivant...
Nous avons montré aux captifs par les gestes de déplacer la machine-outil barricadant la porte, ils ont exécuté l’exigence volontiers.
Fais sortir! — ai-je commandé.
Eux-mêmes, ils se sont mis par paires. Trois d’eux n’ont pas pu à se lever.
Emmenez ensuite des sanitaires, — ai-je dit aux ouvriers, — et maintenant, il faut prendre l’arme! Faire une perquisition du local!
Moi-même, j’ai commencé l’examen, et tout à coup quelqu’un m’a poussé dans la poitrine d’une manière très forme, comme par un coup de la queue de billard... Tout l’atelier a tourné devant mes yeux, et je suis tombé. Mais en tombant j’ai vu une petite tête du serpent à lunettes, qui se cachait derrière la masse en acier de la machine-outil. Puis j’ai entendu une rafale de mitraillette... J’ai compris, que Volodia ou Petia ont tué le salaud.
On m’a levé. Je me suis assis en m’appuyant contre l’épaule d’un  vieil ouvrier. Il me soutenait mon dos par son bras. En s’appuyant contre les genoux par les mains, notre guide, le gamin, se tient devant moi. Il essaye de regarder dans mes yeux du bas avec une expression de la compassion. Il voudrait me demander: «Tonton, vous avez mal?»
Probablement, pour ma compassion, Volodia a sorti de l’angle l’officier de S.S. aux lunettes tué, chétif, aux cheveux jaunes, au cou fin, et l’a jeté près du tas des copeaux de fer.
Je regarde avec curiosité mon ennemi : qui est-il, alors? Capitaine d’S.S.?
On a mis une tente près de moi. Les gars me prennent et mettent soigneusement... Je ne dis rien... Tout le temps, je garde silence, malgré que je voie... Mais la vision obscurcit avec chaque seconde, et on dirait qu’il y a de l’ouate dans mes oreilles. Il me semble, que j’entends les paroles, mais elles flottent de quelque façon, et je ne peux pas comprendre leur sens...
Volodia regarde mon visage et bouge des lèvres, mais je n’entends plus du tout sa voix, malgré que j’essaie de regarder et rester en conscience. Moi-aussi, je voudrais dire quelque chose à Volodia. Dire quelque chose utile et très amical, et en rassemblant toutes mes pensées et tous mes efforts je dis:
Prends le commandement...
Quand on m’a levé pour porter, soudainement j’ai voulu voir encore une fois celui-ci, qui a tiré sur moi. Maintenant il était couché avec son dos vers moi, son visage était dans le tas de neige, sa tunique  courte était levée, la chemise s’est relevée, et le vent amoncelait de la fine neige froide sur son nu dos maigre...
On me porte... J’entends le claquement des chenilles de char. Ce sont encore nos «stalingradets», qui arrivent. Il faudrait dire aux tankistes à propos de la mort de Semion... Peut-être, plusieurs personnes le connaissaient. Il était grand et gentil.
On me porte toujours. Le long de la rue les avions volent au-dessus de nous. Ceux-ci ressemblent aux avions de transport, d’où on sautait avec parachute. Peut-être, c’est Cheguin, qui le conduit. D’où il peut savoir, que je vois son avion?
Oui, cher Cheguin, j’ai accumulé beaucoup de choses pendant ces mois. On peut parler de plein de choses, camarade le capitaine. Non, maintenant je ne serais pas confus et ne garderais pas silence... Je pense, que je suis un digne ami pour toi aussi...
La douleur dans la poitrine devenait plus fulgurante. Je voudrais dire aux camarades tout, dont on en a parlé si peu... On ne sait pourquoi on ne devinait pas, mais c’était le plus essentiel... Qu’est-ce qui est le plus essentiel? Je viens de penser à quelque chose très important! Mais je l’ai perdu, alors... Je l’ai oublié...
Comme à travers le rêve, j’entends la voix féminine:
Grave... dans le camion, à l’hôpital d’évacuation... Urgent... Mais qui est-ce qui est blessé? Peut-être, c’est Volodia? Le gars imprudent, la tête chaude! Et je n’ai pas pu le retenir? Mais où l’envoyer maintenant? Il faut prendre l’adresse...
Tiens, Kostia, tu dois insister qu’on t’envoie de nouveau chez nous, — dit Reviakine.
Akbota en rode blanche prend mon bras avec tendresse, le tient  plus haut de la main. Je ferme les yeux. Je veux les ouvrir de nouveau, je veux demander quelque chose, mais l’entrelacs de plusieurs voix étouffe mon balbutiement — quelqu’un est blessé, il faut envoyer quelqu’un. Mes pensées aussi sont devenues courtes, elles vont par à-coups... Je vois même comment elles sautent: «Adresse... Volodia... Semion... Akbota...»
Hitler ne sera pas à Moscou. Nous avons fait rater sa parade.  Ça c’est sûr.
Je sais, c’est Reviakine, qui a dit cela. Il parle toujours brièvement et ferme.
«Jamais! Il n’y sera jamais!» — veux-je crier, mais je sens, qu’il n’y a pas de voix.
J’entends les hurlements de la tempête de neige au-dessus de Rostov. J’entends et je vois les hurlements de la tempête de neige près Moscou... Et voilà, le visage dans la neige, le S.S. hitlérien traîne. Le vent fort tiraille ses cheveux de couleur paille et en soufflant la chemise courte levée, lui amoncèle la fine neige froide sur le dos maigre...

TROISIÈME PARTIE

I
— Karaganda! — a annoncé le chef de wagon en traînant tous les quatre «a», détenus dans ce mot mélodique. — Vous voilà à la maison! Je crois que les parents vont venir vous chercher? — s’est-il adressé directement à moi.
A la maison! Ma «maison» est tellement large, que sur l’espace entre Karaganda et Gouriev on peut placer facilement deux Frances et une douzaine de Suisses et de Belgiques, et telle chose que «l’état» de Luxembourg, peut se placer directement sur les pâturages d’été de deux-trois kolkhozes de steppe. La distance à partir de Paris ou Londres jusqu’à Berlin est plus coute, que de Gouriev à Karaganda.
La grande étendue de nos espaces kazakhes, apparemment, a induit en erreur ceux de l’hôpital d’évacuation, qui voulaient m’envoyer en traitement plus près de la maison, chez les parents et les proches. Leurs bonnes intentions m’ont amené à Karaganda au lieu de Gouriev.
Dans notre train il y avait des Kazakhs, des Sibériens, et ceux, qui ne pouvaient pas être envoyés dans leurs régions occupées actuellement par les fascistes. Ceux, qui n’ont pas été au Kazakhstan, avaient des idées vagues et indistinctes à son propos. Il y avait des discussions infinies à ce sujet tout le temps, dès qu’on a passé Orenbourg.
L’étudiant en géologie Grichine, blessé à la jambe, est sûr, que dans nos steppes un courant d’air éternel souffle et, il parait, que pour ne pas attraper froid, il relève tout le temps vers le menton sa capote mise au-dessus de la couverture en bayette grise. Et la tempête de neige aux cheveux ébouriffés bat tous les jours dans les fenêtres de wagon, comme un fait exprès, en confirmant les idées de Grichine sur le Kazakhstan, et il s’hérisse frileusement et supplie le chef de wagon de chauffer mieux...
Il m’est encore difficile à discuter. La conversation à haute voix et violente me provoque une toux douloureuse, et je ne peux pas lui dire, que presque la même tempête de neige tournait à Rostov le jour, quand j’ai été blessé.
Un autre combattant avec la tête bandée rêve du Kazakhstan comme du pays de soleil. Il parait, qu’il pense que nous n’avons pas un seul soleil, mais quelques-uns à la fois, tellement il veut se chauffer à tous ces soleils, se brûler à son content, pour chasser le froid des tranchées gelées, qui ne le quittaient toujours.
Et chez nous, près de Tchimkent, on sème déjà, — objecte timidement à Grichine le quatrième voisin, le kolkhozien de Kazakhstan du sud.
On sème? En février?
On sème... Depuis deux semaines déjà, peut-être...
Un orchestre joue derrière les fenêtres du wagon. Une délégation de «chaufferie de Kazakhstan» accueillant notre train entre dans le wagon. Un jeune petit Kazakh trapu, apparemment, est le chef des représentants de différentes organisations de Karaganda. Dans son discours d’accueil il n’y avait pas du mot «comité régional». Derrière lui se trouve une jeune femme Kazakhe vêtue du manteau noir avec le col d'astrakan. Son visage bronzé d’un ovale doux a rougi de gelée. Les yeux marron vifs changent souvent leur expression, ils brillent par un sourire si vite, que s’enveloppent par une tristesse ou scintillent de l’inquiétude. Elle regarde fixement avec intensité chacun de nous, ceux, dont la tête est bandée ou dont les traits sont impossibles à reconnaitre. Ses yeux marron s'humectent de plus en plus en s’adressant à chacun avec une seule et toujours la même question: «Pourquoi c’est toi, et non pas lui?..»
Bien sûr, elle rencontre non seulement nous. Elle ne perd pas d’espoir de trouver parmi nous celui-ci, qui lui est cher...
Oui, chérie, nous n’allons pas voir certaines personnes, on ne les rencontra pas! Que leurs exploits honnêtes, la fierté de leur héroïsme, la mémoire sacrée du fait qui était le père de vos enfants et le fils fidèle de notre grande Patrie, vous consolent et vous aident à vivre. On voit de vos yeux, que vous ne voulez pas accepter cette perte, vous attendez, vous le cherchez dans chaque train. Je vous souhaite de tout mon cœur de le rencontrer tout de même...
Votre chef, — le représentant du comité régional me l’a présentée. — Elle dirige la culture dans la région, camarade Kouliy Danialova.
Encore sur le quai, quand on nous apportait dans les camions, on a senti la respiration de la ville de cinq cent milles habitants. Comme les chaînes de collines hautes étroitement rapprochées, les chantiers de déchargement se levaient au-dessus des mines placées tout près. Maintenant, la nuit, ils brûlaient de milliers de feux bleuâtres, faisant des clins d'œil aux feux de la ville. Et cela donnait un effet, que la ville se trouvait sur plusieurs collines et dans leurs défilés...
Qu’est-ce que c’est? Est-ce que Karaganda est dans les montagnes? — ma demande avec étonnement Grichine.
Non. On a créé des montagnes pour la protection contre les courants d’air, — ai-je dit.
Danialova, qui nous accompagnait, a commencé à lui expliquer volontiers, que ce sont des chantiers de déchargements, où l’inflammation spontanée de petites particules du charbon se passait.
Mais j’ai pu le comprendre moi-même, quel balourd! — s’est reproché à haute voix Grichine.
Et quelle est votre spécialité? — a demandé avec précaution la dame.
La mienne? — Grichine s’est troublé. Après avoir posé la question sur les chantiers de déchargement, il était confus de s’appeler un géologue, et il a répondu vaguement comme s’il se justifiait: — Je suis encore étudiant... 
Les véhicules se sont arrêtés près d’un grand bâtiment dans la nouvelle partie de Karaganda. Nous étions contents que toute la ville fût éclairée, comme en temps de paix. Personne entre nous ne s’y attendait de voir telle ville énorme ici, dans la steppe, même moi. Un des pupilles de notre commune d’enfant, le fils d’un mineur décédé, me racontait de Karaganda. Mais il la connaissait telle, quelle était, il y a dix ans, et d’après notre arithmétique soviétique, dix ans est deux périodes quinquennales et demi, dont chacune est égale à la centaine d’années de l’époque tsariste. En deux cent cinquante ans, naturellement, les nouvelles villes poussent au lieu des masures de bourg... En marchant facilement par les siècles, les gens de steppe, tels que ma mère, construisaient la ville pour longtemps, construisaient pour eux-mêmes, pour leur pays Soviétique.
Ce n’est pas pire que les quartiers au centre de Moscou, — a reconnu Grichine.
Et il n’y a pas de courant d’air? — ai-je demandé.
Nous nous sommes dispersés par les étages et les couloirs larges de l’hôpital se trouvant dans un bâtiment neuf, un — en brancard, d’autres — avec des béquilles, encore d’autres — en s’appuyant contre les bras pleins de sollicitude et forts des infirmières.
Notre groupe a eu la salle numéro six, et chacun a commencé à se rappeler quelque chose de «Salle № 6» de Tchekhov. Mais entre ces salles il y avait non seulement le temps, mais aussi son contenu différent d’après l’esprit et le sens.
La salle était confortable. Au milieu se trouvait une table couverte soigneusement d’une nappe comme à la maison. Cette table était décorée par des pots de fleurs. Les lampes étaient avec les abat-jours doux mats, les voix des infirmières tendres, et leurs mouvements légers et jeunes. Et tout cela rendait de la chaleur et du calme.
Le matin, après la visite des malades par les médecins, notre «chef» Koulay, qu’on a vite transformée en Goulia, est venue nous voir. Elle a demandé, s’il manquait quelque chose à quelqu’un, ensuite  elle a commencé à poser des questions à chacun, qui était de quel front. D’après sa manière de s’intéresser à l’Ukraine, et surtout à Kharkov, j’ai compris que celui, qu’elle avait perdu, se battait contre les Allemands quelque part sur la terre ukrainienne.
Mais cela arrive, qu’on envoie tels avis par erreur, n’est-ce pas? — sans pouvoir se tenir, a-t-elle demandé.
Mais oui, à volonté! — avons-nous répondu avec Grichine à l'unisson et encore d'une manière convaincante, comme si nous avons éprouvé nous-mêmes cette erreur plusieurs fois.
Cependant je savais, que dans l’avis à propos de Zorine, par exemple, malheureusement, il n’y aurait pas d’erreur...
Nous voudrions, que cette dame encore jeune nous croie et vive de l’espoir. Et nous tous, chacun en mesure des particularités, lui parlons, qu’une personne peut facilement avoir du fil à retordre et comment elle s’en sort de cette situation, même pas touchée par une balle (nous comprenons, qu’il est plus sûr de parler des balles, que des obus ou des bombes aériennes).
La respiration sévère de la guerre se ressentait ici aussi, dans les arrières éloignés. La dame a fait tomber la tristesse de ses yeux par un seul mouvement des cils épais, bien que pas longs, et elle est devenue sérieuse et pratique.
Camarades, qui a besoin d’écrire à la maison ou aux amis de front? — a-t-elle demandé.
Il était clair, que nous n’étions pas les premiers qui passons par ses petites mains.
La balle de S.S., qui m’a atteint à la cage thoracique s’est installée dans l’omoplate. Pour instant, je suis obligé de rester immobile et je ne peux pas écrire moi-même. Forcément, je confie mes lettres aux autres.
La première lettre était adressée à Volodia Tolstov. Je lui ai raconté, où je me trouvais, je lui ai demandé de s’adresser à Reviakine, pour après mon rétablissement on m’aide à revenir à notre groupe.
Nous avons écrit la deuxième lettre longtemps, mais nous l’avons achevée comme on pouvait. Elle s’adressait à ma mère, et parfois elle tournait d’après une adresse différente: il fallait finalement éclaircir, comment allait Akbota, mais je n’ai pas osé de prononcer son prénom en présence d’un autre dame, qui, comme il me semblait, suivait attentivement chaque replis malin de mes pensées. Les femmes comprennent mieux certaines choses plus vite et plus profondément que les hommes. Le regard de Goulia m’encourageait d’une manière innocente et insistait: «Vas-y, nomme-la. Il n’y a rien de mauvais ici... Vas-y, nomme, et je vais trouver des paroles les plus tendres et les plus cordiales...»
L’affaire s’est terminée par le fait, qu’on a écrit à la mère un télégramme: «Je me trouve en traitement à l’hôpital à Karaganda venez Kostia». Quand Goulia a écrit «venez», elle m’a regardé non sans ruse, qu’on voyait à peine, mais je l’ai supporté, tout de même...
D’autres camarades écrivent eux-mêmes et, bien-sûr, ils sourient, en voyant mes complications.
Le kolkhozien du Kazakhstan de sud, Aben, qui n’est plus jeune, avant la guerre il était berger, et maintenant il est un simple soldat, il sait mal cacher le confus.
Est-ce que je peux écrire «chérie» à ma femme? — s’adresse-t-il à moi.
Pourquoi pas? Mais qui encore est-ce qu’on peut appeler  par les mots pareils? — s’est vite mêlée Goulia.
Aben, bien sûr, aimait sa femme, mais lui, comme tous les Kazakhs, n’était pas habitué d’appeler sa femme «chérie». «Karaguime katyn» (en russe cela veut dire «paysanne chérie») ces paroles étaient drôles et boiteuses! Il reste assis depuis longtemps, pensif, et, enfin après avoir trouvé, nous fait part de sa trouvaille:
J’ai écrit! Ecoutez: chère Batnia!
Pour lui c’était une grande découverte: il a écrit le mot, qui a percé l’écorce séculaire des relations habituelles appartenant au régime parti des beys  et des esclaves. C’est vraiment une grande trouvaille!
Mais notre préoccupation commune conclue dans un mot « la guerre » ne peut pas nous laisser pour longtemps.
Goulia nous lit des communiqués des fronts et des arrières. Tout allait pas mal. L’attaque des Allemands à Moscou a obtenu maintenant une nomination «écrasement des hitlériens près de Moscou». La guerre a reculé sous notre coup puissant, mais elle ne roulait pas en arrière à l’ouest.
Le journal à l’hôpital est un invité constant et aimé, et nous discutons passionnément tout, ce qui s’est passé aux fronts le dernier temps, et en particulier ce, qui s'est accompli près de Moscou.
C’est le début de la chute de l’empire fasciste! — a fait une conclusion solennellement Vassia Grichine et confus, s’est corrigé:— Hitler a commencé à crever, c’est sûr!
Le chien ne meurt jamais en présence des gens... Il va aller chez lui pour crever. Il va courir comme un dératé, et moi, je vais le suivre! — a crié passionnément Aben, porté à chercher partout un objectif pratique.
Et toi, pour quoi faire? — s’est étonné Grichine.
L’attraper! Il ne faut pas le laisser partir! Il est vivant, comme un serpent, il faut l’achever!
Avec une curiosité mêlée d’une certaine inquiétude, j’attendais ce que Goulia allait dire à propos de ces événements. Qu’est-ce que cette jeune Kazakhe va dire? Est-ce qu’elle est capable d’apprécier le sens de l’écrasement fasciste près de Moscou dans toute sa profondeur historique? Ou elle va se limiter par une félicitation à l’occasion de la victoire et va remplacer la pensée sérieuse par un sourire charmant?
Non, la pensée de Goulia fonctionnait clairement, et le cœur chaleureux de la fille de sa Patrie frétillait dans sa poitrine. Elle éprouvait de sa propre façon les événements, qui faisaient trembler le monde.
Le mépris du peuple libre et invincible sonnait dans ses paroles, quand elle a commencé à parler de ceux, qui ouvraient toute grande la porte cochère des capitales européennes par trahison devant Hitler.
Et la honte ne les a pas étranglés, quand ils ciraient ses bottes après être tombés à genoux! Il est clair que, nous comprenons différemment les mots «fierté» et «honnêteté».
Elle a passé à une autre image doucement et sans qu'on s'en aperçoive. Entre les vagues grondant, un rocher puissant se dresse d’une façon inébranlable. Les vagues en se brisant  roulent en arrière de cette citadelle dont le nom est Moscou. Le drapeau du communisme flotte au-dessus d’elle, et c’est pourquoi il est impossible de le vaincre.
Et tout à coup, en se retournant vers Grichine, elle a demandé:
Et pourquoi vous avez changé vos paroles de cette façon? A mon avis, vous avez dit correctement: «Le début de la chute de l’empire fasciste!»
Peut-être, — a hésité Grichine, — mais il m’a semblé, que c’était un peu pompeusement...
Pompeusement, mais exacte... maintenant ils ne vont pas échapper la chute. La crevasse a apparu, le camp fasciste se fend...
Nous tous comprenons, qu’en avant, les jours dures et les mois de la guerre sévère et difficile nous attendent encore. Nous nous rendions bien compte, avec quel ennemi l’histoire nous a fait heurter, mais nous savions également, que l’écrasement près de Moscou a déjà provoqué la décomposition de ces hordes de mort plurilingues.
Goulia, ainsi que Vassia Grichine, répétait ce dont notre pays était sûr depuis longtemps. Et, naturellement, nous tous  à l'unanimité, avons pris la formule «l’écrasement près de Moscou est le début de la chute du fascisme».
A l’arrière on surveille de près tous les événements. Ici on sait déjà, qu’Hitler voulait, que l’humiliation de notre pays et de notre capitale soient mémorisés par un monument. Il trainait derrière lui une colonne de dix-sept mètres en marbre rose avec des veines vert argenté, afin de l’arborer à Moscou à l’honneur de la victoire du royaume bestial du fascisme sur le pays de grands espoirs de toute l’humanité.
Il faisait provision d’un cadeau et pour nous, les Kazakhs. Dans la queue de son convoi le bandit effronté a prêté une place à un ancien khan de Kokand Tchokaï, pour le mettre sur le dos de notre peuple kazakh, quand le Kazakhstan deviendra une colonie des banquiers «aryens». Il espérait, que «le khan» arriverait à rabaisser les «Asiatiques», qui avaient oublié l’obéissance servile, déjà déshabitués du joug.
Les communiqués des arrières nous réjouissaient aussi: les arrières soviétiques donnaient au front non seulement ce, qu’elles possédaient avant la guerre, mais également ce qui d’après les projets du temps de paix devrait naitre dans notre pays encore dans quelques ans. Les gens accomplissaient les affaires, qui paraissaient impossibles.
— Le charge de travail de chaque heure à Karaganda a augmenté en trois fois, — nous informe Goulia.
Et nous comprenons, quand nous battions au front, ici on ne se prodiguait pas pour la victoire.
Dans l’appel des sirènes des usines et des mines de Karaganda nous entendons un ordre strict de la Patrie. Les paroles simples de Goulia ouvrent devant nous les richesses de la région, les jours et les nuits du travail humain infatigable, comme les pages du grand livre. Cette petite femme kazakhe peut parler de Karaganda de telle façon, qu’on voit dans tous les détails la vie intense et compliquée de la chaufferie de toute l’Union Soviétique.
Goulia ne relâche pas son travail, qui lui est confié à cette époque dure par le parti; les questions de la culture ne sont pas du tout repoussées par la guerre à l'arrière-plan. Les gens doivent apprendre à comprendre beaucoup de choses, et le cours de leurs connaissances est frayé par cette jeune femme jolie et simple. Mais tout de même presque chaque jour elle arrive à passer nous voir aussi.
J’habite tout près d’ici, — explique-t-elle, quand quelqu’un, en voyant sa fatigue, lui dit qu’il lui fallait dormir au lieu de perdre son temps à nous, — et je passe vous voir chemin faisant en rentrant...
Grichine s’est attaché spécialement à elle. Il lui pose des questions, comme à quelque administrateur d’une grande échelle ou à un professeur de géologie.
Est-ce que toutes ces richesses sont déjà exploitées?
Pas toutes, quand-même! — répond-elle avec indulgence. — Il faut dire que, de la première vue, notre steppe semble uniforme, mais en effet, ici c’est une diversité complète! Les géologues vont être obligés de travailler comme il faut...
Et ils travaillent, alors? — demande Grichine avec exigence et impatience.
Bien sûr. Mais on ne peut pas étudier tout d’un seul coup.
Qu’est-ce qui inquiète Grichine? Soit le fait, que les espaces les plus riches pour le travail, les énigmes géographiques séduisantes pour chaque géologue sont devant ses yeux, ou soit le fait, que la petite Kazakhe s’oriente si librement dans les mystères secrets de la terre natale?
Soudain, Goulia ajouté:
En étant géologue vous deviez entendre parler de la lettre du capitaliste anglais Leslie Urquhart au Gouvernement Soviétique. Il demandait une permission de «fouiller» justement dans ces steppes. A son avis, nous-mêmes, nous pourrions atteindre ces richesses pas avant que dans cinquante ans, et même dans une centaine d’années...
Grichine se tourne vers moi avec telle expression du visage, comme si je lui ai caché tout cela. Je n’y pouvais plus tenir. La fierté de Kazakhstan natal m’élève.
Alors? — ai-je demandé de la façon triomphante, ne me rendant pas même compte, ce qui voulait dire mon: «Alors?»
Mais Grichine m’a compris.
C'est énorme!
C'est bien ça! Peut-être, après la guerre, tu voudras venir ici...
Bien sûr! C’est là, que je dois travailler! Ici il faudra beaucoup de gens...
Je ne sais pas pourquoi, mas tout de suit après ce cas, il a commencé à m’appeler Kostia, et moi, je l’appelais Vassia.
II
Les derniers jours tout a commencé à aller différemment, que j’attendais et espérais. Les chagrins tombaient sur moi un après un autre. On ne sait pourquoi, des ennuis n’aiment pas aller un par un. Le troisième essaye de s’accrocher à deux. J’attends le troisième.
Akbota, qui m’écrivait trois fois par jour, qu’elle arriverait, n’est pas venue. J’ai emmené avec moi de l’hôpital seulement ses trente lettres et sept télégrammes m’apportant de la joie et du bonheur de différant degré, et le télégramme final, huitième, le plus court, qui a coupé à la racine toutes mes attentes et tous mes espoirs. Tout cela on peut compter modestement comme un seul ennui.
Le deuxième ennui m’a atteint dans mes tentatives de quitter l’hôpital au plus vite. Depuis quelques jours, je mène les négociations avec le médecin. Je les mène en expressions recherchées et très délicatement. Auparavant, j'étais intelligent discipliné et exemplaire, avec un rude appétit, et le meilleur chanteur d’hôpital. On m’autorisait de la gymnastique et des excursions dans la ville. Tout était en bon chemin. Mais maintenant le médecin a changé son avis: il se doutait, que «j’exécutais», tout cela uniquement pour avoir l’exeat au plus vite... La gymnastique est annulée, on a introduit la mesure la plus stricte de la température, on critique ma discipline et on a des doutes à ce propos, et le fait, que je mange pour trois personnes, ne l’intéresse pas du tout. Il dit, que «ça arrive». Même les témoignages de tel témoins objectif que la radioscopie, il a mis en doute et veut «vérifier lui-même».
C’était mon deuxième ennui. Mais j’ai réussi d’être inscrit pour la commission. Mais qui sait, ce qu’ils vont y décider? Et pour instant ma persévérance a provoqué le mécontentement de la direction de l’hôpital.
En plus, Vassia, arrivé avec moi, Vassia Grichine, qui a eu des complications graves et sa blessure ne pouvait pas fermer, est reconnu en bonne santé et demain il aura son exeat...
A la guerre on perd souvent des amis et des connaissances. Je ne voulais pas me séparer de Vassia. Peut-être, si on nous donne l'exeat ensemble, on nous enverra dans la même unité. Et si on a de la chance, de retour dans mon unité, chez mes anciens amis, avec lesquels Vassia a eu déjà du temps pour faire connaissance par défaut.
Et tout allait très bien au début!
«Maman est partie, je viendrai absolument après la fin des cours, — m’a télégraphié Akbota. — détails par courriers».
Ensuite maman est arrivée. Elle était heureuse, ses sacs réversibles en tapie étaient pleins de toutes sortes de choses.
— Voilà, c’est pour toi, mon poulain... Et ça, c’est aussi pour toi, mon agneau... Et encore pour toi, mon petit corbeau...
J’ai encore été transformé en un chevreau, et en plusieurs d’autres différents petits êtres doux... Qu’est-ce qu’il est pour la mère le régime et l’ordre de l’hôpital! Elle est arrivée ici en volant comme un aigle, après avoir entendu à travers les hautes montagnes et les steppes inimaginables, que son oiselet avait poussé un cri de douleur.
Maman s’est jetée vers moi près de la porte d'entrée en première étage de l’hôpital, où je suis descendu en cachette, pour l’accueillir. C’était déjà deux semaines après qu’on m’avait sorti la balle et je pensais, que j’avais des efforts suffisants pour descendre l’escalier. En effectuant cette action, j’avais un peu peur des médecins et des infirmières, mais la mère s’est avéré plus dangereuse qu’eux tous ensemble: elle s’est fâchée, qu’on me soignait mal et ne laissait pas me lever du lit. Elle me presque portait dans ses bras dans l’escalier et dans le couloir dans la direction de notre salle.
J’ai dit à maman, que j’étais presque en bonne santé, que je ne sentais pas de douleur et qu’on me laissait ici à ce moment uniquement pour le repos.
Mais ses yeux, déjà décolorés, me regardaient fixement pour longtemps d'un œil scrutateur. Ils croient uniquement à eux. Cependant, je passe cet épreuve difficile: les forces effectivement me reviennent avec une rapidité de conte, et la côte cassée par la balle, permet déjà non seulement respirer, mais bouger également, et de l’aspect j’avais l’air d’être en bonne santé.
Maman a regardé longtemps et, après s’être assurée, elle a essuyé les yeux avec un sourire.
Mais je le savais, — a-t-elle murmuré.
Les mères pensent toujours seulement bien de leurs fils. Elles ne peuvent pas permettre au malheur d’atteindre leur petit, et s’il arrive, elles croient pieusement, que tout ce qui est de mal, passera...
La mère m’a emmené avec elle un médicament le plus sûr pour mon rétablissement final définitif: son amour maternel et d’un coup quelques lettres d’Akbota. Evidemment, dès que la mère a commencé à se préparer en route, Akbota m’écrivait tous les jours et donnait tout à la mère, comme au facteur fidèle. Dans chaque lettre d’Akbota encore un mot doux  manquait, et elle s’installait pour écrire encore une, pour l’exprimer.
Et voilà, je lis les lettres, et la mère est assise près de moi et lit d'un œil scrutateur, tout ce qui est reflété sur mon visage. Et, peut-être, d’après mon émotion elle comprend plus, que moi-même d’après la lettre.
Moi et Akbota, d’abord, nous t’avons tricoté un maillot de chameau, mais après elle a dit: «Emmène celui-ci aussi». Et bien sûr, elle sait mieux...
La mère parle de tout cela en première personne au pluriel : non pas «moi», mais «nous, moi et Akbota». Et maintenant il s’est avéré, que c’était Akbota, et non pas la mère, « qui savait mieux », dont j’avis besoin.
C’était déjà printemps, et la mère était chef d'équipe au kolkhoze responsable des potagers. Elle prenait soins de  quarante-quatre hectares exactement. Les jours intenses des plantages de printemps attendaient ma mère. C’est pourquoi elle ne pouvait pas rester ici longtemps.
Le temps est comme ça: la guerre, mon Kayrouche! — a-t-elle dit tout simplement et habituellement, que je ne me suis pas même étonné.
Tout le pays donnait ses efforts pour la victoire. Bien sûr, la veuve de l’invalide de la guerre civile et la mère du jeune combattant devait travailler pour notre victoire commune. J’étais content de ses visites. J’avais chaud de sa caresse maternelle, et je n’arrêtais pas de poser des questions sur mon Akbota, qu’elle prenait déjà pour sa belle-fille. Mais la mère ne me laissait pas de temps pour les questions. Elle-même, tout le temps elle faisait de la propagande en faveur du  «petit chamelon blanc», apparemment, n’étant pas complètement sûre  de mon accord entier avec elle concernant cette question compliquée et délicate.
Je ne voulais pas qu’elle parte, mais je n’ai pas osé de la retenir.
Oui, et Akbota est restée toute seule là-bas, — a ajouté la mère. — Elle vient de revenir de quelques cours de la ville, nous n’avons pas habité longtemps ensemble, et je suis partie... Il faut prendre soins d’elle et lui parler de toi — tu sais, comment elle attend! Elle a dit, quelle se retournera, et viendra tout de suite...
La mère a fait la petite bouche avec précaution et m’a regardé d'un œil scrutateur, comme si elle demandait ma réponse finale et directe.
— Pour qu’Akbota prenne bien sois de toi, maman. Je le lui écris. Elle te lira à haute voix, — ai-je dit, qu’elle se calme définitivement.
Calmée et illuminée, la mère est partie à la maison.
Comment je voudrais offrir à elles deux des cadeaux les plus précieux, mais à part des photos grises occasionnelles, le soldat n’a rien d’autre. Cependant je lui ai donné ce que le cœur maternel voulait le plus: je lui ai confirmé son amour à Akbota.
Mais Akbota n’est pas partie me voir. Elle n’a pas pu venir. Elle était responsable de la station météorologique du district. Et la mère comprenait, que sans les renseignements à propos du temps toute la vie dans le kolkhoze s’arrêterait. Il me semble, qu’elle s’imaginait, qu’à l’aide de la sagesse acquise aux cours, sa chère Akbota pouvait diriger les pluies, les vents et le soleil.
Deux semaines environ après le départ de la mère j’ai commencé à attendre une nouvelle invitée. Elle n’apparaissait pas. J’attendais depuis trois semaines, un mois... Mais au lieu d’elle j’ai reçu uniquement le huitième télégramme, le dernier,  où il y avait une seule chose cruelle et incompréhensible: «Je ne peux pas». Qu’est-ce qui s’est passé?
Est-ce qu’Akbota comprend, que par son «je ne peux pas» elle a renversé tout, dont elle avait écrit avant tellement passionnément? Car maintenant avant chaque mot dans toutes ses trente-cinq lettres il y avait le même «ne pas». Tout, ce qui jusqu’à ce moment me murmurait « oui» tendre et attirant, s’est transformé maintenant en «non» criant.
Il me semble, c’était ce qui m’a fait me précipiter avec l’exeat, mais a fait une fausse impression aux médecins... Bien entendu, je suis devenu triste par dépit, je n’étais pas d'humeur à plaisanter, à manger. Mes traits se sont tirés un peu, en effet. Et les médecins ont eu des doutes, que la blessure de la côté s’en est ressentis. Ils ont entrepris un nouveau contrôle de la température, l’analyse des expectorations, la radiographie...
Les lettres fréquentes de l’instructeur politique et de Volodia étaient une seule consolation ces jours pour moi. Reviakine n’avait rien à voir avec toute celle confusion d’âme, que son sergent-chef vivait loin de son régiment natal. Comme s’il laisse ma place libre dans chaque nouvelle tranchée et me presse guérir et arriver. Mais cela n’était pas si simple qu’il paraissait de loin!
Volodia m’écrit, que Serguei était revenu de l’hôpital. Lui-même avec Serguei et Petia est entré au parti, et Petia a été décoré par un ordre de la Grande Guerre nationale. Il ne dit rien de ses propres décorations — pas un seul mot, mais fait des allusions, que quelque joie m’attend aussi en connexion avec Rostov.
— Allez-y, dansez, c’est pour vous, — en souriant amicalement, me dit le médecin en chef, en sortant du bureau, où nous avons passé notre commission. Il me passe un neuvième télégramme scellé. — Et vous pouvez partir avec votre ami fidèle Grichine. On vous donne l’exeat. Je vous félicite...
Moi, bien entendu, j’ai tapé des pantoufles la danse des claquettes gaiment plutôt pour prouver mon guérison total et la disponibilité de partir, que pour le télégramme, que je n’ai pas pu lire...
Les médecins sont les gens étonnants. Ils sont pleins de soins attentifs et jaloux de quelqu’un uniquement quand il est malade. Là, tout est intéressant. Ils pensent même au contenu des lettres et des télégrammes du malade, demandent comment ça va à la maison, que la jeune fille aimée écrit. Mais tout cela pendant qu’on est leur patient. Mais dès qu’on a guéri, on leur devient complètement indifférent, et la place est prise par un autre blessé, sur lequel une vague de soins et de sympathie tombe.
Le médecin en chef m’a réjoui, mais à ce moment-là, j’ai arrêté d’exister pour lui, et il est parti...
«La joie à la joie!» — charme-je de la façon qu’on faisait à l’orphelinat et j’ouvre avec précaution le télégramme, sûr qu’il est de la part d’Akbota.
Et tout à coup, comme si ici, à Karaganda, directement devant l’hôpital, un obus allemand s’est explosé — tellement j’ai été frappé par son contenu:
«Je suis partie au front. Je vais communiquer l’adresse chez maman», — a télégraphié Akbota.
«Chez maman» — c’est bien-sûr, bien, même très chaud... Mais tout de même pourquoi «le président des pluies, le chef des vents et le patron de la chaleur et du froid», comme je l’appelais dans une demi centaine de lettres de réponse, pour quoi cet organisateur diplômé du climat a galopé tout à coup au front? Peut-être, pour frapper les Allemands par le tonnerre ?
Où et comment je vais atteindre Akbota maintenant sur les chemins innombrables embrouillées et difficiles de la guerre?
Le matin moi et Grichine, nous sommes partis au point «d'expédition», comme on l’appelait les combattants.
Tout d’abord j’ai appelé à la conscience de parti du commissaire du point, de l’instructeur politique en chef Tarassenko, en l’assurant, qu’il m’était impérativement nécessaire de me retrouver dans la même unité, où on me connaissait et où, s’il n’y avait pas de cette blessure maudite et idiote, je devrais entrer dans les rangs du parti.
J’essaie de me tenir debout devant lui d’un air gaillard, en restaurant la posture de combat du combattant de la division de garde, perdue lors des mois de l’hôpital.
Il a feuilleté d’un air concentré d’une seule main épargnée les pages de mes documents.
On vous envoie aux cours des chefs, faire vos études, le sergent-chef! — a-t-il conclu.
Camarade l’instructeur politique en chef! — me suis-je mis à hurler en suppliant et j’ai senti moi-même quelque chose de drôle, d’enfant dans mon intonation. — Mais comment je vais faire, alors?
J’étais prêt à lui promettre de terminer même l’académie militaire, mais après la guerre, après la prise de Berlin...
Mais cela ne pouvait pas surprendre le commissaire. Chaque combattant de l’Armée Rouge, même en reculant, même serré impitoyablement par le feu contre le fin fond de la tranchée délavée par la pluie, pense impérativement, qu’il doit être à Berlin et que sans lui Berlin ne sera pas pris... L’instructeur politique en chef Tatassenko, bien-sûr, pensait également et lui-même, avant qu’il a perdu son bras et ne s’est pas retrouvé dans ce point d’expédition loin et ennuyeux.
— Mais il faut préparer les chefs des Kazakhs, n’est-ce pas! Vous êtes un homme, qui a terminé le cycle d’enseignement secondaire. Je m’étonne, comment cela s’est passé, que vous vous êtes avéré à l’armée comme un simple soldat! — dit impitoyablement le commissaire, et son bras droit, qui ne s’est pas encore déshabitué du travail, a fait un mouvement de se tendre pour prendre le stylo afin de reproduire sa résolution. Mais le moignon a bougé légèrement dans la manche et s’est  soumise. — Nous avons partout «notre unité»! — a-t-il coupé d'une manière assez brusque et à tous mes arguments il a conclu: — Ne me demandez pas. C’est inutile.
Cela m’a fait utiliser le dernier moyen: j’ai sorti toutes les lettres des camarades : de Volodia, de Petia, de Serguei revenu de l’infirmerie et de l’instructeur politique Raviakine. Je les ai mis sur la table comme un argument de poids en ma faveur.
Elles sont de la part de quelque dame, — a-t-il dit avec un petit sourire, en regardant de travers la lettre supérieure.
J’ai caché avec précipitation la dernière lettre d’Akbota.
Excusez-moi, camarade le commissaire.
Si étrange que, mais justement cette lettre a exécuté un changement dans l’humeur du commissaire. Il a souri, ses yeux se sont attendris, et le ton est devenu différent. La femme et les enfants attendrissent toujours le cœur aux gens militaires. Peut-être, justement parce qu’ils ont peur de perdre la sévérité nécessaire, ils n’aiment pas spécialement de parler à ces sujets personnels.
J’ai eu un espoir de le convaincre.
En surmontant sa mauvaise volonté, évidemment pour ne pas être d’accord avec moi, le commissaire a tiré un tas de mes lettres et, sans regarder, les pinçait.
L’instructeur politique Reviakine? — tout à coup le commissaire a fixé son regard interrogatif sur moi.
Exact, camarade l’instructeur politique en chef, l’instructeur politique Reviakine.
Micha Reviakine? Comment s’appelle-t-il — Mikhaïl?
Exact, camarade l’instructeur politique en chef l’instructeur politique Mikhaïl Ivanovitch Reviakine.
Voilà où il est, maudit! Là, alors, il est à Rostov?
Exact, à Rostov.
Mais on est avec lui les vrais copains!
Exact...
On a été ensemble aux cours à Kharkov. Il est de Koursk, lui-même, n’est-ce pas?
Exact!
Je n’arrêtais pas à répondre, parce que le commissaire content sortait ses phrases avec une vitesse de mitrailleuse. Et moi, je voulais confirmer chacun de ses mots, ainsi qu’il voulait s’assurer de sa découverte. Peut-être, je lui répondrais  affirmativement, même si cela était un autre Reviakine, d’après le ton du commissaire j’ai compris, que ce nom m’ouvrait le chemin au retour à l’unité.
Heureusement, notre instructeur politique était justement celui-ci, que Tarassenko connaissait bien.
Mais pourquoi tu m’as mis le cœur à l'envers? Il faudrait me dire, que Reviakine t’avait ordonné de revenir...
Les camarades de combat, la décoration m’attendant, l’entrée au parti : tout s’approchait de moi. Il était difficile de répondre à la dernière remarque sensément, et j’ai marmotté:
Exacte... il a ordonné...
S’il t’estime et s’il a tellement besoin de toi, vas-y. Il faut aider Micha... Vas-y... Tu vas emmener une lettre.
Oui, je vais l’emmener, camarade le commissaire.
Mais assieds-toi, assieds-toi, raconte comment il va? Comment vous vous battiez avec les Allemands? Dans quels endroits? Tu me racontes tout par ordre.
Tout est devenu simple et clair.
On est resté assis avec lui plus qu’une heure. Je lui ai raconté toute notre voie passée avec Reviakine. Mais j’avais un autre objectif — donner un coup de main à Grichine.
De la conversation j’ai appris, que Tarassenko était mineur, le militant du parti au Donbass et seulement les dernières années il s’est retrouvé au service militaire, en restant dans son âme un mineur. Après la guerre il ne pensait pas à quitter Karaganda, mais au contraire, il l’aimait, il y voyait son avenir. Sa famille, qui a réussi à s’évacuer à temps, habitait ici, et sa femme, technicien minier, les jours de la guerre est devenue maître mineur à Karaganda. Je voyais en lui un patriote de Karaganda   et j’ai compris, que Vassia Grichine avait ses avantages justement en ce qu’il a eu le temps aussi de tomber amoureux de Karaganda, et d’une des travailleuses de Karaganda.
Non, Vassia, bien sûr, n’a jeté sur notre Goulia intelligente aucun coup d’œil indiscret, il n’a dit aucun mot, quelque peu sortant des limites de la conversation générale. Mais quand elle se préparait à sortir de la salle, il me regardait et regardait les camarades en suppliant, et je lui posais une nouvelle question sur à propos du front, de l’exploitation kazakhe ou des relations internationales, afin de la retenir encore pour quelques minutes.
Je pensais même, si son jeune homme aimé se trouve et si elle est heureuse de nouveau avec lui, Vassia, tout de même, reviendrait ici.
Le jour de l’exeat de l’hôpital, quand tous les documents ont été déjà faits, on se préparait encore une bonne heure et ajustait l’équipement militaire, avant que le klaxon connu du véhicule bleu nous ait atteints. Vassia a sorti dehors, malgré qu’il n’a pas pu se choisir les bottes...
Lors de la dernière conversation avec la petite Goulia je lui ai demandé de nous autoriser tous les deux à lui écrire  parfois les lettres sur nous et lui demander à propos d’elle. Elle a noté l’adresse dans mon carnet.
Je comptais de me mettre d’accord avec le commissaire à propos de Vassia, et j’espérais à un intérêt sincère de mon ami aux exploitations des sous-sols de Karaganda. Je pensais, que si Vassia parlait à Tarassenko, ils trouveront un terrain d'entente et se mettront d’accord. J’ai commencé à raconter au commissaire sur Vassia.
— Mais voyez, s’il vous plait, dit-donc! On laisse aller une femme au ciel, et elle essaye de traîner la vache avec! — a exclamé Tarassenko avec tel reproche amical, que j’ai arrêté d’avoir des doutes du succès de ma nouvelle entreprise.
Tarassenko m’a dévoilé, mais tout de même Grichine a été appelé au bureau de commissaire et a reçu, comme moi, le paquet fermé...
Nous quittions Karaganda aussi la nuit, mais par rapport à la nuit d’arrivée c’était une nuit douce d’été ! Et nous détachions à peine notre regard des chantiers de déchargement majestueux couverts de la mer des feux. Près de la vitre du wagon le visage de Goulia a fui encore une fois. Elle nous a fait un signe de sa petite main. Et ses yeux brillaient de la chaleur et passaient bonjour à tout notre front et à celui unique, que nous rencontrerions, peut-être, tout de même...
Cela arrive qu’on envoie les avis de la mort par erreur, n’est-ce pas ?

III
Si j’étais écrivain, je penserais, que les situations pareilles ne doivent pas être décrites. Et spécialement j’éviterais des répétitions dans des descriptions des opérations désagréables et lourdes pour le combattant, telles que la retraite.
Mais la particularité de grandes guerres consiste en fait, qu’elles ne prennent en compte ni lecteur ni écrivain, et ne se passent d’aucune monotonie ou répétition.
Je vous assure, que ces répétions sont toujours seulement semblants. A chaque phase suivante une partie se trouve plus près de la victoire, et l’autre – de la défaite. Une est plus faible, l’autre prend des forces. Mais la partie affaiblissante se précipite aussi et fait des tentatives désespérées d’écraser l’ennemi, avant qu’il se prépare complètement à assener un coup assez puissant en réponse...
J’ai regagné mon unité un des jours malheureux de notre retraite au Caucase. Les camarades n’ont pas eu assez de temps pour m’examiner et m’admirer à volonté. Je pense, qu’ils voudraient me demander à propos des arrières profonds, comment elles étaient, de quoi elles respiraient, et si leurs cœurs battaient tranquillement de la manière fiable.
Moi-même, j’allais avec une pensée, que j’emmène des arrières une certitude de nos forces. J’ai vu en route les convois nous dépassant avec des combattants en bonne santé et forts, j’ai vu des trains longs et lourds, devant lesquels tous les sémaphores s’ouvraient en priorité. Dans les arrières éloignés j’ai vu les machines en acier aux chenilles larges sur les routes; j’ai vu, qu’on ne sait pas où, loin du front, les dizaines d’avions bourdonnant par les moteurs, tournant au ciel, en brillant sur le soleil. J’ai vu des champs de blé haut à gros épis et j’ai même sauté du wagon peuplé pour toucher à la main des épis lourds en brosse... Je leur emmenais tellement de nouvelles encourageant sur le charbon de Karaganda, sur le cuivre, sur la magnésie... D’ailleurs, non. J’ai laissé le dernier sujet, bien-sûr, à Vassia, qui est arrivé avec moi. J’avais peur, qu’il se retrouve à notre unité, mais tout s’est parfaitement passé. Ces jours, personne ne donnait de complètement, et les combattants adressés directement dans une unité donnée, ont été acceptés sans phrases. Tous les deux, nous avons été envoyés tout de suite au régiment de Mirochnik, et sans perdre le temps, Mirochnik m’a ordonné:
— Camarade le sergent-chef, recevez votre unité...
La guerre s’est déjà appuyé contre les contreforts du Caucase. La masse de Kazbek regarde sévèrement, ses sourcils gris sont rapprochés au-dessous de papakha blanche d'un air sombre, et sa respiration menaçante a des relents dans les défilés, en reflétant aux éclats des roches. De la poitrine en pierre on entend le fracas du canon dirigés sur l’ennemi attaquant. Mais la gueule obtuse porcine du char grimpe avec grognement sur nous de chaque passage, tant soit peu confortable et assez large.
L’ennemi blessé gravement près de Moscou s’est remis, a rassemblé son courage de nouveau et tend les griffes vers Stalingrad, vers le Volga. Les chars enragés aspirent sur le Don et à travers les défilés de Caucase vers Groznyï.
Mon nouveau poste s’est avéré parmi mes anciens amis. Actuellement on nous a envoyé un lot de chiens de combat bien formés. Cette équipe compréhensive, malgré que muette, des exterminateurs des chars se composait des chiens de cour, que j’aimais dès mon enfance, qui n’étaient pas de race, et qui n’étaient pas pur-sang à l’aryenne, mais de différents pelages assez normaux.
Après avoir fixé leur regard affamé suppliant sur moi, ils tous attendent, quand je les sortirai et montrerai sous quel char allemand il faut chercher le manger.
Nous sommes assis près de la route dans une caverne parfaite, protégée de tous les côtés, entre les rochers, entourée par les buissons gris peu attrayants. Nous y avons pénétré la nuit et avons occupé cette position en avant de la disposition de défense des flancs-gardes. Nous sommes une arrière-garde  dernière de l’armée reculant, et en même temps nous sommes la ligne principale de la défense de notre flanc-garde.
Dans notre petite caverne il y a un petit miracle: sur son fond dans un creux l’eau de source s’accumule — justement sur le fond de la gourde de soldat. L’eau ne monte pas plus haut qu’un seul niveau, mais ne descend pas plus bas. Dès qu’on sèche jusqu’au fond, une nouvelle gourde d’eau inépuisable suinte de nouveau.
A notre gauche et en face de nous l’infanterie allemande s’est installée et à travers nos têtes elle arrose par le feu notre disposition. Il n’y a aucun besoin de se retrancher ici. Les eaux de montagne de printemps ont créé ici, pendant des plusieurs siècles, telle multitude de plis, que toutes les divisions complètes peuvent s’y cacher maintenant.
Les allemands sont aujourd’hui là, où nous, on était hier. Derrière nous, une vaste plaine se trouve avec des champs de kolkhoze, et plus loin se trouve l’aoul aux jardins dormant ombreux d’arbres fructifères.
Serioja et Vassia Grichine se sont serrés contre la terre avec les fusils à lunette derrière une grande pierre près de l’entrée dans la caverne et sans précipitation, au choix, enlèvent les officiers allemands, qui ne regardent même pas dans notre direction, préoccupés par l’étouffement du feu des petites unités couchées derrière nous. Cela ne leur est pas venu à l'esprit, que la ligne principale de la défense peut être beaucoup plus près d’eux.
Plus à gauche, Petia et encore un camarade, que je n'ai pas encore eu de temps pour connaitre, se couchent avec les fusils antichars.
Sous la canonnade de notre artillerie sur toute la plaine large, les chars fascistes rampent, en se préparant pour un bond suivant. Quand ils se jetteront à nos positions, ils s’approcheront de nous de droit et de gauche: notre abri entre deux petites fermetures est inacceptable aux chars. Nous les attendons avec impatience.
— Et alors, Kostia, pourquoi tu te traitais si longtemps? Tu t’es marié ou quoi? — m’a posé la question Volodia à notre première rencontre. Et il pose cette question de nouveau.
Effectivement: est-ce que je me suis marié ou pas? Et cette fois-ci j’ai évité de répondre tristement, parce qu’il me semblait, que j’avais complètement perdu Akbota.
Quelque changement? Une trahison? — cherchait-il à obtenir une réponse.
Non, pire...
Volodia, qui, d’après ce que je sais, ne connait aucune chose pire qu’une trahison dans toutes ses manifestations, s’est tu d’un air perplexe, en ayant peur de toucher ma blessure imprudemment.
Notre artillerie avec une justesse spectaculaire trouve les chars allemands avec tout leur abri et les prive d’une possibilité de se concentrer. Il est évident, c’est justement pour cela, que les chars d’ennemi se sont mis en mouvement vers nos positions dans l’organisation de combat, qui nous était inconnue: ils se sont assemblés en tas devant la ligne de défense et, en hurlant, se sont mis à attaquer.
Les chars venaient de droit et de gauche.
Nous ne pouvons pas dévoiler notre nid. Malgré qu’il soit parfaitement protégé des chars, mais nous risquons d’être attaqués par une nombreuse infanterie.
Les contreforts du Caucase se sèment par des chars brûlant. Nos canons et fusils antichars tapent sur les chars. Chacun est content de compter soit encore un char de plus dans ses trophées.
Mais les chars allemands apparaissent de l’horizon de plus en plus et grimpent sur la pente plus en plus haut.
Vers le soir les Allemands ont découvert notre abri. Les tonnes d’obus sont tombées sur nous. Près de l’entrée dans la caverne un tas d’éclats de pierre s’est élevé. Sans avoir le temps de bourdonner, les balles résonnaient contre la pierre, cassaient les branches des buissons proches. Il suffisait de lever un casque sur une baïonnette, pour que les tireurs d’élite  fascistes commencent y tirer de quelques points.
Nous avant-postes de mitrailleuse était obligé de se taire, pour ne pas être écrasés avant l'heure et réussir à nous supporter, quand l’infanterie hitlérienne se jettera sur nous. Et elle va bientôt y aller.
Ils contournent de droite, — dit pour la deuxième fois Vassia Grichine.
De gauche aussi, — réponds-je. — Ils ne vont pas oser de se fourrer — ils ne savent pas quelles sont les forces...
Je me suis trompé: à proximité, avec quelque légèreté de danse, un petit groupe de tireurs à la mitraillette tout à coup a sauté sur leurs pieds avec insolence. On les a rencontrés par le feu.
Maintenant ils savent un peu plus de nous. Ils savent, que nous aussi, nous avons les mitraillettes.
Ils ne vont pas réussir à nous contourner de gauche: nous y sont couverts par le feu de notre ligne de défense. Les tireurs à la mitraillette se sont mis à descendre par bonds dans un vallon. Ils s’y sont accumulés, mais à chaque tentative de sortir à l’autre côté ils retombaient dans le vallon, où nous-mêmes les atteignions par notre feu.
Notre côté droit est plus dénudé. Les tireurs à la mitraillette allemands se sont planqués là-bas déjà en groupe important. On peut ne pas avoir des doutes, qu’ils marchent à pas de loup, comme les chasseurs vers les buissons, sous lesquels se trouvent les cailles.
Le plus dur moment approche. Un petit groupe de neuf combattants dans un demi-cercle d’encerclement rencontre toute la compagnie, et nous allons périr, si nous ne tenons pas, si nous nous précipitons, ne prenons pas en compte la distance ou, au contraire, laissons échapper une bonne occasion. Les servants doivent être justes. Il ne faut pas chasser l’ennemi, mais détruire aux approches de notre position.
La distance entre nous se diminue de plus en plus. Le plus difficile c’est calculer cette distance et ces secondes. On ne tremble pas de peur, mais d’effort, qu’il faut tenir en soi encore deux secondes longues.
Cent cinquante... Cent trente... Cent vingt pas...
Et il faut les laisser approcher encore pour vingt... c’est ce moment où on se rappelle d’Anka du film le plus cher « Tchapaïev » avant une «attaque psychologique» des gardes-blancs. C’était le moment, avec lequel le combattant se rencontre presque dans chaque combat...
Je craignais mon petit ténor pas profond, j’avais peur, que dans la situation nerveuse ma commande ne résonne pas de l’incertitude anxieuse. Le soldat perçoit parfaitement le ton de la commande: son résonnement fait naitre dans lui soit une incertitude soit une certitude, soit une angoisse...
Et ma commande «feu!» a résonné ferme, comme si des régiments étaient devant moi, et non pas une unité de neuf combattants seulement.
Il faut rendre justice : les rangs des tireurs à la mitraillette allemands n’ont tressailli ni de cette commande ni du feu fauchant de notre mitrailleuse ou des mitraillettes. Ils ont seulement accéléré leur pas, en continuant à nous arroser intensément par le feu... Et à ce même moment critique le second groupe des fascistes s’est jeté à nous en avant, directement sur le front.
Jusqu’à ce jour, je vois l’éclat violant dans les yeux de mes camarades, quand, une seule personne en face des dizaines d’ennemis, noircis de la colère bouillonnante, nous nous sommes enfoncés à demeure sur nos mitraillettes.
Pas un pas en arrière! — ai-je rappelé aux camarades l’ordonnance ferme du commandement suprême. C’était un ordre de la Patrie. Le combattant honnête ne pouvait pas le violer.
Les Allemands avaient également une interdiction de reculer, mais complètement par d’autres moyens. Nous nous en sommes assurés de nos propres yeux le même jour.
Les tireurs à la mitraillette nous attaquant, serrés contre la terre par notre feu, se sont planqués justement devant notre abri, pas plus loin qu’à vingt mètres. Nous tirions à ce moment les gens couchés. Et justement là, s’est passée ce qu’on a vu plusieurs fois par la suite: un soldat couché derrière une pierre à trente pas de nous, tout à coup a sauté sur ses pieds avec un cri, a jeté sa mitraillette et s’est mis à courir dans notre direction avec les deux bras levés. Il est tombé à la volée dans notre nid de pierre. J’ai retenu à temps Volodia avant qu’il tire. Mais à la poursuite du déserteur, on a tiré sur son dos. Il a été blessé sur le dos, sur l’épaule et sur le talon.
Il n’était pas du tout de ces blonds «aryens», mais un Hongrois bronzé, maigre, de petite taille. Il comprenait, qu’il lui serait difficile de survivre avec trois balles dans le corps, et, peut-être justement pour cette raison il s’est précipité de nous transmettre ses pensées secrètes. Il parlait avec précipitation, et chaque son s’arrachait de sa bouche un mauvais sifflement. Il léchait souvent ses lèvres avec une langue sèche. Je lui ai tendu une gourde et l’ai laissé tranquille pour instant.
Le groupe nous jeté sur le front s’est planqué sans lever les têtes, et ceux qui rampaient du droite, ont reculé en rampant en arrière et ont disparu dans le vallon.
Ils attendent la nuit, — a dit Volodia.
Mais lui, il dit une autre chose, — a dit Volodia Grichine en indiquant sur le  déserteur, qui parlait pas mal allemand. — Il dit, que tous sont les Hongrois et les Roumains. Ils n’iront pas en avant, jusqu'à ce qu’on leur donne un coup des mitrailleurs allemands... En attaquant ils cherchent plus de tel abri, que les Allemands et nous ne les atteignent pas par le feu...
Mais comment? De quoi il parle?
Pendant que Grichine essayait de préciser la réponse, nous tous l’avons vu, en effet: de deux points les mitrailleuses allemandes ont donné le coup sur les tireurs à mitraillette planqués par le feu croisé. Chaque tireur à la mitraillette se retournait en arrière avec une expression évidente de la haine et courait en avant, pour tomber sur notre feu. N’en protégés par rien, chassés par un fouet mortel de la mitrailleuse allemande, ils mouraient sans sens et sans objectif, des êtres abandonnés, déconcertés, pitoyables. Tout ce groupe de tireurs à la mitraillette est mort, sans avoir nous causé un dommage et même sans avoir touché un bord de notre caverne par son feu désordonné, sans cible.
Si le peuple ne voit pas du sens pour lui dans la guerre et ne la veut pas, on peut le faire mourir. Mais il est impossible de le faire vaincre.
L’Hongrois continuait à murmurer et, avec des gestes dans l’explication, répondait à Vassia à toutes ses questions.
— Je rêvais de tomber aux mains de l'ennemi depuis l’automne de l’année dernière, — nous traduisait Grichine. — je sais que nous, les Hongrois, n’avons besoin de rien en Russie... Mais il est vrai que, les nôtres se livrent à des excès ici aussi, mettent à sac... L’homme avec l’arme mais sans idée se transforme facilement en bandit, et les hitlériens encouragent le cambriolage... je suis chrétien. Avant la mort je ne vais pas vous mentir. L’Hongrois ne veut pas de guerre... Il ne la veut pas depuis longtemps...
Il a fait une grimasse de douleur. Il lui était de plus en plus difficile de parler. Les paroles devenaient fades, comme paresseuses. La traduction de Grichine devenait plus hachée. Vassia captait à grande peine le sens du langage étranger et finalement s’est tu, comme un prêtre, lisant «la prière des agonisants» au-dessus du murant, se tait involontairement, après avoir remarqué le moment du décès arrivé...
Notre commandant m’a appelé la nuit. Uniquement là j’ai remarqué un carré de plus sur les pattes de col de sa vareuse.
Camarade le lieutenant-chef, le sergent-chef Sartaleev est venu suite à votre ordonnance! — lui ai-je rapporté selon la forme.
Mirochnik m’a serré la main avec un sourire et a fait un signe de tête en invitant de m’assoir.
Lui et Reviakine, ils étaient assis dans un creux de pierre bien protégé. Après avoir couvert le coin par la toile de tente, ils ont même allumé une petite lampe à pétrole, avec la lumière de laquelle Mirochnik, presque en touchant par ses yeux le papier, essayait de lire des lettres pâles de l’ordre, qu’il venait de recevoir. Je lui ai passé un phare électrique, prise à notre ami hongrois décédé, et lui ai raconté cet événement, qui a renforcé le courage de nos gars.
Mirochnik a informé de la situation. La ligne commune de notre défense a courbé de nouveau, et on n’attendait pas son redressement le lendemain. Mais il faut dire, il n’en a pas parlé, mais qui en parle! Mais uniquement un mauvais soldat ne sent pas, quel jour attend-il le lendemain. Il vaut mieux de ne pas dormir du tout, que s’endormir dans l’ignorance à propos de la situation de combat de demain.
Notre mission était tenir cette enfourchure des routes de montagne encore un jour. Encore pendant un jour notre position reste importante, et après, si on est vivant, nous pouvons laisser nos abris et regagner notre unité plus près du cœur de Caucase. Alors, nous nous retirions, et c’était le pire...
Je me suis rappelé ma nuit dernière avant la blessure. Quelle belle nuit c’était, malgré ses ténèbres profondes, la gelée, la tempête de neige! Comment facilement et gaiement nous supportions à cette époque toutes les privations! Là, nous attaquions...
J’ai donné à Reviakine la lettre du commissaire du point d’expédition Tarassenko. Quand je partais, les gars m’ont demandé de me renseigner des communiqués.
Quels communiqués! — a dit l’instructeur politique. — Aujourd’hui on n’en a pas encore, on ne l’a pas envoyé avec l’ordre. On va attendre jusqu’à demain. Ils grimpent à Stalingrad, les salauds! — a-t-il dit avec un soupire.
Mais là, il faut leur casser les dents! Est-ce que le peuple soviétique va donner le Volga? — a répondu Mirochnik. — Qu’est-ce que tu en penses, Kostia, donnera-t-il?
Mais qu’est-ce que vous dites, camarade le lieutenant-chef! — m’a échappé avec quelque crainte.
Ben oui, et moi, je dis aussi — il ne donnera pas! — a confirmé Mirochnik. — Je comprends notre tache de la façon suivante: retirer plus de forces. Tenir jusqu'au bout. Se pencher sur leurs épaules au maximum. Donc, Sartaleev, tiens un jour... Il faut tenir!— a-t-il terminé et a coupé la conversation.
Il ne fallait plus parler. Tout est devenu clair. Chacun de nous comprenait, que pour notre unité le jour de lendemain serait très dur...
Le chef m’a tendu le bras.
J’ai jeté un coup d’œil sur Reviakine, et dans ma tête ont apparu les paroles, que j’allais écrire et lui donner: «En cas de ma mort je demande de me considérer comme...»
Mais, en tendant le bras Reviakine m’a coupé:
Demain, camarade le sergent-chef, quand on reviendra à l’unité, vous serez décoré d’un ordre, qui vous attend avec impatience... Et demain je te reçois en candidat au parti.
Le Statut ne prévoit pas d’étreindre de l’instructeur politique, mais je l’ai serré dans mes bras.
Nous nous sommes dit au revoir, et dans les ténèbres, sur les pierres, d’un buisson à un autre, je rentrais en rampant dans notre nid, où les gars m’attendaient avec impatience.
Dans un endroit les balles sifflant très bas m’ont fait serrer fortement contre la pierre et attendre. J’étais couché et m’imaginais la réunion de parti de lendemain. Elle aura lieu dans une salle vaste, où au lieu des colonnes sont les rochers, et le ciel de Caucase bleu foncé sert du plafond. Je serai accepté au parti sous les étoiles vives et énormes.
J’ai atteint notre petite caverne au moment, quand Petia y a emmené une nouvelle meute d’exterminateurs des chars à quatre pattes. Pour instant tout encore était sombre et calme. Dans le vallon, plus près de la route, nos observateurs étaient couchés. Ayant peur des ténèbres, les Allemands lançaient parfois les fusée éclairantes. Ça et là, les coups de feu solitaires se produisaient. Le jour de combat s’est terminé.
Il nous a prouvé, que notre unité arriverait tenir ici encore un jour, et encore un jour, et peut-être, tous les trois jours. Cela va coûter à Hitler soixante-douze heures de retard. Et il deviendra pour les Allemands un repos.
IV
Kostia, où est maintenant ta femme?
Là, où elle était avant.
Et qu’est-ce qu’elle écrit?
Celle-là n’est pas de sa part.
Le repos et le regroupement s’achèvent. Nous sommes lavés, rasés, tirés à quatre épingles, comme on dit. Le linge neuf, la nouvelle vareuse aux pattes d'épaule inhabituelles ont une odeur fraiche et agréable. Les bottes gémissent: elles ont les semelles très épaisses, qu’avec elles nous arriverons à Berlin.
Vassia est en nouvelle uniforme avec des ordres et des médailles, reposé, définitivement beau. Quelques jours de repos  l’ont rendu lyrique, et il pose des questions distraitement. Malgré sa ponctualité habituelle, il a oublié de jeter les bottes usées, qui trainaient sous son lit en ouvrant leurs gueules, comme un jeune hippopotame; même notre adjudant-chef économe a refusé de les accepter en échange et les a laissé à Vassia «comme un souvenir».
Je continue à lire la lettre, mais à cause de la question inattendue les lignes diffluent, et chaque mot, en s’enfuyant de moi, comme une fourmi, demande avec Vassili la même chose: «Mais où est ta femme?»
Et effectivement, où est ma femme?
Je me suis déjà accoutumé par la pensée, qu’Akbota était ma femme. Mes camarades m’en assurent également:
Mais enfin! Comment tu peux avoir des doutes, si elle écrit telles lettres? Uniquement la femme peut écrire de cette façon, c’est juste!
Personne de nos gars n’est marié et personne ne sait, comment les femmes écrivent à leurs maris, mais tout le monde est sûr de la même manière, que justement de cette façon une femme doit écrire à son mari.
Et maman se désole plus d’Akbota, que de moi. Elle croit, que tel travail, comme la guerre, réussit plus facilement aux garçons, mais c’est dur pour telle pauvre petite fille Akbota... Après m’avoir communiqué le numéro du secteur postal, maman est sûre, que j’«y» suis déjà allé et me suis installé avec mon Akbota. Elle demande, si Akbota boit du thé au lait, comme elle préfère. Une seule chose, ce qu’elle s’imagine très distinctement, c’est le fait, qu’à la guerre il n’y a pas d’ayran et de koumis. Elle m’ordonne de mieux prendre soins d’Akbota... Il lui semble, que si nous sommes à la même guerre, cela ressemble à une équipe d’un seul kolkhoze.
Et moi, à part du numéro du secteur postal je m’imagine très approximativement le poste d’Akbota, et je ne sais rien de tout d’elle...
Mais de la part de qui, alors? — répète encore une fois Vassia.
De la part de Goulia, de Karaganda.
Vassia a rougi, s’est tourné et s’est mis à écrire de nouveau quelque chose, en bougeant intensément par l’épaule droite.
Voilà, quel sera le canal de Fergana! Ah? Tu as vu, camarade le sergent-chef? As-tu vu, non? — a exclamé Samed Abdoulyev, Ouzbek, qui vient d’arriver chez nous parmi le complément. — As-tu vu, n’est-ce pas?
Bien-sûr, j’ai vu... — ai-je confirmé en m’arrachant de mes propres pensées.
Nous avons regardé ensemble le ciné-journal, où on a montré un canal gigantesque, que l’Ouzbékistan créait à cette époque. De la même façon nous avons été présents lors de la promesse solennelle du peuple ouzbek d’augmenter la récolte et dépasser le plan quinquennal du coton. Ça démangeait Samed qu’on confirme encore une fois notre admiration des affaires de ses compatriotes.
Et quel serment ils ont donné à propos du coton, hein? — continue Samed. Je confirme tout et ajoute du ton pareil:
Et notre Karaganda a remplacé le Donbass. 
Samed, devenue sérieux d’un seul coup, me fait quelques fois un signe de tête affirmatif.
Vassia, après avoir compris, que j’ai répondu à Samed par une ligne de la lettre de Goulia, soudainement s’est retourné vers moi:
Et qu’est-ce qu’elle écrit de la nouvelle usine, de laquelle elle était passionnée?
Bientôt, la construction sera terminée.
Vassia déchire avec acharnement la feuille suivante de papier, évidemment, après l’avoir reconnu indignes les pensées y exposées. Les morceaux déchirés et froissés trainent autour de lui, comme s’il écrit un roman. Son crayon claque par la table, comme si on claque dans la pièce voisine.
Je devine, que Vassia écrit une lettre à Goulia. Lui, bien sûr, a conçu de lui écrire une lettre lyrique, mais je peux confirmer, qu’il a essayé de le faire en espèce de la déclaration d'amour à Karaganda, il va énumérer des richesses des sous-sols, et le lyrique devient géologique...
Ouchakov est entré, en sonnaillant par les médailles. On dirait, que même son calot sourit.
Voilà, les gars, j’ai donné le gros plan! — a-t-il expliqué en brillant par un rang de dents au-dessous de la moustache noire brave. — Vas-y, Vassia, pour le gros plan!
D’où tu le sais, quel «plan tu as donné»? — a souri Grichine.
Le cameraman a dit lui-même! Il dit, que l’insigne de garde sera sur l’écran comme une paume...
Oui, les camarades ont mérité d’être montrés de gros plan sur les écrans de tout le pays. A partir de la première nuit du nouvel an quarante-trois jusqu’à ce repos nous sommes allés dans le feu des combats d’attaque continus. Nous allions à pied, roulions dans le véhicule, dans les chars, les nôtres et les leurs, en attrapant l’ennemi qui s’enfuyait.
Pour nous le nouvel an a très bien commencé! Il souriait gaiement aux soldats! Les sommets en argent de Caucase brillaient gaiment, quand, en pressant ceux, qui courraient, en enjambant les cadavres des ennemis morts, chaque combattant a crié: «Bonne année, le vieux Caucase»!
Dans la brume bleuâtre de matin l’Elbrous aux cheveux blancs s’élevait majestueusement comme le juge et la mémoire de l’histoire. Il était le témoin des gens soviétiques défendant victorieusement le Caucase, il a vu comment nous balayions des hordes fascistes de tous les vallons et les défilés...
Vers ce jour nous savions déjà, que sur le collier de Stalingrad on a mis un cercle en acier à demeure, qui serre la gueule de l’armée fasciste de plus en plus solidement. Nous comprenions, que le camp hitlérien coupé d’autre horde près de Stalingrad, comptait ses derniers jours. Les artères ont été déjà coupées et n’alimentaient plus la tête du salaud respirant, malgré qu’elle continue à montrer les dents et rebéquer.
Nous avons rencontré le Nouvel an à l'état-majeur du majeur  Krüger, dans la compagnie loin d’être brillante de ses six officiers assis modestement près du four surveillés par nos soldats.
Pour relever l’esprit tombant des soldats, qui ont commencé à perdre la foi à leur invincibilité, monsieur le majeur a décidé de rencontrer son dernier Nouvel an avec une illumination. Des feux de différentes couleurs de fusées et des balles traçantes, comme le serpentin, s’envolaient au-dessus du petit village, où monsieur le majeure avait reculé juste avant la rencontre du Nouvel an.
Encore hier en panique ils se sauvaient du feu dévorant de «katucha». Et aujourd’hui, tout à coup, ils ont décidé de fêter le Nouvel an sans soucis et hardiment au village, dont ne restaient que des éclats.
Ils veulent montrer la bravoure, n’est-ce pas? — a dit Petia, avec lequel j’ai été appelé chez Reviakine.
A mon avis, ils veulent être emprisonnés, — a objecté Reviakine. — Allez, les amis, vérifiez, quelle est la situation.
Nous sommes allés en exploration. Il y a un mois, nous avons laissé avec combat ce village. Ici nous connaissions chaque pierre. Il ne nous était difficile de passer parmi les ruines, et dans une demi-heure nous avons déjà pu rapporter au lieutenant-chef Mirochnik, que les soldats et les officiers — tout le monde buvait.
On va prendre les insolents! — a dit Mirochnik, en regardant l’illumination ivre des fascistes, qui ont complètement oublié à propos de la prudence.
Reviakine avec notre unité s’est installé à l’ouest, Mirochnik avec deux autres unités étaient au sud, après s’être approché à la distance de cent mètres seulement, ont a fait un coup de feu ensemble des mitrailleuses et avec le cri «hourra», faisant trembler tout autour, sont allés en attaque. Les hitlériens hébétés, après avoir arrêté leurs exercices avec les feux, ont commencé à crier sans coup de feu: «Kaputt! Kaputt!».
Les soldats allemands étaient assis derrière chaque amas de fumier, sous chaque ruine, mais au lieu de tirer sur nous, ils levaient les bras.
Et voilà, Mirochnik est assis près de la table de Nouvel an mise du côté sous le vent du grand poêle russe, en effet — directement dans la rue, parce qu’il n’y plus de maison, il restait seulement deux murs, même sans toit. D’ailleurs, pour le festin de Nouvel an les éclats ont été rangés et le plancher pour messieurs les officiers allemands était balayé par les rangs inférieurs.
Dans le coin derrière le poêle sur le plancher propre les organisateurs de la fête étaient assis. En pliant inconfortablement les genoux, tous les six messieurs les officiers, dégrisés de la nouveauté de position, se détournaient confusément des canons de deux mitraillettes regardant fixement dans leur direction. Il est vrai, que c’est un sentiment désagréable, quand ce nez obtus regarde directement. Au centre du groupe il y avait le majeur Krüger lui-même, et il jetait les coups d’œil non amicaux de ses yeux bleuâtres sur notre lieutenant-chef.
Dans la rue, les soldats allemands emprisonnés étaient assis groupés dans un tas sombre, comme les moutons près du puits.
Nous nous sommes constitués prisonniers volontairement... J’ai jeté l’arme moi-même! J’ai jeté ma mitraillette moi-même! — criaient-ils à Vassia Grichine.
Nous ne voulons pas faire la guerre! Vous n’êtes pas les ennemis pour nous! — interrompaient-ils l’un l’autre.
Dans un autre groupe de prisonniers surveillé par Serguei seul, tout à coup une mêlée a commencé. Les prisonniers se querellaient en toutes les langues européennes.
Qu’est-ce qu’il y a? — ai-je demandé à Serguei.
Ils sont en train de régler leur compte, — a-t-il répondu tranquillement, sans bouger.
Au centre du groupe par terre il y avant déjà deux hitlériens battus. Plusieurs bras les indiquaient, et la foule de différentes langues criait: «Fasciste! Fasciste!» Les yeux des criants brûlaient de la haine.
Un Roumain noir hirsute avec une habilité artistique a imité avec des gestes et de la mimique comment ces tireurs à mitraillette trainant maintenant par terre le chassait au combat, en le poussant dans le feu, et eux-mêmes, ils restaient dans l’abri. Ensuite, après avoir pris l’air hautain, il s’est approché orgueilleusement et lentement des gens couchés, et sans regarder, a marché sur un d’eux. Je n’ai pas eu de temps pour l’arrêter, avant qu’il, en changeant des poses, a crié avec acharnement en allemand: «Lève-toi, le cochon roumain! En avant!»
Je voulais l’attraper, mais il a sauté de côté tout de suite, en tournant comme un diable, et en faisant des geste de la manière folle, a commencé à m’expliquer quelque chose en langue  incompréhensible, en s’indiquant et en indiquant les Allemands. D’ailleurs, la scène était claire sans paroles... «Voilà, comment ils nous traitaient!» — disait-elle.
Il est en train de démontrer «l’amitié des peuples» à la fasciste, — a remarqué avec un sourire Serguei.
En craignant de la vie de ces deux Allemands, qui pourraient être utiles pour les questionnaires sur l’état-majeur, j’ai ordonné à Serguei de prendre soins, que leurs alliés ne présentent plus leurs sentiments «amicaux». Il nous a rappelé l’épisode avec l’Hongrois.
A partir de ce jour nous ne connaissions plus d’arrêts. Nous allions en avant, en laissant derrière nous les espaces de plus en plus larges libérées des hitlériens. Avec chaque jour nous recevions des nouvelles qu’on les chassait sur tous les fronts. En plein hivers ils couraient par les steppes, qui étaient désertées par eux-mêmes et mouraient dans des neiges... Nous galopions derrière eux, mais nous restions en arrière d’eux, et voilà, sur le chemin les « camions à trois axes» lourds avec de jeunes soldats en équipement militaire neuf. Les chars avec les étoiles rouges nous dépassaient, avec les inscriptions — «A Berlin!», «A mort le fascisme!», «En avant, jusqu’à victoire!».
Nous suivions de nos yeux ces gars avec jalousie...
Nous, nous avons été jetés à nettoyer les arrières.
Notre arrêt suivant était près de la source, où jadis Mary compatissante, en cachette des plus grands, a levé le verre perdu par Grouchnitski. Mais parmi nous il n’y avait ni Petchorine ni Grouchnitski, nous avons nos propres héros de notre temps et nos Mary aussi.
Et on invite ces héros de notre temps maintenant à être filmés au cinéma de gros plan.
Vassia s’est dirigé vers la sortie. Lui, le pauvre, a tellement fait d’effort en réfléchissant, qu’on voyait un pli profond entre ses sourcils. Je vois, qu’il est insatisfait de ses travaux de nouveau et, bien sûr, n’a écrit aucune ligne tant soit peu utile... Cela peut avoir un effet sur la qualité du gros plan. J’ai arrêté de le faire souffrir et a transmis la lettre de Goulia attendue longtemps, adressée à nous deux.

Serguei a transformé son repos en souffrances. Dans un des villages que nous avons occupé, les Allemands ont laissé beaucoup de différentes affaires volées, y compris une toile, des pinceaux et des peintures. Cela a découvert une faiblesse de notre géomètre. Serioga s’est avéré un amateur de la peinture. Cette passion il a ouvert dans lui à l’époque de ses études à l’école technique. Après la mort de son père à cette époque il devait prendre soins de sa mère et de deux petites sœurs. Il fallait les nourrir, et il n’avait pas de possibilité d’aller à l’école de beaux arts. Après avoir vu des pinceaux et des peintures, il est devenu très mal à l'aise, et malgré que nous nous imaginions ces jours-là, que notre attaque ne perdrait pas son rythme pris jusqu’à Berlin, il a pris avec lui ces choses, tout de même.
Maintenant il règle pour ce compte. Un repos pour lui est plus dur que des combats: il est assis devant la toile dès le matin jusqu’à la nuit.
Nous avons approuvé à l'unanimité sa première peinture et l’avons offerte au directeur de la station balnéaire, où actuellement toute notre unité s’est installée pour le repos et le complément.
Sur cette toile Serguei a peint une image de la fuite des Allemands. Le large paysage de steppe, et partout, comme les potirons vert terne, les casques avec un svastika trainent. Sur le premier plan il y a une tête morte avec des creux sombres des orbites et l’emblème de la mort sur la casque, et un corbeau est assis devant elle, comme s’il veut s’assurer, qu’il n’y plus d’yeux pour lui. De regard fourbe de travers fixé sur le corbeau et la tête, les ombres des soldats allemands voûtés, enveloppés de n’importe quoi glissent sur le côté, en ressemblant beaucoup à la fuite des français en 1812.
Tout de suite, Serguei s’est mis à une autre peinture, qui n’est pas encore terminée pour instant. Volodia, installé derrière le dos du peintre, le critique.
Qu’est-ce que c’est que ce symbolisme? Les rayons matinaux tombent toujours d’abord sur les sommets des montagnes. Est-ce que tu as oublié, comment ils brûlent sur les sommets enneigés? Comme la foudre figé!
Ben bien. Je reconnais ce point, — accepte Serioja.
Et ça, tu ne reconnais pas? — indique Volodia d'une manière provocante par le bout de pinceau sur le défilé connu à nous tous au-dessus du Terek. — Tu ne reconnais pas?
Serguei nous regarde, comme s’il demandait un support contre ce critique impitoyable, qui prend son réalisme pour le symbolisme!
Et qu’est-ce que la foule de loqueteux et de misérables  a à faire ici? — demande Volodia.
Et les prisonniers, tu te rappelles?
A bas les hitlériens de la peinture! Pourquoi tu y tiens? Il faut peindre nos gars! Pour que le soleil brille dans les yeux, pour qu’ils aillent en avant!
Nous tous accordons toute l'aide possible aux souffrances artistiques du pauvre peintre: l’un n’aime pas les peintures, l’autre veut voire sur une seule toile toute notre vie au Caucase, tout l’hiver.
Le sujet de la peinture qu’on lui a commandée, était «Les adieux». C’était nous-mêmes, notre unité, avant que tout le front se soit mis en avant pour l’attaque. Le Terek est la ligne extrême, qu’on tenait longtemps.
Nous reconnaissons sur la peinture le fleuve orageux, sautant d’une pierre à l’autre. Ces jours-là elle nous est devenue une sœur, cette fille capricieuse de deux vieillards Kazbek et Caspienne. Nous l’aimions et protégions de l’ennemi. Ces rochers nous étaient les frères, ils nous protégeaient par leurs épaules des balles et des obus...
Mêmes dans les combats notre jeunesse ne nous a quittés pas. Dans les plis de pierre des montagnes nous lisions les lignes, qu’y étaient lu par Lermontov. Nous entendions dans les chansons du Terek les paroles, qu’y jadis Pouchkine avait entendu... Nous avons décidé, que notre poète préféré se trouvait sur ce rocher noir sanguin et son regard pensif glissait de ces sommets argentés à ce défilé sombre morose.
C’était le jour du Nouvel an. Notre unité avançait en combattant, et on nous a ordonné d’attendre les indications spéciales. Mirochnik a été appelé à l’état-majeur voir le chef de la division. Notre régiment s’est arrêté dans le défilé près de la route de montagne. Les deux premiers groupes se sont installés plus bas, et nous se trouvions sur une plate-forme près d’un rocher sombre.
Quel poète puissant il était! — a exclamé Volodia, après avoir terminé «Mtsyri». Il est descendu vers le fleuve et a tiré de l'eau du Terek avec sa casque en acier.
Une découverte tardive, — a dit Grichine, — on l’a entendu avant.
Drôle d'homme! Là, on a entendu, mais ici tu le vois de tes propres yeux!
Nous avons passé ici tout l’hiver et n’ont pas pu éprouver tout cela. Et maintenant, il nous suffisait une heure, pour sentir le Caucase poétique de Lermontov. La joie de la victoire nocturne, les communiqués parfaites du Bureau d’information, la conscience, que nous allions attaquer, tout cela nous rendait heureux et jeunes, et ce, qui dès l’enfance vivait dans nos cœurs, mais a été oublié dans les combats difficiles, renaissait maintenant. Moi-même, j’ai été obligé d’apprendre pour la première fois les poésies de Lermontov dans la traduction d’Abaï, mais pour moi ils résonnaient de la même façon, comme pour les autres en russe. Les poètes faisaient écho à travers les espaces, à traves les dizaines d’années longues. Si leur consonance faisait écho si profondément dans les cœurs populaires, elle était née dans les destins des peuples.
En gardant silence, Serguei a monté une baïonnette du tas des trophées et sur une pierre sombre du rocher en a dessiné le portrait du poète. On a vu pour la première fois son habilité dans cet art et on a été étonné.
Après avoir parqué par les rayures uniquement les silhouettes, il a commencé à les sculpter. Et à ce moment moi et Volodia, nous nous sommes mis à écrire sur le rocher poli par les pluies les paroles, que chacun de nous voulait laisser comme souvenir au Caucase.
Mirochnik ne revenait pas. Nous continuions notre affaire en silence et d’une manière concentrée, comme si on exécutait quelque action sacrée.
Quand j’ai terminé d’écrire, je me suis approché de Volodia, lui aussi, il a laissé les derniers points de suspension. J’ai lu, peut-être, en défigurant un peu des paroles, mais en gardant complètement le sens:

...Et le Terek en sautant comme une lionne
Avec une crinière en broussailles sur son dos
Hurlait – la bête de montagne ainsi que l’oiseau  
Tournant dans la hauteur d’azur
Ecoutaient attentivement les paroles de ses eaux...
Et il n’y avait rien d’étonnant, que de l’autre côté du rocher une traduction en kazakh de ces mêmes lignes faite par Abaï  s’est avéré. Pour me faire plaisir, Volodia s’est mis à lire en kazakh, en hésitant à chaque lettre:

Asaou Terek doldanype, bouyrkanyl,
Taoudy bouzyl, jol salgay, tasty jaryl...


Oui, Lermontov a laissé une trace profonde dans l’âme et dans l’art du poète kazakh. Non seulement les traductions, mais les poésies originales d’Abaï sentent de la même grandeur.

Je sautais du sommet,
Je criais des paroles dans le monde; 
Un écho me répondait au loin…

 
Et maintenant devant nous, ce n’était pas un rocher tout simple. C’était déjà un rocher sacré avec le portrait et les paroles de grand Lermontov, auquel l’ennemi ne viendra jamais. J’y ai laissé le nom d’Abaï. Il s’y trouve comme une borne frontière, sur le point extrême, où les Allemands ont atteint et d’où vers le Nouvel 1943 an ils ont commencé leur retraite, qui s’est vite transformée en fuite...
Je me suis rappelé de mon service à la frontière et d’une colonne rayée que je protégeais. Là, aussi un fleuve ruisselait avec pétulance, en sautant d’une pierre sur l’autre. De là, à cette époque les menaces s’élevaient. Mykola Chouroupe, qui surveille toujours la même frontière, m’écrivait il y a seulement un mois, que lui aussi, il attendait d’une heure à l’autre, quand il devrait éprouver sa chance de combat. Si les vagues de l’attaque allemande ne se brisaient pas contre ce rocher, mais allaient plus loin, ces bamboches-là avec les sabres de grands-pères courbés se jetteraient sur Mykola. Mais maintenant Mikhail Ivanovitch Reviakine croit, que «cette variante historique est exclue».
— Ils sont déjà en retard. Ils ne sont pas complètement idiots, n’est-ce pas ? Ils le comprennent! — dit-il.
Oui, qui sait, quelles «variantes historiques» encore nos ennemis nous préparaient (et peut-être, même certaines «amis intimes») en espérant, que les rochers de Caucase ne supporteront pas les coups de fascistes, que la falaise Stépan Razine ne tiendrait devant eux, que les hitlériens réussiraient à percer le front par delà du Volga?
En pleines batailles de Stalingrad, quand le mot «le Volga» se reflétait dans le cœur des combattants, comme une douleur grave, quand chacun de nous, se trouvant dans n’importe quel endroit défini par son destin, volait par son cœur à Stalingrad, nos «amis» et nos alliés posaient uniquement une seule question: «A votre avis, vous êtes capable de résister encore?» Mais ils ont reçu une réponse juste et sévère, adressée non seulement aux hitlériens fascistes, mais à tout hasard et à ceux, qui, à leur suite, oserait à avoir des doutes de notre capacité à la résistance : à tout l’agresseur, n’importe quel, que veut s’assurer une hégémonie mondiale.
Et maintenant de l’autre côté de la colonne que nous connaissons avec Mykola, probablement, on a commencé à bouger des sabres de la manière un peu moins active. Au lieu du fracas de tambour, je pense, que Mykola en entend des sons doux et sensibles de la flûte, qui essaie déjà de choisir une petite mélodie lyrique...
Les événements ont envahi autant, tout a changé depuis l’automne dernier, que, si on regardait en arrière, on voyait trouble... Est-ce qu’il est étonnant, que notre peintre inexpérimenté a perdu contenance en face de cette richesse de motifs et de sujets!
Sur fond du paysage large il a peint les files des chars, qui, à cette époque, se sont jetés par un flux continu à toutes des routes de Caucase. Ces jours-là, chaque défilée de montagne, chaque pli de montagne, il semblait, donnaient naissance aux colonnes de chars. Et déjà sans avoir peur du bombardement aérien fasciste, en plein jour, les camions lourds avec les forces fraiches, les soldats aux pattes d'épaule roulaient de nos arrières... Et nous, nous étions debout près du rocher en ancienne uniforme militaire, en capotes perforées, tâchées de notre propre sang et du sang d’ennemi et regardions ces gars braves avec jalousie, qui nous criaient «hourra» et agitaient des chapkas. Les rochers répondaient par un écho saisissant au bruit des moteurs hurlant au ciel et sur la terre...
Serioja essaye de saisir d’un seul coup tout, ce qui éclate dans la mémoire, et c’est pourquoi il perd l’essentiel parmi les détails.
Mais qu’est-ce que c’est que ces chars? Ce sont les cafards en train de courir, — enrage Volodia impitoyable.
Toi Volodia, tu dois comprendre la conception d'ensemble... ce n’est que le fond, un état d'esprit, et au centre de la penture est notre rocher, — objecte avec effarement Serioja en rougissant comme un élève en face du professeur.
Le rocher? — redemande d’une manière critique Volodia. — Le rocher est tout simplement copié de Lermontov. Ici tu n’as rien ajouté de toi-même.
Tous, bien sûr, nous voyons le Caucase avec des yeux de Lermontov. Mais c’était Volodia lui-même, qui a commencé à nous lire à cette époque «Mtsyri».
Vous, camarade le peintre, devez chercher votre propre manière créative, mais pour instant vous êtes prisonnier du grand peintre et êtes en train de copier... On dit, que cette manière n’amène pas à la gloire, — fait des siennes Volodia, en jouant un «éminent».
Serioja voit, que derrière les plaisanteries de Volodia la vérité se cache. Bien sûr, il n’attendait pas de quelqu’un de nous de telle agilité critique et même prenait des airs un peu de son savoir-faire dessiner. Mais voilà, tiens! Serguei s’est fâché. Moi à sa place, je dirais, que son chemin créatif, cher critique, les dernières années passait par des tranchées, par des chars, par des abris.
Sans aucun doute, vous êtes doué, camarade le peintre, vous créez de grandes peintures, mais il vous manque encore de votre propre personnalité, — a conclu Volodia.
Il a serré Serguei par son bras et s’est assis à côté de lui.
Mais ne sois pas fâché, Seriojka. Faisons avec toi une œuvre de soldat collective... Regarde ce gars. Quel bel homme il est peinturluré par toi? On dirait, Petchorine lui-même, mais il est notre connaissance commune, n’est-ce pas... Dire qu’il est très beau est une calomnie! Représentons-le tel qu’il est, et pour qu’il se fâche du dieu et non pas de nous! Je me rappelle, à cette époque il avait une capote «de combat» énorme, complètement perforée. Et dans le camion il essayait de coudre quelque chose...
Je fais semblant, que je n’entends pas et ne me rappelle pas, que tout cela Volodia dit sur moi.
— Tu vois, Seriojenka, — s’est laissé entrainer Volodia, — le staroste Vassilissa est entrée dans l’histoire non pas grâce à sa beauté... Je pense, que même sa femme ne va pas se fâcher contre toi.
La femme... Oui, ma femme! Ici, en repos, j’ai commencé à recevoir ses lettres trois-quatre jours avant, que jadis, mais où elle est et qu’est-ce qu’elle fait — j’ignore toujours. Selon des messages, il y fait très chaud, les fruits sont déjà mûrs, et, cela veut dire, que c’est quelque part par ici aussi, au front du sud...
Signal d'alarme. On entend la commande du capitaine Mirochnik brillant de son nouvel équipement et de quatre étoiles sur les pattes d'épaule.
En face de nous il y avait les avions de cargo. On monte à droite par un, on se charge...
L’avion tremble en tournant de la poussière en tourbillon. Les herbes d’automne déjà jaunies se serrent contre la terre du vent puissant créé par hélice.
Notre compagnie s’est partagée. Le commissaire politique, capitaine Reviakine va avec nous. Mirochnik prendra les autres dans l’autre avion.
Sans aucun rite d’adieu l’avion se dirige vers le sud...
V
Il est très difficile de décrire ce qui se passait lors du combat de nuit, et quand il est difficile de décrire quelque chose, pour que cela suit plus clair on utilise une comparaison avec les choses bien connues, ou (même, si cela peut paraitre drôle) avec ce, qui n’est connu à personne, — avec telles choses, par exemple, que l’enfer.
Alors, l’enfer bouillait cette nuit-là dans la ville en flamme et dans ses banlieues. Tout était saisi par un grand débordement du feu, et il semblait, que des coups des obus non seulement les bâtiments se détruisaient, mais quelques rochers brûlants. Dans les éclats de la fumée, dans la suie étouffante à notre gauche, au-dessus de la mer, un ciel lourd noir s’est pesé sans aucune étoile, et seulement la lune se gonflait par une bulle parfois terne grise quelque part spécialement loin.
Les obus et les mines volait sur nous de la ville brûlant, tombaient sans cesse dans le champ, s’éclataient pour un instant par les buissons purpurin énormes aux feuilles larges de feu, qui s’enveloppaient tout de suite par les ténèbres de fumée et la nuée de la terre volant.
A notre droite, une cimenterie énorme brûlait en vomissait de la lave du feu comme du volcan, en enveloppant par la fumée noire. Jusqu’au dernier soir son territoire restait «no man's land». Maintenant il était occupé par la flamme dévorante.
C’était une ville natale de Volodia Tolstov. Ici il est né et a grandi. Jadis sont père travaillait à cette cimenterie.
Encore plus à droite, derrière la cimenterie, il y avait une file des collines hautes. Le jour c’était les montagnes grises nues, qui ressemblaient de leur vue au troupeau de pentes gigantesques. Il n’y avait de signe de vie sur leurs pentes douces. Et en une nuit, on dirait, une nouvelle ville y a poussé, éclatant de feux, comme dans les fenêtres de centaines maisons on ouvrait et on fermait de l’éclairage. Sur ces hauteurs vers la nuit, notre artillerie lourde s’est installée.
Nous nous acheminons vers la ville par le bord de la mer. Dans la lumière éclatante des fusées et des obus nous voyons à gauche des vagues hautes, mais leur hurlement habituel se noie dans le bruit du combat. On nous a ordonné d’éclaircir la position des troupes de débarquement, qui a débarqué hier dans la ville près du quai et la liaison avec lequel était perturbée.
En tombant à chaque pas sur les cadavres des gens et des chevaux, au-dessous du bombardement épais de l’artillerie et des mitrailleuses, nous nous approchons lentement de la ligne de la ville. En avançant en rampant d’un trou de bombe à un autre, d’un cadavre humain à un autre, nous avons laissé en arrière de nous déjà cinq kilomètres.
Sur mon dos les bouts de deux cordes sont fixés à la ceinture, chacun est de vingt mètres. Sur d’autres bouts de ces cordes il y a Samed et Volodia, connaissant parfaitement la ville. Les cordes nous servent des communications silencieuses et pour ne pas perdre l’un l’autre parmi les milliers des corps humains, qui aux moments de mauvaise éclairage du champ par les feux de fusées paraissent aussi rampants, soit avec nous vers la ville, soit à notre rencontre, vers la mer, en fonction du moment d’attaque où ces soldats mêlés, les nôtres et d’ennemi, ont été fauchés par le feu de combat... A cause de l’odeur difficile, l’air au-dessus du champ est dur, même le vent ne pouvait pas le nettoyer.
Volodia m’a tiré par la corde: «Arrête-toi!»
«Qu’est-ce qu’il y a!» — demande-je de la même façon.
«Viens ici!» — m’appelle la corde avec précipitation...
On arrive en rampant à l’appel.
Près de la carcasse du cheval tué, un soldat de l'Armée Rouge est couché, et Volodia est à côté de lui.
Qu’est-ce qu’il y a?
Les allemands-éclaireurs sont en avant.
Dans un trou de bombe... à cinquante pas d’ici, pas plus, — a ajouté un blessé.
Et toi, qui es tu?
Je suis éclaireur.
Est-ce que ta blessure est grave?
Les deux jambes... Je suis en train de les surveiller tout le temps... Ils sont arrivés encore dans les crépuscules, mais ils n’osent plus... Là, dans un trou de bombe ils sont assis... et fument... on peut sentir la fumée ici...
Il est dur de rencontrer un combattant, qui a besoin d’une aide, et on ne peut pas l’aider... Nous devions le laisser, en nous limitant par l’application des garrots sur les blessures.
Si on reste vivant, on reviendra et on te prendra avec nous, — a promis Volodia à l’éclaireur.
C’est bon, les gars... Merci, allez-y... Seulement.., penchez-moi contre ce bourrin... pour pouvoir voir tout... De toute façon, je ne suis plus... combattant...
Il parlait à peine. Le chuchotement l’échappait de la manière saccadée. Il voulait voir le combat soit encore une fois, s’il ne pouvait pas y participer. Il voulait voir encore une fois notre victoire. Il parlait tranquillement et simplement, sans grands mots utilisés par les héros mourant dans les romans. Je me suis baissé pour voir son visage, mais comme un fait exprès, aucune fusée ne s’est pas éclatée lors de ces minutes courtes.
Nous lui avons donné une gourde d’eau et quelques cigarettes.
Les gars, je préfère de la makhorka  et du journal — pour occuper les mains... Si non, je m’ennuie...
Après l’avoir laissé, nous nous sommes approchés en rampant du trou de bombe qui nous a été indiqué.
Nous n’avions pas peur du bruit ou du coup de feu: cette nuit-là on entendait une rafale entrecoupé ou des explosions de la grenade pas plus, que le battement de mains d’enfant.
Et déjà près du trou de bombe nous avons remarqué un tas de gens groupés.
Ja, khanan! — a crié Samed. — Comme ça on vous a battus à Stalingrad!
Nous nous sommes planqués, mais après deux explosions de grenade dans le trou de bombe il n’y avait ni mouvements ni gémissement.
Plus tard j’ai demandé à Samed, ce qui signifiait en sa langue: «ja, khanan!»
Mais qui sait! Hodja Nasreddinn criait de telle façon, quand il battait par un brancard un vizir de khan, qui lui a volé sa femme...
La force amphibie se tenait pressé étroitement contre le bord de la mer. Volodia nous a amené tout près. Sur ce terrain minuscule. Il y avait un grondement continu, comme s’il avait de la grêle sur le toit. Les explosions fréquentes des grenades à main, les exclamations à haute voix et le claquement sans cesse des mitrailleuses et des mitraillettes disaient beaucoup, mais une petite espace nous séparant de la troupe de débarquement, était complètement occupée par l’infanterie d’ennemi et des points de lance-mines et de mitrailleuse. Il était impossible de nous approcher ainsi qu’établir la liaison...
En revenant nous avons trouvé dans le champ le combattant laissé: il était toujours assis penché contre le cheval tué. Ses yeux étaient ouverts et les éclats des feux et des explosions y reflétaient, il ne les voyait plus...
Quand je suis revenu, la capitaine Mirochnik n’était pas dans l’abri.
Il vous a attendu longtemps... Et il est parti à l’état-majeur de l’artillerie de bord et vous a ordonné vous y présenter. C’est la troisième caverne de nous par le bord.
Les états-majeurs de nous unités attaquant étaient situés dans les cavernes des anciennes carrières au-dessus de la ôte abrupte de la mer. Ici on entendait même le clapotement du ressac. Les ouvertures donnaient sur la mer, le jour elles servaient pour l’observation, m ais le soir il était impossible d’y allumer une lumière pour ne pas démasquer des points d’observation. Dans les ténèbres de la caverne à travers le bruit de la mer j’ai entendu la voix de notre capitaine:
Justement, camarade le colonel de la garde, j’ai déjà envoyé il y a longtemps. J’attends leur retour d'un moment à l'autre.
J’ai compris, qu’il parlait de nous. Il serait bête pour moi d’attendre dans les ténèbres, avant qu’on fasse attention sur moi.
— Camarade le colonel de la garde, permettez-moi de m’adresser au camarade le capitaine de la garde Mirochnik, — ai-je fait entendre ma voix.
Qui est là? — a répondu tout de suite des ténèbres la voix du colonel.
Le chef de la première section de la compagnie de l’exploration, le sergent-chef de la garde Sartaleev s’est présenté conformément à l’ordre du chef de la compagnie, du capitaine de garde Mirochnik, — ai-je répondu, comme Mirochnik aimait, justement en conformité avec le statut.
Kostia? Petit ami du passage? Et on disait, que tu t’es perdu à un hôpital! — a exclamé le colonel, et j’ai reconnu en lui mon ancienne connaissance le majeur Roussakove. — Alors, fais ton rapport Kostia.
J’ai rendu compte de tout ce que je croyais important des résultats de l’exploration.
Soit notre capitaine, soit le colonel, me posait des questions en précisant l’emplacement de nos parachutistes.
Ben, merci, ami, — m’a dit le colonel. Sa main forte a attrapé ma main gauche et dans les ténèbres m’a tiré vers lui par un mouvement brusque. — Tu es encore garçon! — a-t-il ajouté, en me serrant contre lui ou tout simplement en me posant près de lui très étroitement.
J’ai voulu voir son visage, mais il faisait nuit... Un téléphone a chicoté.
— Moi «les concombres», Roussacove, — a répondu le colonel. — Entendu, Irakli Gueorguyevitch. J’arrive... Le lieutenant-général m’appelle, je vais être de retour dans cinq minutes environ, m’attendez, s’il vous plait, a dit Rousakov, en sortant de la caverne. — Toi, Kostia, aussi...
Je me suis rappelé du passage. De la cigarette, qu’il m’a fourrée dans la bouche amicalement. J’étais heureux de cette rencontre avec le témoin de nos premiers pas sur les routes de guerre...
Près de la sortie de caverne le colonel a crié à quelqu’un: «Planquez-vous!!» Ce même moment un obus d’ennemi est tombé avec grondement directement devant la caverne. La baie faible bleuâtre de l’entrée s’est couverte, on a senti de la poussière et de la fumée. Quelque part tout près les pierres et les mottes tombaient fractionnement. Ensuite dans le silence rétabli on a entendu de nouveau le bruit du ressac, et quelque voix a crié à voix basse avec frayeur:
— Le colonel est tué!
«Tué»... Nous entendions et prononcions ce mot court lourd si souvent! Combien de fois nous étions obligés de sonner la glaréole du camarade, avec qui on fumait la dernière cigarette en cercle, qui chauffait par sa participation et ses soins, avec qui on partageait sa joie et sa tristesse! On dirait, qu’avec chaque camarade mort au combat on enterre une partie de soi-même.
Le mot « tué » prononcé à voix basse dans cette caverne sombre a résonné pour moi plus fort, que s’il a été crié par toute la section.
Le capitaine Mirochnik a eu le temps de rapporter à peine sur la troupe de débarquement à un nouveau chef, qui a pris le commandement au lieu de Roussakov, nous avons réussi à peine de revenir chez nous, et notre compagnie est partie en tête de l’infanterie attaquant par le bord de la mer.
Au-dessus de nous il y avait un double feu: les fascistes sont tombés sur nous par l’artillerie, le feu de mitrailleuses et le feu de mortier, et notre artillerie se nettoyait le chemin à travers notre tête. Nous suivions les traces de nos obus derrière  le rideau de feu, et parfois quand nous l’atteignions, nous nous planquions. A ce moment nos obus explosaient devant nous seulement à quelques centaines de mètres... Et de nouveau, le feu a été transféré en avant et encore en avant, en nous libérant la route pour un nouveau bond.
Novorossisk, la ville natale de Volodia, était le dernier rempart puissant des hitlériens au bord d’est de la mer Noire. Les allemands résistaient écharnement, mais la soudaineté de l'attaque de l’infanterie renversait leur calcul méthodique. Ils attendaient des tirs de préparation ordinaires et ensuite — un bond de l’infanterie. Les attentes ne se sont confirmées. L’infanterie tombait sur eux presque en même temps avec les obus. Le courage désespéré des soldats d'infanterie s’unissait avec une justesse étonnante de notre artillerie.
Ja, khanan! — s’annonçait Samed Abdoulaye. — Comme ça on vous battait près de Stalingrad! — ajoutait-il après l’explosion de chaque sa grenade.
On battait comme ça, et on continue à battre! — lui répondait Vassia Grichine.
Evidemment, parfois les petites unités se mêlaient. Souvent à on crie de quelqu’un répondait une voix inconnue. Quelque mot d’ordre, jeté quelque part sur le flanc, saisi par les voisins, vole loin, sur un autre flanc et, en changeant son sens exacte plusieurs fois, revient en se couvrant d’un nouveau contenu.
Quelque part le soldat se rappelle d’un ami perdu aux combats et crie:
— Pour Gricha!
Il a senti, qu’une minute de la vengeance digne pour son ami de combat est arrivée.
Pour Olga! — rattrape son voisin, qui s’est rappelé de l’amie perdue.
Et brusquement, comme les éclats des coups de feu de fusil, les prénoms féminins vont par les rangs de l’infanterie:
Pour Choura! Pour Luba!
Ils sont tous là, avec nous, ils supportent invisiblement l’âme du soldat: certains, on protège, et on venge pour d’autres — et voilà ils sont tous arrivés nous aider dans le combat...
Pour Genia! — en entendait de quelque part de gauche.
Pour ma femme! — a transmis tout de suite la voix de Samed.
Mais il y a des appels, qu’on prononce clairement même dans le combat le plus chaud et, après avoir fait un tour de tout le front et après être répété un nombre infini, reviennent inchangés. Ils contiennent nos sentiments sacrés des fils envers la Patrie...
Sans avoir attendu le transfert du feu d’artillerie, l’infanterie s’est jetée avec impatience au rapprochement avec la troupe de débarquement maritime. Il leur y était difficile. Ils battent, saignent abondamment, pour que notre «hourra» leur ajoute de la force, les supporte...
Hourra-a-a!
On maintenant on ne court plus — on vole sur une vague puissante, on est emmené par cette tension, qui augmentait dans chaque combattant et maintenant s’est explosé dans ce cri. C’est ce moment-là, qu’on entend parfois les semaines. A telles minutes de combat le soldat arrête de se sentir séparément des autres. Son «je» s’est dissous, s’est uni avec tous les autres, qui enfoncent à travers les rafales de feu avec le cri sans cesse s’arrachant de la poitrine et de la gorge:
Hourra-a-a!
J’ai du m’assurer à plusieurs reprises, que la haute vague bouillant puissant de «hourra» d’attaque est un des dieux les plus sévères de la guerre.
Quand on a fait irruption dans le secteur du club des yachts, les hitlériens se sont jetés à courir dans toutes les directions, en laissant leurs armes... Dans la lumière d’incendie j’ai vu un marin, qui, en les poursuivant, a lancé derrière eux une grenade d'un seul élan, ensuite s’est retourné vers nous et en boitant gravement, est allé à notre rencontre en chancelant. Sa tête était bandée par une bande  entièrement trempée par le sang, du dessous de laquelle l’œil droit regardait. Il a levé la main avec une mitraillette comme pour l’embrassade, mais tout à coup, après avoir serré mon bras droit contre sa poitrine, s’est penché contre moi, comme s’il s’est endormi instantanément... Je l’ai serré dans mes bras.
Retire ta main... Le dos... Il est tout blessé, — a-t-il râlé.
J’ai retiré ma main. Le paume était rouge du sang. A côté nos soldats d’infanterie serraient dans leurs bras les marins. Mais il n’y avait pas de temps pour la fanfare...
En avant! —a-t-on entendu l’appel.
Il m’a semblé, que c’était la voix de Volodia.
Bats! Ils courent! Bats! — on entendait les cris de plusieurs voix en avant.
Le marin s’est pesé lourdement sur moi, et j’ai remarqué, que les forces le laissaient, et je l’ai fait s’assoir sur quelque caisse avec précaution.
Alors, camarade, repose-toi ici... Les sanitaires vont venir, — lui ai-je dit, en partant en courant en avant.
Quel type: repose-toi!— ai-je entendu dans mon arrière. — Moi aussi, je vais en avant... En avant!
Et il s’est mis à poursuivre les Allemands s’enfuyant d’un pas lourd et incertain presque à côté de moi...
Vers le matin les allemands ont quitté la ville «pour les considérations stratégiques», comme Goebbels calmait les hitlériens déjà inquiets de leur destin.
Comme cela arrive toujours, l’étouffement de plusieurs sources dispersées de feu, le nettoyage des sous-sols et des greniers se sont imposés...
Petia Ouchakov est allé à la voiture d’ennemi qui est rentrée au carrefour de deux rues dans le réverbère en fer. Après avoir ouvert toute grande la porte, il a relancé du pied le derrière sortant du-dessous du siège...
Sorts, le salaud!
Un officier est descendu de la voiture aux bras levés vêtu en uniforme S.S. connue.
Captivité, captivité...— marmottait-il de la peur.
Serguei n’a pas eu de temps pour dire «arrête!», et Petia a piqué à la machine le S.S. à travers de la poitrine par une rafale de mitraillette.
Mais qu’est-ce que tu as, Petia!
J’ai vu cette expressions du visage de Petia Ouchakov pour la première fois : ses lèvres se sont contractées, sa moustache a hérissé, les blancs des yeux se sont injectés, les narines ont été gonflées. Il respirait difficilement et, après avoir brillé par les yeux de la manière méchante sur Serguei, a commencé à retirer les documents de la poche du fasciste.
Tiens, tu aimes «Zolotoye rouno», n’est-ce pas. Le tabac est le nôtre. Fume, — a-t-il fourré un paquet dans les mains de Volodia Tolstov.
Tolstov l’a trouvé trop lourd. Il l’a ouvert: il y avait quelques montres, des bagues, des boucles d’oreilles, des dents et des bridges en or arrachés aux fusillés ou encore vivants — qui sait...
La ville couchée dans les ruines, continuait encore à flotter. Certaines maisons intactes semblaient drôles. Nous avons fait le tour de dizaines de rues et n’avons pas rencontré des habitants... La ville était morte, et chaque tas de ruines appelait à la vengeance.
En passant devant les restes d’une maison en briques dans une banlieue du sud de la ville, Volodia a prononcé d’une voix tremblant tout à coup:
Kostia... Entrons.
Tout de suite j’ai tout compris: nous sommes tombés sur celui, que chacun de nous évitait dans la conversation avec lui tous ces jours-là. Nous savions, que Volodia était d’origine d’ici et que ses parents y habitaient. Il était au courent, qu’ils avaient pu se sauver de l’invasion de l’horde fasciste, mais leurs traces se sont perdues.
Maintenant il regarde ces ruines et dit «entrons», où on entend clairement «chez nous»... Mais il n’y a plus où entrer.
Devant nous, comme un ancien caveau, se trouvent des ruines avec un mur détruit, près duquel un poêle rond peint sort absurdement...
Voilà... ici mes parents habitaient...— dit Volodia. Ses lèvres on fait un sourire, qui rendait le cœur serré.
Il s’est penché en examinant le coin du mur, même l’ai touché de son doigt. On dirait, qu’il cherchait quelque chose. Confus et d’une manière désagréable il a détassé l’ordure sur le plancher de la pièce et a montré une tache violette.
C’est là que ma sœur Tanuchka a renversé mon encre...— a-t-il souri de nouveau. — Elle aimait «écrire», mais à cette époque elle était encore trop petite... et moi, bien sûr, je l’ai fessée... Tu vois — un griffonnage sur le poêle: «P» — c’est «papa», et ici «M» — cela veut dire «maman»... Et «V» elle a rayé... pour se venger que je l’ai fessée... Nous nous sommes réconciliés seulement quand je partais au front. J’ai réussi de passer à la maison, tout de même...— Il continuait à observer le poêle et tout à coup, ravi, a exclamé: — Kostia, Kostia regarde! Ecrit de nouveau! Regarde ici: «V», «V» et «V»! Regarde combien de fois! — Il n’a pas pu tenir, sa voix a commencé à trembler.
On dirait qu’il lui était plus facile de supporter la vue de la ville détruite, du nid natal, que voir cette trace de l’angoisse  d’enfant.
Dans une heure, quand nous étions déjà dans le véhicule et sommes partid à Taman, Volodia est devenu tel comme il était toujours. Il plaisantait, riait, mais il ne s’est retourné jamais vers sa ville détruite.

VI
La péninsule de Taman est loin d’être un endroit le plus beau et le plus confortable de la terre. Son sol suinte constamment de l’eau pourrie. La surface de ses limans dépasse la surface de ses terres, je pense. A tout moment, les pieds du soldat tombent ici dans le marais palustre. Si on rampe, on est trempé, si on court en sautant, on s'embourbe... Et ce qui est particulièrement mal, c’est se retrouver ici au mois de mars, quand la neige fond et il peut sans cesse.
Les chars allemands et les colonnes de camions sont passés par toute la péninsule par une démarche lourde et ils ont été suivis ensuite par les nôtres; et voilà maintenant elle est toute balafrée par leurs traces, couverte par les fosses communes, les tas des camions touchés et les silhouettes des chars brûlés. Les eaux troubles et endormies de printemps coulent paresseusement par les ornières profondément enfoncées des routes de guerre lourdes.
Après le bariolage de Caucase et de Kouban il parait que cette péninsule triste a été trainée de quelque par du côté et a été jetée ici, près de la porte d’ouest du Caucase, comme un vieux paillasson.
La péninsule de Taman est séparée uniquement par un détroit  étroit de celle de Kertch, encore occupée par les hitlériens. Il est évident, que notre destin de soldat nous prépare à un bond au-dessus du détroit en Crimée. Evidemment, personne ne nous en a parlé. Mais nous avons atteint les limites extrêmes de la terre ferme. Nous avons jeté les fascistes, qu’on n’a pas tués, dans la mer.
Le fait, que nos soupçons de soldat étaient justes, se confirme par un nouvel art qu’on nous enseignait: on monte sur le bateau, il fait un demi-cercle dans la mer à cinquante mètres du bord, et nous devons, après avoir sauté par-dessus le bord, se retrouver sur le bord et déclencher le feu tout de suite. Il n’était pas autorisé de se noyer en aucun cas. Il n’est pas facile de nager dans le vêtement. Quelques dispositifs, qui peuvent sauver la vie, n’aident pas dans l’eau glaciale. Mais ce qui est le plus étonnant, que lors de ces baignades nous avons désappris d’attraper le froid.
Imaginez-vous: les mères, les femmes, les sœurs auraient poussé des oh, si on rentrait à la maison mouillés après être tombé par hasard du bateau à cette saison! Ici toutes les forces de la science moderne et les remèdes des ancêtres auraient été appelées au secours, on aurait été couché au-dessous de la couverture, au-dessous de la pelisse ou de l’édredon, on aurait donné à boire du thé chaud, de la confiture de framboise, on aurait frictionné et gémissait... Et ici, une gorgée de vodka et une nouvelle baignade pour demain. Et c’est tout... Peut-être, la moitié des maladies humaines se passent uniquement parce qu’on en a peur...
Il était difficile à Petia Ouchakov: il a décidé de prendre une mitrailleuse à main et a pris encore une paire de disques supplémentaires, sans compter des grenades. Voilà, il est sorti de l’eau, a repoussé à coups de feu et, après s’être déshabillé, a commencé à tordre sa vareuse. L’obus vole de Kertch... «Planquez-vous!» Tout le monde est tombé. La fontaine d’eau est montée près du bord. Nous nous relevons, pas tout à fait propres, mais Petia a eu une chance spéciale: il se lève noir comme un africain à cause du liquide collant de la côte, essuie de la boue collée sur la moustache respectée par nous tous.
Quelle muflerie! — gronde-t-il.
Quand les obus arrivent lors du bombardement, on peut distinguer, lequel est plus dangereux, et on tombe à temps par terre. Mais quand celui-ci solitaire et fou arrive, tout le monde pense, que le salut de lui est une chance spéciale. Une agitation gaie saisit tout le monde.
Cela prouve, cher Piotre Afanaciétitvh, comme notre cher sergent-chef de la garde Konstantin Sartaleev dirait, — plaisante spécialement de cette manière longue et compliquée Volodia, — qu’il faut mettre notre ennemi en face de vous de telle façon que vous le mettiez dehors par un seul coup de pied de la Crimée, et par un autre — de Berlin!
Volodia, habitant maritime, membre de ce club de yachts sur le territoire duquel lors la prise de Novorossisk notre rencontre avec les marins-parachutistes a eu lieu, est un nageur parfait. Il est sorti de l’eau le premier, en réussissant à ne pas mouiller les poches pectorales, et a changé le premier.
Comme il s'est avéré, dans la mer l’eau est comme l’eau... C’est mal, qu’elle est très froide...— a répondu Samed. — Chez nous en Ouzbékistan, marcher sur l’eau est une joie. Mais je n’aime pas le froid.
Ce n’est rien, Samed, quand du froid tu sauteras dans une affaire chaude, — il y aura du chaud tout de suite! — promet Vassia.
Volodia plaisante avec les autres. Il appelle la moustache de Petia une moustache du morse, il me taquine ainsi que Serguei, Vassia, et le forestier d’Oural Egorouchka, un gaillard de la taille, qui n’était pas inférieure que la taille de notre Zorine. Volodia assure, que le dernier ne se noiera pas à n’importe quelle profondeur, car sa tête de toute façon sortira de l’eau. Ses plaisanteries ne vexent personne, et seulement Petia, après avoir hérissé les cheveux, a montré ses dents sourdement sans une ombre du sourire et s’est mis à nettoyer  son agenda. Il l’a gardé de l’eau en mettant dans le calot, mais n’a pas protégé de la boue, quand il est tombé. Il feuilletait et nettoyait avec soins chaque page.
Alors, Petia, on a lavé ton compte? — le fait participer au badinage commun avec insistance Volodia.
— Non, il n’est pas possible de laver mon compte, il reste, — répond Petia encore fâché.
Petia tient son compte personnel d’après des colonnes: des soldats, des officiers, des véhicules et des chars. Après chaque combat il précise avec soins des affaires militaires et seulement après avoir reçu une confirmation des camarades, écrit dans son agenda. Il y a déjà longtemps, son compte a dépassé deux centaines, mais, comme il lui semble, il n’a rien ajouté dans la liste lors du combat nocturne pour Novorossisk. D’habitude, dans un grand combat, surtout la nuit, il est difficile à prendre en compte des ennemis tués personnellement par quelqu’un, mais c’est gênant de s’inscrire toute une ville.
Je pense, que notre Petia reviendra à la maison de la guerre une personne sévère et inaccessible pour les blagues, exigeante au maximum à elle et aux gens.
Dans ton équipe, partout où tu travailleras, il y aura de l’ordre! — remarque Serioja.
Et dans la tienne, il n’y en aura pas? Non, mon frère, tu travailleras aussi, comme maintenant. Vas-y, Kostia, lis-lui la lettre de ta mère. Pour qu’il se souvienne comment les femmes travaillent actuellement: chacune pour trois personnes.
A ce sujet Petia peut parler d'une manière convaincante, comme s’il ne pensait qu’au travail au kolkhoze pendant toute la guerre, comme si le lendemain toute notre section part pour la campagne des semailles...
Et où est ce Gelendjik? Là, peut-être va être mieux? — demande Samed à Volodia.
L’eau va être plus profonde, et la côte plus haute.
Et la boue?
Non, il n’y aura pas de boue.
Dans les rangs de soldats il y a des rumeurs, qu’on nous transfert pour les entrainements à Gelendjik. D’ici on fait conclusion, que quelque part les côtes hautes et la vrai mer nous attendent. Je n’ai peur ni de la mer ni des côtes hautes, mais j’ai une raison de regretter que nous partirons de la  péninsule de Taman. Les derniers jours j’entends la voix d’Akbota tout près: ses lettres m’atteignent le lendemain. Quelque part derrière ces limans ou les petites collines rougissant habite Akbota. Maintenant je chante même des chansons kazakhes, pour qu’elle entende, si elle passe par hasard devant. Je chante les chansons les plus cordiales, mais on peut chanter uniquement lors du repos dans un abri. Peut-être, c’est justement pour cela Akbota ne les entend pas... Il lui suffisait de passer par hasard devant notre abri et, après avoir entendu la chanson connue, entrer et après avoir salué conformément au statut, crier à haute voix et gaiement:
Camarade le sergent-chef de la garde, permettez-moi de m’adresser!
Malgré cette variante gentille de la rencontre du mari avec sa femme, il ne me parait pas parfait. Mais si soudainement une femme en capote d’officier ajustée parfaitement apparait et me demande une autorisation de s’adresser, il me faudrait  ... Revenez! Il vaut mieux qu’elle me réponde par une chanson pareille... Mais la guerre n’est pas l’opéra, et cette variante disparait vite. Je veux la voir à la folie, mais comment?
La guerre a ruiné les millions de familles. La seule vieille mère habite et fait le brave dans notre nid natal. Le frère est au nord extrême, moi, je suis au sud extrême... Et voilà on sent quelque part tout près, un être proche, on peut dire, sa femme, mais elle s’avère si loin, comme si elle vivait à la maison...
Pourrais-je demander, qu’est-ce qui a rendu triste votre visage, mon chef? — dit Volodia gai toujours.
Un vrai guerrier surmontera toujours les angoisses et les malheurs de son cœur, — lui réponds-je de la même manière.
Samed, parle-nous de Mollah Nasreddin, — demande Serioja.
Plus tard, on va bientôt avoir le signal de la retraite.
Tu vas réussir! Là, derrière la langue de terre, les gars sont encore en train de sortir de l’eau.
Samed s’est installé plus confortablement et tout de suit a pris un air le plus sérieux.
Il sait une quantité innombrable de récits sur Mollah Nasreddin  et est très doué en humour. Dans ses récits Mollah Nasreddin  renait dans les tranchées de la Grande Guerre Nationale, se retrouve entre les éclaireurs et pénètre dans l’état-majeur hitlérien, noie les fascistes dans quelque puits, où « les poules » et « les œufs » fameux leur semblent, il rencontre Roosevelt et  Churchill dans une rue de Téhéran et leur pose des questions astucieuses sur le second front...
Un rappel. Nous revenons en vedette vers les abris...
Pendant tous ces jours j’observais Samed de près. Il est venu chez nous de l’hôpital les dernières heures avant l’embarquement dans l’avion nous amenant à Novorossisk. Il est déjà allé trois fois avec nous en exploration et s’est montré comme un soldat courageux et intelligent. Lors de la bataille pour Novorossisk il sautait en pied courageusement, en lançant la grenade, tirait avec justesse, et lors du combat corps à corps il battait de tout ce qu’il pouvait, jusqu’à l’appui du fusil. Grand, décharné, maigre... Je me forçais de deviner son métier: un teneur de livres de kolkhoze, un professeur de l’école primaire, peut-être, un agronome ou un technicien-constructeur? Vérification faite il s’est avéré un opérateur de cinéma roulant à moto par des salons de thé et des kolkhozes et s’arrangeant à tourner un film sur trois-quatre écrans. Peut-être, d’ici prennent origine sa rapidité et sa ponctualité, avec lesquelles il exécute ses missions de combat, ainsi que des commissions les plus insignifiantes.
Il le fait avec quelque légèreté spéciale, qui parfois donne une impression de l’insouciance. Aux minutes de danger deux rangs de dents blanches brillent aux camarades par un sourire, comme lui-même ne voit jamais aucune menace. Samed a fait ami avec tout le monde sans cérémonie, en se tutoyant à la manière de soldat. Et seulement moi, il me vouvoyait selon le statut et utilisait la manière de parler du subordonné, mais ses yeux marron perçants en même temps me disent gaiement et amicalement: «On se tutoie ?». Une blague l’échappe même au moment où, il semblerait, il n’est pas le temps de plaisanter. Et dans tous les cas, il se rappelle impérativement de sage Mollah Nasreddin populaire et de sa sentence. Mais son insouciance et son enjouement n’agacent personne, au contraire, tout le monde est lui reconnaissant...
Quand nous sommes revenus dans notre abri après la baignade régulière, je me suis approché de lui et ai tendu ma blague à tabac.
Mollah Nasreddin conseille ne pas s’obéir toujours au Coran, — a dit Samed, en se mettant à rouler «un cousue-main».
Après avoir cligné des yeux, il m’a regardé droit dans les yeux et a dit d’une manière affirmative et non pas hypothétique:
Camarade le sergent-chef de la garde a décidé de comprendre, ce qui suis-je comme drôle de type... N’est-ce pas?
Pas du tout, — ai-je marmotté, un peu distrait de la question directe. — Tout simplement je voudrais savoir, d’où vous savez autant de récits intéressants...
De la part de mon ancien ami, que j’ai rencontré une fois lors du combat, — a répondu Samed.
J’ai entendu dire, que vous étiez du front de Stalingrad...
Oui, il m’a fallu...— a-t-il prononcé brièvement, et un reflet triste du survécu est passé sur son visage.
Mais pourquoi tu ne nous parles pas des batailles de Stalingrad? — ai-je demandé, en sentant, que lui aussi, il voulait nous faire part de ses souvenirs. — Stalingrad est une ville natale pour nous aussi, au Caucase nous battions pour lui aussi... Raconte!
Aucun soldat ne vous le racontera, — a répondu Samed. — Je pense, même tout le régiment de soldats ne racontera pas. Quoi que, si on rassemble un bataillon de généraux, ils y arriveront à grand-peine...
Mais toi, raconte, ce que tu as vu toi-même.
Pas beaucoup... Car le soldat voit uniquement ce qu’il a sur sa ligne de visée... Trois mois et trois jours je n’ai presque bougé d’une seule place. Nous tenions la maison. C’était une maison parfaite : avec les voûtes de pierre, avec des colonnes de fer à béton, elle pourrait rester pendant des siècles. A notre droite il y avait un grand beau théâtre, et derrière lui on voyait une ville large parfaite. Au début j’étais assis avec une mitrailleuse au grenier. Dans trois jours on nous a détruit l’étage supérieur. Nous sommes descendus plus bas, au lieu de la mitrailleuse détruite on a mis une autre. Alors on voyait moins, le théâtre nous a tout fermé, sauf la rue la plus proche. Puis le jour après jour on nous détruisait un étage, et nous nous sommes retrouvés dans un sous-sol. Au-dessus de nous un voûte à moitié tombé était pendu et les colonnes en béton sortaient, — et c’était ce qu’on défendait... Est-ce que tu as été à Samarkand? Non? Pour le retour de la guerre de Tamerlan sa femme la plus belle Bibi-Khanoum a ordonné à construire une mosquée étonnante. Quand on la regarde, on regrette toujours, que le temps a détruit cette beauté. Mais le temps a travaillé six siècles, par contre ici, sous nos yeux, toute une ville se transforme en ruines pires que la mosquée Bibi-Khanoum... Lors de trois mois neuf personnes restaient de notre compagnie... Nous avons oublié quel air a le visage humain quand il sourit... avons oublié comment résonne la voix quand la personne plaisante... Quand on restait sept, les Allemands ont jeté un bataillon en attaque sur nous. Le chef m’a envoyé de demander un renfort. Pendant que je pénétrais à travers des pierres volantes, de la fonte et du fer, la nuit est tombée.... On ne m’a pas donné de renfort, je revenais et j’entendais, que les Allemands traquaient les nôtres. A ce moment-là je ne pensais qu’à revenir vivant chez mes gars, car pour eux, j’étais un renfort, tout de même... Et là, j’ai rencontré un ancien ami, qui m’a glissé à l'oreille quelques paroles et m’a fait sourire. C’était Mollah Nasreddin. Et comme ça, moi et lui, nous sommes allés en rampant sur les ruines, en discutant son conseil. Quand on a atteint les nôtres, il n’y avait que trois vivants. Les fascistes continuaient à traquer... Mais nous avec Nasreddin leur avons tout cassé. «Ja, khannan!» — a crié Nasreddin, en jetant la grenade, et, en sortant de l’abri, s’est jeté avec une mitraillette à la rencontre des fascistes... Je l’ai suivi, et les gars m’ont suivi, et les fascistes se sont enfuits. Nasreddin les a trompés: ils ont cru, que nous avions eu une nouvelle compagnie fraiche. Nous avec Nasreddin avons été décorés par l’ordre de la Grande Guerre Nationale pour cette affaire et nous sommes accordés de ne pas nous séparer...
Samed souriait gaiement et chaleureusement. Après avoir écouté, je lui ai serré sa main fortement.
Bien, cher Samed, bouge plus souvent Mollah Nasreddin. Pour qu’il fasse la guerre avec nous. Encore un bon soldat à la guerre ne peut pas être en trop!
Les rumeurs de soldat se sont réalisées. A l’aube notre vedette a fait un demi-cercle habituel à la plus grande vitesse sur un nouvel endroit — sous la côte haute de Gelendjik.
C’est un faux Gelendjik, — m’a glissé à l’oreille Volodia, mais n’a pas eu de temps pour expliquer, ce qui «faux» signifiait, et a sauté par-dessus du bord.
Il a été suivi par Samed, Egorouchka, Petia, Serguei, Vassili... Et deuxième vedette arrivait...
Samed et Egorouchka, après avoir atteint le fond par leurs pieds, voulaient aller vers le bord.
Nagez! — ai-je crié.
Trois fois jusqu’au matin nous avons attaqué le bord de la mer accompagnés du claquement des mitraillettes et les explosions des «grenades» du bord, où se trouvait «l’ennemi» conventionnel.
Volodia était le meilleur nageur, mais Petia le dépassait et ouvrait vite le feu. Sorti de l’eau glaciale, comme d’une couverture lourde, il donnait la rafale du fusil-mitrailleur plus tôt que les autres, en neutralisant le feu «d’ennemi». Serioja s’est avéré le plus faible. Il sortait de l’eau le dernier et grimpait les pierres le dernier.
Vers le soir je vais arriver près des tous, dès que je changerai les bottes : elles sont trop grandes! — faisait le brave Serioja.
Le soleil froid se levait derrière des chaînes de montagnes, quand après avoir tordu vite des vêtements, nous nous sommes habillés et avons attrapé des gourdes.
Mahomet n’a pas ordonné de boire du vin! — riait Samed, en frappant légèrement par ses dents par le goulot de la gourde.
Après avoir bu une gorgée, Serioja fait «une course sur place», et Ouchakov est toujours en train de tordre sa vareuse.
Tords plus fort, que ça ne soit plus mouillé! — encouragent-ils l’un l’autre.
Nous nous sommes déjà habillés tous et avons versé de l’eau des bottes, et malgré que sur le corps la chaleur passe grâce à une gorgée d’alcool, les dents tapaient encore et il manquait du rire amical, pour se réchauffer. Le rire est un feu intérieur de l’homme.
Allah était deux femmes...— tout à coup, spécialement en défigurant la langue, a commencé Samed une de ses blagues.
Le rire total s’élève de surprise.
Notre rire amical, reflété dans les rochers maritimes nus, a attiré une attention de trois hommes assis non loin sur les  pierres. Ils se dirigent vers nous. Nous avons reconnu le capitaine Mirochnik. Près de lui il y avait deux autres aux combinaisons trop larges d’aviation. Après avoir donné la commande «garde à vous!», j’attends l’arrivée du capitaine. En surmontant le frisson, les gars se sont mis au garde-à-vous. Et tout à coup j’ai reconnu dans un des pilotes, qui avait des pattes d'épaule du colonel d’aviation, l’homme le plus proche pour moi: Cheguin s’approchait de nous.
Je me tenais debout devant lui, trempé, gelé, mais plein de fierté du mon chemin passé. Ses yeux ont rencontré les miens et m’ont réchauffé tout de suite complètement. Cheguin, comme le supérieur parmi les officiers, a donné la commande «repos!» et s’est adressé à Mirochnik.
— Ici il y a mon petit frère chez vous, camarade le capitaine de la garde.
Non, nous ne sommes pas jetés sur le cou l’un de l’autre, ne nous sommes pas embrassés. Rien de pareils ne s'est passé. Nous ne nous sommes même pas tapés les épaules l'un l'autre...
Chacun de nous, après avoir regardé plus près l’un l’autre, a compris, comment l’autre faisait la guerre et comment il fait la guerre.
Nos chemins se croisaient plusieurs fois, quand Cheguin volait au-dessus de ma tête. Cela arrivait très souvent, qu’il me semblait, que tout ce que je pouvais raconter, il savait par cœur.
Evidemment, après s’être rappelé de son attitude envers moi, Cheguin a remarqué en passant:
Ben, toi, à cette guerre, tu as vu, je pense, plus, que moi de mon altitude...
Je n’ai rien dit.
Discrètement nous avons touché le sujet, que jadis m’a paru  enfantine pour la conversation avec Cheguin.
Tu te rappelles de ton premier jour à Gouriev? — m’a-t-il demandé, et j’ai lu dans ses yeux notre été de Gouriev.
Et la ville elle-même s’est levée devant moi telle, que je l’ai vue pour la première fois: très dense, étroite, bruyante, comme une foule de bazar. Il me semblait à cette époque, que les maisons ont été mises l’une vers l’autre si proche parce que tous les gens habitaient au bazar, et la ville était le bazar. A l’aoul c’était différent... Kara-Mourte m’envoie appeler le tonton Sabite. Et devant moi il y a un champ vaste : pas de rues, pas de ruelles. Je cours à travers ces cours, saute au-dessus du chien connu, tourne encore exprès de côté pour sauter au-dessus du veau attaché, passe sur le toit de la hutte... Maintenant il est même étonnant, comment telle hutte ne se détruisait pas sur ses habitants. J’habitais aussi dans la même hutte, et Cheguin est né et habitait dans la même hutte dans son petite enfance. Nous pouvions nous rappeler même de ce, qu’on a vécu séparément, nous avions beaucoup de commun au début de la vie...
En s’interrompant, nous nous rappelions ensuite de ce, que nous avons vécu ensemble.
Tu te rappelles de notre milicien? —  avec un œil éclairé de ses yeux sévères froids rappelle Cheguin, et, sans attendre la réponse, avec une nuance d’enthousiasme répond lui-même: — Comment il voulait qu’on fasse nos études!
Maintenant il est président de notre kolkhoze.
C’est vrai? Donne-moi son adresse. Je vais lui envoyer une carte postale, — Cheguin sort son agenda. — Voilà, entre outre...— il m’a tendu une photo d’une petite femme avec un bébé sur ses genoux, — c’est ma femme et ma gosse. La femme te connait autant bien que moi-même. Tout le mois je lui ai parlé de notre enfance pendant les vacances.
Cheguin a noté dans son agenda l’adresse de notre kolkhoze, ensuite la mienne, a déchiré une feuille et a noté le numéro de son secteur postal. Après avoir roulé la feuille, il me l’a tendue, et je l’ai cachée derrière le revers du calot.
Tu sais Kostia, ne perdons plus l’un l’autre de vue. Peut-être, nous allons atteindre Berlin ensemble... A bientôt, — a dit Cheguin en disant au revoir.
Belin?
Mais non! On se verra avant. Maintenant je sais, que nous sommes tout le temps les voisins et faisons la guerre ensemble.
Dans deux jours environ nous avons appris à grimper  instantanément sur la côte de l’eau, et même Serioja n’était pas en retard des autres.
On nous a délivré un nouvel équipement militaire. Les bottes avaient des semelles tellement épaisses, qu’avec elles on pouvait aller jusqu’à Berlin.
La nuit, devant l’ordre de toute la compagnie, le chef nous a lu l’ordre spécial du généralissime pour notre unité. Pour cette nuit le débarquement sur la péninsule de Kertch  a été fixé.
Sur la feuille de l’ordre nous avons écrit notre serment de soldat d’exécuter la mission de combat.
VII
La côte noire de la mer nocturne bouillante. Le vent violent nous transit, et il est désagréable de penser, que dans cette eau froide hurlante nous serions obligés encore de se baigner. Nous attendons la fourniture des vedettes.
Préparez-vous! — on entend la commande de Reviakine dans la disposition du régiment voisin, à deux dizaines de mètres de chez nous.
Nous sommes prêts depuis longtemps. Les mises sur pied de soldat ne sont pas difficiles. A travers le bougonnement de la mer le vent nous apporte le bruit des moteurs. Elles arrivent? Non, c’est de l’illusion acoustique...
J’étais en train d’écrire à Cheguin, quand Reviakine a apparu dans l’abri. Il est venu pour parler de la mission à venir.
Vous allez avoir le débarquement dans les arrières de l’ennemi. Pour quelque temps ce débarquement peut être coupé...
Reviakine nous préparait pour les plus grands inattendus.
C’était ce qu’Ouchakov Volodia disait: déloger l’ennemi de la Crimée par un coup de pied fort. Pour ce faire, premièrement il fallait créer une place d'armes. Notre mission était nous grimper sur la péninsule de Kertch du côté de sud. Sur le côté de nord un autre groupe se tenait longtemps...
En terminant la conversation Reviakine a sorti du sac et a mis devant lui quelques lettres pliées en triangle. Et d’après sa manière avec laquelle il a arrêté son regard sur moi, j’ai compris qu’une d’elles était de la part d’Akbota. Reviakine a déjà appris à deviner ses lettres d’après son écriture.
Et c’était juste, quand il nous a distribué les lettres, une était à Vassia, l’autre à moi... Après l’avoir ouverte j’ai sursauté: la lettre d’Akbota a été écrite le même jour au matin.
Répondez à vos lettres aujourd’hui, et il vaut mieux tout de suite, — a souligné Reviakine d'un air significatif.
Mais nous-mêmes, nous comprenions qu’après la conversation pareille il n’y avait pas beaucoup de temps avant l’opération.
Donc, Akbota est quelque part tout près. Peut-être, dans quelques centaines mètres... Peut-être, demain je pourrais la retrouver.
Et si aujourd’hui, effectivement, nous ne partirons nulle part! Mais c’est possible, que l’opération aura lieu non pas aujourd’hui, mais demain?
A tout hasard je lui ai écrit une lettre, en lui confiant Cheguin à ses soins, après l’avoir présenté par correspondance comme mon frère aîné. Dans ma lettre à Cheguin j’ai ajouté une demande de trouver Akbota et lui communiquer mon adresse. Sans ménageant mes termes, j’ai raconté, comment c’était douloureux d’apprendre qu’elle était tout près, et moi, je n’avais ni temps ni possibilité pour la retrouver. Bien sûr, je n’ai rien écrit sur le débarquement à venir.
Après avoir terminé les deux lettres, j’ai sorti du revers  du calot la feuille de Cheguin, où il avait écrit le numéro de  son secteur postal... Je l’ai regardé et j’ai plissé mes paupières, comme du foudre: c’était le même nombre avec quatre caractères, que sur l’adresse d’Akbota, et seulement après les chiffres au-lieu de «A» habituelle il y avait une lettre «D»...
La guerre nous interdisait de communiquer l’un à l’autre l’endroit exact de l’emplacement de l’unité et du caractère de l’unité. Moi, à vrai dire, j’écrivais à Akbota, que j’étais éclaireur, et elle, comme une femme, elle était plus rigoureusement ponctuelle que moi, et elle n’a rien écrit. Mais comment je ne pouvais pas deviner moi-même jusqu’à ce jour, où est à l’armée la place aux «chefs des vents» et aux «maîtres des nuages»! «Il fallait être un imbécile complet et une bûche, pour ne pas comprendre, qu’elle est dans l’aviation!» — je me reprochais maintenant.
Au premier trimestre le plan est exécuté avec un avancement de vingt-trois! — a dit à brûle-pourpoint Grichine.
De vingt-trois? — Je n’ai pas compris de quoi il m’informait. — Attends, quel plan?
Comment ça — quel plan! D’où tu es tombé? Trimestriel!
Trimestriel? 
Il a secoué la tête.
De Karaganda! Qu’est-ce qui n’est pas clair ici! Et on a mis en service une usine...
Ah... oui, oui. Félicitations.
Vassia répond: «Merci». Il s’est déjà habitué complètement à Karaganda, que ma balourdise l’a vexé. Il comptait me faire plaisir par cette nouvelle de la patrie, et il lui semble, que j’acceptais sa nouvelle sans assez de joie...
Mais je pensais à une chose différente. S’il me restait le jour de demain, je demanderai à Mirochnik une autorisation  d’aller à l’aérodrome avec un véhicule, qui ira dans la même direction. Je sais qu’elle est ici, seulement à quelques dix kilomètres...
Cependant justement à ce temps on nous a alignés, et voilà, nous nous tenons debout en attendant l’arrivée des vedettes.
J’ai raconté à Volodia ce qui est arrivé, en avouant qu’à ce moment j’avais peur de me retrouver loin de ma femme. Je viens d’avoir une illusion de la proximité et du bien-être relatif dans notre «famille» avec Akbota. Et voilà...
Hodja Nasreddin  me disait un jour, — s’est mêlé Samed: — «Le mari est mal, quand il ne sait pas, où est sa femme et ce qu’elle fait. Mais Allah envoie aux maris des épreuves pareils, pour qu’ils sachent, que les femmes n’aiment pas l’incertitude du destin de leurs maris non plus...»
Samed a interrompu sa tirade sage, en écoutant le grondement des vagues. Oui, ce n’est plus tout simplement un hurlement des vagues, ce sont les moteurs... Alors, les vedettes arrivent.
Les moteurs font du bruit plus haut. Sur la vague noire les silhouettes des vedettes ont apparu furtivement au clair de la lune associée des nuages. Ils s’envolent sur les crêtes et reculent de nouveau, en craignant des pierres.
Préparez-vous! — on entend à côté de nous une commande de capitaine Mirochnik.
Suspendu sur la vague, la vedette sort de la mer et fait une halte près de la rive.
Ja, khannan! — s’exclame Samed, en montant sur la vedette. A côté de lui je vois une personne énorme de son voisin, Egorouchka.
Je reconnais les autres sautant sur le pont. Tous, nous nous tenons par les rampes. La vague lance la vedette en l’air avec nous, mais elle devient plus lourde et stable de notre poids. Le capitaine est déjà sur la vedette.
— Sartaleev, est-ce que tout le monde a embarqué?
Affirmatif!
Gorine, les vôtres sont tous aussi?
Affirmatif.
Notre vedette flotte pour couper le chemin aux vagues aux crinières, soit en y montant, soit en glissant comme de la montagne. Quand elle rampe comme un scarabée, sur la crête de la vague, on voit pour un instant d’autres vedettes. D’abord nous les voyions tout près, maintenant ils s’en vont dans les différents côtés et disparaissent.
La mer bat notre petit navire en avant, en arrière, dans les côtés, fait sauter en l’air et jette dans l’abîme...
Ce n’est pas plus profond que le fond de l’enfer, — remarque Samed.
Et tu l’as vu?
Je n’ai pas vu moi-même. Hodja Nasreddin m’en a écrit une lettre...
Tout sur nous était trempé comme une soupe. La presse ne laisse pas nous réchauffer par des mouvements. Les doigts gelés ne sentent pas les rampes par lesquelles nous nous tenons fortement. L’homme de barre coupe courageusement les vagues.
— Qu’est-ce que Hodja Nasreddin écrit encore ? Samed, raconte...
Les vedettes se sont redressées dans la haute mer, se sont rapprochées. Nous avons vu de nouveau au clair de la lune, quelle armada sévère de combat nous étions. Et voilà, après avoir tourné court, la vedette s’est mise à courir vers la côte...
Malgré que le hurlement de la mer fût fort, les allemands ont capté le son des moteurs et ont ouvert le feu. Au-dessus de nos têtes ont hurlé les avions fascistes, et tout à coup très haut au-dessus de nous les feux pendant des bombes d’éclairage ont commencé à s’allumer, en éclairant vivement notre flottille. La canonnade de la côte se renforçait. Les obus tombaient entre les vedettes, en faisant sauter les fontaines d’eau.
Ja, khannan! Attrape!
Samed a mis en joue et par le tir a abattu le feu vif suspendu au-dessus de nous...
Les rafales de balles traçantes glissaient des vedettes sur les fusées, en éteignant les feux. Mais les obus et les bombes d’avion ont commencé à tomber plus densément sur le détachement de débarquement.
Notre vedette allait vite vers la côte. Derrière elle dans la lumière de micelles deux ressacs longs gris trainaient. Près de la côte il y avait un mur de feu : les fusées, les balles traçantes, les explosions des obus et des bombes. Mais notre vedette était je ne sais pas pourquoi hors de cette zone, comme si le combat n’était pas avec nous: les balles sifflaient plus haut que nos têtes, les avions bombardaient derrière nous...
 
Nous nous sommes éloignés des autres, — a remarqué tranquillement Mirochnik, — mais pour nous c’est tant mieux...
Il n’était pas difficile à comprendre les pensées du capitaine. Les fontaines d’eau sont restées en poupe. Après avoir passé une bonde éclairée, la vedette de nouveau s’est retrouvée dans les ténèbres épaisses. Nous avons passé la zone de feu, et devant nous la côte noircissait...
Personne n’est blessé? — a demandé le capitaine.
Il me semble que personne.
Et seulement dans une minute, en surmontant sa confusion, Serioja a avoué:
— On m’a touché un peu...
Il s’est avéré qu’il a été blessé dans son bras droit. Toute son  autre blessure nous rendrait moins triste, que celle-ci. Malgré qu’il soit soldat maintenant, mais nous voyions un peintre en lui.
Ce n’est rien...— marmottait-il, quand on lui bandait la blessure.
Vous allez revenir avec cette même vedette! — a ordonné Mirochnik.
Non loin de la côte la vedette a fait son demi-cercle habituel.
Saute! — a ordonné le capitaine et s’est jeté le premier dans l’eau...
Ainsi nous nous sommes séparés avec Serioja, sans avoir eu de temps pour se dire au revoir. Qui sait, comment il arrivera, de toute façon, il vaut mieux être tous ensemble... Petia seul, en lui enlevant la mitraillette et les grenades, a eu du temps pour le serrer dans ses bras, avant de sauter dans la mer, qui bouillonnait près de la côte, comme une chaudière.
Après avoir sauté j’ai senti le fond marin par mes pieds, mais au-dessus de ma tête l’eau glaciale profonde s’est fermée, qui au premier moment paralysait mes mouvements. L’instinct a tiré mon front en haut. Je suis sorti jusqu’aux épaules au-dessus de l’eau et a avalé de l’air nocturne par toute ma poitrine. La vague m’a emporté, m’a recouvert, et a commencé à porter, et j’ai senti un moment les pierres au-dessous des pieds, mais par la lourdeur des coups on m’a renversé de nouveau et a entraîné tout au fond. Le coup de vague suivant m’a jeté de nouveau sur les pierres. Je les ai attrapées et au moment du reflux j’ai réussi à me sauver des vagues...
Devant moi dans les ténèbres deux personnes se sont levées. Je me suis rappelé tout de suite de ma mitraillette et l’ai épaulée en un clin d'œil.
Revenez! — m’a arrêté à voix basse le capitaine Mirochnik.
Chacun surmontait l’astuce du ressac maritime de sa propre manière, tous sont sortis de l’eau. Les calots, les sans et d’autres charges en trop sont restés dans la mer. Les mitraillettes et les  munitions se sont toutes conservées. La mer laissait partir les combattants par un ou par deux. Jeté un des derniers, Samed s’est jeté vers Volodia.
 
Ja, khannan! — a-t-il crié.
Devant nous il y avait une berge rocheuse. Presque au-dessus de nos têtes deux mitrailleuses allemandes comme à contrecœur, avec des pauses ont commencé à lancer des rafales dans le vaste espace maritime. Les Allemands ont vu, que les vedettes sont parties, croyaient que le débarquement était tué et, évidemment, montraient les dents à tout hasard. De cette façon les chiens d’un seul aoul font écho paresseusement à la bagarre dans l’aoul voisin.
C’est un paradis ici, — a dit Samed, — il ne manque que du pilaf!
Mais nous sans pilaf avons bu par gorgée de la gourde avec de l’alcool...
Quelque part, loin à notre gauche, la canonnade d’artillerie de la mer continuait et n’affaiblissait pas. A la mer on ne voyait aucune vedette, qui irait vers notre côté. D’après le mouvement des feux de fusées, selon les explosions des obus à balles et d’après le vol des balles traçantes de la côte on pouvait supposer, que les troupes de débarquement se sont retournés. La bataille sur la mer n’était ni dans les missions ni dans les possibilités de notre troupe de débarquement.
Couchés sur les ventres tout près de la pente raide littorale, à la proposition du capitaine Mirochnik nous avons ouvert le premier «conseil militaire»...
En attendant que les Allemands aillent commencer «ratisser» la côte, nous avons envoyé dans deux côtés le long de la bande littorale étroite une personne de patrouille.
Actuellement nous avons une largeur du territoire cinq mètres juste. Au-dessus de nous il y a des pierres, et derrière notre dos il y a la mer. C’est ce qu’on appelle, «à l’étroit, mais sans offense», — a dit le capitaine d’une manière vive et même un peur gaie. — Les amis, comme vous voyez, nous n’avons pas de place pour la retraite. Mais pour attaquer, il y a plein d’espace. Alors, nous allons attaquer. La péninsule est la nôtre, soviétique. Prouvons aux Allemands que nous sommes les maîtres de notre terre, et qu’ils se retirent eux-mêmes!
Nous nous rappelions du serment donné lors de l’annonce de l’ordre. Notre «conseil militaire» a décidé d’attaquer.
Chacun de nous comprenait, que le débarquement de deux dizaines de combattants n’était pas capable de prendre les villes. Mais tenir un territoire, duquel il donnerait une aide au débarquement suivant, plus important, il pouvait, s’il ne perdait pas la tête. Le capitaine Mirochnik était cette tête pour nous. Et vingt combattants, qui connaissent leur prix, sous direction du chef intelligent et courageux ont pu devenir une force. Nous savions qu’on y est venu non pas pour une promenade. Nous nous sommes tous préparés, qu’ici, peut-être, nous serons obligés de donner notre vie pour la Patrie. Mais cela ne signifiait pas, que nous allions mourir n’importe comment... 
Les mitrailleuses de la garde allemande de la côte continuaient encore à tirer à tout hasard sur la mer sombre faisant du bruit, en éclairant rarement le littoral par les fusées.
Pendant que nous nous couchions sur la côte pierreuse, en levant les pieds pour que l’eau coule des bottes, nos capotes se sont séchées un peu, l’arme a été examiné et mis sur pied. Le capitaine a divisé notre détachement en deux groupes. Il gérait l’aile gauche, et la droite m’a été passée.
Si nous n’avons dévié loin, dans trois kilomètres d’ici doit être un petit village, qu’il faut passer à la vitesse de la balle. Dans cinq cent mètres au nord il y a un kourgane. D’après le plan d’un grand débarquement, notre campagne a été nommée pour la prise de ce kourgane. Nous allons agir, comme l’ordre a été donné. La mission de combat reste la même: la prise de la hauteur dominante au-dessus de la côte vers le nord du village. C’est clair à tous?
Affirmatif, c’est clair.
Ensuite le capitaine a donné à chaque combattant un slogan spécial, qu’on pense qu’il y ait plus de voix: «A mort les salauds fascistes!», «Pour la terre soviétique!», «A mort les occupants!», «Pour la Crimée!», «En avant jusqu’à Sébastopol!» Dès que le capitaine crie son slogan «Pour la Patrie!» — les voix des combattants ne doivent pas se taire, avant qu’on n’atteigne pas le kourgane fixé.
Le capitaine Mirochnik a distribué parmi nous également les  commandes:
«Le bataillon ukrainien, en avant!» 
«Le bataillon kazakh, en avant!» 
«Le bataillon ouzbek, suivez-moi!»
Et personne n’a trouvé drôle, que dans chaque ce «bataillon» il n’y aurait qu’une seule personne. Nous devions remplacer tout un régiment.
Avancer en silence, avant qu’on tombe sur la résistance. A s’orienter d’après moi, — a conclu le capitaine.
Je marchais avec mon groupe en respectant l’intervalle de dix mètres entre les combattants fixée par le capitaine. Dans cinquante mètres à gauche notre capitaine marchait avec ses combattants.
Nous sommes montés sans bruit, mais sur les premiers cinquante pas à partir de la pente raide littorale le guêpier a vrombi, et le combat s’est accroché.
Notre capitaine a crié son slogan. J’ai donné la commande la plus longue dans le monde entier:
Le ba-a-ataillon kazakh, en a-a-avant!
Les chefs de nos «bataillons» ont crié la commande qui n’était pas moins sévère, grondait «hourra», et notre «régiment» s’est mis en attaque sous claquement des mitrailleuses...
Effectivement, nous attaquions l’ennemi, comme tout un régiment, mais en même temps nous nous précipitions vers le but fixe comme à l’abri. L’expérience nous disait, que sur le kourgane on peut trouver les tranchées, et peut-être même les nids de mitrailleuse...
Nos voix résonnaient sans cesse. Samed hurlait: «Ja, khannan!» drôle et violent. Nous avons couvert par des grenades quelques tranchées et en entrant en combat corps à corps, sommes passés au-dessus d’elles vers notre but. Pris au dépourvu, les Allemands jetaient les grenades, qui explosaient derrière nos dos déjà à la distance sûre. Les autres, effrayés par le bruit et les explosions, se jetaient à la fuite.
Comme il a été ordonné, «avec la vitesse de la balle» nous avons passé en courant le village, en lançant dans les rues un éventail de rafales de mitraillette.
Devant nous la colline de la hauteur fixe se dessinait sur le fond du ciel. De la hauteur de deux points, des mitrailleuses  ont bombardé. Mais non seulement ces deux mitrailleuses, qui nous bombardaient: on nous bombardait du droit et du gauche, de l’avant, bombardait sur les voix, sur les explosions des grenades, sur les sons de notre tir.
Le remue-ménage commencé par les Allemands nous a  sauvés: du côté il y avait une impression, qu’il y avait des feux croisés du grand combat nocturne. Notre feu était le plus petit de tous. Le tir allemand nous aidait. Nous courrions déjà à travers l’emplacement d’ennemi, et le tir commencé à notre poursuite  atteignait les Allemands eux-mêmes, qui, évidemment, le prenaient pour le tir d’adversaire.
Nous avons atteint le kourgane avec telle vitesse, que les mitraillettes bombardaient uniquement nos traces. Comme en se réveillant progressivement, leur répondaient les mitrailleuses   de tous les environs. Les Allemands en s’énervant, ont ouvert le feu, on dirait, sur tout l’île. Comme le capitaine Mirochnik a reconnu plus tard, lui aussi, comme moi, pour quelques minutes a eu un espoir, que nous n’étions pas seuls, que peut-être, les combattants attaquants nous suivaient, après avoir débarqué...
Nous nous trouvions déjà au pied du kourgane, et au-dessus de nos têtes seulement les balles accidentelles sifflaient. Nous avons grimpé le kourgane sans aucun coup de feu, couverts par l’obscurité, ensuite, après être levés, avec un cri brusque nous avons attaqué le sommet... Quelques silhouettes grises ont sauté des tranchées sous nos cous de jeu des mitraillettes.
Planquez-vous! — nous a commandé Mirochnik.
Les explosions ont résonné. Quelques grenades ont atteint le trou de l’ouvrage permanent...
Hände hoch!  ja, khannan!.. 
La garnison de l’ouvrage permanent fasciste a été détruite.
Ne pas arrêter même pour une minute le bombardement des pentes de kourgane! Trouvez les micelles, lancez-les dans toutes les directions! Pour qu’ils croient que le kourgane est dans leurs mains...
Volodia et Egorouchka ont commencé à bombarder des mitrailleuses laissées par les allemands.
Sartaleev, va examiner l’emplacement et faits un rapport, quelle exploitation ils ont!
Les combattants travaillaient juste et vite. L’ouvrage permanent a été nettoyé des Allemands tués, les fusées se sont envolées dans le ciel...
Moi et Petia, nous examinions le renforcement, le capitaine a observé l’exploitation à l’intérieur de l’abri.
La hauteur s’est avérée bien protégée, malgré qu’elle ne fût pas terminée par l’équipement. Le local principal de l’ouverture permanant se communiquait avec les passages souterrains de communication avec deux nids de mitrailleuse en béton latéraux. Les tranchées profondes couvertes menaient aux cellules masquées de combat des tireurs à la mitraillette.
J’ai fait un rapport de tout. Le capitaine Mirochnik a haussé les épaules avec embarras.
Quel diable ils nous ont donné si facilement cette chose?
Il ne faut pas les en vouloir, s’il vous plait, camarade le capitaine, — a donné sa voix Samed, comptant les munitions de combat.
En mettant en ordre les trophées laissés, nous avons trouvé le plan du renforcement pris. Nous avons compté nos pertes. Sept personnes n’ont pas atteint le sommet de la hauteur. Nous étions sûrs, que parmi nos combattants il n’y avait pas de prisonniers. Pour trois kilomètres et demi du chemin de combat et pour telle opération, que la prise de la hauteur renforcée dominante au plein centre du territoire d’ennemi, c’étaient petites pertes fantastiques. Si cette opération était faite par un bataillon au complet et la hauteur prise avec une perte d’un tiers de combattants, on pourrait le croire parfaitement faite.
Le capitaine a mentionné sur le plan, où mettre des postes de tir.
Notre compagnie, comme le détachement principal de débarquement, devrait arborer le drapeau au-dessus du kourgane. Petia a sorti de dessous la capote le drapeau, qui lui était confié du Comité de District de komsomol de Rostov.
Camarade le capitaine, permettez-moi d’arborer notre drapeau au-dessus de l’ouvrage permanent?
— On va attendre, le sergent Ouchakov. 
Le téléphone bourdonnait sans cesse.
Sartaleev, m’appeler Grichine! — a ordonné le capitaine étudiant les documents des Allemands tués.
Vassia s’est présenté.
Décrochez. Vous allez être ober-caporal Groubbe. Dites que tout est calme chez nous, les attaques sont repoussées.
Vassia a décroché et a commencé à parler allemand:
Allo! Exact... Ober-caporal Groubbe... Exact... Tout est calme chez nous... Oui, oui... Ma voix? Je ne suis pas Groubbe? — le visage de Vassia s’est allongé. — Oberleutnant Vaysberg est en train de dormir... Oui... Je ne suis pas Groubbe? Suis-je le cochon? — Et brusquement Grichine a terminé en russe: — C’est toi est salaud! Essaye de te fourrer!
Qu’est-ce que c’est? — a sauté sur place Mirochnik.
De toute façon, il ne me croit pas. Il jure en russe, salaud! — a expliqué Vassia et continuait à crier par téléphone: — Je suis bolchevik, et toi, salaud, tu es fasciste! Et on va vous écraser! Etre prisonnier? Ah non! Vous vous êtes cassé les dents! Ce n’est rien, nous sommes nombreux ici! Quoi? Quel idiot! D’abord prends le kourgane, et après on verra... Il n’y aura pas assez de cordes pour tout le monde. Laisse-la pour t’étringleur!
Mais c’est assez, envoie-les au diable! — a ordonné Mirochnik.
Notre général a ordonné de t’envoyer au... — ne pouvait pas s’arrêter Grichine. — Je suis coupable, camarade le capitaine! — a-t-il sauté devant Mirochnik, après avoir jeté le téléphone.
Mirochnik a fait un signe de main.
Ouchakov! — a-t-il appelé. — Déployez un drapeau soviétique au-dessus de l’ouvrage permanent...

VIII
La première nuit s’est passée en silence douteux et inquiétude pénible. Elle n’a apporté rien de nouveau dans notre position de sommeil.
Sur la moindre île, qui peut exister dans le monde, dans une ignorance complète de ce qui se passe autour et ce qui nous attend le matin, un quarteron de combattants soviétiques s’est installé.
Le débarquement n’a pas réussi. Toutes nos vedettes se sont noyées ou repoussées, sont retournées ou leur moitié était couchée au fond de la mer : nous ne savions rien. On n’entendait pas des coups de feu dans notre direction, seulement très rarement, du monde nous entourant, les feux des fusées de signalisation multicolores s’élevaient. Nos avant-postes, à leur tour, ont lancé également des fusées de signalisation : nous en avions assez.
Dans le local central de l’abri nous sommes sept...
Ils lancent aussi les feux, — a remarqué à haute voix Samed en observant par un trou.
Personne ne lui a répondu. Les pensées de tout le monde sont occupées par une autre chose différente. Nous sommes assis en silence et immobiles, comme si chacun est cloué sur place.
Seulement hier chacun de nous rêvait, que déjà dans ces bottes-là nous atteindrions Berlin. Et maintenant nous sommes assis dans un silence pénible inhabituel, coupés du monde natal soviétique. Chacun fait semblant, qu’il a sommeil, et il faut dormir, pour devenir plus frais et apte au combat: car dans deux heures il faut remplacer les combattants installés derrière les nids. Mais le sommeil a disparu.
La camarade Nasreddin m’a dit une fois: «Ton ennemi peut penser à la même chose, que tu penses, toi aussi», — s’est adressé Samed à Volodia. — A quoi tu penses, mon ami?
Je pense, que les Allemands croient, qu’il nous reste à peine quelques minutes et nous sommes déjà dans leur poche.
Oh-la-la! Il ne faut jamais croire que l’ennemi est plus bête, qu’on est! — a objecté Samed. — L’ennemi n’est pas idiot, et comprend, que dans la poche pareille on peut perdre sa propre main! — passe Samed sur sa manière de parler habituelle. — Toi, mon cher Volodia, parle de cette façon, parce que tu as peur. Et Mollah Nasreddin dit autrement: «Si tu veux que ton ennemi ait peur, tout d’abord arrête d’avoir peur toi-même».
— Et il n’a pas dit quelque chose à propos de nous? — s’est mêlé Vassia avec un sourire.
Mais c’était dit à propos de nous!
Et ton mollah lui-même a été à la guerre quelque part? — s’est adressé Egorouchka à Samed.
Egorouchka n’a jamais entendu parler du nom du blagueur sage, et il ne peut pas encore comprendre, qui était Nasreddin. D’ailleurs, même moi, Kazakh, je n’ai pas compris tout de suite, de quoi il s’agissait. Au début je supposais, que Samed se rappelait chaque fois les sentences de mollah, prises des  anecdotes rependues au peuple sur lui, que, moi aussi, j’avais entendues. Mais avec le temps je me suis assuré, que je me trompais. Samed ne citait rien, il œuvrait son propre Hodja Nasreddin, d’une nouvelle façon en décrivant son portrait créé par les pères et les grands-pères. Probablement, de cette façon, à travers des siècles, dans des récits des gens courageux d’avant-garde naissait Nasreddin, militant de la vérité aimant la vie, détestant tous les despotes, un malin simplet et un philosophe gai aidant les gens à garder le courage et l’assurance de chaque affaire difficile. Et maintenant notre Samed a appelé Hodja Nasreddin à l’armée, et le dernier est en service militaire honnête du peuple, en nous aidant dans notre travail de soldat dur...
Hé-hé, Mollah Nasreddin est tel combattant, mon frère — toute sa vie il lutait seul contre des milliers! — a répondu Samed à Egorouchka. — Il n’avait peur de personne...
Ah, bon! — a dit respectueusement l’autre. — Je crois bien qu’il a été nommé Héros de l'Union Soviétique? Le héros n’a peur de rien, le héros est pour ça...
Et toi, tu n’es pas un héros? — a taquiné Samed.
— Mais quel héros, — a protesté Egor. — Est-ce que je me vante? J’ai peur même de la femme. Dès qu’elle se fâche, je sorts de la maison et je vais dans la forêt...
Et dans la forêt il y a des ours! — a souri Volodia.
L’ours n’est pas un malheur. J’en ai égorgé trois et j’en ai tué cinq.
Tu as chassé l’ours tout seul? — s’est mêlé Petia.
Ben, dois-je prendre ma femme pour chasser l’ours! Il est bien pour le jambon, — a conclu soudainement Egor.
On voudrait bien!
Le camarade Hodja Nasreddin  conseille de ne pas rêver à ce, qu’on ne peut pas atteindre. On ne trouvera pas un morceau d’ours sur la péninsule de Kertch.
Le matin vous allez avoir des biscottes, — ai-je dit. — Le capitaine a ordonné d’annoncer, que la réserve permet d’attribuer à chacun uniquement par trois cent grammes.
Et on en a assez pour combien de jours? — a demandé Petia.
C’était une question imprudente. La réserve des produits pour la garnison est toujours le secret militaire. Mais à quoi servait de garder le secret de ces gars ? C’étaient les combattants sûrs et expérimentés.
La réserve est pour deux jours, — ai-je dit.
Alors, il faut réduire. Pour que ça soit pour trois jours au moins, — a déclaré décidément Petia.
Nos gourdes nous donneront encore deux jours — et ça fait cinq, — a souri Samed.
Et de l’eau? — a demandé Volodia.
De l’eau? Quand il n’y a pas d’eau, dit Hodja Nasreddin, pense au saxaoul : il habite dans un désert, il ne voit jamais d’eau, mais supporte et pousse!
On s’est mis d’accord avec lui.
Je me pose une question: qu’est-ce que c’est : un désir de vivre deux jours de plus ou un désir de tenir dans le combat deux jours de plus? Mais, au fond, c’est une question stérile. Comme Cheguin disait, «une métaphysique». De toute façon, vous avez beau tourner et virer, on obtient la même chose: un jour de vie en trop est un jour dans le combat en trop.
Le matin nous avons défini notre emplacement. Il s’est avéré, que nous occupions un sommet d’un des kourganes placés d’un cercle large sur la côte atour de l’ancienne ville de Kertch. Si même sur chacun d’eux il y avait un seul ouvrage permanent pareil, le nôtre avait un avantage: il dominait sur d’autres.
La nuit il nous a semblé, que nous sommes partis loin de la côte, mais cependant à partir du kourgane nous avons vu la mer tout près : un kilomètre maximum en directe. On voyait, qu’à partir des collines jusqu’à la mer avant s’étendaient les  jardins de kolkhoze. Maintenant tout ici était creusé et brûlé. Les ruines brûlées se couchaient, çà et là, parmi des terrains vagues. Au nord de nous un lac brillait de la calvitie froide, à l’est de nous il y avait la ville de Kertch. Les alentours dévastés nous confirmaient la centième fois, qu’Hitler voulait transformer notre pays en désert.
Les soldats allemands marchaient autour de la hauteur prise par nous.
C’est le front ici, et ils s’occupent du service armé! — s’est étonné Egor. Mirochnik regardant dans la lunette binoculaire de trophée a expliqué:
Ils veulent faire semblant, qu’ils n’ont peur de nous... Evidemment, ils ont compris, ce que nos «bataillons » nocturnes sévères étaient une blague.
Quels mufles! — a exclamé Petia et s’est serré contre sa mitrailleuse.
La hauteur est entourée de deux rangs de tranchées, dont l’objectif était la défendre. Maintenant c’est eux, qui l’ont encerclé par le siège. Les Allemands marchaient vers ces tranchées.
Nous n’étions pas habitués à voir l’ennemi si proche et de ne pas tirer sur lui. Chacun attendait une commande «feu», et chacun s’est préparé au tir, après avoir occupé des embrasures. Mais le capitaine a donné tranquillement une autre commande:
Revenez! Ils veulent provoquer le feu, mais nous allons garder silence, pour instant on peut garder le silence. C’est clair?
Affirmatif, c’est clair!
Le capitaine continuait son observation. Il a secoué  la tête, la vis dans sa main a commencé à tourner de la manière plus nerveuse.
C’est quoi ce diable? C’est quoi ce diable? — marmottait-il, en transférant l’observation sur un autre point. Et de nouveau: — C’est quoi ce diable?
Camarade le capitaine, qu’est-ce qui s’est passé? — ai-je osé de m’adresser à lui.
Regarde les sommets des kourganes, — a dit-il. 
J’ai commencé à observer.
Au-dessus de chaque hauteur, ainsi qu’au-dessus de la nôtre, nos drapeaux rouges natales flottaient au gré du vent. Cela veut dire, le remue-ménage fasciste n’était pas nul; cela signifie, qu’à cause de notre propre cri et des coups de feu nous n’entendions pas, que nos camarades d’autres vedettes ont attaqué d’autres kourganes...
Andrey Denissovitch, les nôtres sont partout. Hourra! — ai-je exclamé. — Les nôtres! Sur tous les kourganes...
Hourra! — ont repris les gars en se jetant vers les embrasures de combat, pour s’assurer de leurs propres yeux.
Le capitaine continue à faire tourner sa vis. Les doigts énervés maigres bougeaient avec impatience.
C’est de l’absurdité, — dit-il enfin, — c’est faux! S’il y avait autant de points pris par les nôtres, les Allemands n’iraient pas s'enferrer. Ils auraient peur de nous!
Vous croyez, qu’ils ont levé les drapeaux rouges eux-mêmes? Pour quoi faire? — suis-je étonné par son affirmation.
Peut-être, qu’ils sont en train d’attendre les débarquements ou d’attendre, que les nôtres ne se débrouillent pas où nous se trouvons... Ils pensent à brouiller les cartes.
Hodja Nasreddin savait faire de toute la carte un as d’atout, — marmotte timidement Samed.
Il n’ose pas de raconter au capitaine à propos de Hodja, mais le capitaine connait Hodja Nasreddin depuis longtemps. Il sympathise beaucoup à ce camarade expérimenté et est prêt à l’inscrire dans sa compagnie en mettant en pratique tout l’arsenal de sa sagesse de combat.
Nous allons essayer aussi de prendre les leçons après d’Hodja Nasreddin, — dit le capitaine de la même manière que Samed. — Tout d’abord — l’observation. Observons de tout près une des hauteurs. Venez, camarade Samed. Asseyez-vous ici et observer sans détacher les yeux.
Samed occupe le lieu d'observation.
D’ailleurs, nous tous observons, ce qui se passe autour. L’observation est maintenant notre seule occupation.
Il y a une animation parmi les Allemands. Ils se sont mis à courir. Les autres ont fixé leurs yeux sur l’horizon... Un avion! Les nôtres! Toute la péninsule a tremblé du grondement. C’est l’avion de reconnaissance qui vole. Comme les flocons de coton, les brumes légères blanches apparaissent autour des obus antiaériens explosant. Les étincelles scintillent... Mais l’avion manœuvre, perd l’altitude en un clin d'œil, pique au-dessus des kourganes, et sans monter en haut, se serrant contre la terre, s’en va vers la mer.
Quarante-trois douze! — a crié avec enthousiasme Grichine, qui a réussi à voir le numéro de l’avion de reconnaissance.
Il s’en est exclamé comme s’il a rencontré une connaissance.
Et de nouveau tous ont senti, que nous n’étions pas sur une île abandonnée, mais en service à l’Armée Rouge invincible.
De nouveau un avion de reconnaissance est passé en coup de vent et a disparu de nouveau. Et il nous a même semblé qu’on entendait le cri: «Où est-ce que vous êtes les camarades?»
Il faut installer sur la hauteur quelque signe distinctif, que les Allemands ne pourraient pas inventer, — ordonne Mirochnik.
Volodia est sorti de l’ouvrage permanent, grimpe sur le sommet couvert des mauvaises herbes, et à l’aide des bandes compose le numéro de notre division, que les Allemands ne pourront jamais composer...
Volodia est revenu en sécurité, et n’a pas été remarqué par les Allemands. 
L’avion de reconnaissance apparait de nouveau sur une grande altitude, parmi les explosions antiaériennes fait un cercle au-dessus du secteur des kourganes et en faisant un mouvement à peine de son aile, s’en va vers l’est.
— Il a dit: «Je vous vois!»
Il a dit: «Bonjour!» — interprètent les gars le signal de l’avion de chasse.
Lui, bien sûr, a dit l’un et l’autre. Mais il a dit beaucoup plus, que ces salutations, il a dit, ce qu’on ne pouvait pas mettre dans ces paroles. Pour le comprendre, il fallait être assis sur ce kourgane encerclé de milliers d’ennemis.
Vers midi, un char fasciste est parti dans la direction de notre hauteur, de la ville. Sur ce char il y avait un drapeau blanc de «bonnes intentions».
Nous avons entendu parler beaucoup de «bonnes intentions» des fascistes pendant la guerre et savions parfaitement leur caractère.
Un parlementaire...— Il faudra recevoir, — a dit le capitaine. — Grichine, préparez-vous.
Vassia a ajusté le col, s’est levé, a mis le calot de Volodia, seul qui nous restait, et a regardé dans le miroir de poche.
Indécemment! — a-t-il dit de la manière comique, après avoir vu sa figure se couvrant de la barbe.
J’aurais du me raser hier! — a remarqué Volodia. Ils sont descendus avec le capitaine dans la tranchée de cinq mètres en bas de notre ouvrage permanent.
Ils ne vont pas tuer les nôtres? — a posé la question Petia craintivement.
Avec le drapeau blanc?! — a exclamé Samed.
Ils sont les fascistes! Ils négligent le drapeau blanc?
Prépare une grenade au cas où, — ai-je dit.
Et moi, je vais braquer ce « parlementaire », — a répondu Volodia.
La trappe du char s’est ouverte, et une tête d’un officier est sortie. Elle me rappelait beaucoup «le serpent à lunettes», qui m’a piqué dans l’atelier de l’usine de Rostov. Le serpent même souriait à peine et a commencé à parler de telle manière, comme s’il nous souhaitait de la bonne matinée.
Il demande, si nous-mêmes nous ne voulons pas engager des négociations avec le commandement allemand, — traduit Vassia.
Dis-lui camarade le sergent, — dit le capitaine distinctivement, que nous avons entendu ces paroles. — Dis-lui, que nous ne sommes pas mandatés par nos gouvernements d’engager des négociations de paix avec l’Allemagne fasciste.
L’officier allemand sourit aimablement et fait semblant, qu’il applaudit.
— Bravo, bravo! — a-t-il exclamé. Il dit quelque chose d’une manière longue et ampoulée.
Mais la traduction de Grichine était très courte.
Il propose de capituler, le salaud.
Et qu’est-ce qu’il a dit à propos de Berlin?
Il promet de nous envoyer par avion à Berlin.
Dis-lui, que nous y arriverons nous-mêmes très bientôt. Qu’ils nous attendent.
Avec une fierté spéciale Vassia prononce de la manière ferme en allemand les paroles du capitaine. Le visage de l’officier change. Au lieu du sourire on y voit l’expression de la tristesse et du regret.
Je vous propose ce qui est le plus précieux. Vous allez sauver votre vie, — dit l’officier. — Est-ce que vous n’y tenez pas?
Mais nous ne capitulons pas, parce que nous tenons à notre vie. Nous arriverons en Allemagne et nous vous expliquerons à vous tous, que la vie est une chose précieuse! — dit le capitaine.
L’officier devient sec. Il regarde sa montre et conclue d’une manière de la partie forte:
Une heure. Vous avez juste une heure pour réfléchir.
Nous sommes venus ici non pas pour une heure. Nous sommes les maîtres de ce pays. Le kourgane, où nous nous trouvons, est libéré des occupants allemands définitivement et pout toujours. La conversation est terminée, — a répondu ferme Mirochnik.
L’officier a fait un signe de sa main en descendant dans la trappe. A ce même moment sur la tranchée inférieure, où le capitaine se tenait debout, une rafale de la mitrailleuse allemande a bombardé, et le capitaine est tombé après avoir chancelé.
Feu! — ai-je crié.
Petia a lancé le paquet de grenades. Volodia et moi, nous avons tiré des mitraillettes, mais la trappe s’est fermée.
A détruire le char! — ai-je ordonné, sans m’adresser à personne, mais avec cette exclamation j’ai compris moi-même, que j’ai déjà pris le commandement.
Tout le monde s’est jeté dans la tranchée pour exécuter mon ordre.
Revenez! Pourquoi tout le monde le fait? — ai-je été obligé de crier.
Moi! — a crié Petia déjà de la tranchée de la file supérieure.
Vas-y!
Petia s’est jeté et d’un seul bond s’est retrouvé dans un ancien fossé couvert de l’herbe, dont tous les kourganes sont entourés. Il est tombé près du char, qui a déjà fait marcher le moteur. Petia était à ce moment hors du tir de sa mitrailleuse, mais il n’avait pas de place pour se cacher des éclats de sa propre grenade. Cependant, sans y penser, il a lancé un paquet de grenades, et est tombé à la renverse. Le char s’est trémoussé sur place à cause de l’explosion. Ouchakov a sauté et s’est mis à frapper du poing sur le corps en acier.
Sorts, le salaud fasciste! Toi, tu ne vas pas revenir à Berlin, c’est sûr!
Petika, planque-toi! — ai-je crié, après avoir vu du-dessus qu’un hitlérien a levé une grenade à travers la trappe.
Petia est tombé face contre terre et, comme il m’a semblé, a éclaté en sanglots de la colère. Volodia a réussi a tué le soldat avec la grenade, et elle s’est explosée de l’autre côté du char.
Je suis descendu en bas par la tranchée. Le capitaine se couchait, blessé dans la poitrine et l’épaule, respirait d'une manière saccadée et avec du râle. Je me suis penché au-dessus de lui.
Capitaine! Andrey Denissovitch! — ai-je crié.
Il m’a regardé d’un air strict de ses yeux noirs, ses paupières se sont baissées et sont devenues immobiles. Il a arrêté de respirer. Moi avec Egor, on l’a amené en haut.
Ils arrivent! — m’a dit Samed et a fait un signe de tête en avant. J’ai serré mon œil contre la fente de visée.
En arrosant le kourgane par le feu, les tireurs à mitraillette  fascistes avançaient dans notre direction de tous les côtés.
Ils courent dans notre direction. Il serait bien de les faucher tous au diable, mais il n’était pas autorisé de montrer nos forces. En plus Petia ne s’est pas encore levé: il pourra sauter sur pieds au moment, quand l’attaque peut être repoussée.
J’ai ordonné de concentrer le viseur de trois mitrailleuses à main, mais ne pas tirer, les laisser venir plus près.
Un groupe de tireurs à mitraillette attaquant vient de l’ouest!
Du nord!
De l’est! — on me rapporte sur le poste de commandement de l’ouvrage permanent.
Je vois. Tiens-toi bien!
Samed et Volodia ont pris le viseur à trente mètres en avant du char. Moi aussi, je me suis serré contre la mitrailleuse et j’attendais...
Du sud!
Je vois. Reste sur place!
Mon dieu! Mais qui es toi-même? Est-ce que tu as assez d’intelligence et de la maîtrise de toi, pour ne pas laisser mourir ces gens courageux, pour ne pas donner aux ennemis ce petit morceau de la Patrie libérée? Le capitaine a dit, que nous avions libéré ce kourgane des fascistes pour toujours. Sa parole doit être plus ferme, que l’acier. Il savait tenir la parole...
Feu!
Nous avons brillé du feu dans leurs figures... Ils tombent, ah, diable... Ils se jettent en avant!
Feu! — ordonne-je sans avoir besoin, pour donner du montant aux combattants. — Le viseur juste sur les salauds fascistes! Allez-y!
Le statut n’a pas de commande pareille, mais elle nous aide.
Hourra-a! — entends-je du flanc gauche, où les tireurs à mitraillette ont hésité et se sont mis à courir.
Hourra-a! — avons-nous tous repris...
En se servant du trouble et de la fuite des fascistes, Petia leur a jeté la dernière de ses grenades dans leur dos et a réussi à sauter du fossé dans la tranchée.
Après avoir laissé de chaque côté une personne près des  mitrailleuses pour l’observation, j’ai convoqué le deuxième «conseil militaire» de Kertch.
Nous n’avions pas trop de munitions pour les mitrailleuses. Il n’y en avait pas trop de ceux de trophées.
A tirer des mitraillettes uniquement par le feu à volonté, — a proposé Volodia.
A tirer des mitrailleuses uniquement à bout portant également, — dit Samed.
Du nord on peut les laisser approcher pour un lancer de grenade. Là, il y a une tranchée confortable pour les grenades. A laisser une bande à la mitrailleuse sur la pente du nord. Je vais m'y embusquer avec des grenades. C'est bien agréable! — a plaisanté Petia d'un air morose.
C’était les points principaux de la résolution du «conseil».
Nous avions été obligés de diviser notre petit «front» pour la direction d’ouest, de nord, de sud et d’est. Sur chaque direction il y avait de trois à cinq combattants. En plus, nous utilisions le téléphone allemand, qui travaillait d’une manière impeccable en liant tous les points avec le lieu de commandement.
La pression des fascistes à commencé à augmenter de nouveau.
«Ce n’est pas encore le travail, si on ne sue pas!» — a dit Mollah Nasreddin, — se donnait du courage Samed.
Du nord, les Allemands grimpaient déjà sur le kourgane, et Petia avec deux combattants les guettaient après avoir étalé les grenades, quand tout à coup, l’air a hurlé du bruit lourd de nos avions de bombardement, qui se sont montrés loin au-dessus de la mer.
Les machines légères allemandes se sont levées en volées pour couper leur chemin, mais quand nos bombardiers se sont approchés, il est devenu évident, qu’ils étaient surveillés par les chasseurs. Les Allemands n’ont pas osé d’accepter le combat avec nous, ont tourné à l’ouest et ont disparu.
— Tu vois! Tu te rappelles Kostia, qu’en quarante-un ils grimpaient sur nous? Et maintenant, il me semble, ils se sont calmés! — a crié avec joie Volodia, chez qui je suis descendu dans son « petit nid » bétonné pour la mitrailleuse, comme il appelait avec douceur son poste de tir.
Le cœur battait avec plaisir en regardant comment les avions de chasse détruisaient les tranchées allemandes atour de notre ouvrage permanent. Encore, et encore une escadrille! Elle cherche l’ennemi... Nous voyons mieux du kourgane, où il faut bombarder. Pendant la matinée nous avons bien vu, où pouvait se trouver l’état-majeur, et où, pouvait être la batterie de lance-mines. Sur un des kourganes voisins il y avait un ouvrage permanent, c’est sûr, pareil à celui-ci, qui était entre nos mains.
Volodia, par les traçantes! Montre la direction sur ce kourgane-là avec l’ouvrage permanent!— ai-je crié.
Volodia a changé la bande et a tiré d’une rafale longue de balles rouges. Les avions ne les voyaient pas. — Encore, plus long! La source de feu a ruisselé dans l’air.
Hourra! Un maillon des avions s’est séparé, et coup sur coup  sur le kourgane mentionné par nous, les explosions puissantes se sont produites.
Vas-y, sur l’état-majeur, dans ce jardin près de l’école! — encourageais-je Volodia.
Il y a lancé la fusée.
Les coups des avions encore et encore... La maison s’est mise à brûler. Nous voyons, que les officiers fascistes s’enfuient...
Devant nous, il semblait, que tout est mort. Les hitlériens se sont cachés dans les fentes.
De la même façon nous avons indiqué la batterie de lance-mines, sur laquelle quelques bombes sont tombées tout de suite. Il me semblait, que je parlais avec Cheguin, il suivait mes conseils et faisait, ce que je croyais nécessaire.
«Cheguin, tu m’entends?»
Il entend. Il a déjà détruit trois abris bien masqués, qu’on ne pouvait pas voir de l’air. Sous les coups de bombes d'aviation les rondins des faux planchers s’arrachaient de la terre, les planches avec la terre s’élevaient vers le ciel... Comment je voudrais encore, que les bombes tombent plus près, qu’ils finissent avec ce char touché avec un serpent à lunette dedans, qu’elles atteignent ces petites tranchées les plus proches, pleines d’Allemands, qui attaqueraient de nouveau, dès que les avions se cacheraient...
Cheguin aura de quoi raconter à Akbota à propos de notre bataille commune.
C'est comme ça! C'est comme ça! — exclame Egor, en admirant le travail de l’aviation.
«Adieu Cheguin! Tu m’entends?»
Les avions sont partis après nous avoir laissé une assurance, que nous n’étions pas seuls, que nous n’étions pas quelque groupe cerclé, mais la garnison du renforcement soviétique dans les arrières des hitlériens.
Jusqu’au soir les Allemands se levaient quelques fois pour nous attaquer de front, mais roulaient en arrière sous le feu fauchant des mitrailleuses.
Lors d’un de ces attaques, juste avant la couchée du soleil, un maillon de «petits autours» a réapparu et sur le vol rasant a commencé à faucher les fascistes nous attaquant par des mitrailleuses... On dirait, que les amis nous disaient, que nous nous tenions, que nous y étions nécessaires. Cela nous a ajouté de forces, malgré que nous soyons fatigués, nous ayons faim et soif à mort.
Le soleil s’est assis derrière la nuée noire, les vagues aux crinières sont allées sur la mer en s’élevant.
Hélas, il y aura de la tempête! — m’a murmuré Volodia. — A ce temps des vedettes ne peuvent pas passer... Cette nuit il n’y aura pas de débarquement...
Avant les crépuscules un coup d’artillerie est tombé sur nous. Les obus lourds allaient l’un après l’autre en tombant autour de la capote en béton au-dessous de laquelle nous nous sommes installés. Tout autour était couvert des éclats et de la terre, comme si du ciel il pleuvait du fer et de la pierre avec du sable... A ce moment-là on pouvait se méfier de l’attaque de l’infanterie...
Les gars, allons nous reposer dans la file inférieure. Il y aura moins de hurlement. On peut devenir sourd ici, — ai-je appelé Volodia et Samed, qui ne laissaient pas leurs embrasures.
Attends, camarade le sergent-chef, je ne vais pas y aller, — a repoussé Samed, toujours discipliné et ponctuel.
Pourquoi tu n’iras pas? — me suis-je étonné.
Je surveille le char. La trappe s’est levée deux fois. Je vois, qu’il a peur de sortir sous les obus. Dès qu’il osera, je lancerai une grenade.
Mais combien de temps tu vas attendre?
Une fois Hodja Nasreddin a préparé une soupe au poulet pour son ami, et après il était obligé de couver les œufs lui-même, pour avoir des poussins. Moi aussi je vais attendre...
On a bombardait la hauteur pendant deux heures. Mais ce béton a été cloué fortement à la terre. Ils n’ont pas pu le surmonter et la nuit ils ont attaqué de nouveau.
Ne plaints pas des fusées, les gars, — il y en a beaucoup: nous dépenserons moins de belles, — ai-je conseillé.
Tout à coup nous avons entendu deux explosions.
Poussins, poussins! — a crié Samed. — Il pensait, qu’il faisait sombre, et je ne voyais plus! Mais je vois! Il fait la nuit. Mais suis devenu comme un chat. Il a ouvert la trappe, grimpe dehors. Je garde silence. Le deuxième sort — je me tais. Le troisième sort... Et tiens! Et encore une fois! Tous les trois sont couchés! — raconte du ton triomphant Samed à propos de sa chasse.
Je lui ai serré sa main longue en silence. Nous avons lancé une fusée. Elle a éclairé trois cadavres fascistes à côté du char.
D'ailleurs, il y en avait des dizaines maintenant autour de la hauteur, et même des centaines. Mais les Allemands ont décidé sérieusement de se débarrasser de nous. Ils grimpaient sur nous dans les ténèbres. Les mitrailleuses sont devenues brûlantes du feu continu.
Ils attaquent de l’ouest!
Ils attaquent du sud! — tombaient les rapports.
Reste sur place, — répondais-je à chacun.
Il manque des cartouches, vas-y!
Vitia, traine, — envoyais-je l’agent de liaison, un jeune volontaire du groupe de Gorine.
Vitia faisait la navette infatigablement sur les passages de communication en apportant des munitions.
Ils nous pressent de front, plus qu’une centaine! — a informé par téléphone Volodia.
Est-ce qu’on a des bandes?
On en a.
Alors, tiens-toi...
IX
La journée terminée a considérablement aggravé notre situation. Premièrement, nous avions un seul officier, le capitaine Mirochnik, et malgré que nous ayons un groupe des combattants actifs et expérimentés, ni moi, ni personne d’autres des camarades ne pouvaient le remplacer. Deuxièmement, il nous étions neuf. Troisièmement, pendant l’attaque allemande le chef du deuxième groupe Fedia Gorine est mort. Petia Ouchakov commandait maintenant à sa place dans le groupe, où il restait seulement quatre personnes avec lui, dans mon groupe il y en a quatre, et moi-même j’étais le cinquième.
Le plus dur était le fait, que sur chaque direction seulement deux combattants restaient.
Il nous faut réduire une direction, — propose Petia, — il faut créer une défense dans les tranchées.
Le plan du renforcement du kourgane nous a soufflé longtemps cette idée, mais avant nous n’avions pas de temps pour le regroupement. J’ai accepté sa proposition.
Le calcul des munitions s’est avéré encore moins consolant. Plusieurs fusées laissées par les anciens maîtres ne remplacent pas des cartouches de mitrailleuses et des mitraillettes. Une seule pensée nous console, que les Allemands ne voudront pas des victimes pareilles encore une fois. Nous décidons, qu’il nous suffira des munitions pour deux jours de défense.
Personne ne parle de grenades. Dans le consentement tacite nous les laissons pour la fin, quand nous serions obligés de défendre nos dernières minutes dans la tranchée sur le sommet.
Nous répartissions deux fusils à lunette des tireurs d'élite allemands par deux groupes. Nous répartissons sérieusement, comme s’il s’agit du groupe de batteries qui nous a été transmis.
Vassia a consulté sa montre, a réveillé Samed endormi sur le lit de planches. Ils vont remplacer les avant-postes.
Je n’ai pas dormi longtemps sur un bon matelas... Hodja Nasreddinn dit: «Quand on dort bien, on travaille bien».
Où est-ce qu’il a disparu? — soupire d'un air désolé Petia.
J’ai peur qu’il soi tué, — réponds-je.
Nous parlons d’Egorouchka, qui est allé chercher de l’eau il y a deux heures, et n’est pas revenu.
Après le jour de combat chaud nous avons bu toute l’eau trouvée dans le bidon. Cela a fait un demi-verre maximum pour chacun. Samed distribuait, Petia contrôlait, que tout le monde reçoive en parties égales. Egor a décidé de descendre vers l’eau, et voilà, il n’est pas revenu.
Est-ce qu’il sait exactement où est l’eau?
Absolument.
Le jour, en observant les alentours à travers la lunette binoculaire, nous avons vu très bien un petit ruisseau coulant sur le fond du fossé près du village. Egor affirmait, que quand hier nous pénétrions vers le kourgane, il avait failli y tomber. En plus, le ruisseau était mentionné sur notre carte aussi. Et s’il s’avérait que les Allemands surveillaient le ruisseau, Egor devrait reculer.
D’après ce qu’on savait d’Egor, ses idées de la bravoure  n’étaient pas de gamin, et sur le terrain il s’orientait mieux que nous tous. Dans notre situation il était facile à comprendre comment dur serait le lendemain, si on restait sans boire. Et la nuit était une seule période pour ses recherches.

Parce que sans eau —
Ça ne va pas du tout...

— s’est mis à chanter Egorouchka en se levant de sa place.
Et voilà, il n’est pas là. Perdre un de neuf combattants restant était maintenant plus dur que jamais.
A ton avis Kostia, — soudainement demande Petia, — à ton avis, est-ce que cela peut arriver, et nous seront les premiers à entrer dans les rues de Berlin?
— Pourquoi pas, bien sûr...
Mais non, sérieusement? Quand nous nous retirions, nous étions toujours en avant-garde... N’est-ce pas?
Et alors?
Et quand on a commencé à attaquer, nous sommes toujours en avant-garde.
Et alors?
Alors, c’est le caractère de notre compagnie, elle est toujours la plus proche de l’ennemi.
Exact.
Alors, peut-être, nous réussirons les premiers d’arborer le drapeau rouge au-dessus de Berlin... Tu sais, j’ai trouvé un agenda d’un officier avec le plan de Berlin. On peut y étudier toutes les rues, pour trouver le chemin plus court au centre ville. Il serait bien de porter le même drapeau, que nous emmenons de Rostov! On l’a perforé aujourd’hui, cela ne sera pas très beau...
Ce n’est pas grave. Les blessures sur le drapeau n’est pas une honte des combattants.
Mais, tout de même, on peut demander: quel est ce drapeau? Tu devras rapporter au maréchal, tu manqueras du courage?
Mais pourquoi je dois manquer du courage? Je lui dirai: «Camarade le maréchal de l’Union Soviétique, le drapeau de la section de reconnaissance du régiment N de la division de débarquement N a été arboré par le Héros de l’Union Soviétique Piotr Ouchakov...»
Petia a sifflé:
Tiens, où il a volé!
Peut-être, derrière tout ce bavardage il y avait pas mal de puéril, mais comme ça les rêves de soldat naissent dans les minutes les plus difficiles.
Après avoir revenu des avant-postes, Volodia nous a regardé et a demandé:
Pourquoi vous êtes si contents? Egor est revenu?
Nous avons pris Berlin! Kaputt Berlin! — a dit à brûle-pourpoint Petia avec enthousiasme.
Kaputt au fascisme? Alors au fascisme allemand — oui, — a dit sérieusement Vassili. — Mais le fascisme prend ses origines du mot «fascina» — une liaison. Une liaison à qui? Evidemment, des capitalistes, des banquiers. C’est pourquoi, pendant que le capitalisme est vivant, il va aspirer au fascisme.
Alors, camarade le professeur, et après Berlin tu ordonneras tenir la mitraillette prête?
Je pense, pas tout le monde ne devra ranger leurs mitraillettes.
Et je voulais aller tout de suite dans les champs! — a exclamé Petia. — Diable, toujours tu gâtes l'humeur...
Moi non plus, je n’aime pas le métier militaire. Il faut faire des études, mais le temps passe. Est-ce que je vais devenir ingénieur à l’âge de quarante ans? Rien à faire! — Vassia a fait les grands bras.
Dans l’abri on a entendu du dehors des sons des rafales des mitrailleuses et de mitraillettes.
Quels salauds! Ils arrivent de nouveau!
Nous avons tous sauté et nous nous sommes jetés sur nos places.
Il s’est avéré, qu’on ne tirait pas du tout sur nous. Du côté du village, en avançant, plus près du kourgane, les fusées éclairantes tombaient, et au centre des feux sur la vallée Egor couraient avec le bidon. Il était clair comme si c’était le jour, et nous voyons, comment sous la silhouette vivement éclairée d’Egor son ombre s’agitait. Maintenant, quand il a été attrapé par la lumière, il lui était inutile de se planquer, et il se précipitait par zigzag, en se jetant à droite et à gauche. Les essaims des balles brillantes volaient tout près de lui. Petia et  Vassia ont ouvert le feu des mitrailleuses, en couvrant le retrait d’Egorouchka. Mais ils ne voyaient pas des cibles. Seulement deux dizaines de pas restaient à Egor jusqu’à la tranchée. Il est tombé, et le bidon est volé de côté. S’il tombait tout simplement, il ne laisserait pas tomber le bidon. «Cela veut dire, qu’il est blessé», — ai-je pensé. Mais Egor a sauté sur pieds, a attrapé son fardeau et déjà d’un pas incertain, s’est mis en mouvement avec obstination vers nous. Son ombre balançait dans tous les côtés. Après avoir atteint la tranchée, il y a jeté le bidon et est tombé lui-même, mais du haut nous avons vu, une de ses jambes sortait de la tranchée... Il était tué...
Les feux se sont éteints, mais il me semblait, que dans les ténèbres je voyais cette jambe longue et immobile.
Il reste huit combattants, — a soupiré Vassia.
Oui, nous étions seulement huit. Il ne faut pas beaucoup de temps pour l’appel.
Volodia est entré avec le bidon. La vaisselle galvanisée a été perforé dans trois endroits, et il n’en y restait presque plus d’eau... C’était de l’eau très précieuse. Pour elle notre camarade est mort.
Nous n’avons pas entendu les dernières paroles de notre Egorouchka. Il ne nous a pas fait part de sa dernière pensée secrète, mais nous la connaissions: blessé, lui, au lie de sauter dans l’abri, il y a jeté tout d’abord son trophée, pour ajouter des forces pour la lutte aux camarades. Nous connaissons toutes ses pensées et tous ses sentiments : c’étaient nos pensées et sentiments. Nous connaissons son rêve : c’était notre rêve...
Je disais, qu’il aurait de la tempête aujourd’hui. Neuf points minimum. Ça hurle! — a dit Volodia, en posant le bidon.
On n’entendait pas des coups de feu, et dans le silence, même ici, à telle distance, on entendait, comment la mer était en furie.
On est resté en silence. On a regardé Volodia, en attendant ce qu’il allait dire à propos de Egor. Mais il a terminé:
Les vedettes ne passeront pas.
Il était clair, qua la nuit ne promettait rien de bien. Petia a compté tranquillement des douilles, perdues par lui et Vassia, pour couvrir Egor.
Moins cinquante-sept, — a-t-il dit.
L’élément humain s’est réduit d’un combattant. La réserve des moyens de feu s’est réduite d’un part considérable. Volodia, après avoir remarqué, que tout le monde se taisait, a ajouté soudainement:
Je connais la mer Noir. Vers la levée du jour tout se calmera, vous verrez vous-mêmes.
Ses yeux doux brillent même à la lumière terne d’une lanterne faible. Il veut, que nous lui croyons impérativement, que le débarquement puissant arrivera à temps pour nous aider.
Samed entre avec notre drapeau perforé et déchiré.
Quelque maudit a atteint directement la lance! Il faut lier plus fort...
L’aube a agité la hauteur par un coup lourd. A cinq cent mètres contre nous, cinq canons automoteurs «Ferdinand » se sont alignés et ont commencé à bombarder notre ouvrage permanent  à vue directe. Les Allemands pouvaient s’assurer, qu’ils n’ont pas dépensé en vain leur temps de travail: la fortification  pouvait supporter les coups des obus de rupture. Les Allemands bombardaient «de front», en essayant d’atteindre l’embrasure...
Oui...— dit Vassia d'un air significatif, — ils ont décidé de creuser.
Nous savions qu’au-dessus de notre tête il y avait deux-trois rangs de rails, alternés avec le béton et au-dessus couverts encore par une capote en béton solide. Pour les Allemands il était le plus facile, bien-sûr, de commencer à creuser à partir de l’embrasure, mais cette occupation n’était pas courte et coûteuse. Cependant ce creusage agit de la manière écrasante sur les nerfs.
A l’aide des «Ferdinand» trois «tigres» sont arrivés et sont entrés aussi dans le jeu.
C'est révoltant cette humeur, quand on ne peut pas répondre à l’ennemi! Il est ridicule de bombarder les chars des mitrailleuses.
Le creusage poissant méthodique commence à avoir son effet. Soit de la poussière s’envole directement avant l’embrasure, soit de son côté un éclat de béton décolle.
Un nuage a commencé à envelopper un sommet du kourgane. Il grandissait et noircissait.
Kostia, Kostia! — informe Vassili en criant directement dans mon oreille. — On a démoli le nid de mitrailleuse dans la direction de nord. Avec Vitia!
Encore un combattant de moins.
J’observe la mer. La tempête a baissé, mais il n’y a personne à l’horizon, — informe Volodia.
Tu attends en vain. Ils ne vont pas venir le jour... Avant la nuit on peut ne pas y regarder... Si on arrive à nous tenir...
Un obus a éclaté quelque part en bas, sous le mur de l’ouvrage permanent. Une montagne de terre s’est envolée en l’air devant l’embrasure et a encombré les vues. Du coup sur le plafond, comme sur la coquille, une fissure a apparu. Il est le temps de sortir. Après avoir pris une mitrailleuse et des jumelles, nous avons quitté le centre et sommes partis au point latéral.
Les canons se sont tus. Les Allemands veulent vérifier, ce qui se passe avec nous. Une compagnie des tireurs à mitraillette apparait derrière la tranchée et va à la débandade sur nous.
Les mitrailleuses! — ordonne-je.
Dans cette affaire nous avons conservé les munitions, — remarque avec économie Petia. — Maintenant nous avons le droit en dépenser un peu... Oh-là-là! Regarde Kostia, quelles vues sont devenues du nid! Ils ont coupé la saillie de kourgane et ont ouvert une vaste espace...
J’observe les fascistes attaquant.
Feu!
Trois mitrailleuses ont tiré fortement.
Il s’avère, que c’était une provocation: ils voulaient seulement provoquer notre feu. Ils se retirent, après avoir laissé sept cadavres... Et nous sommes seulement sept de vivants.
Les «Ferdinand» ont avancé avec arrogance plus près. Ils vont bombarder les points de mitrailleuse latéraux. Alors, notre affaire ira plus vite...
Kostia, je vois deux pointeurs aux «Ferdinand», donne-moi ici un fusil à lunette, — demande Petia.
Il s’est serré contre l’embrasure avec les jumelles en regardant son cible.
Je lui passe le fusil à lunette, mais soudainement Petia s’est affaissé de tout son corps.
— Petia! — a exclamé Volodia, en le soutenant. La tête d’Ouchakov s’est rejetée d'un air impuissant. Juste au milieu de son front il y avait un trou noir. Il ne saignait pas. On a tiré une salve des «Ferdinand», encore et encore...
L’embrasure est encombrée par la terre, — a informé le mitrailleur du point de mitrailleuse d’ouest.
Amène la mitrailleuse dans la tranchée!
Nous sommes six. Il nous restait un seul nid de mitrailleuse  de sud, qui était fiable.
«Je pense, qu’ils ne vont plus bombarder l’ouvrage permanent central. Et dans les ruines on peut trouver un abri pour mitrailler», — vient à l’esprit à Volodia cette idée.
J’y vais?
Vas voir, — réponds-je.
Maintenant nous ne voyons pas des «Ferdinand». Nos vues sont très étroites. Les canons se sont tus de nouveau. Peut-être, ils sont en train de changer une position.
Ils arrivent de l’ouest! — entendons-nous la voix de Samed.
Les gars! Le débarquement! Les camarades! Il y a un combat sur la mer! — crie du haut Volodia.
Samed, tiens-toi!
Il n’y a pas de temps pour regarder la mer. Samed en se couvrant dans la tranchée, s’est construit un nouveau nid de  mitrailleuse dans un trou de bombe voisin frais.
Tiens-toi, Samed! Il y a un débarquement! — ai-je crié, en m’approchant de lui.
Le débarquement! Le débarquement! — crions-nous l’un à l’autre, sans laisser nos mitrailleuses.
Les «Ferdinand» sont allés vers la mer! — crie Volodia de son lieu d'observation improvisé, où, il parait, il se sent pas mal.
A travers le grondement de nos mitrailleuses et le claquement des mitraillettes du bas nous devinons plutôt qu’entendons, ses paroles.
Pour la Patrie! — crions-nous.
A mort les occupants!
Sus aux fascistes-salauds!
Du côté, notre hauteur, probablement, se ressemble au volcan, qui a déjà arrêté de faire sortir de la lave, mais continue encore à fumer. En se servant du fait, que nous voyons mal à travers la fumée enveloppant la hauteur, les tireurs à mitraillettes grimpaient obstinément, mais leur feu dans la fumée a perdu également sa justesse. Samed a réussi à tuer un d’eux par un coup de crosse sur la caboche, quand celui-ci a déjà atteint son trou de bombe, et tout de suite est tombé lui-même au fond.
Des grenades!
Les grenades étaient le dernier moyen, lequel nous avons décidé d’utiliser dans la tranchée, au sommet du kourgane.
Nous avons lancé de suite une dizaine de grenades. Vassia s’est serré contre la mitrailleuse de Samed.
Je me suis jeté vers le camarade. Samed était couché en souriant.
Où, Samed?
Probablement, là, où tout le monde est parti, — a-t-il répondu avec un sourire.
Où est la blessure, je demande?
Je ne sais pas... C’est dommage, je n’ai pas atteint Berlin... Hodja Nasreddin...— Il s’est tus.
Nous étions cinq.
Les Allemands nous ont répondu par les lancers des grenades.
Nous avions assez de grenades, mais les Allemands étaient plus nombreux. Nous nous sommes étalés le long de la tranchée et essayons de ne les laisser se remettre. Le combat se passait sur la pente inclinée du kourgane avantageuse pour nous, et désavantageuse pour les ennemis.
La fumée a commencé à dissiper.
Kostia je vais tirer sur eux par la mitrailleuse? — a demandé Vassili.
Tu les vois?
Je les vois.
Vas-y.
La mitrailleuse, que les Allemands croyaient tue à cause de l’absence des munitions, les a tirés de front.
Pour Petka! — a crié Vassili. — Ils s’enfuient! Ils courent! Pour Samed encore!
Il a lancé une rafale longue sur les courants.
Ils sont repoussés, les salauds! Donne-moi une nouvelle bande. Je ne peux pas me lever, on me braque...
Je lui ai jeté une nouvelle bande.
A ce moment, du bas, de loin, de la mer, nous avons entendu «hourra»
Le premier «hourra» du nouveau débarquement!
Si les mitrailleuses avaient une âme, je la sortirais et secouerais de telle façon, que notre mitrailleuse apprendrait à lancer une mille balles par minute, pour tirer sur les Allemands des arrières pour soutenir le débarquement.
Et tout à coup, j’ai senti ce que je n’ai pas remarqué dans la chaleur d’effort: ma jambe droite est devenue lourde, et après avoir bougé mes orteils, j’ai senti une douleur fulgurante. J’ai compris que j’étais blessé.
Volodia, une fusée! Samed, le drapeau! — ai-je ordonné, mais après avoir compris que je donnais les commandes aux combattants tués, je me suis corrigé: — Kolia, le drapeau!
Le combattant du groupe de Gorine, Kolia Lubimov, s’est jeté dans le tas d’éclats en béton pour y chercher notre drapeau abattu par un obus. Lionia Chtagnko, le deuxième survivant de leur groupe, blessé légèrement dans la tête, marchait à pas de loup en haut vers Volodia avec un fusil à lunette.
Je sais, que l’indisponibilité du chef peut inquiéter les camarades. C’est pourquoi j’essayais de presser de moi la commande d'une voix de tonnerre, à laquelle mes poumons et ma gorge étaient capables.
Tout le monde doit se concentrer sur le sommet! A y ramasser toutes les munitions !
Kostia, j’ai trouvé ici un abri pour la mitrailleuse! Grimpe ici! — a crié avec excitation Volodia de l’ouvrage permanent détruit.
Il ne savait pas que j’étais blessé.
Le combat est passé vers la côte. On nous a laissés tranquilles: des obus ne tombaient plus sur nous, les tireurs à mitraillette se sont retirés également sur leurs anciennes positions derrière les tranchées. Cette fois-ci, sur la pente trois dizaines de fascistes environ tués par nos grenades et notre mitrailleuse sont restés.
Vassia est sorti du trou de bombe de Samed et a fait monté la mitrailleuse dans la charpente défoncée de l’ouvrage permanent en béton. Volodia adaptait deuxième mitrailleuse dans la fente étroite du mur en béton créée lors de la destruction de l’ouvrage permanent.
J’ai me suis mis à ramper vers eux. D’ici, dans la fente entre les blocs de béton défoncés, on voyait toute la côte. Les nôtres bombardent les allemands des lances-mines et des mitrailleuses. Le vent a dissipé la fumée au-dessus de nous, et nous voyons maintenant l’avancement de notre nouveau débarquement.
Je me suis installé à côté de Volodia et a pris les jumelles.
Probablement, les Allemands croient, que nous étions complètement faibles. Je vois d’ici, qu’ils se groupent pour une attaque dans le flanc du débarquement.
Kolia Lubimov est sorti des éclats avec le drapeau.
Je l’ai trouvé! Le voilà! — a-t-il crié avec la joie, en mettant la lance dans la fissure étroite entre les pierres.
Quel est pauvre notre drapeau! Comment il était exténué!
A ce moment avec un hurlement triomphant, comme hier, les avions soviétiques sont arrivés au champ de combat. Les canons antiaériens des fascistes ont commencé le bombardement de derrière du village. Les petits nuages blancs des explosions se sont frisés dans le ciel.
Maintenant devant nous il y avait une mission de combat active. Nous avons donné autant de combattants non pas pour qu’on nous sauve, comme les gamins retrouvés dans le malheur. Nous sommes les soldats et nous savons comment faire la guerre.
Les fusées! — ordonne-je à Kolia.
Il a apporté tout de suite un sac de fusées de la tranchée.
Les gars! Je vais indiquer le but aux avions. Les fascistes vont revenir... Préparer les grenades!
A ce moment nous étions couchés tous ensemble dans un abri informe de béton. Nous étions cinq. Deux mitrailleurs regardent des fissures sur les pentes de la colline, pour ne pas laisser venir chez nous les tireurs à mitraillette. Deux combattants sont couchés en préparant les grenades pour le combat. J’observe avec des jumelles.
Voilà, les tireurs à mitraillette allemands s'approchent furtivement par bonds vers le flanc droit de notre nouveau débarquement. Une fusée!
Elle a apparu par une bande rouge en indiquant le but. Trois avions de chasse se sont séparés de la volée d’autres oiseaux en acier et sont tombés par les coups de bec piquant sur le tas de capotes gris souris groupées derrière la colline. Dans le petit tas de capotes une terre s’est envolée, quelques loques déchirées se sont envolées très haut. Encore des coups. Encore.
Les canons antiaériens tirent de derrière du village sur les avions. Sur fond du kourgane voisin j’ai réussi à voir une lueur brusque éclatée. Je me suis mis à observer avec des jumelles et ai vu en haut un tas de gens dans les buissons. Ici, bien-sûr, la batterie antiaérienne se trouve. Ici!
La fusée, comme un doigt indiquant, a montré la batterie antiaérienne cachée entre des buissons et des arbres. Un nouveau coup de bec, et là aussi, il y a des explosions, des explosions, des explosions...
Une attaque! — crie Volodia et appuie sur la gâchette de sa mitrailleuse.
Les tireurs à mitraillette allemands se jetant sur nous ont été obligés de se planquer de nouveau.
Je cherche une autre cible. Qu’est-ce qu’il y a encore à monter aux avions?
Les «Ferdinand»? Les chars? Voilà ils se sont mis à ramper sous des arbres... Attrapez-les!
Une fusée!
Une bombe d’aviation lancée de l’autre côté, provoque un grondement foudroyant: exacte, un véhicule avec des munitions de «Ferdinand» a explosé.
Les avions sont partis dans les profondeurs de la péninsule, — peut-être, bombarder la route aux approches de la côte, pour ne pas laisser arriver ici les réserves des fascistes. Sur la côte les allemands sont serrés contre la terre. Les autres se sont mêlés et courent. Le débarquement avance plus près de nous, plus près...
Notre attaque se diffère de l’attaque allemande par l’impétuosité du bond. Et voilà les nôtres ont déjà couru «à la baïonnette»...
«Hourra» devient de plus en plus fort et s’approche de nous. Nous voyons les combattants courir, sans aucunes jumelles nous reconnaissons les officiers.
Reviakine! Reviakine! — crie Volodia, en indiquant dans la direction de l’attaque soviétique s’approchante.
Les Allemands sautent et courent devant notre kourgane...
Hourra-a-a! — crions-nous par les voix grêles en réponse.
— Les mitrailleuses! Coup parti sur les fascistes! — ordonne-je, et nous commençons à poursuivre les fuyants par le feu du dessus. Je lance des fusées l’une après l’autre en haut.
— Kostia, on y va! Viens vite! Les nôtres sont déjà dans la tranchée... On va à la rencontre! — me presse Volodia.
J’essaye de me lever, mais je ne peux plus m’appuyer sur la jambe.
Qu’est-ce que tu as? Tu es blessé?
Hourra! Les combattants contournent notre colline, occupent une tranchée sur notre kourgane et sans marquer d'arrêt déclenchent le feu contre les tranchées fascistes. Un lance-mines a commencé à tirer sur les Allemands à partir de notre hauteur.
Reviakine pénètre vite dans les restes de notre ouvrage permanent et nous voit près des débris fiers de notre drapeau. Il nous regarde d’un air un peu distrait. Il serre dans ses bras chacun de nous. Il se penche vers moi:
Quoi?
Ma jambe.
Reviakine a examiné encore une fois tout le monde, a regardé les visages souriant, mouillés des larmes, éreintés, mais ravis, tout de même. Il nous a comptés par ses yeux.
Tout le monde est là?
Tout le monde, Mikhaïl Ivanovitch... camarade le capitaine...
Tout le monde, — ai-je répété et ai ôté mon calot...

X
D'un jour à l'autre la place d'armes s’élargissait. Les maîtres de la terre soviétique avec chaque jour se mettaient plus ferme sur cette plate-forme. Bien que, pour instant il n’y avait pas beaucoup de terre libérée ici, mais avec chaque jour nous nous y enracinions plus fortement et plus profondément. Maintenant c’était déjà une espace avec deux hauteurs dominantes, avec un large passage vers la mer, et les jours, quand on était obligé d’attendre, qu’on «expédie» de la nourriture et des munitions de l’air, sont passés. Les avions légers pouvaient déjà s’atterrir sur leur propre petite plate-forme de l’aérodrome. Les troupes de débarquement se complétait de la mer et de l’air.
Au fond du kourgane, qui était notre première place d’armes, une chaîne des abris est construite — tout un quartier souterrain: des états-majeurs, un hôpital, un central électrique, des stocks de l’approvisionnement en munitions, et même des journaux.
Dans notre pièce de l’hôpital se trouvent sept combattants. Il fait chaud. L’odeur étouffant des médicaments, la lumière terne des ampoules «lilliputiennes». Il est vrai qu’on nous distrait par la radio. On nous a emmené les écouteurs de la rédaction, et nous écoutons Moscou des jours entiers...
Le matin j’ai manqué et n’ai pas entendu à la radio une nouvelle très importante pour moi. On dit, que je l’ai ratée. Et maintenant, peut-être, pour la centième fois, je la relis dans un journal.
La liste de vingt personnes dans l’ordre alphabétique commence par Samed Abdoulaye.
Je sais déjà par cœur, mot à mot et je peux énumérer tout depuis le début tous les vingt noms, à qui on a conféré un titre du Héros de l’Union Soviétique. Mais dès que je vois le journal se trouvant à côté de moi, je relis encore et encore fois tout du début jusqu’à la fin.
Le regard s’arrête longtemps sur le nom de Samed, d’un gaillard à sourire éclatant, avec lequel il était plus facile de faire la guerre, sur le nom du capitaine Mirochnik. Il confiait à notre jeunesse les missions difficiles et responsables. Il ne nous protégeait pas et n’avait pas peur pour nous. Il croyait, que nous surmonterons tout. Le nom de Petia trouble spécialement. Quand j’ai dit, que jusqu’au moment de la prise de Berlin il serait le Héros de l’Union Soviétique, comment il a sifflé à ce moment-là! Et à cette époque il était déjà le Héros, malgré qu’il ne se croie pas digne de ce titre. Egorouchka, Fédia Gorine...
Mes chers amis Volodia et Vassia, bien-sûr, ils sont aussi à côté de moi dans cette liste. Avec Volodia nous sommes même les voisins, d’après l’alphabet.
Reviakine nous a dit, que Serioja est revenu en toute sécurité sur la côte et était en train de passer le traitement quelque part dans les arrières les plus proches; s’il était avec nous dans ce débarquement, lui, bien sûr, aurait mérité ce haut titre...
— Préparez-vous pour l’expédition, — m’a dit aujourd’hui notre docteur, le majeur du service médical.
J’ai demandé de me laisser ici jusqu’au guérissaient. Il est devenu triste.
Soyez sérieux, — a-t-il arrêté. — Je ne vais rien vous cacher, la situation est très sérieuse. Il est possible, qu’on soit obligé de vous couper une jambe. Moi-même, je ne peux pas prendre la décision définitive. On vous enverra dans les arrières chez les bons chirurgiens...
Je vais être obligé de partir. Si je pouvais savoir, est-ce que je vais réussir à revenir à mon unité? Les gars me consolent: ils disent, qu’on enverra le Héros de l’Union Soviétique là, où il demandera. Vassia avec Volodia, bien-sûr, atteindront Berlin. Et où serai-je ce jour-là? Est-ce que je marcherai avec des béquilles, sans jambe?
Je ne vais pas autoriser de me couper une jambe. J’ai besoin de mes jambes, pour marcher à Berlin, — ai-je répondu au docteur.
On verra. On verra et décidera. Personne ne coupe en vain. Si on peut laisser, on laissera.
N’autorisez jamais de la vie! — dit Volodia. — Les jambes sont bonnes, quand elles font une paire.
Et Reviakine, qui dirige maintenant notre compagnie, il m’a dit tout simplement en qualité de l’ordre:
Ôte de l’esprit l’amputation. Ce n’est rien! Tu nous rattraperas sur l’Oder. Prends garde, sur le Spree je ne t’accepterai pas dans ma compagnie!
Et seulement Vassia me parle autrement. Il voit le front même dans les arrières, même après la guerre.
Ne sois pas pressé, soigne-toi bien, — m’a-t-il dit. — Quand tu seras guéri, tu sais, on aura besoin de toi partout! Combien de mains-d’œuvre et têtes il faudra! Il faudra faire tes études, bien sûr... Il faut que tout le monde fasse ses études...
Vassia me glissait une consolation, sans que je m'en aperçoive, si les chirurgiens décident tout de même me laisser sans jambe. Il m’a raconté, comment ma mère serait heureuse, que son fils est le Héros, il a même décrit une rencontre avec elle, et lui-même, sans que je m'en aperçoive, il est passé à son sujet préféré. En suçant une cigarette et s’en enveloppant dans une petite fumée bleuâtre, il fait des allusions, que je peux me retrouver dans un hôpital à Karaganda de nouveau.
Il a été pris et il a rougi.
Et qu’est-ce qu’elle écrit? — ai-je demandé.
Qui?
Karaganda, bien sûr! — ai-je souri.
Allez-y, vite, sur les brancards! — a ordonné le médecin dans le local voisin.
Les sanitaires sont entrés.
Camarade le majeur, permettez... — a-t-on entendu la voix de Volodia.
On me met sur les brancards.
Plus vite, plus vite, — précipite le docteur. — L’avion sanitaire a atterri, quand l’avion de reconnaissance allemand volait.
Il charge et revient tout de suite, sur la Grande-Terre...
Volodia et Vassia, se sont donnés les coups de têtes l’un à l’autre en m’embrassant dans deux joues.
Alors, soigne-toi bien...
On t’attendra...
Ecrits tous les jours...
Bien sûr, je vais écrire? Où encore est-ce que je trouverai les amis pareils?
Les brancards flottent au-dessous de l’ampoule pendue bas, au-dessous de la deuxième, de la troisième. L’air est plus frais et plus froid. Que ça fait du bien de prendre de l’air frais après un caveau imprégné d'une odeur des médicaments!
Dans le ciel il y avait un hurlement des avions. Quelques nos «petits autours» surveillent ce morceau de terre reprise par nous. Il est arrivé de telle façon, que Mirochnik avait dit l’autre jour: nous ne partirions jamais, ce kourgane était libéré des occupants fascistes pour toujours. Les fascistes l’ont tué, mais nous avons tenue sa parole en fer. Nous avons tenu, malgré tout...
Un avion sanitaire avec les croix rouges sur ses ailes est stationné en tremblant par son corps brillant. Le commandant de bord, en attendant, se tient debout près de sa machine.
Vassia s’est mis au garde-à-vous devant quelqu’un et a salué respectueusement. J’ai dirigé mon regard. Cheguin a surgi près des brancards.
Je suis arrivé exprès chez toi, mon garçon... On a envoyé l’avion exprès pour toi selon l’ordre du général de l’armée... Ce n’est rien, on te réparera. Chez nous on le sait bien. Cela nous arrive, notre frère, le pilote, casse toutes les quatre jambes... Tout sera réparé! — console Cheguin, en marchant près de moi et en tenant les brancards par sa main.
Les camarades se sont rassemblés à côté de l’avion. On n’entend pas les cris d'adieu dans le bruit de moteur, et je réponds au hasard:
Au revoir! Je reviens vite!
Les sanitaires me couchent, attachent les ceintures. Et voilà dans l’avion on monte encore des deuxièmes brancards et troisièmes brancards, et quatrièmes et cinquièmes, un médecin entre. Une dame en blouse blanche passe vite dans la cabine de pilote. Ensuite je vois le visage de Cheguin amical et souriant, il passe dans la cabine du pilote. Je le suis de mon regard...
L’avion s’est mis à courir, a pris son élan, a sursauté encore une fois... Et s’est mis à flotter harmonieusement. En vol... Calme et bien.
J’ai fermé les yeux involontairement, mais quelque chose m’a fait remonter mes paupières...
Non, ce n’est ni rêve et ni délire: les yeux noirs humides  me regardaient, pleins de gentille tendresse, de chaleur! Ils me regardaient avec telle douceur étonnante...
Uniquement là, j’ai compris de l’astuce glissante dans le sourire de Cheguin, quand il passait dans la cabine.
J’avais peur, que les larmes inonderaient mes joues, et j’ai refermé mes yeux, pour cacher l’émotion. Je pense, qu’elle pouvait entendre le battement de mon cœur même à travers le bruit du moteur. Je voulais prononcer son prénom, mais j’avais la gorge sèche et j’ai perdu la voix. J’ai bougé mes lèvres et soudainement pour la première fois dans la vie j’y ai senti le goût merveilleux, rafraîchissant, incomparable de son baiser.
Elle embrassait mon pâle visage non rasé, mon front, mes cheveux, sans se gêner de personne. Puisqu’elle me recherchait, comme moi également, parmi les millions.
Kayrouche! — a-t-elle murmuré.
Bota! — ont répondu mes lèvres seulement par un mouvement muet.
J’ai refermé mes yeux. Sa paume s’y est couchée par une fraîcheur douce en caressant mes paupières baissées, et j’avais peur de les relever, pour que ce rêve chaleureux et ravi ne se dissipe pas d'une manière ou d'une autre...
Est-ce que c’est l’avion, qui m’emmène ou c’est le rêve qui m’emporte sur ses ailes?
Elle est assise près de moi, et je ne veux parler de rien. Peut-être, il faut demander quelque chose, répondre... S’il te plait, après, s’il te plait, après! Je veux savoir tout sur toi, mais à ce moment je voudrais garder un instant le silence  avec toi ensemble.
Et après nous nous assiérons et raconterons tout l’un à l’autre — pour toutes ces années!
Et ensuite nous irons avec toi à travers les années par tous les chemins du monde, et s’il faut, par les chemins de la guerre. Puisque nous y sommes allés déjà ensemble, malgré que non pas dans la même compagnie, mais qu'importe? C’est mieux. Tu ne supporterais pas autant, mon petit chamelon!
Probablement, la mère est devenue la vieille, et depuis longtemps elle veut qu’on l’appelle grand-mère. Nous la consolerons... Non, je ne vais pas te le prononcer à haute voix, mon petit chamelon!
Les camarades regardent avec jalousie, que tu t’es penchée au-dessus de moi et as posé ta tête sur ma poitrine. Voilà, et ma main a touché tes cheveux et ton dos. Ce frôlement léger te parait timide... Je ne suis pas intimidé. J’ai peur d’effrayer tes cils, qui touchent mon menton pas rasé par leurs petites ailes frémissantes. Ils sont humides... Mais à travers ta blouse blanche affublée pour la bonne forme j’ai mis la main sur une patte d'épaule qui n’était pas du tout de soldat. Il me semble, que pleurer ne convient pas à l’officier...
Je n’ose même pas d’avoir la curiosité de la quantité des étoiles sur tes pattes d'épaule. Et s’il y en a quelque constellation merveilleuse — un signe de tes pouvoirs sur les sphères célestes...
Je ne vais pas te le dire à haute voix non plus — tu vas penser, que c’est une moquerie, mais je n’ai pas d’autre sentiment envers toi, à part amour... Et je ne vais pas te le dire.
Il faut en chanter des chansons, mais je ne suis pas en voix aujourd’hui. L’homme, à qui on va amputer un de ses membres, ne peut pas chanter bien.
Tout dans toi est intéressant pour moi, tout en toi est cher. Mais tu ne m’as rien écrit à propos de tes pattes d'épaule d’officier. Si j’osais de toucher par ma main ta poitrine, peut-être, j’y trouverais des insignes de décoration. Et si j’atteignais le cœur lui-même...Là, tout est clair, n'est-ce-pas ? Comme dans ce ciel transparent tremblant dehors?
Non, je ne donnerai pas ma jambe aux chirurgiens. Je veux marcher à côté de toi de pied ferme par tout le chemin, par toutes les espaces jusqu’à Berlin.
Comme disait le camarade Hodja Nasreddin: «Il n’y a pas du pays meilleur sur la terre, que celui où on est né et où on a grandi». Je vaudrais, qu’il soit encore meilleur pour ceux, que tu vas nourrir au sein. Mais pour instant je ne te le dirais pas à haute voix.
Je ne te demande pas, quand est-ce que tu me laisseras. Peut-être, cela va arriver dans quelques minutes, dès que le moteur arrêtera de faire le bruit et la machine glissera harmonieusement sur la terre. Là, ce rêve rompra. Tu toucheras de nouveau mes lèvres de tes lèvres, enlèveras la blouse blanche et te transformeras en un combattant. Je n’oserais pas t’appeler du champ de bataille pour l’amour...
Ma femme! Mon petit chamelon aux yeux noirs! Il faut que je me soigne très vite, pour finir la guerre par la victoire au plus vite et revenir à la maison... Chez nous... A la paix, aux études, au travail, à l’amour...
Et cela, je vais te le dire à haute voix... en guise d'adieu.

1949

Sécurité d’information № 677

GABIT MOUSIREPOV
 SOLDAT DE KAZAKHSTAN
Nouvelle

Rédacteur V. Polevskaya. Peintre N. Ivanov. 
Rédacteur artistique V. Machrapov. Rédacteur technique K. Faritdenov. Correcteur Y. Chklovskaya.

Date du bourdon : le 03.09.1970.  Date du bouclage : 22.02. 1977. 
Papier type No 1. Format 84Х108 1/32 —  6,5 feuille d'impression conventionnelle — 10,92 (Feuille de comptage 12,34). Tirage 100 000 copies. Prix : 1 rouble.

Maison d'édition «Jazouchi», ville d’Almaty, 480091, avenue Communistitcheski, 103.

Commande No 1526. Entreprise polygraphique du groupe industriel des entreprises polygraphique «Kitan» du Comité d’état du Conseil des Ministres de la République Socialiste soviétique de Kazakhstan chargé des impressions, de la polygraphie et des librairies, ville d’Almaty, rue Pasteur, 39.




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