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Aouezov Moukhtar «Gris feroce»

23.11.2013 1566

Aouezov Moukhtar «Gris feroce»

Язык оригинала: «Gris feroce»

Автор оригинала: Aouezov Moukhtar

Автор перевода: not specified

Дата: 23.11.2013

          Le grand ravin près de la Butte Noire est désert, mais les bergers des aouls des alentours le connaissent bien. Des malheurs arrivent de ce ravin assez souvent.

La Butte Noire est couverte des buissons basses de spirée et d’acacia jaune comme d’un chapeau de fourrure. Les pointes de l’acacia jaune verdoient d’une manière tendre, à peu  près perceptible – des bourgeons y sont apparus. Le ravin est partout couvert d’églantine. Des tanières des loups sont cachées sous son tapis hérissé bouffant.

Le vent de mai frais souffle du ravin par bouffées en répandant au loin l’odeur de l’herbe jeune et de l’ail des bois. Les buissons bougent et bruissent maussadement, sèchement comme s’ils se murmuraient.

Tard au printemps un loup et une louve sont venus dans le ravin vers de vieilles tanières. Les anciennes tanières furent ravinées par l’eau printanière, et un homme pourrait y entrer sans difficulté. Les loups en ont creusé une nouvelle, plus étroite tout près et l’a jointe aux anciennes bouches étroites et sombres.

Des pattes de loup piétinèrent bientôt la terre fraîchement creusée. La peau blanchâtre de la louve n’eut pas le temps de déteindre quand des louveteaux gris fumé avaient apparu dans la tanière.

 Par un matin calme la louve était étendue en plein soleil, sous des hautes époussettes de l’épinard oseille. Aujourd’hui il ne faisait pas de vent, il faisait chaud, elle eut sommeil. Elle somnolait en ouvrant parfois un oeil vague. Ses côtes avaient maigri, ses tettes étaient gonflées avec du lait. La peau sur son dos tremblait nerveusement, ses tettes tressaillaient sans cesse.

Un craquement faible se fit entendre derrière les buissons. La louve bondit ayant fait élancer des flocons de poil blanc en l’air, et montra ses dents en grommelant sourdement..Des louveteaux pataugeaient à ses pieds.

Et tout de suite, ayant franchi le mur des buissons branchus, un agneau atterrit devant la louve. Ensuite un gros loup lourd avec une queue baissée apparut sans bruit. En laissant tomber la bave rougeâtre de son museau il sentit la louve, et elle lécha avidement sa pommette ensanglantée.

L’agneau était encore en vie. Le loup et la louve se jetèrent sur lui et l’écharpèrent en un instant. Deux bouches avides aux dents blanches avalaient la viande légère et tendres par de gros morceaux. Leurs yeux verts brillaient méchamment.

Ayant mangé l’agneau tout entier, le loup et la louve tombèrent sur l’herbe juteuse et s’y étendirent en pied. Ensuite ils commencèrent à regorger la viande avalée à tour de rôle.

Les louveteaux, les uns après les autres, s’approchèrent de la viande, et en se bousculant, en ronronnant ils se mirent à la tripoter. Seulement les deux qui étaient nés les derniers étaient encore aveugles.  La louve les tira vers elle et les mit près de ses tettes.

Le jour suivant, quand le soleil était à son zénith, la louve sentit de loin l’odeur de cheval épaisse, forte. Ayant vite poussé ses louveteaux dans la tanière elle se cacha dans les buissons.

Des piètinements de cheval, des voix des gens s’entendirent.

Les gens se rassemblèrent tout près de la tanière même et descendirent des chevaux. De longues massues de bergers frappèrent la terre d’une manière syncopée.

La louve était dans les buissons d’églantine sur un coteau du ravin abrupte, ayant tiré la langue de sa bouche édentée. Elle voyait tout.

En mettant des entraves à courroie fortes sur les têtes, les cous des louveteaux, les bipèdes les enlevaient l’un après l’autre de la tanière sombre. On tua les cinq tout de suite. On cassa les pattes arrière à l’un et le jetèrent près de la tête de l’agneau rongée. Le louveteau va ramper, gémir, et les loups l’emporteront et quitteront ce pays pour longtemps. Et le plus petit de la litée, les gens l’ont emporté avec eux.

Le piètinement de cheval tomba dans le ravin. Le loup acharné, avec une bosse noire et la louve blanche entourèrent le louveteau étendu par terre de deux côtés et montrèrent furieusement leurs dents d’abord à lui, ensuite l’un à l’autre. La louve prit le louveteau et glissa en courant sur le ravin. Le loup se jeta après elle en faisant des bonds volants.

La tanière devint vide.

 

 

 Dans l’aoul il y avait un garçon nommé Kourmach. C’est lui qui eut le louveteau aveugle. Les aînés disaient : le loup est chez les gens aveugles – peut-être qu’il y prendra racine.

Kourmach ne se quittait pas avec lui ; il lui prépara une jatte propre, un collier en cuir mou.

Deux ou trois jours après le louveteau ovrit les yeux, mais il ne sortait pas d’iourte – dehors il entendait l’aboiement et on sentait l’odeur des chiens affreuses. La nuit Kourmach prenait le louveteau avec lui sous sa couverture. Pour lui le garçon se couchait maintenant à part, séparément de sa vieille grand-mère qu’il aimait plus que tous les gens dans le monde. Elle était la seule à ne pas approuver son affection envers une bestiole faible, d’un gris transparent, avec des dents aigues comme des épines.

- Il ne pouvait pas encore voir quand ses dents avaient déjà apparu, - disait la grand-mère. – Il n’aura pas le temps de se lever et il pressera les oreilles contre sa nuque.

Et le garçon se fâchait contre elle.

Vers le milieu de l’été le louveteau avait grandi, s’était raffermi, et n’était pas du tout différent des chiots d’aoul qui étaient du même age que lui. S’il était plus hirsute, il ressemblerait à un petit chien-loup. Mais la vie dans l’aoul était de l’esclavage pour lui. Les chiens de berger ne voulaient pas le supporter comme le faisait la vieille grand-mère. Des bouches rugissantes, édentées le rencontraient à chaque fois qu’il osait sortir de l’iourte.

Kourmach le défendait, et les chiens de sentinelle fidèles s’éloignaient du garçon en montrant leurs dents d’un air vexé. Le louveteau étouffait ici, s’ennuyait et avait peu de place. Il voulait être dans la steppe, dans l’herbe haute multicolore, dans l’espace inconnu. Un jour un grand chien noir et pie ayant saisi l’instant propice quand le garçon n’était pas à côté, avait chassé le louveteau  de l’iourte, l’avait fait coucher par terre et le broyait de ses dents lourdes pendant longtemps. D’autres chiens accoururent aussi et se mirent à saisir le chien gris par les pieds et les côtes en aboyant éperdument. Des enfants et des adultes accoururent et ils arrivèrent à peine à enlever le louveteau. Tout tripoté, mordu, il rampa jusqu’à l’iourte, s’assit en y tornant le dos et montra ses dents blanches sans bruit.

-     Oh quil est muet... Fier ! – s’étonnèrent les hommes. – Le chiot aurait déjà percé la terre de son glapissement.

Et les femmes dirent :

-     Quel voleur ! C’est pourquoi il est muet...

Et c’était vrai. Même Kourmach était étonné et perturbé par la voracité du louveteau. Le garçon le gâtait, le nourrissait sans rien lui refuser, beaucoup mieux que les chiens. Et il semblait que le louveteau  ne pouvait jamais s’assouvir.

Les chiens d’aoul étaient efflanqués, ils n’étaient pas exigeants.Les côtes et la poitrine du louveteau s’enflèrent, son garrot gras grandissait d’une façon bien perceptible. Il avait toujours faim et rôdait dans l’iourte en bougeant son nez noir humide.

Devant les gens il ne touchait pas à la nourriture, il en détournait son museau. Mais suffisait-il à l’homme de s’éloigner qu’il avalait tout de suite tout ce qu’on lui avait mis, et regardait tristement la jatte vide comme s’il n’avait rien mangé. Suffisait-il aux gens de badauder qu’il emportait avidement tout ce qu’il voyait et ce qu’il pouvait essayer. Il emportait la viande de maître cuite, il buvait le lait caillé de la marmite comme si elle était là pour lui, il mangeait des peaux fraîches pendues sur la charpente de l’iourte pour être séchées.

On l’attrapait souvent, et on le battait sans pitié. Il sut aussi des coups de rouleaux dont il avait un bourdonnement dans la tête, une douleur aigue, brûlante de fouet sifflant. En esquivant habilement les coups, il montrait ses dents blanches en silence. Il n’y eut pas une seule occasion qu’il se fût mis à faire entendre sa voix après être battu.

 

Et entre-temps dans l’aoul il y eut des rumeurs qu’il glissait la nuit dans des jas et sentait les queues des agneaux, et les brebis avaient peur de lui. Quelqu’un vit qu’il s’enfuyait discrètement dans la steppe.

Kourmach n’écoutait pas les rumeurs d’aoul. Mais aussi longtemps que le garçon faisait de son mieux et qu’il apprenait à son gris, celui-là n’arrivait toujours pas à comprendre en quoi la nourriture qu’il volait était pire que celle donnée par ses maîtres.

Il n’avait pas peur de Kourmach, il mangeait en sa présence. Quand le garçon lui tendait la viande, le louveteau ne la prenait pas, mais arrachait le morceau de ses mains. Mais Kourmach ne l’avait jamais frappé avec la massue qu’il utilisait pour chasser les chiens. Le garçon se plaisait à regarder le louveteau, son regard indépendant en dessous, son garrot menaçant un peu foncé, sa force grandissant de jour en jour.

Et Kourmach appela son favori Kokserek ce qui voulait dire Gris Feroce.

Vers la fin de l’été Gris Feroce ne ressemblait déjà que très peu aux chiens d’aoul. Avec de grandes jambes comme  chez un velot, avec une bosse escarpée comme chez un boeuf, il était le plus grand de tous. Il ne levait pas sa queue à la façon des chiens, et c’est pourquoi il semblait encore plus grand, et son garrot ensemble avec son dos ressemblaient à un arc tendu.

Maintenant il ne fuyait plus le chien mâle noir et pie, et les chiens cessèrent de le taquiner. A peine tournait-il son museau gris pierre au grand front et plissait-il la lèvre supérieure que ceux-là couraient à la débandade. D’habitude, à le voir les chiens se tenaient en meute. Les chiens et le loup étaient toujours sur leurs gardes.

Personne ne s’apercevait que le loup gambadât dans l’aoul. Il ne jouait pas non plus avec Kourmach. Il se souvenait bien de son nom et accourait quand la vieille grand-mère ou Kourmach l’appelaient, mais il courait sans hâte, à un petit trot paresseux et ne remuait pas la queue.

Il ne touchait pas les chiens et ne se retournait pas quand il les entendait aboyer, il ne suivait pas les chiens fuyants. Le plus souvent il était étendu dans l’ombre de l’iourte, ses oreilles aigues dressées, et plissait maussadement les yeux verts.

Kourmach était fier de sa bête silencieuse aux yeux verts et riait gaiement quand les chiens des voisins se sauvaient en le fuyant en hurlant de peur. A vrai dire parfois le garçon avait peur lui-même de Gris Feroce, mais il ne l’aurait jamais avoué même à sa vieille grand-mère gentille.

Le maître du chien noir et pie se vantait :

-      Mais qu’est-ce qu’il peut faire, votre gris à la queue baissée ! Mon chien noir et pie le battra d’un seul coup, juste laissez-le faire ! Il l’aurait étouffé déjà si vous ne l’aviez pas chassé.

Une fois, un peu plus tard, juste pour voir, il avait mis en colère le chien noir et pie. Le chien sans hésiter, en aboyant passionnément, s’était jeté sur le loup, l’avait frappé de ses crocs dans l’épaule. Il visait l’épaule, mais il avait raté. Au dernier moment le loup avait esquivé et,avant que le chien eût le temps de s’écarter, s’était agité en silence, l’avait pris par le garrot dans l’air et l’avait jeté par terre. Le chien énorme s’était roulé du coteau comme une brebis grasse et démunie. Le loup avait aussi raté le coup, autrement il aurait arraché la gorge au chien.

Kourmach était sorti en courant et avait appelé Gris Feroce, et le maître avait ramené son chien noir et pie.

Tard le soir deux loups attaquèrent d’une façon inattendue les brebis qui pâturaient non loin de l’aoul.

Le berger se mit à crier désespérément, à siffler. Des adolescents et des adultes vinrent à cheval de l’aoul. Tous les chiens d’aoul accoururent en aide en meute avec des aboiements assourdissants, et Gris Feroce les rejoignit.

Les loups partirent dans la steppe. On se mit à les poursuivre mais on faillit les attraper.

Sur les buttes proches les cavaliers et les chiens s’arrêtèrent. Au loin, sur la haute chaîne de la Butte Noire, dans la lumière vague, peu claire, des ombres grises glissaient.

-     Ils s’annoncèrent un peu trop tôt cette année, - dit le berger. Et juste Kourmach s’était aperçu que Gris Feroce avait couru sans bruit, à toucher presque la terre de son museau, en suivant les traces de loup.

Le garçon s’attarda derrière les gens et marcha sans peur dans l’obscurité, vers la Butte Noire. Il appelait doucement pendant longtemps :

-     Kokserek ! Kok-se-rek..

Mais Gris Feroce n’était pas venu à son appel.

Le loup apparut dans l’aoul la nuit. S’étant présenté à vue de son iourte, il ratissa lentement de ses griffes en fer la terre sèche, battue en faisant lever des volutes de poussière. Il leva la tête vers le ciel plein d’étoiles et inspira l’air d’automne froid en sentant avidement les soufflements faibles du côté de la Butte Noire.

Pendant la journée on vit Gris Feroce dans l’aoul, et la nuit il repartit dans la steppe.

Il n’était pas dans l’aoul pendant trois jours. Il était revenu amaigri, affamé, mais toujours maussade et sans son collier.  Quand Kourmach l’appela, il s’approcha ayant baissé la tête d’une façon on dirait menaçante. Le garçon se réjouit l’ayant saisi par son cou court musclé. Le loup se détacha, pressa les oreilles vers la nuque, mais même la grand-mère ne se mit pas à le gronder et s’affaira en préparant la nourriture.

Il mangeait d’une façon terrible, et Kourmach s’était écarté de lui.

-     Ouh là ! C’est la race qui parle, - dit le père à Kourmach. – Les yeux de la bête sont tous verts, ils brillent même le jour. Il est l’heure de lui enlever sa peau, mon cher fils.

Et le garçon trembla ayant peur que maintenant les adultes ne lui cèderaient pas, qu’ils tueraint son loup.

Mais Gris Feroce fit comme s’il comprenait qu’on parlait de lui. A peine les gens se détournèrent-ils qu’il avait disparu. Personne ne vit quand il avait quitté laoul.

Plusieurs jours après Kourmach le cherchait en vain dans la broussaille de stipa – avec tristesse, avec menace. Tout en vain ! L’automne venteux passa, l’hiver sévère couvrit la steppe d’un feutre blanc. Gris Feroce ne revenait pas.

 

 

Jusqu’à l’automne avancé il mangeait la viande de lièvre, loin des endroits familiers, il ne négligeait non plus la viande de souris. Les sousliks étaient gras, et il les savouraient comme un renard. Et avec la neige la faim l’amena vers les lieux d’hivernage de gens, vers les enclos de brebis.

Maintenant il avançait à pas de loup, comme un étranger. Son poil se dressait à la vue des gens.

Nuit après nuit il tournoyait autour des coteaux enneigés en laissant sur la neige la trace volante de ses talons et griffes. La vapeur tourbillonnait près de son museau gris un peu ridé. Il s’arrêtait du côté sous le vent, et l’odeur nourrissante du bétail et de l’étable lui se plantait dans le nez, et dans ses oreilles résonnait l’aboiement des chiens inquiet. Le loup grinçait furieusement des griffes. Maintenant les chiens avaient une ouïe aussi fine que sa faim était forte.

A l’heure tardive, sous la tempête de neige il essaya de s’approcher du lieu d’hivernage. Mais les chiens vigiles faisaient comme s’ils savaient d’où il allait venir. Toute une meute avec le chien noir et pie en tête l’accueillit et le chassa.

Le vent baissa, il gela un peu. Le loup dansa en fléchissant sur ses jambes. La neige tôlée dure lui brûlait les talons, les coins noirs de sa bouche gelaient, le ventre était tendu par une douleur de faim. Le loup se leva sur le coteau à un petit trot. La neige brillait sous la lumière de lune vive. Gris Feroce leva la tête vers le ciel et s’étant figé dans la langueur convulsive, jamais vécue, hurla lentement, tristement.

Tout de suite l’aboiement effréné se leva dans l’aoul.

Gris Feroce ne baissait pas la tête. Et tout à coup, du côté de la Butte Noire, une réponse peu intelligible, triste s’entendit. Le loup se redressa en tremblant. Quelqu’un lui faisait écho, quelqu’un l’appelait. Il pressa l’oreille, renifla du nez et courut en coup de vent à l’appel.

Près de la descente dans un grand ravin il s’arrêta, sur ses gardes, en tremblant d’une fièvre forte. Une louve blanche neige descendait vers lui de la Butte Noire.

Gris Feroce ne la laissa pas s’approcher de lui. Elle s’approchait, il s’écartait d’un saut en montrant ses dents, en pressant les oreilles. Mais il ne pouvait pas partir. Et quand elle suivit ses traces en reniflant son odeur et après se retourna en hurlant plaintivement et posant son nez dans son aine, il ne bougea pas. La louve courut doucement en s’écartant de lui. Il la rattrapa et lui lécha la pommette.

Epaule contre épaule ils coururent en montant le ravin, le volèrent à travers et tournèrent vers les habitations des gens. En une demi-heure, sur les croupes des buttes, sans arrêt, sans fatique, ils firent un demi-cercle gigantesque d’une double trace rare, et juste la neige tôlée grinçait d’une façon sonore sous leurs pattes. Ensuite, comme à l’unisson, ils coururent de la même façon ensemble en bas, vers l’aoul.

La lune s’était cachée. La nuit terminait. Gris Feroce et la louve blanche avaient volé à travers l’aoul comme à travers un grand ravin et tous les deux, près d’un tas de neige jaunâtre ils virent un chien à un long poil frisé courir après eux en amenant derrière lui toute une meute. C’était bien sûr le chien noir et pie.

Les loups couraient de l’aoul à toute vitesse. Le chien noir et pie ne s’attardait pas en aboyant avec acharnement. La meute derrière lui s’étendait, s’éclaircissait. Et Gris Feroce ralentit sa course en écoutant rageusement l’aboiement,- le chien se déchirait de fureur, de colère.

Près du ravin la meute s’arrêta, le mâle noir et pie s’arrêta aussi et courut pour revenir à sa meute. La louve fut la premère à se jeter après lui.

Dans la steppe déserte il est difficile pour un chien de s’enfuit d’un loup. Mais le chien noir et pie n’eut pas peur quoi qu’il restât seul. Il vivait pour se battre avec le loup, et sans hésiter,  il se mit à se battre avec la louve quand Gris Feroce s’était jeté sur lui et l’avait écrasé de son corps. La louve perça le cou du chien avec un rugissement glapissant.

Bientôt il n’y eut que la queue, la tête rongée et des touffes de poils du chien noir et pie. Les loups avalèrent même la neige ensanglantée.

S’en étant mis plein la gueule, ils partirent vers la Butte Noire et s’étendirent sur le neige propre dans le ravin.

Depuis cette nuit-là ils ne se séparaient plus. Et le malheur gris commença à ravager dans les alentours.

Par-ci, par-là, près de la Butte Noire et loin d’elle, les loups approchaient des brebis, coupaient des vaches et des chevaux, abattaient des chameaux, tuaient des chiens de garde et s’en allaient sans être punis.

D’aoul en aoul de mauvaises rumeurs se répandaient.

- Ils sont toute une meute, une meute de diables gris, et tous, comme des loups-garous, n’avaient pas peur de l’homme. Pas du tout ! Leur chef de file est acharné, de taille d’un velot, si feroce, si terrible... Il ne court [1]pas même quand l’homme s’approche de lui à la longueur d’un soïl ! Il est apeurant de s’approcher même de lui. La meute attaque d’un côté, des bergers se jettent là, les chiens les traquent, et pendant ce temps-là le chef en file emporte une brebis sur sa bosse de l’autre côté...

Pendant longtemps les loups ne se tenaient pas sur une place. Aujourd’hui on les voyait près de la Butte Noire, et demain à une dizaine, à une vingtaine, à une trentaine de verstes du sud, de l’est. On sait bien : ce sont les jambes qui nourrissent le loup.

La steppe dans cette contrée est vallonnée, ravinée, couverte de buissons. Il est     agréable de la regarder de la Butte Noire : comme la mer par une tempête, elle se voûte par de haurs flots, elle bouillit par des crêtes floconneuses. Dans des endroits pareils un loup se sent à l’aise et le berger a des soucis. Il est facile d’approcher invisiblement le troupeau, l’enclos, il est facile d’épier, d’enlever le bétail attardé. Et il est difficile de guetter un loup, il est impossible de prévoir d’où son ombre inaudible, fumée va sortir. Et par un hiver enneigé même si l’on réussit à le tracer, on ne le rattrapera pas ! Les tas de neige sont profonds. Le loup part par la terre vierge. La neige tôlée supporte le loup,mais pas le cavalier : le cheval tombe, il ne galope pas – il laboure la neige.

On a essayé de mettre la viande empoisonnée près du grand ravin où l’on trouvait des tanières de loup plusieurs fois et s’en repentirent. Est-ce que les loups vont manger quelque chose d’empoisonné ? Les jeunes chiens d’aoul peu intelligents prirent la viande près du ravin et restèrent étendus sur la même place. Les loups ne touchèrent pas les corps de chiens figés non plus.

Cet hiver était nourrissant pour les loups. Gris Feroce ne cessait pas de grandir en prenant du poids de pierre, mais il ne pouvait toujours pas assouvir sa soif terrible pour la viande et le sang.

Juste au printemps sa faim s’est un peu apaisée, et dans son sang une autre soif s’enflamma pour quelque temps.

La neige dans la steppe devenait veule, s’assombrissait. Sur des buttes des taches trouées sur des endroits où la neige avait fondu,le sol roux, pâteux apparaissait. Gris Feroce fut pris d’un enjouement jamais vu. En courant il était affairé, il tournoyait sans raison, s’affairait autour de la louve comme un chiot. Elle s’étendait par terre pour se reposer, et il dansait près d’elle en  faisant lever des tourbillons de neige miroitante, il sautait d’une façon folichone sur elle ; il la poussait de sa poitrine, de ses pattes, de son museau. Elle montrait les dents, fâchée, et il l’attrapait par le cou et après l’avoir un peu tenu, il laissait aller. Des fois il la tapotait par le front sans la laisser s’échapper. Elle piaillait, chamailleuse, elle le mordait.

Ensuite elle s’adoucit et se mit à le sentir et à le lécher plus souvent.

Plus au nord de la Butte Noire s’étendaient de larges lacs salés, peu profonds.Leurs côtes étaient tous couverts de roseaux et de stipas. Ces endroits sont sauvages – ce n’est pas sans raison qu’un gazouillement des oiseaux s’entend sans cesse au-dessus des broussailles. C’est ici que la louve blanche amena Loup Feroce au printemps, quand les côtes de lacs se verdoyèrent abondamment.

Maintenant il chassait loin de son pays natal. Et la louve ne quittait pas sa tanière et se nourrissait des oeufs d’oiseaux trouvés dans les roseaux.

Une fois il lui apporta une queue de mouton grasse, mais elle ne le rencontra pas près de la tanière comme d’habitude. Il gratta la terre de ses pattes, tout inquiet, et elle sortit de la tanière, toute affaiblie, pouvant à peine traîner les jambes.

Une odeur forte, inconnue provenait de la tanière. Gris Feroce se hérissa d’une façon menaçante, mit son museau dans la tanière, en montrant ses dents et en tira avec ses dents un petit louveteau peu attrayant.

En glapissant faiblement la louve se jeta vers lui, mais elle ne put pas l’empêcher. Gris Feroce frappait le petit louveteau aveugle contre la terre avant que celui-là ne se transformât en une boule grise sans forme, après il le jeta avec dégoût loin de lui.

Quand il se tourna envers la louve, elle était étendue entre lui et la tanière, et d’autres louveteaux rampaient vers elle, mettaient leurs museaux dans ses mamelons.

Gris Feroce s’étendit à côté en se léchant maussadement.

La louve commença à le rejoindre pour la chasse, mais elle était encore maladroite, pesante et partait sans cesse pour nourrir sa litée. Souvent elle revenait dans la tanière sans rien trouver, et il regardait avidement les louveteaux, et elle le mordait en le chassant de la tanière.

Par un petit matin d’avril, quand tous les louveteaux avaient déjà acquis leur vue, Gris Feroce et la louve blanche couraient le long du lac vers leur tanière, elle courait devant lui sans le laisser la dépasser, et lui, il courait tout derrière sa queue, et tout à coup ils sentirent l’odeur de l’homme. Les oiseaux se lèverent en nuage au-dessus de leurs nids, des chevaux piétinaient, des massues de bergers battaient la terre...  Les loups se cachaient dans les roseaux, avant que tout ne redevînt tranquille. Et s’étant approchés de la tanière ils n’y trouvèrent qu’un seul louveteau avec des jambes cassées.

Quelques jours de suite la louve errait sans cesse autour de l’aoul où les gens avaient amené ses autres louveteaux. C’est en vain que Loup Feroce l’appelait. Elle ne le suivait pas – et ils furent aperçus.

La terre sécha, fleurit. Les chevaux acquéraient vite de la force sur lherbe de printemps juteuse. Et par un jour bleu chaud les loups entendirent la chasse bruyante derrière eux. Trois cavaliers sur des chevaux vifs chassèrent les loups du grand ravin près de la Butte Noire.

Gris Feroce volait comme une flèche. C’est encore dans le ravin que la louve s’attarde derrière lui. Ses tettes n’eurent pas encore le temps de s’indurer, et elle était lourde en course. D’abord Loup Feroce revint vers elle, courut derrière en lui mordant les côtes, en la pressant. Elle rugit sur lui. Il regarda en arrière les cavaliers et partit en avant en silence, très vite.

A la sortie du ravin il tourna et en sauts adroits, comme une chèvre, il monta en haut suivant la pente du ravin couvert d’épines.  

Gris Feroce se cacha dans les buissons, et la louve blanche allait à toute vitesse tout droit sur l’espace ouvert, et les cavaliers galopaient après elle avec des ululements.

La nuit Gris Feroce en reniflant trotta avec précaution suivant les traces de la chasse. Dans un ravin éloigné, sur l’herbe mouillée à cause de la rosée il trouva une tache de sang coagulé. Il la sentit, la lécha. C’est ici que la louve blanche était, et c’est ici que son odeur terminait.

Gris Feroce s’assit et il était assis sans bouger en faisant ressort avec sa poitrine saillante, en voûtant sa nuque brune jusqu’à ce que la lune ne se levât pas. Et quand la lune se leva, il hurla tristement, sourdement.

Comme s’il s’était figé, Gris Feroce resta dans le ravin jusqu’au matin. Avant l’aube il se leva en bâillant convulsivement. La faim lui refroidissait le ventre.

Pendant tout l’été il errait dans la steppe tout seul en faisant peur aux troupeaux et aux aouls. Ses attaques de nuit ne se terminaient pas, et les bergers maudissaient leur sort. Il n’y avait qu’un seul loup gris avec une bosse brune qui errait près de la Butte Noire, non loin des lacs salés et dans tous les alentours et qui avait tué pas moins d’une cinquantaine d’agneaux et de velots en un été ! Son ventre était sans fond.

Deux fois on se mettait à sa chasse sur des chevaux frais avec une meute de chiens rapide, et toutes les deux fois il arrivait à s’enfuir. Avec un ventre si lourd il était léger en course, ce bandit, et infatigable. Le loup ne s’enfuyait pas  - il s’envolait en faisant honte aux braves d’aoul.

Le jour il se cachait, il dormait dans des broussailles de roseaux sombres, sur des lacs fangeux, marécageux, et la nuit rien ne l’arrêtait – ni le cri d’un homme, ni l’aboiement des chiens, ni le tonnerre et le feu d’un coup de fusil. C’était en vain que les bergers dépensaient une ballle après une autre en visant l’ombre grise, c’est en vain que des jakans[2] sifflaient au-dessus des  troupeaux – le loup, sain et sauf, revenait dès que l’écho disparaissait dans l’obscurité nocturne. 

Au cours de l’été Gris Feroce s’engraissa. Le poil rêche, épais se levait sur lui comme des aiguillons sur un hérisson, mais son ventre était serré et ne savait une heure de répit.

Il prit l’habitude de suivre des haras de chevaux. S’étant approché à pas de loup d’un téteur, il le saisissait par sa queue courte et la tenait d’une façon que celui-là ne pouvait pas bouger. Le poulain essayait de s’échapper à tout prix ; le loup le laissait partir tout d’un coup, et celui-là culbutait par terre. Le loup se jetait sur lui, et ses dents se refermaient sur la gorge de la victime.

L’automne passa bien vite, court, pluvieux, et voilà que de nouveau des tempêtes de neige hurlèrent, soufflèrent pendant plusieurs jours.

Par une nuit claire, froide, sur une crête de la butte nue Gris Feroce croisa soudain une grande meute de loups. En levant un tourbillon d’une poussière neigeuse piquante, la meute l’attaqua et le cerna. Gris Feroce se retrouva nez à nez avec le chef de la file, - une bête énorme acharnée avec une bouche entr’ouverte, fumante dans le froid.

Mais la meute comprit tout de suite qu’ils avaient rencontré non le butin, mais le maître des endroits de ces lieux. La queue entre les jambes, en s’accropissant, Gris Feroce claquait furieusement de ses dents de fer. Il était deux fois plus jeune que le meneur mais il ne lui cédait ni en taille, ni en poids ; personne dans la meute n’avait de côtes si lisses et gras.

Les louves s’approchèrent les premières et commencèrent à renifler Gris Feroce. Des loups plus jeunes sapprochèrent peureusement.

Il ne permit pas d’être reniflé juste par le meneur, et celui-là ne le laissa s’approcher de lui non plus. Les étrangers s’étendirent sur un tas de neige tout dur, avalèrent des paquets de neige gelés. Gris Feroce fit de la même façon. Et il suivit la meute ensemble avec le meneur.

Au matin la tempête de neige commença. Gris Feroce amena la meute vers le haras de chevaux. Ils enlevèrent la jument de deux ans, la chassèrent dans un tas de neige profond et Gris Feroce la fit tomber sur la neige comme il l’avait fait jadis avec le chien mâle noir et pie. Les loups se jetèrent sur le cheval de tous les côtés. Gris Feroce prit la jument par les omoplates et sauta de côté à cause d’un coup  lourd des dents dans l’épaule. Un meneur se tenait près de lui en montrant ses dents : Gris Feroce toucha à la partie principale du butin.

Pourtant on n’avait pas le temps de se battre à ce moment – le corps de cheval fondait en fumant. Les jeunes loups mordirent le ventre en y plongeant ses museaux jusqu’aux oreilles. Les louves déchiraient le corps en se bousculant et en rugissant. Gris Feroce et le meneur revinrent dans un cercle serré.

Juste les deux restèrent au-dessus de la dernière jambe. Les autres en se tenant à une distance respectable, ayant mis les têtes sur les pattes, les regardaient déchirer la viande, écraser des os de cheval avec un croustillement. Les deux s’éloignèrent en même temps, en respirant lourdement, en se regardant de travers hostilement, tachés de sang jusqu’aux yeux.

Ils se couchèrent séparément au centre de la meute. Les louves tournoyaient autour de Gris Feroce. Il ne détachait pas ses yeux du vieux meneur.

Pendant encore quelques nuits ils menaient la meute à deux, en se tenant tête contre tête, et si l’un dépassait l’autre d’un demi-pas, l’autre le saisissait de ses dents par la côte ou par la jambe.

Et les nuits étaient claires, calmes, affamées. La fureur bouillonnait dans la gorge muette de Gris Feroce.

Les loups marchaient le long du ravin quand un lièvre leur avait couru entre les jambes. Le lièvre galopa et s’agita devant les nez de loup sur une verste au moins avant qu’on ne l’attrapât. Gris Feroce et le vieux meneur l’attrapèrent en même temps et le déchirèrent en deux parties. La meute s’attardait loin derrière eux.

Tous les deux avalèrent avidement leurs morceaux et se jetèrent tout de suite l’un sur l’autre. Des paquets de neige, des touffes de poil volèrent en éventail. Le ferraillement des dents syncopé s’entendit dans le silence.

Deux loups acharnés se luttaient, levés sur leurs jambes, s’empoignèrent de leurs jambes de devant en creusant un tas de neige au-dessous d’eux. Ils se séparèrent pour une seconde. Le meneur rugissait, il était d’accord pour en finir là. Mais Gris Feroce trouva un moyen et le saisit un peu au-dessous de l’oreille – un truc des chien, c’est ainsi que les loups-garous le font. Il le fit se courber, il l’écrasa de son poids et mordit tout de suite sa nuque haute puissante. Il serra ses dents comme pinces et cassa le cou du loup.  

Le vieux meneur était étendu de côté sur la neige en montrant impuissamment ses dents. La meute s’approcha et le dévora tout de suite jusqu’aux os. Le loup ne ménage pas le faible – ni l’ étranger, ni le sien.

Jour et nuit les gardiens de chevaux ne descendaient pas de chevaux et n’arrivaient pas à garder leurs haras. On ne connaissait pas encore une telle peur, de tels ravages près de la Butte Noire. Les loups abattaient tous les animaux vivants aux yeux des bergers.

Gris Feroce conduisait sa meute d’un lieu d’hivernage à l’autre lieu d’hivernage du coucher de soleil jusqu’à l’aube. Les loups s’engraissèrent bien vite, s’alourdirent, mais le meneur ne les laissait pas dormir pendant longtemps. Il battait, il mordait même les louves, et les louves chassaient méchamment des loups plus jeunes.La meute quittait leur lieux de couchage, courait à travers la steppe comme une avalanche.

Et il y avait un cas quand une meute de loups avait attaqué un homme. Un marcheur solitaire conduisait le traîneau sur un chemin de tore. C’est rare qu’un loup ose s’approcher d’un tel chemin, de  le traverser, surtout si un homme s’y trouve. Et Gris Feroce n’hésita pas longtemps, pressa les oreilles contre la nuque et coura après le traîneau.

Le cheval commença à courir plus vite. La meute le rattrapa, détourna du chemin dans un tas de neige. Le traîneau s’enlisa, le cheval tomba  à plat jusqu’à la croupe, et les loups la chevauchèrent par une pile grise.

Le marcheur, fou de peur, déboula du traîneau et se mit à courir dans la neige profonde. Gris Feroce sauta à travers le traîneau et se mit à courir après le fugitif en petits sauts légers. Deux louves acharnées se jetèrent tout de suite après le meneur. 

Gris Feroce en faisant comme s’il jouait et vérifiait ses forces, fit un grand cercle et se posa sur le chemin de l’homme. Les louves s’arrêtèrent derrière le dos du sans-défense, du condamné et de ce bipède toujours intouchable en attendant. Est-ce que l’ataman gris va le toucher ? Est-ce qu’il va faire tomber l’homme sur quatre pattes ?

Les gens le sauvèrent. Un piètinement et un bruit s’entendirent de la butte proche. Deux cavaliers en sifflant d’une voix perçante, couraient en bas, dans le ravin. ди спасли его.

Gris Feroce plissa sa lèvre supérieure et en regardant autour, il s’en alla de plus en plus vite suivant la terre vierge enneigée. La meute quitta le cheval déchiré et fondit dans la steppe crépusculaire, tourbillonnée par le chasse-neige bas.

Et encore une fois Gris Feroce essaya de confronter l’homme ouvertement.

Cela se passa pendant la journée. Il faisait froid à pierre fendre dans la steppe. Le ciel bleuâtre fut couvert par un brouillard sec scintillant à travers lequel on pouvait voir un oeil du soleil pourpre, sanguin. La neige sonaillait.

Les loups en se courbant, en  s’accroupissant et en faisant comme s’ils fumaient dans ce froid, s’approchèrent tout près de l’aoul. Et soudain, du lieu d’hivernage des alentours un chameau à deux bosses sortit et marcha d’une manière versante sur la meute. Il y avait un homme assis entre ses bosses, un homme, et sa tête était enveloppée de quelque chose de blanc, et cela, c’était une coffe féminine. Gris Feroce dressa loreille.

Le chameau n’est pas un cheval, et le cavalier sur lui n’était pas berger ou gardien de chevaux. Les chiens aboyaient sans sortir de l’aoul. La meute se figea en sentant le gibier facile. Pourtant le chameau leva sa tête aux grandes lèvres et courut à la rencontre de la meute d’un trot égal, hardi. Les loups s’agitèrent en sautant l’un sur l’autre, et s’enfuyèrent dans la steppe.

Un chameau bizarre ! Où court-il ? Pourquoi n’a-t-il pas peur ? Et le cavalier est bizarre – il ne crie pas, il ne siffle pas, il n’agite pas ses bras.

Les loups couraient sans se retourner. Gris Feroce courait aussi. Le chameau s’arrêta en reniflant bruyamment. Le vent de janvier brûlant faisait bouger les touffes d’un brun sale sur ses côtes. La femme était assise entre ses bosses sans bouger, seulement le foulard sur sa tête s’enfla en forme d’une boule blanche.

Tous les poils sur Gris Feroce se hérissèrent. Il se planta comme un piquet ayant étendu son museau au grand front et aux oreilles aigues en reniflant l’air.

Rien de spécial... Le bipède ne lui faisait pas peur, c’était lui-même qui faisait peur aux bipèdes, à peine avait-il grandi, encore dans l’aoul. Et ici, dans la steppe ouverte, lui, le loup, était le plus apeurant.

La meute se dissipa, les loups papillotaient loin sur les buttes dans une brume froide et scintillante. Gris Feroce resta. Et quand le chameau releva la tête et alla vers lui, il trotta lentement vers les buttes, en tenant tout bas la queue comme s’il la traînait sur la neige, en appâtant le cavalier plus loin de l’aoul, pour être plus près de la meute.

Le chameau s’arrêtait, et le loup s’asseyait sur sa queue aussi. Le chameau se mettait à trotter, le loup trottait aussi devant lui. La distance entre eux se réduisait lentement. Gris Feroce mesurait la situation.

Enfin l’aoul se cacha derrière le coteau enneigé, et la meute, la voilà !

Gris Feroce se redressa et fit comme il avait fait la veille avec un marcheur solitaire : en sauts, en jouant, il se lança en course autour du chameau en lui coupant le chemin dans l’aoul. Le chameau piétina sur place, brailla d’une manière grinçante, et Gris Feroce vit la meute de nouveau enhardie se jeter du coteau à entendre le braillement.

Mais il ne s’aperçut pas qu’entre les bosses de chameau, soudain, on ne sait pas d’où, une massue lisse noire avec un oeil tout rond qui ne cligne pas apparut ayant brillé dans le soleil.

Et voilà que le tonnerre retentit dans le ciel clair d’hiver. Un écho retentissant sauta sur les buttes des alentours. Une guêpe de plomb invisible  entra dans la cuisse du loup et la brûla de part en part. Pour la première fois dans sa vie Gris Feroce donna de la voix. Ayant piaillé furieusement il mordit sa cuisse et il s’est roulé, ce qui ne lui était jamais arrivé.

Ayant bondi Gris Feroce tout abasourdi  roula sur trois jambes pour s’échapper du chameau piaillant. Les mains humaines transies n’eurent pas le temps de recharger le fusil  - le loup se cacha dans le ravin. Un long fil de gouttes rouge vif s’allongea le long de sa trace à trois pattes.

Tant bien que mal Gris Feroce galopa jusqu’au grand ravin près de la Butte Noire et tomba sur la neige. La cuisse défoncée par une balle était comme si elle était brûlée par un tison de feu. Le loup se mit à lécher sa blessure à l’extérieur et du côté de l’entrecuisse, tremblant à tout moment et en pressant ses oreilles avec angoisse.

La meute partit, maintenant on ne la fera pas revenir dans cette contrée. Et c’est bien qu’elle est loin et que les jeunes loups ne sentirent pas son sang frais, ne le voyaient pas étendu sur la neige rouge, - voilà où ils se vengeraient contre lui !

On n’entendait pas le bruit de la chasse. Un chameau bizarre ne suivit pas sa trace, mais Loup Feroce avait peur d’autre chose. Il attendait l’aboiement des chiens et le piètinement des chevaux.

Et les gens tardèrent, ils ne rassemblèrent pas la meute tout de suite. Les chiens ne voulaient pas quitter l’aoul – ils sentaient la tempête de neige prolongée s’approcher.

Il faisait toujours froid à pierre fendre, et le vent devint plus fort. La steppe gémit. Et des queues de neige pendaient au-dessus de l’espace de steppe, de la terre jusqu’au ciel.

Gris Feroce se leva lentement. En regardant autour, sur trois pattes, parfois en agitant convulsivement la quatrième patte, il galopa vers la brousse de roseaux, sur les lacs salés.

Un vent de steppe à cent voix sifflait trois jours de suite, et on ne pouvait pas distinguer le jour de la nuit. Gris Feroce ne montrait pas son nez et ne sortait pas de roseaux enneigés pendant trois jours. Il s’enfonça dans un tas de neige, il se blottit le nez contre sa queue, et le sang ne se figea pas dans ses veines,  il le réchauffait mieux que un âtre réchauffait une iourte.

Le loup maigrit, mais la blessure dans son entrecuisse guérit, coagula.

La quatrième nuit il sortit de la neige et alla dans la steppe en boitant bien fort. En marchant il se dégourdit les jambes, sa boiterie devint moins visible, mais la douleur ne s’affaiblissait pas.

Il avait faim pendant toute une semaine. Il cherchait du charogne et il ne le trouva pas. Seulement vers la fin de la semaine il eut de la chance : il trouva une jument et un poulain attardés du haras, il tua le poulain, il s’étendit et le dévorait pendant toute une nuit sans se distraire. Il rotait et mangeait, rotait et mangeait en mettant sa patte blessée, transie de froid, sous son ventre enflé.

Encore une semaine passa. La cuisse du loup guérit un peu et il y avait mal de moins en moins souvent. Il se mit à courir plus adroitement et s’enhardit. Il fut attiré par la Butte Noire.

Vers le soir il s’approcha de l’aoul où il avait grandi et se tint sur la crête de la butte avec son poil hérissé des oreilles jusqu’à la queue. On ne voyait pas le chameau dans l’aoul. Et on ne voyait pas le chien – ils étaient avec les troupeaux et les haras dans la steppe. Gris Feroce se mit à errer sur les endroits et chemins familiers en tenant son nez humide contre le vent.

De loin on sentait l’odeur des brebis sucrée et faible. Gris Feroce plissa sa lèvre. Sur l’horizon, dans la lumière de l’aube jaunâtre, une haute silhouette d’un cavalier s’élevait. Un petit troupeau de brebis se pressait près des jambes du cheval. Le berger les menait vers l’enclos.

Le loup s’élança pour couper, en se cachant derrière des coteaux et des buttes. Il sauta, comme toujours, soudain, en coup de vent, mais le berger le vit tout de suite et se mit soudain à crier d’une voix fine, enfantine, désespérée, mais autoritaire.

Gris Feroce s’arrêta net en s’asseaynt sur la queue et en flambant la neige de ses pattes. Sur un cheval il y avait un garçon, un adolescent, avec une massue de berger, trop longue.

Un garçon !.. Le loup n’avait pas peur de lui.

En montrant méchamment ses dents, Gris Feroce se jeta de côté pour contourner le petit berger et s’approcha des brebis  qui bêlaient piteusement et se pressaient l’une contre l’autre. Ce bêlement, cette bousculade l’échauffaient. Devant lui il y avait un butin léger et gras, des os mous, du sang abondant. Mais le garçon battit le cheval de ses talons dans les côtes de toutes ses forces, leva la massue lourde, désobéissante, au-dessus de sa tête et galopa tout droit sur le cheval sans avoir peur.

Gris Feroce se tourna involontairement de côté du troupeau assemblé. Le garçon criait sans cesse. Et quelque chose d’incompréhensible apeurait et tourmentait le loup dans le cri de garçon. Le loup courait, le garçon courait après lui sans le laisser s’approcher des brebis.  En pesant sur les étriers, en brandissant sa massue, il criait à plen  gosier :

...ok...erek! ...ok...erek!

Le loup claqua de ses dents et accéléra sa course.

Le garçon était un cavalier adroit et talonnait désespérément le cheval obéissant, le battait de sa massue, mais il voyait que celui-là s’attardait. Gris Feroce partait, et le garçon lui lança la massue comme une épée à sa suite.

Elle toucha la jambe atteinte par sa pointe arrondie et roula par la terre gelée en bondissant et en sonnaillant. Gris Feroce la saisit farouchement de ses dents et la coupa en deux tout de suite. Ensuite il se tourna, et après avoir pressé les oreilles et plissé la lèvre comme s’il souriait d’un sourire de loup furieux, se jeta silencieusement sur le garçon. Il bondit et le saisit par le pan de sa demi-pelisse de mouton. Le cheval eut un haut-le-corps avec un hennissement apeuré, et le garçon sortit de sa selle et tomba par terre, sur la terre gelée couverte de la neige cotonneuse, se cogna de son dos et de sa nuque si fort que le chapeau était tombé de sa tête et roula sur le flanc blanc.

La dernière chose que le garçon avait vu, c’était l’oreille de loup familière, déchirée près de la tempe dans une bagarre avec les chiens à l’époque quand le loup vivait encore dans l’aoul.

Le garçon était déjà mort quand le loup passa dans un coup de vent au-dessus de lui et avait déchiré sa joue de son croc curvé.

La nuit on avait ramassé le corps du garçon, on l’avait emporté dans l’aoul et on l’avait mis près de l’âtre dans l’iourte.

La vieille grand-mère s’assit  à ses pieds.

-Mon petit poulain, - disait la grand-mère, - mon petit poulain !..

Et ses yeux séchés miros ne pouvaient pas émettre une larme tellement désirée.

 

 

Alors vint le tour du chasseur Khassen, célèbre dans cette contrée, et de son lévrier blanc roussâtre.

Khassen avait échangé son chien contre un cheval à Semipalatinsk. Un petit espace sans poil avec quatre rayons proportionnés blanchissait sur le front du chien, c’est pourquoi le maître l’appela Etoile Blanche – Akkaska.

Il y avait des rumeurs sur Akkaska, tout le monde le connaissait, et d’autres pensaient qu’il venait du chien du batyr Boguembaï de la famille kanjygaly légendaire, honoré dans les chansons.

Le chien était sanglant, fier et chaud. Quand on le nourrissait, il prenait la viande en rugissant. Aux arrêts Khassen le mettait sur la chaîne, le chien ne laissait que le maître s’approcher de lui. Les chiens d’aoul errants se tenaient  à distance d’Akkaska et aboyaient sur lui de loin. Akkaska ne s’apercevait pas d’eux, en bâillant paresseusement, il était étendu sur le ventre pendant des heures ayant mis son museau allongé sur ses longues pattes, et juste pendant la chasse s’avivait-il et dépassait facilement tout cheval, et aboyait fort, terriblement. Ses yeux brillaient comme chez un loup, mais d’une lumière rougeâtre, pas verte, comme celle de la braise brûlante.

Khassen passa quelques jours avec les gardiens de chevaux en étudiant les moeurs de Loup Feroce en interrogeant des choses sur lui. Les hommes passaient la nuit dans des cabanes. Et les vives discussions sur le loup solitaire qui avait tué Kourmach, ne se terminaient pas pendant toutes les nuits. Mais Khasse n’avait entendu rien de nouveau, d’inattendu pour lui. 

On disait que le loup était enragé. On disait que ce n’était même pas un loup, mais une hyène. C’est non sans raison qu’il était si invraisemblablement vorace. Khassen ne croyai pas ses fables.

-       C’est un loup, - disait-il. – Et il n’est pas possible de nourrir un loup avec du foin !

Les gardiens de chevaux se querellaient, menaçaient au loup :

-          Eh, si seulement on l’avait entre nos mains !.. Khassen riait :

-          Quallez-vous faire ? Vous allez écorcher sa peau ?

Et seulement les paroles amères du père de Kourmach touchèrent Khassen. Sur le tombeau de son fils il dit au chasseur :

-     Toi, tu as vu des choses... tu es courageux, persévérant... C’est vrai qu’il est difficile de s’approprier du loup garou. Mais si tu ne le tues pas, sache bien – tu n’es plus mon parent et tu n’es pas un djiguite, personne n’a besoin de toi, et ton chien ne vaut pas un sou. Alors là ne te montre pas devant mes yeux.

Khassen décida de rassembler les gardiens de chevaux pour  la traque – autrement il ne serait pas possible d’y arriver. On ne dût pas les en persuader...

A l’aube, avant la traque Khassen ne donna pas de viande à son chien ; il mit devant son museau une bassine avec du bouillon de fromage de brebis sec mincé. Akkaska mangea vite et ne détachait pas ses yeux du maître. Le chien intelligent comprenait : il y aura une grande chasse importante, dangereuse.

- Alors, Akkaska, - dit Khassen en tapotant le chien par l’oreille, - soit c’est toi qui le vainqueras, soit c’est lui qui te vainquera, rien à faire. Le fils Kourmach mort ira avec nous, il sera le troisième...

Akkaska regardait attentivement le maître en agitant impatiemment de sa queue rousse.

Ils sortirent dans la steppe, et Khassen détacha l’accouple du chien pour que celui-là se dégourdisse les jambes, se réchauffe la poitrine. Akkaska courut en grands bonds sur la neige bleuâtre au crépuscule du matin.

Khassen partagea les gens en quelques groupes et les envoya dans des côtés différents, et lui-même et Akkaska montèrent sur le mont pierreux de la butte solitaire, ouverte à tous les vents. Les chasseurs envoyèrent les chiens d’aouls et partirent en galop. Khassen étendit du feutre épais entre les pierres aigues, y mit Akkaska et s’étendit près de lui sur la neige en tenant le chien par son collier.

Akkaska était étendu tout calme sous la main du maître, seules les oreilles s’agitaient de côté en côté comme des girouettes. De partout on pouvait entendre des voix railleuses, un aboiement d’embrouillage répandu par le vent.

Soudain Akkaska se leva sur ses pattes de devant sans obéir à la main de Khassen, en regardant d’une manière avertie le côté du ravin paisible. Maintenant le chien ressemblait à l’aigle royal guettant son gibier depuis le rocher. Mais encore pendant bien longtemps le ravin était tout vide, et les cris des gens, et l’aboiement des chiens faisaient comme s’ils s’éloignaient. C’était peu probable que les traqueurs eûssent vu le loup – le loup marchait invisiblement dans leur cercle de plusieurs verstes. Akkaska se voûta d’une manière inhabituelle, baissa son museau. Peut-être qu’il était distrait par la reposée d’un lièvre. Le levrier aimait bien chasser des lièvres.

Non. Akkaska ne se trompa pas. Le loup se montra soudain, inaudiblement là où la forêt l’attendait – dans un ravin calme, désert, enneigé. Le voilà, le rusé ! Ici les tas de neige sont mouvants, c’est la terre vierge. Le cheval ne pourra pas marcher ici suivant la voie fraîche, il s’enlisera jusqu’au ventre.

Le loup trottait, à une bonne vitesse, mais quand même sans se presser, en examinant les alentours, et Khassen mordit sa lèvre ayant un moment de doute en regardant son chien de travers. Le loup était puissant et ressemblait de loin à un poulain grivelé avec un museau de loup. Un loup-garou tout craché !

Le loup allait du côté au vent et ne sentait pas le chasseur et le levrier. Mais Khassen n’espérait pas que la bête s’approchât d’eux à la distance d’un coup de fusil au visé et lâcha le chien en ayant dit : « Vas-y...Attrape-le ! » -il courut lui-même vers le cheval attaché derrière le rocher.

Gris Feroce apprécia tout de suite, du premier coup d’oeil la force et la taille du levrier roux et blanc. On ne pouvait pas s’échapper de lui. Le chien allait en toute vitesse sur lui en descendant de la butte avec un rugissement sonore, il était efflanqué et deux fois plus grand que le chien noir et pie. Derrière lui, entre les pierres comme entre les bosses de chameau, courut un homme au bâton noir et lisse. C’était la traque partout. Plus vite !

Le chien et le loup s’affrontèrent sur une escarpe enneigée, et le chien bouscula le loup en prenant du champ, mais roula lui-même sans arriver à se tenir debout. Les deux bondirent, s’empoignèrent de leurs crocs et s’éloignèrent l’un de l’autre avec des bouches ensanglantées en respirant d’une manière rauque. A bon chat bon rat...

Plusieurs fois Gris Feroce se jetait sur le chien et rencontrait un coup de crocs lourd, bien visé. Quand même le loup arriva à pirouetter, sut se tenir plus haut que le chien sur le coteau et le saisit par l’endroit un peu plus au-dessous de l’oreille, comme il avait fait avec le meneur de la meute au commencement de l’hiver, mais Akkaska ne se courba pas, il agita bien fort le loup et s’échappa en lui laissant dans les dents une touffe de son poil roux et de sa peau. Gris Feroce comprit que ce combat n’allait pas finir bientôt. Et du coteau on voyait déjà un cavalier galoper vers lui en criant vivement :

-Attrape-le, attrape-le, mon cher ! A-akkaska-!

Gris Feroce piailla et fonça.

Le loup et le chien s’attaquèrent de nouveau avec leurs crocs si fort qu’on aurait pu voir des étincelles s’il avait fait sombre.Et là, Akkaska, sans se soucier de lui-même et en se souvenant juste de ce que l’homme lui avait crié, mit son nez droit dans la bouche de loup et saisit la bête à demeure par la mâchoire inférieure.

Maintenant on ne pouvait pas les détacher l’un de l’autre : le chien mordait  la mâchoire de loup, et celui-là mordait la sienne, et l’un ne pouvait pas abattre l’autre.

Khassen s’approcha en galopant. Le chien dansait sous lui s’étant braqué. Et les mains de Khassen dansaient aussi. Il jeta le fusil, descendit de la selle, et aussi, sans se soucier de lui-même, se coucha de tout son corps sur le dos de pierre de loup. Il lui mit un large couteau sous son omoplate..

Akkaska libéra son museau écorché de la bouche de loup convulsivement ouverte et s’éloigna. Il se tint un peu et après tomba sur la poitrine. Gris Feroce était étendu sur son côté en face de lui.

Des chasseurs commencèrent à venir, et l’un d’eux mit le fouet dans les dents du loup en ouvrant sa bouche noire et rouge et tout le monde fut surpris par sa taille.

-    Quel diable !.. – dit l’un en s’éloignant.

-    Kokserek ! – dit Khassen en examinant soigneusement les blessures d’Akkaska.

On amena le loup dans l’aoul, on le jeta près de l’iourte de Kourmach, et ici la grand-mère reconnut Gris Feroce, comme Kourmach l’avait fait, à son oreille déchirée.

-    Kokserek ! – s’écria la grand-mère en agitant ses bras. – Que tu sois maudit... Où est ta conscience ? Sangsue !

Et elle frappa de son pied faible le loup dans sa bouche ouverte.

 

1929

 


[1] Soïl(m) – une massue en kazakh

[2] Jakan – une balle de plomb faite manuellement