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Ахмет Байтұрсынұлы
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Aouezov Moukhtar «La belle en deuil»

23.11.2013 1608

Aouezov Moukhtar «La belle en deuil»

Негізгі тіл: «La belle en deuil»

Бастапқы авторы: Aouezov Moukhtar

Аударма авторы: not specified

Дата: 23.11.2013

Six ans ... Six ans s’écoulèrent en deuil, en chagrin. Que longues, incolores, tristes, froides ces années furent. Elles ressemblaient à l l’automne précoce. Chacune d’elles était comme toute une vie.

Six ans Karagoze fut prisonnière du lit de veuve, vivant comme un oiseau dans une cage. Tous les jours passèrent sans chaleur, sans sourire. Et il semblait que Karagoze se résigna à son sort : sans languir, sans s’ennuyer, sans rêver d’une autre vie. Karagoze étonnait et était possiblement fière de sa résistance, de sa solitude, du fait qu’elle n’était pas comme les autres. Le deuil de veuve devint son habitude, sa coutume. Comme un voyageur s’habituait à l’obscurité d’une nuit noire pluvieuse et allait comme un aveugle, mais comme s’il  voyait quelque chose ...

Ce jour-là, comme d’habitude, elle était silencieuse et réservée. Mais tout son aoul se réjouissait bruyamment.

L’aoul de Karagoze était en route. Encore au crépuscule on avait démonté et chargé les yourtes, à peine brûla le soleil le sommet de la colline proche - les hommes étaient en selle, la propriété était sur les roues, le bétail était sur ses pieds. Ils levèrent le camp et se mirent dans les montagnes par des routes et cols vastes pour trouver un autre territoire de campement attirant par herbes épaisses, bocages ombreux et lacs froids.

Les femmes avec les enfants se serraient à cheval près des chariots par une foule parée, bigarrée, bavarde. Les jeunes conduisaient devant un troupeau de chevaux en nombre de quatre cent ou cinq cent têtes, les bergers conduisaient les troupeaux de moutons. Les chevaux et les moutons rappelaient un flux bouillonnant qui s’échappa du col dans un vaste espace des prairies ouvertes non foulées.

Le flux joyeux de la vie envahit dans le silence de vierge ... Les gens avaient l’âme en fête. De jeunes filles polissonnes et de jeunes femmes rieuses poursuivaient des hommes et des garçons, les rencontrèrent et accompagnèrent par salves des blagues mordantes et salées. Mais ils voulaient cela, c’était pourquoi ils s’approchèrent là vers les chariots. Les jeunes hommes caracolaient dans leurs selles que leurs chevaux sous eux. Les chevaux dansaient, hennissaient aux éclats, brûlaient de galoper vers le troupeau. Et à tout moment les gars les remettaient en galop et puis ils tombaient sur le troupeau avec des cris et sifflets en les chassant. Les centaines de chevaux, faisant leurs crinières flotter au vent allaient à toute vitesse au loin, faisant la terre trembler par bruit des sabots de tonnerre.

Le koche joyeux et bruyant – l’aoul nomade, pouvait-être, était capable de réveiller les roches anciennes du sommeil séculaire. Quand on regardait il semblait : des roches moussues souriaient malicieusement avec bonhomie par rides de pierre de leurs sommets escarpés, envoyant des salutations aux hôtes et leur rendant les honeurs .. Le djaylyaou qui avait été tristement vide pendant un an, ouvrait ses bras tendres comme une couronne branchue à un oiseau migrateur. Tout autour, juste à la grande fête, respirait la joie enivrante, la force violente.

Il était difficile de résister à ne pas sauter, ne pas crier et ne pas rire de tout coeur. L’excitation générale entraînait pas seulement les jeunes. Il n’y avait personne dans l’aoul qui n’avait pas été touchée par un vague rêve inconscient concernant quelque chose d’extraordinaire, d’inaccessible avant, et de si proche maintenant.

Le berger Boulate avait un demi-siècle. Sa moustache était grisonnante. Mais lui, lorsque le koche passait son troupeau avec brouhaha et cris de jeunes filles, sursauta adroitement  à sa jument louvet et fendit tout d’un coup dans la foule d’amazones. Il plaisantait aussi avec les femmes de son âge, les taquinait, leur clignait s’attirant un mot piquant. Et quand une jeune fille aux joues vermeilles donna soudainement le fouet au jument louvet sous lui, il sembla devenir plus jeune. Il se sentit comme un cavalier digne de son attention, et il se redressa d’une belle prestance, touchant sa moustache grise.

Karagoze allait dans un chariot à ressorts attelé de trois chevaux de front. S’étant alignée avec le berger elle lui cria soudainement :

- Ah, Boulate ... et tu as encore quelque chose à profiter, satan! Et tu as encore des étincelles du feu d’hier!

Les mots étaient compliqués, mais Boulate comprit leur sens. Bon, pensait-il, voilà et Karagoze nous remarqua. Et il se souleva vaillamment et respectueusement à ses étriers.

- Qu’y a-t-il à expliquer, ma chère ! Les jeunes femmes sont juste comme l’eau bouillante, je fond d’elles. Donc, je le sens dans toutes mes veines, ça m’enfonce  ...

Karagoze se détourna. Seulement, elle, la maîtresse du bétail et la maîtresse de l’aoul, la  première et la plus belle jeune fille dans cette foule polissonne et amicale, était indifférent à tout. Elle était plongée dans son chagrin. Elle était en tristesse. Et cela durait déjà depuis six ans ...

 

 

Elle avait un peu plus de vingt ans quand elle avait couvert sa tête avec un foulard noir et avait fermé la porte de joie devant elle. Auparavant, elle s’était considérée comme l’enfant chéri de la fortune. Auparavant, elle avait été gaie. La mort mauvaise subite prit son mari et brisa Karagoze. Parmi les hommes de l’âge de son mari Karagoze ne connaissait personne égale.

Il s’appelait Azimkhan, il était le seul fils de la famille. Ses parents avaient vécu dans leurs aouls, en leurs préoccupations et leurs besoins, et, finalement, ils s’étaient éloignés de lui. La personne la plus proche d’Azimkhan était son père Oussène, mais celui avait déjà franchi le cap de soixante-dix ans. Mais bien que Azimkhan ait été le seul dans la famille, il n’avait ni frères, ni sœurs mais il se rendit célèbre dans tout le volost Irgaylinskaya. Pouvait-être, personne de cette famille peu nombreuse ne put atteindre une telle renommée et un tel respect que Azimkhan.

Depuis longtemps les habitants du volost  Irgaylinskaya avaient été en désaccord avec les familles du volost Konyrtaouskaya. Et les uns et les autres n’avaient pas une vie facile. Le jour et la nuit, on avait entendu un cri d’appel et des cris d’orfraie : « A chevaux ! »,  des affrontements violents et un barymta mutuel acharné avaient eu lieu.

Encore avant le mariage avec Karagoze Azimkhan avait été parmi les gars les plus batailleurs, les plus audacieux. Habituellement, il avait été à la tête de la noblesse de sa famille et des autres familles quand elle attaquait avec lances et gourdins se battant pour l’honneur des habitants du volost  Irgaylinskaya. Mais souvent, Azimkhan se mettait seul aux  habitants du volost Konyrtaouskaya agissant à ses risques et périls, et puis il se fourrait dans des querelles. Les mauvaises langues disaient que les habitants du  volost Konyrtaouskaya haïssaient particulièrement la famille d’Oussène. Cela avait été entendu non pas une fois mais plusieurs fois. Il y avait une raison particulière pour cela.

Les habitants du volost Irgaylinskaya répondaient  à une incursion des habitants du  volost Konyrtaouskaya par deux ou trois incursion. Dans ce cas, le fils de Oussène était infatigable. Cette querelle était réchauffée par le fait qu’une jeune fille Karagoze vivait dans le monde, et elle avait fiancée depuis l’enfance pour un habitant du volost Konyrtaouskaya, petit-fils de Sybanbay, chef de la famille très riche.

Le fait que Karagoze avait été fiancée de l’habitant du volost  Konyrtaouskaya ne plaisait pas à Azimkhan ... Karagoze non plus ne l’avait pas aimé. Mais un d’habitants du volost Irgaylinskaya était d’un goût de Karagoze !

Le fiancé de Karagoze était boiteux, il avait blessé sa jambe à sa jeunesse. Même dans sa propre famille il n’avait pas été respecté et aimé.

Karagoze avait honte de devenir femme d’un homme misérable et décrépit, offensé par Dieu. Bien qu’il ait été impossible de désobéir à la volonté des parents, elle n’avait pas caché son mécontentement. Mais son père avait déjà pris le rançon pour elle.

La mère de Karagoze était un parent de Oussène et tendait narurellement vers lui. Son aoul était aussi proche au cœur de Karagoze. Elle avait souvent visité cet aoul pendant plusieurs jours - avec sa mère et la seule. Un garçon avait grandi là, il avait été le seul dans la famille, sans frères germains, mais il avait été un tel batailleur, comme s’il les avait été sept! Ce garçon était aimé par Karagoze plus que ses soeurs.

A vrai dire, ses parents lui avaient trouvé une autre fiancée quand il avait encore été mineur, et quand il avait grandi, il l’avait épousé. On n’échappait pas à son destin. Puis pour un deux malheurs avaient eu lieu : le père de Karagoze était mort et Azimhan avait enterré sa première femme. Auparavant, il avait été connu que Karagoze ne voulait pas épouser le petit-fils de Sybanbay. Mais on ne savait jamais quel caprice ait pu venir dans la tête de cette fille ! La mère n’avait pas écouté ses plaintes, lui tournant le dos et disant que le temps sera venu et nous aurons vu. Devenue veuve, la mère commença à écouter sa fille plus attentivement.

Ce temps-là Azime genti et courageux vint chez eux. Il vint pour les voir ...  Tout le monde pensait ainsi. Alors, pouvait-être, il pensait aussi ainsi parce qu’il était devenu veuf, orphelin. Quand il entra dans la yourte et vit Karagoze, pas celle qu’il avais connue auparavant, mais celle qu’il n’avait pas vue avant, delaquelle il avait seulement entendu des gens et avait soupçonné et son âme était remplie de fermeté.

Il se souvenait d’elle comme un enfant, un adolescent. Alors il voyait devant lui une jeune fille – de haute taille, mince, souple et forte. Quels beaux étaient ses cheveux ! Quels beaux étaient ses yeux ! Mais il ne l’avait pas vue seulement un an ... Devant lui il y avait la fiancée, dont il rêvait. Voilà son destin. Karagoze regardait timidement, mais le sang lui bouillait dans les veines. Elle pouvait sentir son excitation, et elle en était heureuse. Leur joie était partagée.

Et quand Azimhan, après avoir salué sa mère se tourna vers sa fille avec les mots habituels : « Est-ce que tu vas  bien, ma chère ? » - Et Karagoze répondit brièvement, il semblait qu’ils partagèrent l’aveu d’amour silencieux. Ils n’avaient pas besoin de mots pour se comprendre. Ils avaient parlé cœurs. Leurs cœurs étaient pleins d’espoir.

Peu de temps après cette réunion des négociations difficiles commencèrent.

Les parents de Karagoze ne s’opposèrent pas à Azimhan. Ils avaient de la bienveillance pour lui. Devenue veuve, et mère était pressé de s’appuyer sur la famille de Oussène. Elle cherchait une protection, et aucune protection n’était plus sure que la parenté. Azimhan obtint un accord secret. Cependant, c’était la moitié de l’affaire. Sur le chemin des fiancés il y avait une chaîne de montagnes avec un col dangereux – Sybanbay et les habitants du volost Konyrtaouskaya. La fiancée était une étrangère. Elle fut vendue à un clan ennemi.

Synbanbay était furieux après avoir appris les plans du vieux Oussène et de son fils. Les  habitants du volost Konyrtaouskaya se mirent en émoi des jeunes et aux vieux, profondément  blessés et offensés. Il était clair qu’ils n’auront pas cédé la fiancée sans lutte.

Qui savait comment cette affaire aurait tourné, probablement très mal, si une mort inattendue n’était pas encore arrivé. Le petit-fils de Sybanbay,  boiteux rabougris, n’était pas tenace : il donna son âme à Dieu. Tous les autres enfants de Sybanbay, fils et petits-fils, avaient les femmes ou les fiancées.

Pourtant, le vieillard têtu et obstiné dit qu’il ne voulait pas refuser sa recherche en mariage.

- Que Karagoze attende quelqu’un de mes plus jeunes petits-enfants.

Il voulait garder la beauté pour son arrière-petit-fils. Mais alors il devint discuter plus facilement avec lui. La loi de la steppe non écrite était sur le côté de Oussène.

Oussène remboursa à  Sybanbay tout le rançon payé pour Karagoze et elle devint fiancée de son propre fils. Un an après Azimhan l’ amena à son aoul avec la riche dot.

Il semblait qu’il était possible de faire la paix des habitants du volost Irgaylinskaya et des des habitants du volost Konyrtaouskaya. Et en fait, la querelle semblait être étouffée. Pendant deux ou trois ans ils  vécurent en bons voisins, mais dans ce temps heureux les deux parties observèrent jalousement les uns les autres et n’oublièrent pas l’ancien. Dans la steppe de clan l’ancien était impérieux.

Chaque fois quand la rumeur courait que Oussène avait atteint par sa force la richesse, Sybanbay avait fait tout pour dompter sa force et réduire la richesse. Mais Oussène était heureux lorsqu’il faisait un croc-en-jambe à Sybanbay. Leur orgueil de clan les aigrissait. Ils prévalaient tour à tour et ne pouvaient jamais faire rampeau. Il n’était pas donné à ces gens et et à ces clans de diviser entre eux la grande steppe, de la consacrer en paix.

De nouveau le barymta éclata, comme la peste et  alla aux camps.

En année funeste l’aoul de Oussène alla campé vers la rivière Kainda, dans les endroits préférés natals, où six ans plus tard le koche de Karagoze se portait. Les nuits étaient agitées. Dans l’aoul de Oussène on attendait l’incursion de réponse, et donc on laissait prèd du piquet  les chevaux de combat sous selles, chevaux forts et rapides. On avait le sommeil léger. Et voilà on entendit le cri familier : « A chevaux ! » Azimhan était le premier sur ses pieds et à cheval.

La nuit était calme, de clair de lune. Karagoze courut après son mari, attrapa la bride de son coursier alezan. Elle n’avait jamais été si effrayée, et n’avait jamais eu une telle peur.

- Il ne faut pas que vous seul ... – demanda-t-elle. - Envoyez les autres ... Il ne faut pas aujourd’hui, mon cher ...

Il ne suivit pas son conseil. Sa peur lui était antipathique. Le mal bouillonnait dans ses veines et l’appelait à avancer. Il était pressé et poussa Karagoze  sous le coup de la colère.

Encore trois ou quatre autres personnes galopèrent avec Azimhan. Ils passèrent avec fracas les monticules rocheux, comme un petit effondrement, et ont disparurent au loin.

Tout l’aoul bourdonnait dans leurs dos. Ceux qui restèrent sans chevaux, criaient en agitant les bras et allaient d’avant en arrière en vain.

Là, où Azimhan galopa, les bergers criaient frénétiquement en regardant comment les voleurs volaient leur troupeau. Les bergers couraient après les voleurs vils, mais à une distance considérable, parce qu’il y avait trop d’étrangers. Au moins il semblait ainsi en nuit.

Azimhan ne réunit pas les bergers et ne compta pas combien d’ennemis il y avait devant lui. Il envoya son cheval directement au bruit grondant du troupeau volé  qui ressemblait à un rugissement d’une avalanche de montagne. Azimhan atteignit vivement les cambrioleurs. Et puis, sans regarder en arrière, s’il y avait des djigites derrière lui, il dépassa les siens et les étrangers, il galopa  avec un cri pour dépasser le troupeau, essayant de faire le tourner et l’arrêter.

Azimhan était fier et chaud. Il ne connaîsait pas la peur ou la crainte, c’était pourquoi il inspirait la peur à plusieurs personnes. Cependant, il n’était pas particulièrement fort et assez habile. Il se battait hardiment et farouchement, mais il n’avait pas eu la main rompue  d’un vrai barymta parce qu’il était fils du maître. Le sang-froid lui manquait.

Habituellement il entraînait des patauds les plus timides et paresseux et effarouchait les ennemis. Cette fois-là, la bataille fut éphémère.

Deux gars forts habitués au barymta, remarquèrent un cavalier dans le clair de lune sur à cheval alezan. Il était impossible de le rattraper. Le cheval sous lui était trop fringant ! Mais il revint lui-même vers eux, tournant le troupeau. Et ils l’ont rencontrèrent ...

- Voici lui ... Allons ! Prenons-lui dans un étau ... dans un étau ... Azimhan s’écrasa entre deux hommes valeureux comme une hache dans un arbre visqueux. Il semblait être coincé. Tous les trois se mirent à tourner dans le même lieu aux  chevaux glapissants et rongeants. Azimhan donna un premier coup par gourdin dans la tête d’un gaillard à droite, à cheval gris. Le coup était sonore, court, léger. Le coup de retour sifflant fut raté – Azimhan s’esquiva, tombant à la crinière de son cheval. Mais le gars à gauche, à cheval jaune, qui semblait lambin  et maladroit, sans viser, flanqua un coup avec une massue directement dans le front d’Azimhan. Le coup fut sourd et terrible.

Ce coup arrêta et le cavalier et son alezan.

Azimhan  ne sentait pas comment il glissa sur la terre pliant ses jambes, jetant ses mains. Le cheval se tira à son visage par chanfrein et retira son chanfrein, se mettant à râler, dansant sur ses jambes minces.

Le gars qui le frappa, s’approcha et se pencha de la selle vers le couché et dit à l’autre, qui avait été frappé pàar Azimhan :

- Ah, toi ... Il est tombé plutôt mal de son cheval. Est-ce que tu as vu comment il est tombé ? A Dieu ne plaise, il peut mourir ... Est-il possible ?

- Et toi, comment tu bats... Est-ce que tu ne sais pas comment tu bats ? - murmura l’autre.

Azimhan était mort sans avoir le temps de faire à sa aimée son dernier adieu. La massue lui cassa le crâne. Quand ses gens arrivèrent, il ne respirait plus.

Karagoze dans l’aoul près de sa yourte sentit sa mort. Elle poussa un cri se tordant les mains. Elle tomba sur la terre, l’écoutant, en regardant l’obscurité par les yeux hagards. Et elle entendit de loin, des prairies, de là où soudainement les cris de combat se calmèrent, un nouveau bruit mystérieux et pas connu. Les voix étaient tristes, avec larmes. C’étaient les bergers qui allaient à l’aoul en criyant :

- Mon cher ! Mon soutien !

Depuis cette nuit le deuil de six ans de Karagoze commença.

Les habitants du volost Irgaylinskaya ne demeurèrent pas en reste envers les contrevenants. Dans une bataille, ils tuèrent aussi un homme, aussi jeune, parce que les jeunes gens allaient aux incursions ... En plus les habitants du volost Konyrtaouskaya avaient dû payer une rançon pour le meurtre, égale au coût d’une centaine de chameaux. La rançon était énorme ! Donc, ils inspirèrent de la crainte aux habitants du volost  Konyrtaouskaya... Ils voulaient réjouir la jeune veuve. Mais Karagoze ne se consola pas.

Ni le vieux beau-père Oussène, ni le petit fils Moukache ne pouvaient pas la détourner de sa douleur.

Les parents regardaient avec espoir Moukache de deux années. «  Il est mieux d’avoir une souris vivante qu’un lion mort », - dirent-ils par les mots du proverbe, en pensant qu’un djigite allait grandir de l’enfant, se rappellant le sang versé de son père, il aura rendu au centuple. Tous priaient Dieu pour Moukache, le dernier de la famille, comme s’il était le sort des habitants des volosts Irgaylinskaya et Konyrtaouskaya d’être en désaccord pendant les siècles et les générations...

Oussène de soixante-dix ans attendit la commémoration de son fils qu’on célébrait dans quarante jours après la mort, et il mourut décrépit, après avoir épuisé ses forces et après avoir faire dans sa vie tout ce qu’il put.

Le fardeau de l’homme tomba sur les épaules de Karagoze. Il n’était pas facile à une femme de gérer de grands biens. Il n’était pas facile à une jeune veuve de gérer le clan de son mari et son beau-père. Il y avait beaucoup de chasseurs autour d’elle et de sa richesse et de sa beauté ! Parmi eux il y avait les hommes entêtés, rasants. Les un la séduisaient, les autres la terrorisaient. Elle vint à bout de tous. Contrairement à sa mère, elle ne cherchait pas de protection et de soutien. Et ses troupeaux et ses moutons étaient bien.

Au début, elle semblait à la fois vieillie. Le sentiment du vide et du désespoir la suivait comme une ombre. Elle était seule, et sa tristesse était désespérée. Au crépuscule, pendant le temps de rendez-vous romantique, et à l’aube, pendant le temps du sommeil doux, Karagoze  cachant son visage sous un foulard de deuil, pleurait à chaudes larmes. Elle ne pouvait pas se retenir et elle ne voulait pas se retenir. Dans l’aoul on entendait comment elle pleurait, on ent entendait ses lamentations qui étaient mélodieuses comme un récit poétique de steppe. Elle appelait son mari et lui parlait pendant longtemps :

- Mon faucon chair, ailé ... tu es mon seul ... grand comme un peuplier près du ruisseau ... mon oré ... mon fort,  mon formidable, ma forteresse et ma liberté ...

Et ceux qui l’entendaient, retenaient les paroles et la musique de ses pleurs comme une chanson. Cette chanson était amère, plus amère que l’absinthe, mais on la passait de bouche en bouche. Et bientôt toute le volost Irgaylinskaya savait comment Karagoze faisait ses adieux et ne pouvait pas faire ses adieux à Azimhan comment ses soupirs brûlaient, comme mordantes  étaient ses larmes et comment déteignirent ses yeux et se ternirent les joues .

Avec le temps on commença à parler d’elle, une prisonnière de couverture de deuil, avec éloge, comment on parlait rarement de la femme :

- Regardez comment elle pleure son aimé ... Les vieillards et les vieilles qui virent dans leur vie tout, parlaient d’elle avec des mots, qui on utilisait en parlant pas de vifs, mais de morts qui  restèrent en légendes.

- Il n’y avait pas une femme comme Karagoze ! Son deuil est long, son deuil est saint... Il était charge aux imbéciles, il était exemple aux sages et il était plaisir à Dieu .

Cette gloire revint à Karagoze, comme un écho dans les montagnes, à plusieurs reprises. Cette gloire l’éleva et la forgea comme le grand froid d’hiver prenait par les glaces les eaux orageuses.

Les printemps fleurissaient, les djaylyaous se répandaient par les mers vertes. A la poursuite des printemps, l’aoul errait après la vie. Moukache grandissait et devenait fort. Et Karagoze restait fidèle à soi-même et à sa gloire rare. Elle vivait de vie de veuve, comme il était bon pour les vieilliards et Dieu, et elle ne caressait personne sauf son fils. Elle resista à mille de tentations et ne montra jamais sa faiblesse. Et cela durait déjà six ans.

Ce n’était pas en vain que les mots de Karagoze, quand elle dit au berger Boulate à propos de Satan et des  étincelles du feu d’hier, lui semblèrent pieux.

Et pourtant elle était jeune. Elle était vivante. Ses yeux noirs tristes étaient toujours beaux, ses joues étaient rouges et bronzées. Les larmes ne rongèrent pas sa beauté. Son corps, blanc-blanc, seulement légèrement grossi, était jeune. Il respirait la santé, la force rapide et douce. Le sang chaud bouillait, pas indifférent et pas calme.

Karagoze était une femme, une mère. Elle aimait et était aimée. Elle goûta le bonheur qui n’était pas destiné à chacune. Et tout à coup elle se trouva derrière la porte en fonte comme en prison. Ah, si les gens saviez qui chantaient ses lamentations, à quelle torture était Karagoze !

Si cette torture était agréable à Dieu, c’était vraiment l’enfer. En vain Karagoze soufflent la lampe et se couchant seule au lit lisait des prières. En vain, elle priait Dieu pour un bon sommeil. Le sommeil et le repos étaient pour les autres, faibles, pécheurs, pour ceux qui n’étaient pas loués par les bons vieillards. Son destin était un délire sombre de nuit, un délire de passion. Les serpents brûlants rempaient dans ses veines, et ils sortaient sur ses seins et embrassaient son cou, enlaçaient et cassaient tout son corps par une crampe douce et oppressive. Et il était impossible de se sauver de ces serpents. De la tombée de la nuit à l’aube Karagoze ne pouvait pas s’échapper, reprendre haleine, revenir à soi. En langueur atroce, aveugle et sourde, elle allumait une lampe, appelait la vieille servante de confiance, se dénudait devant elle et lui disait de la battre, d’arracher de sa poitrine le feu rampant comme un serpent. La servante avait peur de ce qu’elle n’avait pas de visage et elle priait aussi en peur. Karagoze se tordait devant elle, comme dans un accès. Mais la servant n’osait pas de penser que c’était la jeunesse qui s’arrachait des chaînes de deuil, que c’était la vie qui cherchait la vie.

Il fut le temps – le caractère de Karagoze changea. Elle semblait malade – elle devenait capricieuse avec les gens. Si quelqu’un faisait n’importe quoi concernant elle, elle éclatait comme la poudre, s’indignait, se mettait en colère pour rien, elle deventait intolérante, ridiculisait et offensait les gens sans pitié. Parfois elle se renfermait en soi-même, rampait comme une souris dans un trou, et gardait le silence tristement pendant des semaines, sans lever les yeux aux gens, comme une petite fille, et elle provoquait la pitié envers elle. Alors même les gens offensés par elle pensaient qu’elle ne se ménageait pas, et les gens ridiculisés s’étonnaient comme sévère elle était. D’autres fois, elle frappait les gens de sa volonté non féminine, de son esprit de maître, de son caractère impérieux brûlant comme un fouet.

Ce printemps-là, à la septième année du veuvage, Karagoze n’en pouvait plus.

Les jours étaient chaudes, festifs et radieux, joyeux, les nuits étaient froides mais claires, étoilées, séduisantes. Les montagnes, les prairies, les eaux rajeunirent. Tout brillait, tout bruissait. Les sabots des chevaux, le bêlement des moutons dans les djaylyaous vastes étaient la musique désirée. Les gens étaient ivres du bonheur de vivre sur les hauteurs au-dessous des nuages, sous les cieux d’aigle. Chacun avait dans son âme quelque chose propre, secret, intime – ce pouvait être l’espoir, ce pouvait être le rêve. Le berger Boulate qui s’était habitué  à ne pas dormir les nuits, gardant les moutons, et celui ne se gêna pas et cria devant les gens que l’ivresse venait dans ses veines ...

Karagoze se détourna quand il l’entendit. Mais à cause d’un mot inoffensif « chérie » de la voix enrouée refroidie du berger les serpents brûlants rampèrent sur le corps de Karagoze et elle fit courir sa troïka en avant jusqu’au rivage de Kainda.

Là, elle descendit du chariot y laissant Moukache dormant. Elle marchait lentement le long du rivage, envahi par la jeune boulaie à troncs blancs et par le merisier épais. L’eau résonnait doucement. La fraîcheur du matin enveloppait le visage et le cou de Karagoze mais sa poitrine brûlait. Ses jambes étaient faibles, ses genoux tremblaient. Elle voulais se coucher, se serrer contre la terre, embrasser les troncs de bouleaux ressemblant par son écorce soyeux à un corps vivant.

A la clairière connue, elle vit un tarantass démodé dételé avec les brancards  levés au ciel. Il n’y avaient ni hommes ni chevaux là. « Les voisins arriveront », - pensa-t-elle indifféremment. Là, près de Kainda Karagoze apprit pour la première fois à propos du décès d’Azimhan. Mais elle y pensait mollement. Elle étouffait, juste comme l’après-midi chadi. Son cœur battait dur et fort.

Du bocage proche, épais et ombreux, un éclat de jeune rire parvint. C’était le rire d’une jeune fille ... Puis un appel de cri joyeux parvint. C’était un gars ... Karagoze les entendait comme en somnolence. Elle voulait s’en aller, mais elle alla au bosquet où les voix s’entendaient.

A la lisière elle s’arrêta. Le rossignol siffla en vidant la gorge. Il siffla encore et craquela, chanta fortement comme un petit fouet. Combien de fois Karagoze entendit le rossignol dans cet endroit ! Mais elle l’avait passé. Alors, elle était debout levant son visage enflammé, clignant les yeux et elle écoutait et s’en délectait. Le rossignol sifflait une chanson, jamais entendue avant, Karagoze la comprenait.

Il chantait la chanson de ce rocher qui dominait comme la masse grise sur le bocage. Le rocher solitaire, il était blessé au cœur, il était triste. Il envoya un rossignol pour chanter à Karagoze. Elle devait savoir qui faisait mal au coeur de pierre. Elle était inconsolable la septième année, et il était inconsolable le septième siècle. Ils étaient égaux en sentiment, en douleur.

Alors le rossignol chanta la chanson de réponse à Karagoze. Après, elle l’envoya à répondre au rocher. Le rossignol chantait que belle elle était, que noirs étaient ses yeux et qu’il n’y avait rien de plus brillant que ses yeux, parce que son nom signifiait – aux yeux noirs ... Le rossignol chantait de son cœur abandonné, désolé, où il n’y avait ni gouttelette d’humidité ni brin d’herbe.

Karagoze écoutait le chanteur et lui demanda mentalement dans l’engourdissement doux : qu’est-ce que tu veux dire ? A qui mènes-tu ?

Elle pénétra furtivement dans la profondeur du bocage et vit derrière le feuillage épais le large dos d’un homme et les épaules d’une jeune fille, serrées par sa main. Le gars était en chemise blanche et en gilet noir, ses cheveux étaient bouclés et ébouriffés, bien sûr, par sa main. La jeune fille était aussi bien habillée. Ils étaient assis en embrassant, sur le rivage vert et claquaient des pieds nus l’eau. Kainda leur répondait par clapotis faible. Ils ne voyaient pas Karagoze, jouaient et riaient, faisant tomber l’un l’autre sans cesse sur l’herbe. La rêverie était absente.

C’étaient le fiancé et la fiancée de l’aoul d’Ismagoul qui était un parent éloigné de Karagoze. Elle les connaissait. Le gars était beau, en plus il était intelligent, savant. Il devait être avec sa fiancée tout l’été au djaylyaou, et les parents ne devaient pas gêner leur liberté.

Car ils étaient fiancés, ils étaient libres de décider s’ils allaient l’un à l’autre. Mais il était clair qu’ils se sentaient bien ensemble, qu’ils ne voulions pas se séparer.

Karagoze les regardait sans en détacher les yeux à travers le feuillage bien qu’elle ait du courir sans tourner la tête. Sa tête tournait. Le feuillage tourbillonnait devant vos yeux. Les serpents brûlants se gonflèrent avec une force incroyable dans ses veines et rampaient invisiblement sur sa poitrine, enveloppant son cou, ses bras, ses jambes et son corps. Encore une minute et ils l’auraient jeté à terre dans en la cassant en crampe douloureuse et insurmontable. Karagoze se surmonta de ses derniers efforts et retourna, tâchant de ne pas faire du bruit. Son visage brûlait avec honte et  peur devant elle-même.

Le koche de Karagoze s’approcha vers Kainda avec brouhaha joyeux, poussant des troupeaux.

Après avoir déchargé les chariots, on démonta et installa des yourtes. Comme d’habitude dans ces cas-là, on s’agita et était affairé jusqu’à tard dans la soirée. On se calma lorsque la lune se leva. Les gens fatigués se séparèrent. Tous s’endormirent. Le garde de moutons sans sommeil Boulate se coucha aussi sous un buisson, non loin du troupeau, se cacha et s’assoupit légèrement comme un chien.

Karagoze ne dormait pas. Elle se couchait clissée par serpents brûlants. Et elle voyait la gaieté générale des gens de cet après-midi, au chemin à Kainda. Alors, il lui semblait que tous les hommes, toutes les jeunes femmes plaisantant l’un avec l’autre, se moquaient d’elle, parce qu’elle était comme merle blanc parmi eux.

Pour la première fois pendant six ans, dans l’obscurité de la yourte Karagoze vit en rêve un jeune homme bien fait, aux cheveux ébouriffés, vêtu d’une chemise blanche et d’un gilet noir. Il alla tout droit à travers les murs de la yourte et l’embrassa avec ses mains froides, s’accrochait à son cou, riant et chuchotant à son oreille. Elle voulait l’embrasser, mais il disparut, mais elle l’entendait murmurer - il l’appelait. Karagoze s’écria :

- Oh, Dieu, je ne peux plus! Oh mon Dieu, pour quoi je dois vivre ?

Elle se leva et se précipita hors de la yourte sans penser où. L’aoul, comme s’il était blanchi et argenté par la lune, était calme et silencieux. Il n’y avait personne entre les yourtes. L’herbe brillait sous les pieds nus de Karagoze, une chemise mince brillait sous sa chevelure noire. Karagoze ne se sentait pas le froid de la nuit. Elle était en feu. S’étant approchée de la rivière, elle entra dans l’eau claire sur le genou et se coucha sur le dos sur le rivage en pente. Son corps se dénuda. Il était aveuglantement blanc. Et les serpents brûlants glissaient sur son corps.

La voix refroidie enrouée l’appela comme si du sommet du rocher :

- Karagoze chère ... Est-ce que c’est toi ? Qu’est-ce qui se passe avec toi ?

Elle ne comprenait pas qui et de quoi lui parlait. Elle entendit la voix d’un homme, et tendit immédiatement ses mains, sans se lever de la terre. Et quand les traces lourdes de l’homme craquèrent sur l’herbe et un homme s’approcha et se pencha sur elle, elle le tira avec force, l’embrassant par tout son corps et commença à le baiser.

Le ciel de lune pâlit, la splendeur de l’eau et de l’herbe s’éteignit, les reflets des blancs  brumeux lointains de montagnes fondirent. Et les serpents brûlants dansaient joyeusement dans les veines de Karagoze. Dans l’assombrissement de passion elle ne voyait que la joue grise de Boulate et ses dents blanches de loup.

 

 

 

 

 

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