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Ахмет Байтұрсынұлы
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Aouezov Moukhtar «Dans le caveau des sybans»

23.11.2013 1566

Aouezov Moukhtar «Dans le caveau des sybans»

Негізгі тіл: «Dans le caveau des sybans»

Бастапқы авторы: Aouezov Moukhtar

Аударма авторы: not specified

Дата: 23.11.2013

        L’aoul s’étendait le long de la pente sud de Koksenguère. C’était le soir. Le temps où l’abreuvoir touchait déjà à sa fin. Les troupeaux des aouls voisins se mettaient lentement vers la steppe, aux pâturages. L’air était plein de bêlement frénétique des moutons et des agneaux éloignés des troupeaux. Pour échapper à ce bruit, nous avec aksakal Jortar, gardien de l’aoul nous rendîmes à une colline rocheuse qui se dressait au-delà du puits. Groupés étroitement, les troupeaux de moutons se roulaient plus loin au sud, en animant la monotonie verte de la steppe et en ravissant l’œil. Les derniers rayons du soleil couchant inondèrent la steppe de lumière pourpre oré douce, et de cela l’aoul du soir semblait particulièrement pittoresque et animé. Plus hautement nous descendions dans la colline, plus largement  l’image majestueuse de la steppe du soir s’ouvrirait devant nos yeux. L’air pur et clair, le sentiment d’un immense espace donnait naissance dans l’âme aux vagues espérances, en faisant penser et rêver.

Je ne compris pas encore mon état d’esprit, n’interpéta pas mes désirs, mais tout à coup je tint à entendre de la bouche de Jortar l’histoire de son passé. Dans sa jeunesse, Jortar avait été batyr, toute la steppe kazakhe le connaissait. Un frisson prenait les gens à une simple mention de son nom. Ni barymta, ni bagarre ne se passaient sans lui. Il était un guerrier courageux et habile, qui possédait une lance de main de maître. Quand je le vis un vieil homme, j’essaya d’imaginer quel il avait été dans les temps lointains de sa jeunesse. La taille grande, les épaules d'archine, la grosse tête et le visage calme agréable disaient de la santé de batyr et de la force innée. Les rides profondes, creusées son visage au fil des ans, semblaient garder les traces des années violentes et sévères. Fanés, avec des blancs jaunis, mais toujours gardant un vif éclat les yeux, les grandes oreilles, le grand nez expressif achevaient  l’apparence du batyr légendaire.

Oui, Jortar était un vrai représentant des vieux temps profonds. Lorsque nous avons atteignîmes le sommet de la colline, j’osai exprimer son désir. Mes compagnons m’appuyèrent tous ensemble.

En réponse à une demande de raconter du passé, l’aksakal dit doucement et poliment : « Mes chers, beaucoup de ce que j’avait vu, s’est couvert déjà de l’ombre de l’oubli, je peux à peine me souvenir de quelque chose ».

Un silence gênant tomba. S’étant assi près de nous seulement l’aksakal Koudayberguen nous aida à rompre le silence :

- Raconte quelque chose aux gars. Maintenant il nous reste, aux vieillards, seulement nous souvenir et raconter de notre passé.

Et Jortar commenca son histoire. Il parlait simplement et en même temps d'une façon pittoresque et vivement.

Son histoire me resta dans la mémoire presque mot à mot. Voilà cette histoire.

- Je ne vais pas parler des batailles et des guerres, – dit Jortar, tirant un chakcha - une tabatière fait du corne. - Il est mieux d’écouter, comment une fois j’avais grande peur.

Dans l’attente de l’histoire extraordinaire nous ne pouvions pas détacher des regards du visage de Jortar.

- J’ai été jeune comme vous. Le jour et la nuit, je cherchais d’aventure. Ces jours-là, nous, djigites, étions allés même aux campagnes lointaines, presque toujours seuls, partaient le moins pour une semaine ou même pour un mois ou plus. D’habitude, nous étions allés à Tarbagatay – Karakéry, Sémiznayman, Mouryndy.

Cela m’est arrivé en automne. J’ai été prêt à faire une campagne. Atteignant le territoire de campement du tribu des sybans, je me suis souvenu que le batyr nommé Tobète vivait ici. J’ai entendu dire qu’il avait longtemps cherché une occasion de me rencontrer. Il n’était pas mon ennemi, il voulait juste se mesurer avec moi.

Après une longue errance ennuyeuse dans la steppe je suis arrivé aux aouls de Tobète. L’automne était pluvieuse. Et ce jour-là la pluie fastidieuse versait sans cesse dès le matin. J’espérais que vers le soir les nuages ​​se seront dispersés, mais le temps n’a pas changé, la pluie ne cessait pas. Encore un fort vent froid a commencé. Une nuit sombre et lugubre a rapidement remplacé le crépuscule.

Je ne me suis jamais dévoyé et n’ai jamais erré - ni pendant une tempête, ni  pendant une nuit noire. Et cette fois-là, malgré l’obscurité totale, je suis arrivé exactement à l’aoul de Tobète. A travers le hurlement du vent, j’ai saisi un hennissement à peine perceptible.

Le cheval sous moi était blanc, fort et endurant. A vrai dire, il ne pouvait pas se mettre au galop tout d'un coup, mais alors quand il prenait de la vitesse, aucun cheval ne pouvait pas l’attraper. Mais ce soir-là à cause de la forte pluie le cheval allait sans entrain et mollement. Tout à coup, il a reniflé et s’est arrêté. Je me suis couché sur la crinière et regardait attentivement. Quelque chose devant noircissait. En m’approchant de plus près, j’ai vu un caveau rectangulaire  - le mazar.

« Probablement c’est la tombe de quelqu’un du tribu des sybans », pensais-je. Complètement trempé et mouillé jusqu'aux os, j’ai décidé de rester dans le caveau, et puis, quand la pluie s’arrêtait et il éclaircissait, de poursuivre mes recherches de Tobète. J’ai mis pied à terre et ai mené le cheval au côté sous le vent. Ayant attaché les rênes à la ceinture, je suis entré dans un mazar assez haut et vaste et m’est assis dans le coin prochain. Il faisait noir comme dans un four. Le vent se déménait avec gémissement. Il pleuvait à verse...

Franchement, d’abord il était effrayant, mais peu à peu je me suis calmé.

Autrefois on disait que dans les cimetières pendant la nuit les diables erraient, les sorcières et autres esprits immondes faisaient des sabbats. Mais je n’y pensais pas. Réchauffé un peu j’ai enfoncé la kamtcha dans le sol, me suis appuyé sur elle avec mes deux mains et me suis endormi insensiblement.

J’ai dormi très bien, mais, comme toujours, j’ai eu le sommeil léger. Tout à coup, dans le coin opposé quelque chose a craqué. J’ai ouvert mes yeux. Le mazar sombre était pleine de lumière. Mon sommeil a immédiatement disparu. Puis la lumière s’est éteinte pour un instant, et quelque chose dans le coin a poussé des oh. J’ai compris que c’était le diable, et je me suis mis à lire toutes les prières que je connaissais. Je n’avais pas assez de force pour m’approcher vers la place d’où le craquement a retenti. Je me suis serré, y a jeté un regard en biais, et il me semblait que quelque chose énorme et noir y a bougé. La peur m’a saisi.

Après un certain temps, le craquement s’est répété. Dans le mazar il est devenu encore plus clair, mais peu de temps après la lumière a commencé à pâlir et s’est éteinte. Je me suis penché et d’abord je n’osais pas même regarder le côté, mais quand il faisait presque nuit, j’ai levé les yeux et j’ai vu un monstre.

« Il fallait croire que c’était un dragon ou le diable lui-même », pensais-je. Il n’y avait aucune ressemblance avec un homme. Il était complètement nu et noir comme la nuit. Il était de haute taille, plus haut que moi, peut-être. Les cheveux étaient hérissés de tous côtés. Mais sa bouche m’a semblé la plus effrayante. La bouche était énorme comme une grotte, elle rejetait du feu, les dents sortaient comme des crocs. Le feu s’échappait hors de la bouche comme d’un dragon.

Honnêtement, j’étais tellement effrayé que je ne pouvais pas me lever et courir - les jambes ne m’obéissaient pas. Ce temps-là, de nouveau quelque chose a craqué deux fois et le feu s’est enflammé. J’ai jeté un regard furtif et j’ai vu la même gueule enflammée.

J’ai enfoncé la tête dans les épaules et je me suis serré de telle sorte que s’il y avait une crevasse dans le sol j’y serais tomber. Je n’avais pas de force même de bouger. Complètement effrayé, je restais assis et attendais que le monstre m’aura déchiré en morceaux.

Encore lors la première flamme du feu le cheval a déchiré la bride et s’est éloigné au galop. Mais je ne pensais pas du tout au cheval. Je n’avais des armes que une massue et une lance, mais je les ai laissées  à l’entrée du mazar. J’ai eu sur moi seulement un petit poignard dans la gaine, mais il me semblait que si je faisais un petit mouvement, le monstre immédiatement se sera jeté sur moi.

Le minuit s’approchait. Le vent se démenait encore comme un fou, et son hurlement semblait devenir encore plus fort. La pluie jaillissait contre les murs. Chaque fois que je regardais le monstre je pensais : « C’est ma mort. Evidemment, je suis destiné à rencontrer ma mort dans la steppe perdue, dans le mazar d’autrui, tout seul ». Mes pensées tristes ont été interrompues par le fait que le monstre s’est levé brusquement et s’est dirigé vers moi. Les yeux clos je me sentais l’approche de quelque chose froid. Je me suis mis à lire une prière de la mort. Ayant entendu un craquement j’ai ouvert mes yeux. Pour un instant tout autour a été inondée de la lumière aveuglante, le monstre avec les cris s’est approché lentement et s’est jeté sur moi. Lorsque cette masse énorme sombre s’est approché vers moi, je pouvais voir ses mains. Les doigts noirs étaient pliés comme les griffes de l’aigle royal, et tout son bras était comme une gueule ouvert du loup. Et voilà, ces deux mains me tendaient. Lorsque le monstre s’est jeté sur moi, je pensais qu’il aura pu réduire par telles mains mes os en farine en un clin d’œil. Mais rien de tel ne s’est passé. Bien que sa prise ait été forte, mais ses mains me semblaient ressemblant à celles humaines.

Le monstre m’a saisi par les épaules et m’a tiré et après il a crié impérieusement :

- Déshabille-toi et couche-toi dans la tombe - tu es mort! La voix, sans doute, aussi, était humaine. Cela m’a calmé un peu. Et quand le monstre a commencé à me tirer, j’ai pris fermement ses mains, et je suis levé, et nous en sommes venus aux mains.

- Si je me déshabille, bien-sûr tu vas mettre mes vêtements ? Mais je suis né un homme. Dieu est témoin de cela, - j’ai dit.

Il n’y avait aucune réponse.

Nous en sommes venus aux mains dans le mazar sombre comme deux ours, et étions glacés dans une poigne morte.

Ni lui ni moi nous n’avons lâché les mains. Au début, c’était difficile de prendre son corps nu, mais quand j’ai serré les mains en croisant les doigts derrière lui, je me sentais un peu plus sûr.

Respirant bruyamment, pressant l’un l’autre de toutes nos forces, nous avons commencé à lutter dûment. Il me semblait qu’il n’était pas plus fort que moi. Ayant trouvé le moment, j’ai rassemblé toutes mes forces, j’ai arraché le monstre de la terre, je l’ai levé au-dessus de ma tête et l’ayant heurté contre le sol je me suis assis sur sa poitrine. Pour me venger de la peur, d’une main je l’ai attrapé par la gorge et j’ai commencé à l’étouffer, et de l’autre main, après plusieurs coups durs à sa poitrine, j’ai tendu vers mon poignard. Quand en colère j’ai porté le poignard à la gorge de l’ennemi, pour séparer sa tête de ses épaules en un seul coup, ayant vu la lame brillée dans l’obscurité, il a crié :

- Jortar, c’est vraiment toi ? Je t’ai reconnu tout d'un coup selon la force de ton poing.

Je l’ai reconnu aussi par sa voix et j’ai jeté mon poignard de côté. C’était le batyr Boura-altayak de Togay.

Nous étions anciens amis et plus d’une fois nous avions partagé le dernier morceau de viande dans les campagnes. Donc, le monstre qui m’a fait peur était mon ami proche !

Boura-altayak était aussi venu aux sybans pour explorer. Mais quand il avait pris un peu de repos dans les montagnes désertes, Tobète est tombé sur lui et l’a capturé. Il a passé un mois entier comme prisonnier, mais alors, cette nuit-là pluvieuse, il s’est enfui. Vêtu facilement, il s’est couché dans le mazar pour attendre la fin du mauvais temps. Quand je suis allé là-bas, il a décidé que Dieu lui a accordé la grâce. Il n’avait aucune arme. Il n’avait qu’une boîte d’allumettes. Sans compter sur la force, il a décidé de me prendre par une ruse : il s’est déshabillé complètement et a commencé à frotter des allumettes, et quand une allumette s’éteindait, il prenait une bougie dans ses dents et me faisait peur. La cause de ma peur était une simple allumette.

- Mais qui de nous, les Kazakhs, savait alors sur les allumettes ? Si nous avions besoin d’un feu, nous le faisons utilisant une mèche et un silex. C’est comme ça que j’ai eu peur des allumettes – l’aksakal finit et rit avec satisfaction.

Nous rîmes aussi de son histoire. La crépuscule tomba et nous nous dirigeâmes vers l’aoul.

1923

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